L’importance des hétérocycles dans les processus biologiques a été reconnu il y plus de 200 ans lors de l’isolement des premiers alcaloïdes, tels que la morphine, la quinine ou la strychnine. De nos jours, les hétérocycles sont retrouvés dans plus de 90% des nouvelles molécules bioactives de provenance synthétique.
La valeur des hétérocycles pour les industries pharmaceutiques et agrochimiques trouve son origine dans les propriétés physico-chimiques et bio-isostériques de ces composés. Ainsi, l’introduction d’un motif hétérocycle dans une molécule bioactive permet de moduler sa solubilité et sa lipophilie, et donc ses propriétés pharmaco-cinétiques. D’autre part, les hétérocycles possèdent généralement une structure rigide dans laquelle sont inclus de nombreux sites d’interactions potentiels avec des récepteurs biologiques, ce qui peut modifier les propriétés pharmaco-dynamiques des molécules dans lesquelles ces hétérocycles sont introduits.
Il est donc peu surprenant de constater que la chimie des hétérocycles est dotée d’une histoire particulièrement ancienne et riche, et représente un des domaines les plus vastes de la chimie organique. Un observateur non averti pourrait en conclure qu’effectuer des recherches dans ce domaine n’a plus guère d’intérêt de nos jours. Rien ne saurait être plus faux. En effet, les industries pharmaceutiques et agrochimiques sont soumises à des pressions croissantes d’ordre économique et scientifique, et le développement de molécules bioactives qui soient à la fois efficaces, sûres, et économiquement accessibles représente un défi en perpétuelle évolution. Une manière de répondre à ce défi est de proposer des méthodes de synthèse permettant d’accéder à des hétérocycles originaux, et dans des conditions compatibles avec la recherche industrielle, e.g. des méthodes flexibles, non dangereuses et opérationnellement simples.
Synthèse de Phosphonylpyrazoles par Couplage Croisé Pallado-Catalysé
Structure, synthèse et réactivité des pyrazoles
Les pyrazoles sont des hétérocycles aromatiques à 5 chaînons possédant deux atomes d’azotes en position relative 1,2. Ils appartiennent à la famille des azoles (i.e. cycles à 5 chaînons azotés contenant au moins un autre atome d’azote, d’oxygène ou de souffre). Les pyrazoles sont présents dans un grand nombre de produits non naturels biologiquement actifs, avec des applications en chimie médicinale ou dans le domaine phytosanitaire. Le célécoxib (anti-inflammatoire, antalgique), le sildénafil (vasodilatateur), le fipronil (insecticide) ou encore le bixafen (fongicide) sont quelques exemples représentatifs .
En revanche, le motif pyrazole est rarement trouvé dans les produits d’origine naturelle, et seules 18 molécules ont été rapportées à ce jour . Celles-ci peuvent présenter des activités biologiques extrêmement variées, comme la withasomnine qui est un dépresseur du système nerveux central, la nostocine A qui est un antitumoral, ou encore les fluviols A à E qui sont des antibiotiques.
Les pyrazoles sont également d’excellents ligands des métaux de transition, et leur utilisation dans le domaine des matériaux a aussi été largement décrite. De par cette très large palette de propriétés, la structure, la synthèse et la réactivité des pyrazoles ont fait le sujet de nombreuses études. Par souci de concision, seul un très bref résumé de ces diffèrents aspects sera présenté dans ce manuscrit. De nombreuses et excellentes revues sont parues dans la bibliographie et, sauf indication contraire, toutes les informations présentées dans cette partie sont issues de ces revues.
Nomenclature, structure et propriétés physico-chimiques
Nomenclature
De façon trompeuse, le terme « pyrazole » peut désigner trois classes de composés : les 1H-pyrazoles, mais également leurs isomères non-aromatiques, les 3H-pyrazoles et les 4H-pyrazoles . Seuls les 1H-pyrazoles seront discutés dans ce manuscrit, et le terme « pyrazole » sera par la suite entièrement réservé à cet isomère. De même, les formes insaturées des pyrazoles, les Δ1-, Δ2- et Δ3-pyrazolines, ne seront abordées que dans le cadre de la synthèse des 1H-pyrazoles.
Structure
Une des caractéristiques structurales les plus importantes des pyrazoles est l’existence d’un équilibre tautomérique entre les formes L1-1 et L1-2 (Schéma 1). Cette tautomérie annulaire a principalement été observée pour R1= H (prototropie), mais également pour R1= C(O)R (acylotropie) et R1= métal (métallotropie). En solution, les aspects cinétiques et thermodynamiques de cet équilibre peuvent être fortement influencés par des effets de solvant et par la nature des substituants portés par le cycle. Par exemple, la cinétique d’équilibre prototropique et acylotropique est considérablement ralentie dans des solvants polaires aprotiques, comme le DMSO.
D’un point de vue géométrique, le pyrazole est une molécule plane de par sa nature aromatique, mais présentant néanmoins des liaisons d’ordres différents avec une alternances de doubles liaisons (N2-C3)/(C4-C5) et de liaisons simples (C3-C4)/(C5-N1) .
Propriétés physico-chimiques
Le 1H-pyrazole fondamental est un hétérocycle légèrement ?-excédentaire dont l’énergie de résonance, calculée à partir de l’enthalpie de combustion, est de 123 kJ/mol, ce qui le place entre le benzène (150 kJ/mol) et le thiophène (100-129 kJ/mol). Il est faiblement basique avec un pKa de 2.52 pour sa forme protonée, et faiblement acide avec un pKa de 14.21.
Principales méthodes de synthèse
Il existe de très nombreuses méthodes de synthèse permettant d’accéder aux pyrazoles L1-1, les deux plus importantes en termes de généralité étant la réaction entre des hydrazines L1-3 et des composés α,β-difonctionnalisés tels que L1-4 ou L1-5 , ainsi que les réactions de cycloaddition 1,3-dipolaires entre des composés diazo L1-7 ou nitrilimines L1-8 et des alcynes ou des alcènes L1-6 . Des azométhines imines L1-9 peuvent également être utilisées en tant que 1,3-dipôles dans cette dernière méthode de synthèse, mais ces azométhines imines mènent généralement aux analogues saturés des pyrazoles, et elles ne seront donc pas présentées ici.
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre 1: Synthèse de Phosphonylpyrazoles par Couplage Croisé PalladoCatalysé
1. Structure, synthèse et réactivité des pyrazoles
1.1. Nomenclature, structure et propriétés physico-chimiques
1.1.1. Nomenclature
1.1.2. Structure
1.1.3. Propriétés Physico-Chimiques
1.2. Principales méthodes de synthèses
1.2.1. Réaction entre des hydrazines et des composés -difonctionnalisés
1.2.2. Cycloadditions 1,3-dipolaires
1.3. Réactivité des pyrazoles
1.3.1. Généralités
1.3.2. Réactivité vis-à-vis des électrophiles
1.3.2.1. En position azotée
1.3.2.1.1. N-Alkylation, N-Arylation et N-Acylation
1.3.2.1.2. N-Oxidation
1.3.2.2. En position carbonée
1.3.2.2.1. Nitration, sulfonation, acylation
1.3.2.2.2. Halogénation
1.3.3. Réactivité vis-à-vis des nucléophiles
1.3.4. Réactions de métallation en position carbonée
2. Formation de liaisons C(sp2)-P par couplage croisé métallo-catalysé
2.1. Catalyse au nickel
2.2. Catalyse au palladium
2.2.1. Synthèse de phosphonates
2.2.2. Synthèse de phosphonites, d’oxydes de phosphine secondaires et de phosphines
2.2.3. Phosphonylation par activation de liaisons C-H
2.3. Catalyse au cuivre
3. Contexte de l’étude et objectifs
3.1. Composés organophosphorés: Activités biologiques, modes d’actions et relations bioisostériques
3.2. Le cas particulier des phosphonylpyrazoles
3.2.1. Cycloaddition [3+2]
3.2.1.1. Dipolarophile phosphonylé
3.2.1.2. Dipôle 1,3 Phosphonylé
3.2.2. Cyclisations de précurseurs phosphonylés
3.2.3. Phosphonylation du noyau pyrazole
3.3. Objectifs des travaux
4. Résultats et discussion
4.1. Phosphonylation pallado-catalysé d’halogénopyrazoles
4.1.1. Utilisation de 3-, 4-, et 5-halogénopyrazoles non fonctionnalisés
4.1.1.1. Synthèse des substrats requis pour l’étude
4.1.1.1.1. Synthèse de 3-, 4-, et 5-halogénopyrazoles non fonctionnalisés
4.1.1.1.2. Synthèse de H-phosphinates et d’oxydes de phosphine secondaires
4.1.1.2. Optimisation du couplage
4.1.1.3. Champ d’application et limitations du couplage
4.1.2. Phosphonylation pallado-catalysé de 3-, 4-, et 5-halogénopyrazoles fonctionnalisés par un groupement électroattracteur
4.1.2.1. Synthèse des substrats requis pour l’étude
4.1.2.2. Réaction de couplage: résultats préliminaires
4.1.2.3. Optimisation du couplage
4.1.2.4. Relations entre rendements de phosphonylation et propriétés stéréoélectroniques des substrats
4.1.3. Post-fonctionnalisation de phosphonylpyrazoles
4.1.4. Bilan et Perspectives
4.2. Synthèse et fonctionnalisation de phosphonylpyrazoles par activation pallado-catalysée de liaisons C-H
4.2.1. Rappels bibliographiques: fonctionnalisation pallado-catalysée C-H de pyrazoles
4.2.2. Phosphonylation par activation de liaisons C-H du noyau pyrazole
4.2.2.1. Résultats préliminaires
4.2.2.2. Utilisation d’acides carboxyliques
4.2.2.2. Utilisation d’amides
4.2.2.2. Utilisation d’éthers d’oxime
4.2.3. Arylation par activation de liaisons C-H du noyau phosphonylpyrazole
4.2.3.1. Résultats préliminaires
4.2.3.2. Tentatives d’optimisation
4.2.4. Bilan
5. Conclusion
Partie Expérimentale: Chapitre 1
Chapitre 2: Synthèse de Fluoropyridazines par Réactions de Cycloadditions [2+1]/[3+2] Séquentielles
1. Activité biologique, structure, synthèse et réactivité des pyridazines
1.1. Activité biologique
1.2. Structure et propriétés physico-chimiques
1.3. Principales méthodes de synthèses
1.3.1. Condensation d’hydrazine sur des composés de type 1,4-dicarbonylés
1.3.2. Condensation d’hydrazones ou d’hydrazides possédant un groupe méthylène activé sur des composés de type 1,2-dicarbonylés
1.3.3. Réaction de Diels-Alder des 1,2,4,5-tétrazines
1.3.4. Réaction de cycloaddition 1,3-dipolaire
1.4. Réactivité des pyridazines
1.4.1. Aperçu général de la réactivité
1.4.2. Réactivité vis-à-vis des électrophiles
1.4.2.1. En position azotée
1.4.2.2. En position carboné
1.4.3. Réactivité vis-à-vis des nucléophiles
1.4.3.1. Alkylation et arylation directes par des composés organométalliques
1.4.3.2. Réaction de type SEAr
1.4.4. Réaction de métallation
2. Structure, synthèse et réactivité des 3,3-difluorocyclopropènes
2.1. Structure des 3,3-difluorocyclopropènes
2.2. Synthèse des 3-3-difluorocyclopropènes
2.2.1. Par cycloaddition [2+1] du difluorocarbène
2.2.2. Par déshalogénonation ou déshydrohalogénation de 3,3-difluorocyclopropanes
2.2.3. Par échange d’halogène à partir de 3,3-dihalogénocyclopropènes
2.2.4. Méthodes diverses
2.3 Réactivité des 3,3-difluorocyclopropènes
2.3.1. Réactivité vis-à-vis des électrophiles
2.3.2. Réactivité vis-à-vis des nucléophiles
2.3.2.1. Réactions d’addition-élimination sur la double liaison C1=C2
2.3.2.2. Réactions d’addition 1,4 sur la double liaison C1=C2
2.3.2.3. Réactions de migration exocyclique de la double liaison C1=C2 initiées par un nucléophile
2.3.2.4. Réaction de déprotonation de la double liaison suivie de la réaction avec un électrophile
2.3.3. Réactivité vis-à-vis des radicaux
2.3.4. Réactions d’oxydo-réduction
2.3.5. Réactions Péricycliques
2.3.5.1. Réactions de cycloadditions [2+1], [2+2] et [3+2]
2.3.5.2. Réactions de cycloadditions [4+2]
2.4. Bilan
3. Contexte et objectifs de l’étude
4. Résultats et discussion
4.1. Résultats préliminaires
4.2. Synthèse de 5-fluoropyridazine par séquence de cycloadditions [2+1]/[3+2] à partir d’alcynes terminaux
4.2.1. Synthèse des substrats requis pour l’étude
4.2.2. Champ d’application et limites
4.2.2.1. Utilisation d’alcynes terminaux substitués par des groupements aryles et alkyles
4.2.2.2. Utilisation d’alcynes terminaux substitués par des hétérocycles
4.2.2.3 Montée en échelle
4.2.2.4 Utilisation de divers dipôles 1,3
4.2.2.4.1. Utilisation de composés diazo
4.2.2.4.2. Utilisation d’ylures d’azométhine
4.2.2.4.3. Utilisation de nitrilimines
4.2.2.4.4. Utilisation d’oxydes de nitrile
4.2.3. Bilan
4.3. Synthèse de 5-fluoropyridazines par cycloadditions [3+2] de 3,3-difluorocyclopropènes disubstitués
4.3.1. Synthèse de 3,3-difluorocyclopropènes substitués par des hétérocycles
4.3.1.2. Synthèse des substrats requis pour l’étude
4.3.1.2.1. Synthèse de 1-iodo-3,3-difluorocyclopropènes
4.3.1.2.2. Synthèse d’hétérocycles tributylstannylés
4.3.1.3. Optimisation du couplage
4.3.1.4. Champ d’application du couplage
4.3.2. Champ d’application de la réaction de cycloaddition [3+2]
4.3.3. Bilan
4.4. Post-fonctionnalisation de 5-fluoropyridazines
4.4.1. Post-fonctionnalisation en position C3
4.4.2. Post-fonctionnalisation en position C4
4.4.3. Post-fonctionnalisation en position C5
4.4.4. Bilan
4.5. Conclusion et perspectives
Partie Expérimentale: Chapitre 2
Conclusion Générale