Les travaux de recherche sur l’observation et la synthèse d’observateurs des systèmes non linéaires continuent à susciter l’intérêt de la communauté automaticienne à travers le monde. Plusieurs approches ont été adoptées pour la synthèse de ces observateurs. La première approche, qui a suscité beaucoup d’intérêt pendant longtemps, est celle basée sur le filtre de Kalman. Cet intérêt est essentiellement dû à une simplicité relative dans sa mise en oeuvre même pour des systèmes de taille importante. De plus, ce filtre constitue souvent le point du départ pour la synthèse d’observateurs pour de tels systèmes. Toutefois, dans la plupart des cas, on manque de preuve de convergence du filtre. Une deuxième approche est basée sur la linéarisation de l’erreur d’observation. Elle consiste à mettre le système sous une forme où les non linéarités du système de dépendent plus que des entrées et sorties. La difficulté essentielle posée par cette approche consiste en la recherche des transformations appropriées qui mettent le système sous la formé désirée ([Boutat et al., 2009, Gauthier and Hammouri, 1992, Guay, 2002, Krener and Isidori, 1983, Krener and Respondek, 1985, Rajamani, 1998, Respondek et al., 2009, Xia and Gao, 1989, Tami et al., 2016]). Une troisième approche est basée sur des techniques LMI qui s’appuient sur des équations de type Lyapunov ou Riccatti, algébriques ou différentielles ([Rajamani, 1998, Zemouche and Boutayeb, 2013]). La synthèse de l’observateur repose alors sur la faisabilité d’un certain nombre d’inégalités matricielles linéaires (Linear Matrix Inequality, LMI). L’inconvénient majeur de cette approche réside dans l’absence dans la plupart des cas de conditions exploitables garantissant la faisabilité des LMI considérés. En effet, la faisabilité de ces LMI devra être vérifiée a priori de manière numérique ([Arcak and Kokotović, 2001]). La quatrième approche utilise des outils de l’algèbre différentielle. Elle consiste à exprimer les états non mesurées en fonction des sorties, des entrées et de leurs dérivées (par rapport au temps) successives, ces dérivées étant calculées par des différentiateurs numériques (cf. par exemple [Fliess et al., 2008]). Une cinquième approche se base le calcul par intervalles (cf. par exemple [Efimov and Raïssi, 2016, Moisan et al., 2009, Raïssi et al., 2012, Mazenc et al., 2012]). Une dernière approche est celle basée sur des formes canoniques ou normales observables. Une contribution bien connue qui entre dans le cadre de cette approche est celle de ([Gauthier et al., 1992]) où les auteurs donnent une condition nécessaire et suffisante pour caractériser les systèmes mono-sorties uniformément observables (ou encore observables pour toute entrée) et elle consiste en l’existence d’une transformation qui mette le système sous une forme triangulaire. Cette forme canonique est ensuite exploitée pour la synthèse d’un observateur à grand gain sous certaines conditions, notamment le caractère global Lipschitz des non linéarités. On notera que le gain de l’observateur proposé est issu de la résolution d’une équation algébrique de Lyapunov et son expression a été donnée. La généralisation de ce résultat aux systèmes multi-sorties a fait l’objet de plusieurs travaux dont notamment ([Farza et al., 1998, Busawon et al., 1998, Deza et al., 1992, Farza et al., 2004, Gauthier and Kupka, 2001, Hammouri and Farza, 2003, Hou et al., 2000, Shim et al., 2001, Farza et al., 2011, Hammouri et al., 2010, Besançon and Ticlea, 2007, Dufour et al., 2012]). On notera que plusieurs travaux relativement récents se sont intéressés à l’amélioration des performances des observateurs de type grand gain en particulier vis-à-vis des bruits de mesures en proposant soit des versions avec un paramètre de synthèse variant dans le temps ou en changeant légèrement la structure du gain de l’observateur [Ahrens and Khalil, 2009, Boizot et al., 2010, Sanfelice and Praly, 2011, Oueder et al., 2012, Boker and Khalil, 2013, Alessandri and Rossi, 2015, Astolfi and Marconi, 2015]. Les travaux qui seront présentés dans ce mémoire entrent dans le cadre de la dernière approche.
Il est bien connu que contrairement aux systèmes linéaires, l’observabilté des systèmes non linéaires dépend des entrées du système. En dépit des efforts importants réalisés durant les trente dernières années dans l’étude de l’observabilité et de la synthèse d’observateurs pour les systèmes non linéaires, plusieurs problèmes restent ouverts. Parmi les travaux consacrés à l’observation des systèmes non linéaires, nous allons nous intéresser en particulier à ceux qui sont qui s’appuient sur l’exhibition de formes normales ou canoniques d’observabilité. En suivant cette approche, plusieurs travaux se sont intéressés à la classe des systèmes non linéaires qui sont observables pour toute entrée. Une telle classe de systèmes peut s’interpréter comme étant la prolongement naturel des systèmes linéaires observables. Le but ultime derrière l’étude de l’observabilté des systèmes non linéaires observables pour toute entrée est d’exhiber une forme canonique d’observabilité pour ces systèmes, c’est-à-dire une forme sous laquelle peut se mettre tout système non linéaire observable pour toute entrée. Comme nous l’avons mentionné précédemment, les premiers résultats dans ce sens ont été obtenus au début des années 1990 où une forme canonique a été proposée pour les systèmes non linéaires mono-entrée/mono-sortie et affines en l’entrée [Gauthier et al., 1992, Deza et al., 1992]. Cette forme canonique est composée d’une partie linéaire par rapport à l’état avec une matrice anti-décalage et une partie non linéaire dépendant de l’entrée et ayant une structure triangulaire. Ce résultat a été généralisé dans [Gauthier and Kupka, 2001] dans le cas non affine en la commande, toujours pour les systèmes mono-sorties. Le cas des systèmes multi-sorties est plus crucial. Plusieurs formes normales d’observabilité ont été proposées pour des classes de systèmes observables pour toute entrée dans ce cas. Une de ces formes est celle proposée dans [Hammouri and Farza, 2003] et elle mime la forme canonique du cas mono-sortie. En effet, toutes les sorties sont considérées dans un seul bloc et la dérivation successive de l’ensemble de ces sorties donne lieu à plusieurs blocs qui donnent lieu à un système composé d’une partie linéaire décrite par une matrice anti-décalage en blocs, avec des non linéarités qui sont triangulaires par rapport aux variables décrivant chaque bloc. Une autre forme a été proposée dans [Shim et al., 2001] où plusieurs blocs sont considérés et chacun de ces blocs est associé à une sortie et ses dérivées successives. La forme normale proposée consiste en un système constitué par un nombre de blocs égal au nombre de sorties. Chaque bloc est composé d’une partie linéaire décrite par une matrice anti-décalage par rapport aux variables du bloc et un terme non linéaire ayant une structure triangulaire par rapport aux variables de tous les blocs. Notons que pour les deux formes précédentes, il n’y en a pas une qui est plus générale que l’autre, c’est-à-dire qui’il y a des classes de systèmes observables pour toute entrée qui peuvent se mettre sous une forme et pas sous l’autre. Ces formes ont été utilisées pour la synthèse d’observateurs de type grand gain. Le gain de ces observateurs est issu de la résolution d’une équation algébrique de Lyapunov et son expression est explicitement donnée.
Dans la continuité de ces travaux, d’autres travaux ont proposé des formes normales observables pour toute entrée. Ces formes ont été surtout considérés pour la synthèse d’observateurs. Une de ces formes a été proposée dans [Hammouri et al., 2010] et des conditions suffisantes portant sur la structure des non linéarités ont été formulées pour permettre de synthétiser un observateur. La forme normale se présente sous la forme de plusieurs blocs dont chacun est associé à une sortie et les conditions proposées portent sur l’existence de certains paramètres réels qui traduisent le couplage entre les non linéarités des différents blocs. Une forme plus générale a été présentée dans [Farza et al., 2011] et elle se présente sous la forme de plusieurs blocs dont chacun est associé à toute ou partie de l’ensemble des sorties considérées. La caractéristique principale de cette forme réside dans le fait que dans chaque bloc, certaines dynamiques peuvent dépendre de toutes les variables du système, c’est-à-dire des variables de tous les blocs. Comme nous l’avons mentionné précédemment, le problème consistant à exhiber une forme canonique pour l’ensemble des systèmes non linéaires observables pour toute entrée reste ouvert puisqu’on peut encore exhiber des classes de systèmes observables pour toute entrée qui ne peuvent pas se mettre sous les formes normales existantes.
Tous les travaux cités précédemment traitent des systèmes observables pour toute entrée et la synthèse de l’observateur ne nécessité aucune condition sur les entrées considérées. Lorsque le système n’est pas observable pour toute entrée, des conditions souvent qualifiées de conditions d’excitation persistante devraient être formulées pour garantir l’observabilité du système. Ces conditions supposent généralement que les entrées sont régulièrement persistante, ce sont les entrées pour lesquelles le grammien d’observabilité reste toujours défini positif sur une fenêtre glissante de largeur donnée. Cette notion a été reprise dans [Besançon and Ticlea, 2007] où la notion d’entrée localement régulière a été introduite pour la synthèse d’un observateur de type grand gain pour des classes de systèmes affines en l’état où la matrice traduisant le caractère affine par rapport à l’état dépend des entrées et des sorties du système. La principale propriété des entrées localement régulières réside dans le fait que la largeur fenêtre glissante sur laquelle le grammien d’observabilité reste positif peut être arbitrairement petite et cette largeur est en particulier proportionnelle à l’inverse d’un paramètre de synthèse de l’observateur, dont la valeur est généralement élevé. Le gain de l’observateur sous-jacent est issue de la résolution d’une Equation Différentielle Ordinaire (EDO) de Lyapunov. La convergence de l’erreur d’observation utilise les mêmes techniques que celles pour les systèmes observables pour toute entrée. La seule différence réside dans la fonction quadratique de Lyapunov où la matrice considérée n’est plus constante mais elle est régie par une EDO de Lyapunov d’où est issu le gain d’observation. Le caractère défini positif de cette matrice est généralement obtenu comme une conséquence du fait que les entrées considérés sont localement régulièrement persistantes. La bornitude de cette matrice nécessite l’adoption d’autres conditions telle que la bornitude de la sortie. Dans [Dufour et al., 2012], les auteurs définissent la classe des entrées régulières qui inclut celle des entrées localement régulières et donnent des conditions suffisantes permettant de caractériser de telles entrées.
Observateurs pour des systèmes non linéaires avec sortie disponible en temps continu
Dans la plupart des applications, le procédé doit être contrôlé ou surveillé en temps réel et ceci nécessite de pouvoir accéder aux variations en fonction du temps des variables d’état. Cet accès n’est pas toujours possible soit par manque de capteurs appropriés ou par le coût élevé de certains de ces capteurs. Pour pallier à ce problème, un observateur d’état (un estimateur) est généralement utilisé pour reconstruire les variables d’état non mesurées. L’observateur est un algorithme qui fournit un estimé xˆ(t) de l’état x(t) du système, à partir des mesures de la sortie y(t) et de l’entrée u(t).
Comme nous l’avons souligné dans l’introduction générale de ce mémoire, plusieurs approches peuvent être adoptés pour la synthèse d’observateur. Nous pouvons citer par exemple [Alessandri and Rossi, 2015, Besançon, 1999, Ciccarella et al., 1993] où la synthèse s’appuie sur des formes normales observables.
Observateur continu pour une classe de systèmes non linéaires non uniformément observables
Comme nous l’avons énoncé précédemment, notre objectif consiste à présenter la synthèse d’un observateur de type grand-gain pour une classe de systèmes non uniformément observables où les sorties sont supposées être disponibles en temps continu. Cette synthèse sera reconsidérée dans les chapitres suivant pour prendre en compte les processus d’échantillonnage et de retard qui peuvent entacher ces sorties.
Observateur continu pour une classe de systèmes non linéaires incertains
Nous rappelons à présent la synthèse d’observateurs pour une classe de systèmes non linéaires, uniformément observables, avec des incertitudes de dynamique.
Formulation du problème
Considérons le problème de la synthèse d’observateurs pour des systèmes non linéaires, incertains, MIMO, de la forme suivante :
x˙(t) = Ax(t) + ϕ(u(t), x(t)) + Bε(t)
y(t) = Cx(t) = x1(t) .
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Table des matières
1 Introduction générale
2 Observateurs pour des systèmes non linéaires avec sortie disponible en temps continu
2.1 Introduction
2.2 Observateur continu pour une classe de systèmes non linéaires non uniformément observables
2.2.1 Formulation du problème
2.2.2 Synthèse de l’observateur
2.2.3 Analyse de convergence
2.3 Observateur continu pour une classe de systèmes non linéaires incertains
2.3.1 Formulation du problème
2.3.2 Synthèse de l’observateur
2.3.3 Analyse de convergence
2.4 Conclusion
3 Observateur continu-discret pour une classe de systèmes non linéaires
3.1 Introduction
3.2 Formulation du problème
3.3 Observateur continu-discret
3.4 Analyse de convergence
3.5 Exemples
3.5.1 Application à un moteur asynchrone
3.5.2 Application à moteur Stirling à piston libre
3.6 Conclusion .
4 Observateur en cascade pour une classe de systèmes non linéaires MIMO avec sorties échantillonnées et retardées
4.1 Introduction
4.2 Formulation du problème
4.3 Synthèse de l’observateur
4.4 Analyse de convergence
4.5 Exemples
4.5.1 Exemple académique
4.5.2 Observateur en cascade appliqué à un Moteur Stirling à Piston Libre
4.6 Conclusion
5 Synthèse d’observateur en cascade pour une classe de systèmes non linéaires incertains avec sorties échantillonnées et retardées
5.1 Introduction
5.2 Formulation du problème
5.3 Synthèse d’un observateur en cascade pour des sorties retardées disponibles en temps continu
5.4 Synthèse d’un observateur pour des sorties échantillonnées et retardées
5.5 Exemples
5.5.1 Application à un exemple académique
5.5.2 Application à un bioréacteur typique
5.6 Conclusion
6 Conclusion générale
Bibliographie
Annexe