Caméra acoustique sous-marine
En acoustique sous-marine les scènes d’intérêt se trouvent généralement à une distance importante de l’observateur (typiquement une dizaine de mètres) et l’imagerie active en acoustique sous-marine, plus encore que l’échographie médicale, souffre beaucoup de la vitesse limitée de propagation des ondes acoustiques dans l’eau. Le besoin en forte cadence y est encore plus critique. En ce sens, un système d’imagerie à forte cadence, appelée également caméra acoustique, répond lui aussi à des besoins d’origines très variées :
– Tout d’abord dans le domaine de la sécurité des ports et des installations sensibles (offshore, militaire), la caméra acoustique peut pallier aux limites des systèmes de visualisation optique liées à la turbidité de l’eau.
– L’exploitation pétrolière moderne nécessite de travailler à des profondeurs toujours plus importantes, à l’aide de systèmes autonomes (Autonomous Unmanned Vehicle) ou téléopérés (Remote Operating Vehicle). Un réel besoin opérationnel existe dans l’équipement de systèmes de visualisation performants pour de tels engins, dans le cadre notamment, de l’inspection des pipe-lines.
– La guerre des mines modernes implique elle aussi l’utilisation de systèmes de plus en plus automatisés nécessitant l’emploi d’outils de visualisation fiables et performants.
– Enfin d’autres domaines plus marginaux pourraient bénéficier de tels systèmes, comme la biologie sous-marine, l’équipement de plongeur ou l’inspection de structure (BTP sous-marin, barrage,…). Il est important de noter que les imageurs acoustiques classiques fabriquent leur image par déplacement mécanique et juxtapositions des fauchées réalisées. C’est le cas des sonars latéraux et des sondeurs multi-faisceaux. Les images peuvent être d’excellente qualité mais elles ne constituent pas ce qu’on attend intuitivement d’une « caméra », c’est-à-dire une vision en 3D obtenue sans mouvement spécifique de la plate-forme. Une caméra acoustique est donc un dispositif dont on attend une image à grande résolution à travers une eau turbide et capable d’obtenir cette image à une cadence et un contraste satisfaisant. On s’attend aussi à ce que cette image n’exige pas un balayage mécanique ou un déplacement contrôlé de l’observateur. Enfin cette image doit pouvoir restituer les 3 dimensions. Des systèmes de caméra acoustique sont aujourd’hui disponibles commercialement. Si les systèmes Blueview ou Didson sont en fait des sonars multifaisceaux haute fréquence, ne permettant qu’une imagerie bidimensionnelle, l’Echoscope de Coda Octopus, basée sur une émission omnidirectionnelle et l’utilisation d’un récepteur bidimensionnel constitue le premier système imageur tridimensionnel temps réel. Ce système permet en effet un pointage électronique dans n’importe quelle direction de l’espace contenue dans un cône de 50°x50° autour de l’axe de l’antenne. Cependant le mode de fonctionnement d’un tel système, adapté aux cadences élevées, ne constitue pas un optimum en termes de qualité de l’image.
Retournement temporel et la méthode DORT
Le retournement temporel (RT), sous sa forme initiale, consiste à faire réémettre par un réseau de transducteurs les signaux que ce même réseau a enregistrés au cours de la récurrence précédente. Cette technique est aujourd’hui utilisée pour focaliser de l’énergie acoustique dans un milieu hétérogène (thérapie acoustique du cerveau) (Tanter, Thomas, & Fink, 1998). Si le RT ne fait pas d’hypothèse sur la propagation, il est néanmoins possible de l’utiliser en imagerie pour isoler les traits dominants de la scène insonifiée, comme par exemple la détection de diffuseurs prépondérants, selon un principe analogue à celui utilisé dans le filtrage spatial (Méthodes Haute Résolution). C’est l’opération réalisée par la méthode DORT (Diagonalisation de l’Opérateur de Retournement Temporel) (Prada, Manneville, Spoliansky, & Fink, 1995). Le RT est un exemple presque unique jusqu’à présent de mécanisme d’adaptation de l’insonification à l’objet insonifié. Un tel mécanisme est fréquemment exploité en réception seule (dans le Traitement Adaptatif d’Antenne), mais très peu pour l’émission. Dans le cadre de la synthèse d’émission, s’il ne semble pas nécessaire, ni réaliste, de fabriquer explicitement les signaux d’émission adaptés, la fabrication, a priori, de bases d’émission adaptées à l’application peut s’avérer primordiale
Les techniques d’accélération des cadences d’émission
La volonté d’augmenter la cadence en imagerie acoustique n’est pas une exigence nouvelle. On trouve cette question abordée dans la thèse de Jeremy Bercoff, (Bercoff, 2004) par l’utilisation d’une superposition de tirs à l’émission et un traitement parallèle multi-voies en réception (il y a donc ambiguïté en émission et réception multi-voies). Une approche voisine est également utilisée en ASM dans la caméra acoustique DIDSON où l’émission est réalisée au foyer d’une lentille acoustique en simultané sur plusieurs foyers. Enfin une méthode similaire est utilisée dans le sonar frontal d’iXSea où l’émission est directive et la réception est ambiguë. La séparation des voies d’émission se fait spectralement ou temporellement (Mosca & Jean, 2006). Améliorer la cadence, toutes choses étant égales par ailleurs, est une motivation centrale de la thèse. Cette question concerne d’ailleurs tous les systèmes d’imagerie active. Ceci est encore plus vrai en imagerie acoustique en raison de la faible valeur de la vitesse du son, et devient particulièrement critique en Acoustique Sous-Marine pour la Caméra Acoustique, où la portée exigée est au moins 20 fois plus grande qu’en échographie, pour une résolution angulaire du même ordre (10-2 rad.). Multilignes et multibeam sont deux techniques normalement distinguées pour améliorer la cadence. Toutes deux traitent en parallèle plusieurs voies de réception. Dans le multi-lignes – classiquement utilisé en échographie – , on dispose de plusieurs voies de réception autour d’une unique voie d’émission. Dans le multi-beam, on superpose plusieurs tirs dans plusieurs directions simultanément. Le procédé consiste à sommer en une seule émission les signaux pointés dans différentes directions réparties dans l’espace. À condition de limiter le nombre de voies transmises, la technique multi-beam conserve une résolution et une portée acceptables au prix d’une perte de contraste en proportion du nombre de voies d’émission.
L’imagerie en champ proche par la méthode de LU
La recherche d’une base de fonction d’émission permettant de réaliser une imagerie rapide a été abordée en échographie d’un point de vue théorique par Lu (Lu, 1997). Cette approche est basée sur l’observation d’une base de fonctions d’ondes non diffractantes (X-Waves) qui sont « non physiques » (comme les ondes planes) mais qui peuvent être approximées de façon satisfaisante pour faire de l’imagerie rapide en champ proche. Les méthodes proposées par Lu sont assez proches de celles proposées par Stolt dans le domaine de la Sismique-Réflexion (Stolt, 1978). Il s’agit d’une méthode d’imagerie de champ proche dans le domaine de Fourier mais ne permet pas de résoudre le compromis entre cadence et qualité de l’image.
Ondes acoustiques
Afin d’appréhender le principe de l’imagerie acoustique, il est nécessaire de comprendre les phénomènes physiques en jeu derrière les signaux acquis. Les milieux matériels présentent les deux propriétés nécessaires à l’apparition de phénomènes ondulatoires à savoir compressibilité (on parle d’élasticité pour les solides), qui tend à ramener toutes déviations vers son état d’équilibre, et inertie qui implique un dépassement de l’état d’équilibre vers une seconde déviation opposée. Les milieux matériels sont caractérisés par trois paramètres thermodynamiques qui sont la pression p, la densité ρ et la vitesse v. Ces trois grandeurs sont reliées par les trois lois suivantes (Pierce, 1989):
– Conservation de la masse
– Equation de la dynamique des fluides
– Relation thermodynamique pression/densité
|
Table des matières
Table des figures
1. Introduction et position du problème
1.1. Contexte de la thèse
1.1.1. Imagerie médicale ultrasonore à haute cadence
1.1.2. Caméra acoustique sous-marine
1.1.3. Objectifs de la thèse
1.1.4. Contexte scientifique et technique sur le thème des réseaux d’émetteurs
1.2. Structure de la thèse
1.2.1. Base de l’imagerie acoustique active (Chapitre 2)
1.2.2. Compromis cadence-contraste en imagerie active (Chapitre 3)
1.2.3. Imagerie par synthèse d’émission (Chapitre 4)
1.2.4. Speckle et mesure de déplacement (Chapitre 5)
2. Les bases de l’imagerie acoustique active
2.1. Ondes acoustiques
2.1.1. Conservation de la masse
2.1.2. Equation d’Euler
2.1.3. Relation pression-densité
2.1.4. Equation de l’acoustique linéaire
2.1.5. Equation d’onde
2.1.6. Solutions de l’équation d’onde
2.1.7. Phénomène d’absorption des ondes acoustiques
2.2. Génération du champ acoustique
2.2.1. Principe de la transduction
2.2.2. Théorie du rayonnement et de la diffraction
2.2.3. Réponse impulsionnelle spatiale
2.3. Principe et fondements de l’imagerie active
2.3.1. Diffraction des objets petits devant la longueur d’onde
2.3.2. Diffraction des objets de l’ordre de la longueur d’onde (Théorie de Mie)
2.3.3. Réflexions aux interfaces
2.3.4. Diffraction des volumes
2.3.5. Approximation de Born
2.3.6. Equation du sonar
2.3.7. Premiers systèmes d’imagerie active acoustique
2.4. Imagerie multi capteurs
2.4.1. Formation de voie et traitement d’antenne
2.4.2. Imagerie par focalisation dynamique
2.4.3. Le sondeur multifaisceaux
2.4.4. Le mode B en imagerie médicale
2.4.5. Quelques valeurs comparatives dans le cadre de la thèse
3. Compromis cadence-contraste en imagerie active
3.1. Critère de qualité d’une image
3.1.1. Fonction de diffraction ponctuelle
3.1.2. Résolution
3.1.3. Contraste
3.1.4. Portée et pénétration
3.1.5. Cadence physique et cadence système
3.2. Technique d’amélioration de la qualité de l’image
3.2.1. Sondeur multi-faisceaux à croix de Mills (Acoustique Sous-Marine)
3.2.2. Méthode multi-focus (Echographie)
3.2.3. Sonar à antenne synthétique (Acoustique Sous-Marine)
3.2.4. Méthode de synthèse non-cohérente (Echographie)
3.3. Technique d’amélioration de la cadence
3.3.1. Méthode Ultrafast
3.3.2. Méthode multibeam
3.3.3. Codage temporel
3.4. Compromis cadence-contraste
3.5. L’imagerie active comme filtrage linéaire
4. Imagerie par synthèse d’émission
4.1. Imagerie par synthèse canonique
4.1.1. Acquisition du jeu complet de données
4.1.2. Matrice d’émission et codage spatial
4.1.3. Synthèse canonique
4.1.4. Optimalité de la synthèse canonique
4.1.5. Comparaison des niveaux de bruits respectifs
4.1.6. Validation expérimentale
4.1.7. Méthode des transducteurs virtuels
4.2. Codage spatial et synthèse de Hadamard
4.2.1. Codage spatial
4.2.2. Matrice de Hadamard
4.2.3. Synthèse de Hadamard à 2 éléments
4.2.4. Validation expérimentale
4.2.5. Propriétés des faisceaux de Hadamard
4.2.6. Allègement de la base de Hadamard
4.2.7. Conclusion
4.3. Synthèse sphéroïdale
4.3.1. Maximisation du critère énergétique
4.3.2. Cas du champ lointain
4.3.3. Introduction des séquences sphéroïdales
4.3.4. Application des séquences sphéroïdales à l’imagerie acoustique
4.3.5. Synthèse sphéroïdale en champ lointain
4.3.6. Synthèse sphéroïdale en champ proche
4.3.7. Propriété de sélectivité spatiale
4.4. Validation expérimentale
4.4.1. Implémentation pratique
4.4.2. Résultats expérimentaux
4.4.3. Comparaison synthèse de Hadamard et synthèse sphéroïdale
4.5. Perspective pour l’imagerie ultrasonore tridimensionnelle
4.6. Synthèse pondérée
4.6.1. Synthèse par pondération directionnelle
4.6.2. Synthèse par pondération de cohérence globale linéaire
4.6.3. Synthèse par pondération de cohérence globale non linéaire
4.6.4. Essai in vivo
4.7. Conclusions
5. Speckle et mesure de déplacement
5.1. Origine et statistique du speckle (Goodman, 2007)
5.1.1. Somme aléatoire de phaseurs
5.1.2. Hypothèse du speckle pleinement développé
5.1.3. Statistique d’ordre 1 du speckle
5.1.4. Relation entre speckle signal et speckle image
5.1.5. Sommation cohérente de speckles pleinement développés
5.1.6. Validation expérimentale
5.1.7. Fonction d’autocorrélation du speckle
5.1.8. Fonction d’autocorrélation dans la direction normale au plan d’imagerie
5.1.9. Conclusion sur la cohérence spatiale du speckle
5.2. Mesure de déplacement par décorrélation du speckle. Cas bidimensionnel
5.2.1. Géométrie du problème
5.2.2. Approximation du centre de phase
5.2.3. Mesure des déplacements de l’antenne des centres de phases
5.2.4. Principe des bornes de Cramer-Rao
5.2.5. Application des bornes de Cramer-Rao à la micronavigation
5.2.6. Validation expérimentale
5.2.7. Principe du Correlation Velocity Log
5.2.8. Proposition de Méthode de Micronavigation Codée
5.2.9. Approche expérimentale
5.2.10. Conclusion
6. Conclusion et perspectives
6.1. Le compromis cadence-contraste
6.2. Méthode d’allègement et Synthèse Sphéroïdale
6.3. Prise en compte du mouvement
6.4. Perspectives
Bibliographie
Annexe 1 : Atténuation des faisceaux acoustiques
Annexe 2 : Sources de bruit
Annexe 3 : Dispositifs expérimentaux
Annexe 4 : Outils de modélisation
Annexe 5 : La méthode d’allègement comme projection sur un sous-espace
Annexe 6 : Fonction de diffraction ponctuelle (PSF) pour la configuration MIMO
Télécharger le rapport complet