L’immunoglobuline E est le principal anticorps impliqué dans le déclenchement de la réaction allergique de type immédiat, tel que l’asthme allergique. Ces anticorps sont synthétisés et sécrétés par des plasmocytes, descendants des lymphocytes B activés par l’allergène. Deux signaux sont requis pour la commutation isotypique vers cette classe d’immunoglobuline : l’un délivré essentiellement par les récepteurs CD40 et l’autre par des récepteurs de cytokines. L’engrènement des récepteurs CD40 du lymphocyte B et de leurs ligands (CD154 ou CD40L, induits sur le lymphocyte T activé) déclenche la machinerie de recombinaison (Vercelli & Geha, 1991). Cependant, le signal CD40 n’a pas (ou peu) d’action directive : c’est aux cytokines que revient la spécification de la classe qui va commuter. Ainsi, deux cytokines interviennent plus particulièrement dans ce système : L’IL-4 (produit par les Lc Th2) potentialise la synthèse de l’IgE alors que l’IFN-γ (produit par les Lc Th1) l’inhibe. Un déséquilibre entre les deux sous-populations Th1 et Th2 semble donc à l’origine de la synthèse accrue des IgE chez les individus allergiques (Pène et al., 1989). Cependant, il existe d’autres cytokines qui auraient des effets régulateurs positifs ou négatifs. Parmi lesquelles notre choix a porté sur l’IL-27, cytokine appartenant à la famille de l’interleukine 12, à effets pléiotropiques ayant des fonctions immunorégulatrices importantes, dont l’effet inhibiteur sur la synthèse de l’IgE en augmentant celle de l’IgG2a a été démontré dans un modèle d’asthme induit expérimentalement chez la souris (Miyazaki et al., 2005).
Ainsi, notre projet de thèse a consisté dans un premier temps à étudier la production, in vivo, des IgE (ainsi que les sous-classes d’IgG) dans une culture de lymphocytes B humains. Nous avons analysé d’abord en premier l’expression du récepteur de l’IL-27 dans les cellules B humaines afin de pouvoir ensuite évaluer son rôle potentiel dans la production des Ig. Nous avons étudié l’effet de cette interleukine sur le phénomène de commutation de classe et de la différenciation et prolifération des cellules B stimulées via le CD40 et activées par cette interleukine, en utilisant comme outil principal la cytométrie en flux. En parallèle, et afin d’évaluer la spécificité des résultats obtenus, nous avons comparé les effets de l’IL-27 à ceux de l’IL-21 qui induit un switch vers la production des IgG1 et augmente la production de l’IgE induite par l’IL-4.
Dans un deuxième temps, notre travail de thèse étant axé essentiellement sur la synthèse des IgE, nous avons abordé ce thème en aval en étudiant in vivo les IgE témoins de sensibilisations allergéniques responsables de l’asthme allergique dans une population pédiatrique à Annaba (Côte Est Algérienne). Dans cette partie de notre projet de thèse, notre objectif a été d’explorer certains facteurs environnementaux allergéniques impliqués dans la génèse de l’asthme, responsables de l’activation mastocytaire et la libération de médiateurs donnant lieu à une hyperréactivité bronchique en recherchant les sensibilisations aux principaux pneumallergènes et les sensibilisations alimentaires. Ensuite, il nous a paru utile d’évaluer les paramètres immunologiques proposés comme biomarqueurs de l’activité de l’asthme tels que les IgE sériques, l’éosinophilie et l’ECP, ceci sur la population totale et en fonction de l’âge. Nous avons évalué leur relation avec les paramètres cliniques : comme la gravité de l’asthme, l’existence de manifestations atopiques familiales et personnelles associées à l’asthme et l’ancienneté de la maladie.
ASPECTS FONDAMENTAUX DE LA SYNTHESE DES IgE
Les immunoglobulines E
Caractéristiques biochimiques et structurales
Découvertes simultanément en 1967 par Ishizaka et al (Ishizaka & Ishizaka, 1967) et Johansson et al (Johansson, 1967), les IgE sont des glycoprotéines de 190 kDa de masse moléculaire, composées de 2 chaînes lourdes et 2 chaînes légères. La structure des IgE est comparable à celle des autres isotypes d’immunoglobulines (figure 1). À l’instar des IgM, elles comportent 4 domaines constants, alors que les IgG, les IgA et les IgD n’en possèdent que trois. Les domaines variables confèrent la spécificité antigénique, et les domaines constants sont spécifiques de l’isotype IgE (Cε). Ces domaines forment la partie C-terminale de l’IgE et représentent la région de fixation sur un récepteur spécifique.
Propriétés et taux physiologiques
La concentration sérique des IgE circulantes est de l’ordre de 0,4 mg/l (Roitt et al., 1985). À la différence des autres immunoglobulines, les dosages d’IgE totales sont exprimés en unités internationales (1 UI = 2,4 ng), par rapport à un étalon préparé par l’OMS. Les limites de détection varient entre 0,1 et 2 kUI/l. La concentration sérique des IgE totales est influencée par l’âge, l’ethnie, la saison, la consommation tabagique ou le statut immunitaire. Par ailleurs, il est probable que la fraction circulante des IgE ne reflète pas suffisamment l’ensemble des immunoglobulines fixées, pour la plupart, à la surface des mastocytes par des récepteurs de haute affinité.
De très nombreuses pathologies peuvent être responsables d’une élévation parfois très importante des IgE totales telles qu’une parasitose ou une allergie (encore appelée hypersensibilité de type I), ou enfin une immunodéficience portant sur les lymphocytes T, comme pour une virose ou une maladie de Hodgkin. L’étude de la réponse spécifique à IgE, in vivo ou in vitro, semble être le meilleur moyen d’étudier l’allergie dans les populations. Sur le plan pratique, deux méthodes sont utilisables :
– Le dosage d’IgE spécifiques de tel ou tel allergène par des techniques d’immunoanalyse.
– Les tests cutanés permettent de reproduire localement la réponse à IgE et mettent en jeu les IgE fixées sur les mastocytes.
Les Récepteurs à IgE
Les récepteurs spécifiques de l’IgE sont présents à la surface de cellules impliquées dans les phénomènes allergiques. La majorité des cellules infiltrant la muqueuse bronchique expriment l’un des deux types de récepteurs spécifiques pour les IgE, le FcεRI ou le FcεRII ,
A – Le récepteur FcεRI : Ce récepteur, dit de haute affinité, est essentiellement exprimé à la surface des mastocytes et des polynucléaires basophiles, mais aussi sur les cellules de Langerhans. Lors d’un second contact, l’allergène est reconnu par les IgE déjà présentes sur ces cellules, ce qui induit une dimérisation des récepteurs, il en résulte une activation cellulaire rapide, se traduisant par une dégranulation et la libération de médiateurs induisant des effets délétères sur la muqueuse bronchique, le tissu cutané et les vaisseaux (Chanez et al., 2005). Les zones d’interaction des acides aminés de la molécule d’IgE impliqués dans la liaison au récepteur FcεRI sont situés dans 3 boucles du troisième domaine constant CH3 et comportent Arg-408, Ser-411, Lys-415, Glu-452, Arg-465, et Met-469.
B – Le récepteur FcεRII : Ce récepteur est également appelé CD23, et s’exprime de façon constitutive sur les Lc B et est induit sur les diverses cellules hématopoïétiques dont les cellules T et B, les monocytes/macrophages, les éosinophiles, et les plaquettes. L’IL-4 semble être la majeure cytokine capable d’induire l’expression du CD23 à la surface des monocytes/macrohages et des éosinophiles. L’action de l’IL-4 sur les lymphocytes B naïfs induirait la production d’IgE via des mécanismes impliquant le CD23. Cette dernière molécule n’appartient pas à la famille des immunoglobulines mais est une glycoprotéine présentant un degré d’homologie avec plusieurs lectines animales.
Biosynthèse des immunoglobulines E
La synthèse des IgE débute dès la 11ème semaine de vie intra-utérine mais, en raison de la forte activité T-suppressive du fœtus, le taux d’IgE dans le sang de cordon est en général très faible (inférieur à 2,4 ng/ml). Le taux des IgE augmente ensuite progressivement jusqu’à la puberté, puis il décroît jusqu’à l’âge de 30 ans et reste en plateau. Cette synthèse des IgE se fait essentiellement dans les tissus lymphoïdes proches des surfaces muqueuses des tractus respiratoires et digestifs.
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre I – DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES
I – 1 – ASPECTS FONDAMENTAUX DE LA SYNTHESE DES IgE
I – 1 – 1 – Les immunoglobulines E
A – Caractéristiques biochimiques et structurales
B – Propriétés et taux physiologiques
I – 1 – 2 – Les récepteurs à IgE
A – Le récepteur FcεR1
B – Le récepteur FcεR2
I – 1 – 3 – Biosynthèse des immunoglobulines E
A – Signalisation moléculaire
B – Etapes de maturation des Lc B
I – 1 – 4 – Modulation cytokinique de la commutation isotypique
A – Les interleukines 4 et 13
B – Les interleukines 10
C – L’interféron γ
D – L’interleukine 27
I – 2 – ASPECTS APPLIQUES ET CLINIQUES DE LA SYNTHESE DES IgE DANS L’ASTHME ALLERGIQUE
I – 2 – 1 – Terrain atopique
I – 2 – 2 – Sensibilisation allergique
I – 2 – 3 – Phases de la réaction allergique
Chapitre II – MATERIEL ET METHODES
II – 1 – ASPECTS MOLECULAIRES ET ROLE DE L’IL-27
II – 1 – 1 – Obtention des cellules
A – Purification des cellules B spléniques CD19+
B – Séparation des cellules B naïves et mémoires par tri cellulaire
C – Purification des cellules B naïves à partir du sang de cordon
D – Les lignées cellulaires BL-2 clone 20
II – 1 – 2 – Culture cellulaire et étude de la réponse à l’IL-27
II – 1 – 3 – Marquage de la surface cellulaire par immunofluorescence
II – 1 – 4 – Analyse phénotypique par cytométrie en flux
II – 1 – 5 – Mesure de la prolifération
II – 1 – 6 – Dosage des Immunoglobulines
II – 1 – 7 – Analyse de l’activité du promoteur du gène Cε (IgE)
II – 1 – 8 – Détection des transcrits germinaux γ1 par RT-PCR
II – 2 – ETUDE CLINICOBIOLOGIQUE DE L’ASTHME ALLERGIQUE A ANNABA
II – 2 – 1 – Patients
II – 2 – 2 – Dosage des IgE sériques totales
II – 2 – 3 – Dosage des IgE sériques spécifiques
A – Mélange de pneumallergènes
B – Pneumallergènes individualisés
C – Mélanges de trophallergènes et trophallergènes individualisés
II – 2 – 4 – Dosage de la protéine cationique de l’éosinophile
II – 2 – 5 – Détermination de l’éosinophilie
II – 2 – 6 – Etude statistique
Chapitre III – RESULTATS ET DISCUSSION
III – 1 – EFFETS DE L’IL-27 SUR LA PRODUCTION ET L’EXPRESSION DES IMMUNOGLOBULINES
III – 1 – 1 – Expression du récepteur de l’IL-27
III – 1 – 2 – Effets de l’IL-27 sur la commutation isotypique
III – 1 – 3 – Effet de l’IL-27 sur la différenciation des cellules B en plasmocytes
III – 1 – 4 – Effet de l’IL-27 sur la production d’IgE
III – 2 – SENSIBILISATIONS ALLERGENIQUES ET MARQUEURS CLINIQUES
III – 2 – 1 – Caractéristiques atopiques et hyperréactivité bronchique
III – 2 – 2 – Environnement allergénique et sensibilisations
III – 2 – 3 – Exploration des éosinophiles
III – 2 – 4 – Etude clinico-biologique
III – 2 – 5 – Relation de l’âge avec les paramètres biologiques et cliniques
Chapitre IV – CONCLUSION GENERALE