L’adaptation de la technologie RTM (Resin Transfer Molding) aux matrices thermoplastiques (TP) est un enjeu majeur pour l’industrie aéronautique et automobile depuis plusieurs années. Ces matériaux sont activement recherchés au détriment des matrices thermodurcissables (TD) traditionnelles du fait de leur plus grande ténacité, de leur intérêt écologique supposé (développement durable et recyclage en fin de vie), de leur potentialité à réduire le cycle de mise en œuvre (donc une plus grande capacité de production) et de leur capacité de soudage.
Le projet ANR RTMPlast vise donc à développer un nouveau procédé de mise en œuvre RTM de pièces composites à matrice TP et à fibres longues. Ce programme scientifique pluridisciplinaire, piloté par le Laboratoire de Thermocinétique de Nantes (LTN), regroupe plusieurs partenaires industriels et académiques : ARKEMA, EADS IW, le Pôle de Plasturgie de l’Est, le LTN (UMR 6607), le GeM (UMR 6183), le LOMC (UMR 6294), l’IMP (UMR 5223) et le PBS (UMR 6270). Ce projet propose différentes études portant sur la thermique (contrôle du cycle de mise en œuvre), la résolution de modèles numériques ou encore le développement d’un outillage démonstrateur industriel et d’instrumentations non intrusives permettant le suivi en temps réel et in situ des différentes étapes de mise en forme (remplissage, polymérisation et cristallisation) ainsi qu’un volet chimique.
Le poly(éther cétone cétone) (PEKK) est un polymère thermoplastique thermostable de la famille des poly(aryl éther cétone) (PAEK) dont les propriétés exceptionnelles lui confèrent un intérêt tout particulier dans le domaine aéronautique. Cependant, les hautes températures nécessaires à la fusion de ce type de polymère, ainsi que sa haute viscosité à l’état fondu le rendent totalement incompatible avec le procédé RTM (vis-à-vis d’une injection à l’état fondu du polymère).
Le challenge ultime du volet chimique sera donc d’adapter le procédé de synthèse à l’outil RTM pour obtenir un composite TP thermostable de type PEKK in situ.
C’est dans ce cadre que s’inscrivent les travaux de thèse présentés dans ce manuscrit. L’objectif est donc de proposer une nouvelle voie d’accès à des structures de type PEKK semi-cristallines via une synthèse post-injection sans condensation et sans solvant. Pour cela, nous avons étudié, en étroite collaboration avec ARKEMA, la synthèse puis l’allongement de chaîne de plusieurs monomères téléchéliques de faible masse molaire capables de réagir dans un moule fermé.
ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
L’étude bibliographique proposée dans ce chapitre vise à préciser les choix et orientations faits au cours de cette thèse. Les poly(aryl éther cétone)s (PAEKs), des polymères thermoplastiques thermostables hautes performances, seront présentés dans un premier temps. Leurs propriétés ainsi que les différentes méthodes permettant leur synthèse seront décrites. La mise en forme de matériaux composites par le procédé de moulage par injection de résine (RTM) sera ensuite présentée. Les spécifications et contraintes qu’impose l’application de cette méthode aux polymères thermoplastiques seront détaillées ainsi que le cahier des charges du projet RTMPlast. Enfin, les différentes stratégies et orientations envisagées afin de répondre à ce cahier des charges seront présentées.
Les Polyaryléthercétones
Les PAEKs sont des polymères techniques thermoplastiques de très hautes performances. A travers cette première partie, nous exposerons les particularités de ce type de polymère en présentant l’influence de la structure du squelette carboné sur les propriétés finales. Puis les différentes méthodes de synthèse seront détaillées afin d’avoir une revue la plus large possible de cette famille de polymères hautes performances.
Les propriétés des PAEKs
Généralités
Cette famille regroupe un ensemble de polymères thermoplastiques dont le squelette carboné se compose de noyaux aromatiques réunis par des fonctions éthers et carbonyles comme le poly(éther cétone) (PEK), le poly(éther éther cétone) (PEEK), le poly(éther cétone cétone) (PEKK), le poly(éther éther cétone cétone) (PEEKK) ou encore le poly(éther cétone éther cétone cétone) (PEKEKK).
Les propriétés exceptionnelles de ces polymères sont :
– Des propriétés thermiques élevées avec des températures de transitions vitreuses (Tg) supérieures à 130°C et des températures de fusion (Tf) pouvant avoisiner les 400°C . Ils présentent des températures maximales d’utilisation en continu de 250°C et des températures de dégradations (Td) de l’ordre de 500°C.
– Des propriétés mécaniques élevées et constantes sur un intervalle de température allant de
-100°C à la Tg (par exemple, une résistance à l’usure sans lubrifiant élevée)
– Une excellente résistance au feu (sans additif d’ignifugation), à la thermo-oxydation ainsi que de bonnes propriétés diélectrique (isolation électrique)
– Une très bonne résistance aux attaques chimiques (traduite par l’insolubilité des PAEK dans la plupart des solvants organiques usuels, les acides, les sels et les huiles)
– Un faible taux de bullage, de coefficient de friction et une légèreté par rapport à l’acier, l’aluminium et au titane.
Toutes ces propriétés font que ces polymères sont destinés à des domaines d’applications de pointes tels que le médical (biocompatibilité, implants…), l’électronique et les transports (aéronautique et automobile) afin de concurrencer directement les métaux et ainsi permettre des gains d’énergie. En 2012, le marché mondial des PAEK représentait 4200 tonnes avec près de 50% en Europe.
Relations structures / propriétés
Les propriétés des PAEK dépendent de deux paramètres majeurs: le taux de cristallinité et la nature du squelette carboné. La cristallinité est influencée par le mode de synthèse, le procédé de mise en forme et la nature du squelette. Ce squelette influe sur les propriétés des PAEK selon deux points :
– le rapport en nombre des motifs éthers / cétones
– la substitution des groupements aromatiques avec des jonctions méta et para.
Influence des motifs éthers et cétones
La proportion de motifs cétone et éther dans le squelette carboné a un impact sur les propriétés thermiques et la cristallisation des PAEK. Une fonction éther est plus flexible qu’une fonction cétone car elle possède une barrière énergique plus faible favorisant les rotations. Lorsque la proportion de fonctions cétone augmente, la chaîne devient plus rigide ce qui augmente la Tg et la Tf .
Influence de l’introduction de copolymères
L’un des enjeux majeurs dans le domaine des polymères hautes performances est l’augmentation de la température de transition vitreuse afin d’avoir des températures de services des matériaux composites toujours plus élevées. Dans ce but, la synthèse de copolymères de PAEK est très largement étudiée avec des blocs poly(éthersulfone) (PES), polyamide (PA) ou bien polyimide (PI). L’incorporation de ces fonctions engendre également une diminution de la Tf des polymères. Ceci peut être un avantage du point de vue du procédé avec une fenêtre plus large entre la fusion et la dégradation des matériaux.
Dans le cas de copolymères PAEK/PES, les groupements sulfone réduisent le caractère cristallin au profit de l’amorphe du fait de la morphologie désordonnée des PES (Tg de l’ordre 225°C). Ceci se traduit par une augmentation de la Tg alors que la Tf et le degré de cristallinité (χc) diminuent .
Dans le cas de copolymères avec des groupements amide et imide, l’augmentation de la Tg est due à une augmentation de la rigidité de l’ensemble du polymère. Les fonctions amide engendrent l’apparition de liaisons intermoléculaires qui diminuent les mouvements de chaînes et rigidifient l’ensemble du polymère. Les groupements imide amènent les mêmes contraintes intermoléculaires du fait de leur rigidité et de leur polarité. La Tf des matériaux semi-cristallins est diminuée du fait d’une perte de régularité de la chaîne.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Étude bibliographique
I.1. Introduction
I.2. Les Polyaryléthercétones
I.2.1. Les propriétés des PAEKs
I.2.1.a. Généralités
I.2.1.b. Relations structures / propriétés
I.2.2. Les voies de synthèses
I.2.2.a. La substitution nucléophile aromatique
I.2.2.b. La substitution électrophile aromatique
I.2.2.c. L’ouverture de cycle
I.2.3. Conclusions
I.3 Le procédé « Resin Transfer Molding »
I.3.1. Le RTM traditionnel
I.3.1.a. Les principes du procédé
I.3.1.b. Applications aux thermodurcissables
I.3.2 Le RTM thermoplastique
I.3.2.a L’adaptation du procédé RTM au TP
I.3.2.b Les systèmes réactifs actuels du RTM TP
I.3.3. Le projet RTMPlast
I.4. Orientations du travail
I.4.1. Chimie réactive sans condensation
I.4.1.a. Les voies de couplages réactifs
I.4.1.b. Les coupleurs de chaînes imino-éthers
I.4.2. Les monomères réactifs
I.5. Conclusions
I.6. Références bibliographiques
Chapitre II : Synthèse et caractérisation de monomères bi-fonctionnalisés
II.1. Introduction
II.2. Synthèse des monomères
II.2.1 Synthèse du NC-EKKE-CN para substitué
II.2.1.a. Optimisation des conditions opératoires
II.2.1.b. Purifications
II.2.2 Caractérisations du NC-EKKE-CN para substitué
II.2.2.a. Caractérisation par IRTF
II.2.2.b. Caractérisation par RMN
II.2.2.c. Caractérisation par spectrométrie de masse LDI-TOF
II.2.2.d. Caractérisation par ATG
II.2.2.e. Caractérisation par DSC
II.2.3 Généralisation aux monomères X-EKKE-X
II.2.3.a. Synthèses et optimisations
II.2.3.b. Purifications des monomères
II.2.3.c. Caractérisations des monomères X-EKKE-X
II.3. Conclusions
II.4. Partie expérimentale
II.4.1 Préparations et caractérisations des monomères
II.4.1.a. Synthèse du O2N-EKKE-NO2
II.4.1.b. Synthèse du NC-EKKE-CN para substitué
II.4.1.c. Synthèse du NC-EKKE-CN méta substitué
II.4.1.d. Synthèse du NC-H2C-EKKE-CH2-CN
II.4.1.e. Synthèse du HOOC-EKKE-COOH para substitué
II.4.1.f. Synthèse du HOOC-EKKE-COOH méta substitué
II.4.1.g. Synthèse du HOOC-H2C-EKKE-CH2-COOH
II.5. Références bibliographiques
Chapitre III : Substitution nucléophile aromatique et modification des extrémités
III.1. Introduction
III.2. Les monomères à extrémités amine
III.2.1 État de l’art
III.2.1.a. La voie directe par SnAr
III.2.1.b. La modification chimique des groupements NO2
III.2.2 Synthèses des monomères
III.2.2.a. L’hydrogénation du O2N-EKE-NO2
III.2.2.b. La réduction chimique
III.2.2.c. La voie directe par SnAr
III.2.3 Caractérisations thermiques des monomères
III.2.3.a. Le H2N-EKKE-NH2
III.2.3.b. Le H2N-H2C-EKKE-CH2-NH2
III.2.3.c. Conclusions
III.3. La modification chimique des extrémités nitrile
III.3.1. L’hydrolyse des nitriles
III.3.2. La synthèse d’extrémités oxazoline
III.3.2.a. État de l’art
III.3.2.b. Molécule modèle
III.3.2.c. Synthèse du EKKE à extrémités oxazoline
III.4. Conclusions
III.5. Partie expérimentale
III.5.1. Préparations des monomère à extrémités amine
III.5.1.a. Synthèse du H2N-EKKE-NH2 sous pression d’hydrogène
III.5.1.b. Synthèse du H2N-EKKE-NH2 par réduction chimique
III.5.1.c. Synthèse du H2N-EKKE-NH2 par SnAr
III.5.1.d. Synthèse du H2N-H2C-EKKE-CH2-NH2 par SnAr
III.5.1.e. Synthèse du H2N-EAAE-NH2
III.5.2. Modifications chimiques des extrémités nitriles
III.5.2.a. Synthèse du HOOC-EKKE-COOH par hydrolyse
III.5.2.b. Synthèse du DPE-Ox
III5.2.c. Synthèse de l’xO-EKKE-Ox
III.6. Références bibliographiques
Chapitre IV : Synthèses et caractérisations de molécules modèles et de polymères pour le RTM TP
IV.1. Introduction
IV.2. Couplages réactifs pour le RTM TP
IV.2.1. Le couplage m-COOH/1,3-PBOX
IV.2.1.a. Etude préliminaire
IV.2.1.b. Synthèse et caractérisation structurale
IV.2.1.c. Caractérisations thermiques
IV.2.2. Le couplage m-COOH/1,4-PBOX
IV.2.2.a. Etude préliminaire
IV.2.2.b. Synthèse et caractérisation structurale
IV.2.2.c. Caractérisations thermiques
IV.2.3. Conclusions des couplages m-COOH/PBOX
IV.2.4. Le couplage p-COOH/1,3-PBOX
IV.2.4.a. Etude préliminaire
IV.2.4.b. Synthèse et caractérisation structurale
IV.2.4.c. Caractérisations thermiques
IV.2.5. Le couplage p-COOH/1,4-PBOX
IV.2.5.a. Etude préliminaire
IV.2.5.b. Synthèse et caractérisation structurale
IV.2.5.c. Caractérisations thermiques
IV.2.6. Conclusions des couplages COOH/PBOX
IV.3. Synthèses et caractérisations de molécules modèles
IV.3.1. Synthèses et caractérisations de la M-EA
IV.3.1.a. Synthèse de la M-EA
IV.3.1.b. Caractérisations structurales de la M-EA
IV.3.1.c. Caractérisations thermiques de la M-EA
IV.3.2. Synthèses et caractérisations des molécules à pont amide
IV.3.2.a. Synthèses
IV.3.2.b. Caractérisations thermiques
IV.3.3. Conclusions des molécules modèles
IV.4. Conclusions
IV.5. Partie expérimentale
IV.5.1 Le couplage HOOC-EKKE-COOH + PBOX
IV.5.1.a. Protocole générale
IV.5.1.b. Le couplage m-COOH/1,3-PBOX
IV.5.1.c. Le couplage m-COOH/1,4-PBOX
IV.5.1.d. Le couplage p-COOH/1,3-PBOX
IV.5.1.e. Le couplage p-COOH/1,4-PBOX
IV.5.2 Les molécules modèles
IV.5.2.a. La molécule modèle ester-amide M-EA
IV.5.2.b. La molécule modèle amide aromatique M-A1
IV.5.2.c. La molécule modèle amide aliphatique C6 M-A2
IV.5. Références bibliographiques
Conclusion générale