Le travail collectif entre enseignants
L’entrée principale de ce mémoire étant l’impact éventuel des phases de travail collectif sur le développement professionnel des enseignants contractuels, il est essentiel d’appuyer la terminologie et les données utilisées dans cet écrit sur une revue de littérature sur le sujet. Ainsi nous commencerons par un tour d’horizon de quelques publications permettant de définir ce qu’est le travail collectif et ce qu’il semble en mesure d’impacter dans certaines conditions ; puis nous ferons le lien avec l’aspect virtuel des formations hybrides, propre au terrain de recherche exploité ici ; avant d’aborder le développement professionnel dans ce contexte.
Définition du travail collectif enseignant
Un historique de la promotion du « travail collectif enseignant » est décrit par Gibert dans le Dossier de veille de l’Ifé d’avril 2018 :
– dès 1989, dans la lettre de rentrée déclinant la loi d’orientation, apparaît le concept de « communauté éducative » qui « rassemble les élèves et tous ceux qui, dans l’établissement scolaire ou en relation avec lui, participen t à la formation des élèves » ;
– en 2013, le référentiel des compétences des métiers du professorat et de l’éducation est mis en place. Il contient la compétence suivante : « Les professeurs et les personnels d’éducation, acteurs de la communauté éducative : coopérer au sein d’une équipe, contribuer à l’action de la communauté éducative, coopérer avec les parents d’élèves, coopérer avec les partenaires de l’école, s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel » ;
– en 2016, le CNESCO souligne que la réforme de l’école se fait avec l’inclusion d’acteurs nouveaux et des dispositifs pédagogiques collectifs.
Les chercheurs ont étudié ce « travail collectif » et ont proposé plusieurs modèles, comme Marcel et de Thomazet et al. cités par Gibert (2018), dont la synthèse basée sur l’intensité des interactions entre enseignants est proposée dans la gradation suivante.
Vers un collectif d’enseignants apprenants
Pour passer d’un collectif à un collectif apprenant conduisant au développement professionnel des enseignants qui le composent, plusieurs auteurs développent des concepts intéressants. Sur son site Internet, Lebrun (2011) rappelle la définition de « l’apprentissage coopératif », transposable aux statuts stagiaires / formateur.s, que Bourgeois et Nizet (1997) reprennent à Cohen : il s’agit de « faire travailler les apprenants en groupes suffisamment restreints pour que chacun ait la possibilité de participer à une tâche collective qui a été clairement assignée. De plus, les apprenants sont censés réaliser la tâche sans la supervision directe et immédiate de l’enseignant ».
Dionne, Lemyre, et Savoie-Zajc (2010) parlent plutôt de « communauté d’apprentissage » offrant des possibilités de développement professionnel aux enseignants en fonction de ses « dimensions affective, cognitive et idéologique ». Ils la définissent comme un « lieu de partage et de soutien entre enseignants qui permet la construction de savoirs individuels et collectifs », « l’ajustement des pratiques » et « la recherche de sens ». Les praticiens y apprivoisent un savoir savant ou participent à son élaboration, tout en contribuant à l’édification d’une « vision partagée dans l’école ».
Dans le cadre de la formation étudiée ici, la « communauté d’apprentissage » n’est pas conçue pour durer dans le temps mais nous retiendrons tout de même les facteurs de réussite suivants pouvant être transposés (Dionne et al., 2010) : le contexte de formation et la « mise en place du processus collaboratif » qui dépendent pleinement de la personne ressource concevant et accompagnant les stagiaires (le formateur, ici).
En nous appuyant sur les travaux de Cristol (2017), nous la qualifierons donc de « communauté virtuelle d’apprentissage » mais que le terme de « communauté » serait selon lui inadapté car il n’apparaît pas de « micro-culture » (« processus endogène et non par décision extérieure ») au sein des stagiaires. L’auteur parlerait plutôt de « groupe » s’il reste organisé uniquement « par la volonté d’un seul ». Cependant, si l’on suit les écrits de Dillenbourg et al. (2003), le collectif étudié ici serait plutôt une « étape dans la co-construction d’une communauté d’apprentissage ». En effet, ces auteurs argumentent « en faveur d’une utilisation restrictive du terme « communauté » car « pour co-construire une culture, les membres d’une communauté doivent s’engager dans des modes d’interactions plus intenses que le simple échange d’informations sur le web ». Ils qualifieraient davantage le collectif étudié ici comme une « équipe formelle » ou un « groupe formel », le formateur fixant les objectifs, la composition du collectif étant imposée, comme les modes de communication en son sein et le fait que son existence n’est pas tributaire du niveau de sympathie entre ses membres (même si cela est facilitateur).
Il serait donc intéressant de voir si dans ce contexte de formation hybride, les stagiaires se détachent de l’influence du formateur, produisent des ressources témoignant de la mise en place d’une « micro-culture » et si les interactions se développent suffisamment et se maintiennent dans le temps. Dillenbourg, Poirier et Carles (2003, p. 12-13) invitent toutefois à la prudence quant à l’utilisation du terme « communauté virtuelle d’apprentissage » : « Le concepteur d’environnements virtuels (enseignant, formateur, animateur, responsable, …) doit faire preuve de modestie. Il est difficile de prétendre créer une communauté, notamment parce qu’il est difficile de créer une forte implication des membres. Comme les communautés émergent de façon spontanée et informelle, elles se créent lentement. » S’appuyant sur ces lectures, nous qualifierons donc le collectif de cette formation hybride de « groupe virtuel d’apprentissage » plutôt que de « communauté virtuelle d’apprentissage ». Les particularités digitale et distancielle de ce type de groupe sont précisées dans la partie suivante.
Place des phases de travail collectif dans les formations à distance
Nous avons vu dans la partie précédente que l’émersion d’une « communauté virtuelle d’apprentissage » ou le fonctionnement d’un « groupe formel virtuel » doivent répondre à certains critères pour servir le développement professionnel enseignant. Le collectif créé dans la formation étudiée ici sera principalement animé à distance dans le cadre d’un dispositif prévu initialement hybride.
Après un historique sur l’apparition de ces modalités de formation incluant du distanciel, nous allons nous arrêter plus particulièrement sur la place occupée par le travail collectif dans les dispositifs hybrides ou de formation à distance.
Place réservée au travail collectif selon les dispositifs de formation
D’après Pereya, Charlier et Deschryver (2014), citant Albertini et Bonamy (1991), les formations à distance ont eu un rôle dans l’évolution de la place de l’apprenant qui se retrouve peu à peu au centre de l’enseignement et dont le formateur doit prendre en compte les apprentissages souhaités.
Reprenant l’historique du développement des formations hybrides apparues dans les universités, les auteurs reviennent sur « l’évolution de la terminologie institutionnelle et professionnelle » en reprenant la succession des termes retenus par la Commission européenne avec « l’enseignement supérieur ouvert à distance » qui devient « apprentissage ouvert et à distance » en novembre 1991. Puis ils notent que le terme « formation ouverte à distance » (FOAD) s’est imposé et qu’une définition basée sur deux aspects principaux a fait consensus dans la communauté :
– ces formations ont pour « objectif premier le fait de rencontrer « la singularité des personnes dans leurs dimensions individuelle et collective » et de satisfaire les besoins de l’individu (Collectif de Chasseneuil, 2001, p. 196) »
– elles sont élaborées en ayant en tête « la souplesse et l’ouverture des dispositifs, basés sur « des situations d’apprentissages complémentaires et plurielles en termes de temps, de lieux, de médiations pédagogiques humaines et technologiques et de ressources » (ibidem) ».
Dès 1994, l’OCDE note que pour adapter leur offre au « concept d’enseignement sur mesure », les universités ont développé des formations « à l’intersection de l’enseignement traditionnel et de l’enseignement à distance (CERI/LBS, 1994). » (Perayaet al., 2014). Les prémices de la formation hybride étaient lancées pour « répondre aux besoins d’individualisation et de flexibilisation de l’offre de formation » (ibidem). Avec l’évolution des technologies en ligne que Perayra et al. appellent « les environnements techno pédagogiques », les dispositifs de formation ont été modifiés depuis « les premiers usages pédagogiques du Web décrits lors de la première conférence WWW au CERN en 1994 » . A la fin des années 1990, les premières plateformes de formation en ligne apparaissent comme Claroline en 2000 décrite par Lebrun (2009) . Elles intègrent peu à peu diverses fonctionnalités qui serviront de conditions technologiques de base pour les formations hybrides : « mise à disposition de ressources ; activités de production, d’écriture individuelle ou collective ; communication synchrone et asynchrone ; soutien et accompagnement des étudiants ; évaluation et auto-évaluation en ligne (QCM et quiz) ; gestion des évaluations et des dossiers d’étudiants ; etc. » (Pereya et al., 2014). Nous voyons ainsi peu à peu apparaître le travail collectif dans ces dispositifs hybrides ou à distance.
L’importance des interactions entre stagiaires dans les modèles de formation
Afin de s’assurer que la formation hybride proposée pour étudier l’effet potentiel du travail collectif sur les pratiques pédagogiques des stagiaires réponde aux attentes de la recherche, nous avons fait le point sur quelques articles clés à ce sujet. Ainsi, la lecture des écrits de Lebrun (2009 et 2012) et d’articles sur son site Internet (2011), auxquelles s’ajoutent ceux de Lameul et al. (2014) et Tribet et Chaliès (2017), ont permis d’être attentif à certains points de vigilance lors de la conception de la formation M@gistère.
Les publications de Lebrun construites autour de son modèle IMAIP (figure 4) font ressortir différentes facettes du processus d’apprentissage devant être présentes dans une formation à distance. Dans notre étude, nous serons particulièrement sensibles au rôle confié aux interactions entre acteurs du dispositif à l’interface entre les activités et les productions.
Mise à distance du formateur et focalisation sur les interactions entre stagiaires
Fortement liée à la réussite de la formation, la posture du formateur serait intéressante à discuter davantage, notamment autour de la notion de « mise à distance » (Pereya et al., 2014), mais ne sera pas abordée ici que si elle influence le travail collaboratif des stagiaires. Il en est de même pour le contenu de la formation (ici, l’évaluation au service des apprentissages) qui n’est qu’un prétexte pour étudier les interactions entre stagiaires et leurs éventuels impacts sur leurs pratiques.
Tribet et Chaliès (2017) citent des travaux qui abordent des pratiques proposant une « approche plus collective et mutualisée de la formation en organisant des échanges entre les formés sur des espaces collaboratifs ». Deux de ces pratiques, sur lesquelles nous reviendrons dans la partie 2.3, seront particulièrement utilisées dans la formation étudiée ici :
– les forums (Lameul, 2009) utilisés dans la formation M@gistère étudiée ici et qui contribuent à la mise en place d’une communauté virtuelle d’apprentissage professionnel (Audran et Daele, 2009 ; Charlier & Henri, 2004) ;
– le travail synchrone mais à distance effectué lors des classes virtuelles visant « à placer formateur(s) et formé(s) dans des situations de communication proches de celles d’un temps mené en présentiel (Verquin-Savariau, 2014). »
Ces pratiques d’interaction ayant un effet sur la motivation et les apprentissages des formés d’après plusieurs études comme celle de Lebrun (2009) dans le supérieur avec la plateforme Claroline ou celles de Walckiers et De Praetere (2004) citant la « motivation des apprenants », « les moyens de participation effective » et « une cohésion et une productivité suffisante » des stagiaires comme condition du succès d’un « apprentissage collaboratif en ligne », nous pouvons penser qu’elles seront identifiées comme source de développement professionnel par les stagiaires questionnés dans notre étude.
Pour développer le travail collaboratif dans une formation, la façon dont le formateur accompagne les stagiaires est essentielle. Si l’on s’appuie sur les trois types d’accompagnement pédagogique du tuteur développés dans les dispositifs hybrides de formation proposés par Tribet et Chaliès (2017), on retiendra :
– l’accompagnement cognitif : il s’agit d’une activité d’assistance méthodologique auprès des formés considérés comme des « compagnons cognitifs (formule du peer-coaching de Jenkinset Vael, 2004) ;
– l’accompagnement métacognitif : il consiste à impliquer les formés dans une démarche réflexive à propos de leur implication dans la formation. Dans le cadre de notre étude, cet accompagnement sera présent quand les formés seront amenés à verbaliser leurs expériences d’apprentissage (viales questionnaires notamment) ;
– l’accompagnement affectif (notion développée par Cochran-Smith en 2016) : il est une réponse à l’isolement lié au travail mené en autonomie à distance. On peut distinguer ici un tutorat réactif (répondant aux sollicitations des formés) et un tutorat pro-actif (à l’initiative du formateur).
Cette idée ressort également des travaux de Quintin (2008) qui relèvent « l’impact favorable de la modalité socio-affective » des « interventions tutorales proactives ». Ainsi le tuteur (ou le formateur dans notre cas) qui propose un accompagnement davantage lié « au renforcement du sentiment d’appartenance et à la valorisation des membres du groupe » contribuerait « à développer un climat relationnel propice à l’apprentissage ». Dans la formation étudiée ici, les interventions tutorales semblent s’orienter vers cette typologie que l’on peut aussi relier à l’effet de la « médiation », via les dispositifs technologiques de la formation à distance, sous sa « forme relationnelle » (qui se rapporte à la relation entre les sujets) décrite par Pereya et al. (2014). Il sera donc intéressant de voir si les stagiaires sondés citent ces interventions comme facteurs favorisant le travail collectif et/ou l’évolution de leurs pratiques.
L’analyse du travail collectif et son impact sur le développement professionnel ayant déjà été étudiés par plusieurs auteurs, nous allons maintenant voir ce qui ressort de leurs travaux.
Identifier un possible développement professionnel des enseignants
Le développement professionnel enseignant est un concept dont de nombreux chercheurs se sont emparés et pour lequel les définitions varient. Dans le cadre de notre étude, nous retiendrons la définition de Dupriez (2015) citant ses confrères : « processus par lequel, individuellement et collectivement, les enseignants révisent, renouvellent et augmentent leur engagement en tant qu’agents de changement, aux fins morales de l’éducation. Grâce à ce processus, ils acquièrent et développent de façon critique le savoir, les habiletés et l’intelligence émotionnelle qui sont essentiels à une pensée, à une planification et à une pratique de qualité, tout au long de la vie professionnelle (Day, 1999, p. 4, cité par Brodeur, Deaudelin & Bru, 2005, p. 6) »
Nous y ajouterons la modernisation proposée par Daele (2004) reprend plusieurs auteurs qui « considèrent de plus en plus le développement professionnel des enseignants comme un processus alimenté non seulement par la formation initiale et la formation continue, mais également par l’interaction avec les pairs (Day, 1999 ; Lieberman et Miller, 2001). » Il propose ainsi un modèle enrichi du développement professionnel d’un enseignant au sein d’une communauté virtuelle (voir annexe 1).
L’objectif ici n’est pas de détailler finement le développement professionnel des stagiaires en s’appuyant sur ce modèle ou sur un autre, nous n’en avons ni les moyens ni l’ambition. Il s’agit plutôt, avec certains éléments qu’il contient, d’identifier quelques indicateurs d’une évolution des pratiques des stagiaires – principalement en évaluation – suite au suivi d’une formation donnée. Concernant la méthodologie, plusieurs auteurs décrivent la leur pour caractériser le développement professionnel enseignant (Daele, 2004 ou Lameul et al., 2014) mais, malgré des convergences, ils mettent en place des outils de recueil ou d’analyse de données très variés et propres à leurs terrains de recherche. C’est donc également en créant des outils adaptés au cadre de notre recherche que nous procéderons, comme précisé dans la partie 2.
La lecture d’articles sur le rôle des interactions sur les apprentissages en contexte collaboratif à distance nous a conduit à la méta-analyse de Papi (2017). Elle y identifie entre autres la question suivante comme régulièrement traitée par les chercheurs : « Dans quelle mesure l’interaction médiatisée favorise-t-elle l’apprentissage des étudiants ? ». Selon elle, les objectifs principaux de leurs travaux sont de « vérifier la portée du socioconstructivisme en formation hybride ou à distance ». Ils prennent principalement en compte les théories du « praticien réflexif (Schön, 1983), de la présence sociale et de la Community of inquiry (Garrison et al., 2020), ainsi que, plus largement, les courants constructivistes (Jonassen, 2008) et connectivistes (Siemens, 2004) ». Elle rapporte : « les résultats soulignent que les interactions en ligne tendent effectivement à favoriser un sentiment de présence sociale et semblent plus fréquentes dans le cadre des échanges centrés sur des activités pratiques (…). Pour autant, la participation reste souvent limitée et aucune étude ne permet de déterminer clairement si les interactions à distance améliorent l’apprentissage. »
C’est justement sur ce dernier point que notre étude tentera d’apporter, à son échelle, des éléments de réponse qui ne semblent pas clairement présents dans la littérature actuelle.
Méthodologie de recueil de données lors d’une formation à distance
Afin d’apporter éventuellement des éléments de confirmation ou d’infirmation des hypothèses posées à la fin de la partie précédente, il nous faut recueillir des données suffisamment pertinentes et les analyser. À la lueur des apports bibliographiques, nous décrirons dans cette partie la formation servant à obtenir ces données ainsi que les outils de recherche et les matériaux utilisés dans la méthodologie choisie.
Description de la formation support du recueil de données
Créée suite à la loi de refondation de l’Ecole du 8 juillet 2013, la plateforme M@gistère a pour vocation de faciliter la mise en œuvre des formations des professionnels de l’Education nationale. Elle est donc un support de choix pour la mise en place de formations hybrides ou à distance comme celle étudiée dans ce mémoire intitulée « L’évaluation au service des apprentissages », conçue pour un public de contractuels de plusieurs disciplines et animée dans sa première session au printemps 2021 dans l’académie de Besançon. Le déroulé de cette formation est présenté sous version simplifiée et détaillée dans l’annexe 3. Nous reviendrons sur certaines étapes de ce déroulé selon les besoins de notre étude.
Une présentation détaillée formation est disponible en flashant le code cicontre ou en suivant ce lien https://view.genial.ly/609430608b586b0d91e0bb92 .
Notons que les stagiaires suivant cette formation à distance ont été informés de leur participation à notre étude via un mail en début de formation et un message sur la page d’accueil du parcours (voir figure 5). Une seule stagiaire a été retirée de la récolte de donnée à sa demande. L’ensemble des autres stagiaires sont rendus anonymes mais restent identifiables au fil du travail grâce à un numéro unique leur ayant été attribué.
Démarche pour estimer l’évolution des compétences évaluatives des stagiaires
Si l’on considère la définition de Dupriez (2015) élargie au travail collectif (Daele , 2004) présentée dans la partie 1.4.2, nous évaluerons ici un élément contribuant au développement professionnel enseignant (DPE), à savoir leurs progrès dans la maîtrise du geste évaluatif. En effet, ce dernier évolue en formation par un processus individuel et collectif permettant d’acquérir et de développer de « façon critique le savoir [et] les habiletés (…) essentiels (…) à une pratique de qualité, tout au long de la vie professionnelle » (Dupriez, 2015).
La question se pose alors de la méthodologie à retenir pour mesurer ce développement professionnel. Nous avons choisi d’obtenir des données qualitatives et quantitatives par l’analyse de questionnaires, que nous détaillerons dans un premier temps, et par l’étude des évaluations produites par les stagiaires que nous aborderons dans un second temps.
Exploitation de questionnaires
D’après notre cadre théorique (Daele, 2004 et Lameul et al., 2014), il convient d’analyser les représentations des stagiaires sur l’évaluation au début et à la fin de la formation pour identifier les évolutions de ces conceptions. Pour cela, nous leur demanderons de façon individuelle ce qu’est l’évaluation selon eux dans le questionnaire de début de formation (Q0) et dans le questionnaire bilan (Q4) et nous en extrairons deux nuages de mots à comparer.
Le questionnaire 0 (voir annexe 5), à renseigner avant de commencer la formation, servira de diagnostic mais aussi d’état de référence pour notre étude. Il alterne entre questions fermées, facilitant l’analyse quantitative, et questions ouvertes laissant plus de place à l’expression libre des stagiaires, offrant ainsi une plus-value qualitative à l’exploitation. Les données visées par les différentes questions utiles pour analyser le développement professionnel des répondants sontexplicitées dans le tableau 1.
Analyse des évaluations des stagiaires
Afin d’estimer si les phases collectives de cette formation ont un impact sur l’évolution des pratiques des stagiaires, il convient d’identifier des indices de cette évolution. Ainsi nous mènerons une analyse comparative des évaluations qu’ils fournissent au début, pendant et à la fin de la formation à partir d’une grille critériée. Cet outil disponible en annexe 8 reprend en partie les éléments de celle utilisées par les stagiaires (voir annexe 4) pour étudier leurs évaluations et celles de leurs confrères. En effet, en milieu de formation, chaque stagiaire devait lire et analyser deux évaluations déposées par deux stagiaires différents grâce à la grille de l’annexe 4 permettant ainsi à chacun de recevoir deux avis a rgumentés sur son évaluation. Sera également observé ici si les critères de réussite d’une évaluation au service des apprentissages vus de façon théorique dans la formation et échangés dans le collectif – ont été acquis, à savoir : la cohérence entre le formatif et le sommatif, l’explicitation de ce qui est évalué et des attendus lors du rendu de la copie, le lien entre les attendus et le barème, l’explicitation du barème, la proposition d’un feedback et la possibilité pour un collègue de la discipline d’évaluer la copie d’un élève. Cette analyse qualitative sera croisée avec les profils des stagiaires déterminés par le questionnaire diagnostique et avec les réponses aux questionnaires de fin de module pour relier ou non les évolutions constatées aux phases de travail collectif.
Pour pallier les disparités entre les stagiaires et la faible fiabilité des résultats de leurs analyses croisées dans le module 2, nous n’utiliserons pas les retours de ces derniers mais reprendrons nous-mêmes l’évaluation des situations d’évaluation proposées. Utiliser un outil efficace et adapté pour mener à bien l’analyse des évaluations déposées par les stagiaires au fil de la formation devient donc une nécessité. N’ayant pas trouvé d’outils adaptés dans la bibliographie pour évaluer particulièrement le DPE dans un contexte de formation à l’évaluation, nous avons créé une grille d’analyse (voir annexe 8) permettant d’attribuer un Indice de Qualité de l’Evaluation (IQE) pour chacun des dépôts des stagiaires. L’objectif est de mesurer son évolution entre le premier (D1) et le dernier rendu (D4).
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Table des matières
1. Synthèse d’études sur le travail collectif en formation à distance et son lien avec le développement professionnel enseignant
1.1. Mise en place du questionnement
1.2. Le travail collectif entre enseignants
1.2.1. Définition du travail collectif enseignant
1.2.2. Vers un collectif d’enseignants apprenants
1.2.3. Les particularités d’un collectif d’apprenants en ligne
1.3. Place des phases de travail collectif dans les formations à distance
1.3.1. Place réservée au travail collectif selon les dispositifs de formation
1.3.2. L’importance des interactions entre stagiaires dans les modèles de formation
1.3.3. Mise à distance du formateur et focalisation sur les interactions entre stagiaires
1.4. Analyser l’impact d’un travail collectif à distance sur le développement professionnel enseignant
1.4.1. Analyser les interactions à distance
1.4.2. Identifier un possible développement professionnel des enseignants
1.5. Définition de la question de recherche et des hypothèses associées
2. Méthodologie de recueil de données lors d’une formation à distance
2.1. Description de la formation support du recueil de données
2.2. Démarche pour estimer l’évolution des compétences évaluatives des stagiaires
2.2.1. Exploitation de questionnaires
2.2.2. Analyse des évaluations des stagiaires
2.3. Etude de la place du travail collectif dans le développement professionnel des stagiaires
2.4. Recherche de profils de stagiaires
3. Résultats et discussion sur le développement professionnel des stagiaires constaté dans notre étude
3.1. Caractérisation de l’échantillon
3.2. Estimation du développement professionnel des stagiaires
3.3. Impact du travail collectif sur le développement professionnel des stagiaires
3.4. Lien entre les profils des stagiaires et l’évolution de leurs pratiques
4. Conclusion et perspectives
5. Bibliographie
Annexes