Synthèse d’anti-androgènes organométalliques non stéroïdiens

Les stéroïdes

    En 1905, William M. Bayliss et Ernest H. Starling16 ont défini pour la première fois le concept d’hormones. Les hormones sont des messagers chimiques de l’organisme, agissant sur un organe ou un tissu cible situé à distance de l’organe émetteur. Cette définition regroupe un très grand nombre de molécules, certaines protéiniques, d’autres peptidiques, des amines etbien d’autres molécules, parmi lesquelles les stéroïdes. Le terme générique « stéroïde » rend compte des caractéristiques physico-chimiques des premiers représentants de cette famille, isolés de la fraction insaponifiable d’extraits lipidiques animaux. Il s’agissait, en effet, d’alcools secondaires se singularisant par leur état solide cristallisé et fondant à des températures supérieures à 100°C. Le nom « stérol », issu du mot grec stéréos (= solide) et de la désinence –ol, spécifique des alcools, traduit ces propriétés. Le premier de ces composés fut isolé, vers 1770, de calculs biliaires, par Poulletier de la Salle, puis trouvé aussi, en 1816, dans les graisses animales, par M. E. Chevreul.17 Il fut nommé « cholestérine » (du grec khole = bile et stéréos = solide) en souvenir de la source où il avait été découvert initialement. En 1859, M. Berthelot, prenant en considération l’alcool, modifia le nom en cholestérol. Depuis lors, d’autres composés voisins ont été isolés.

Les récepteurs à androgènes

Généralités Le récepteur à androgènes AR appartient à la superfamille des récepteurs stéroïdiens et nucléaires.29-31 Parmi ces récepteurs, seuls cinq sont connus chez les Vertébrés : les récepteurs à oestrogènes (ER), à progestérone, gluco- et minéralo-corticoïdiens, et le récepteur AR. Comme tous ces récepteurs, AR est une protéine soluble qui fonctionne comme un facteur de transcription intracellulaire. AR est particulièrement exprimé dans les tissus cibles des androgènes, tels que la prostate, les muscles, le foie et le système nerveux central, avec un niveau d’expression très élevé observé dans la prostate.32 Il est aussi localisé dans la peau,notamment dans les glandes sébacées. Physiologiquement, le récepteur AR activé par la liaison d’androgènes est responsable de la différenciation sexuelle et des changements morphologiques observés lors de la puberté.
Structure du gène et de la protéine AR En 1981, Migeon a localisé pour la première fois le gène AR situé sur le chromosome humain X.33 En 1988, Lubahn a cloné l’ADN génomique humain codant pour le récepteur AR, en utilisant une séquence consensus à partir du domaine de liaison à l’ADN de la famille des récepteurs nucléaires.34 La même année, plusieurs groupes ont cloné des ADNc humains codant pour le récepteur AR.35-37 A ce jour, un seul gène codant pour le récepteur AR a été identifié chez l’homme. Le gène codant pour le récepteur AR a une longueur de 90 kb et code une protéine de 919 acides aminés possédant trois principaux domaines fonctionnels (Figure 5). Le domaine Nterminal (NTD), codé par l’exon 1 (1586 bp), a une fonction modulatoire.

Conformation et fonction du récepteur AR

   Comme les autres récepteurs stéroïdiens, AR est principalement localisé dans le cytoplasme et est associé avec un complexe de protéines chaperons (HSP pour Heat Shock Protein) par l’intermédiaire d’interactions avec le LBD.42 Lorsque AR est lié à un agoniste, il se passe une série de changements conformationnels provoquant la dissociation des HSPs. Ainsi, ces changements de conformation déclenchent des processus de dimérisation, de phosphorylation et la translocation de AR dans le noyau qui est déclenchée par le signal de localisation nucléaire (NLS). Ensuite, le récepteur se lie à l’élément de réponse aux androgènes (ARE), caractérisé par une séquence consensus de six nucléotides 5’- TGTTCT -3’ et localisé dans la région « enhancer » des cibles du gène codant pour le récepteur AR. Le recrutement d’autres co-régulateurs de transcription (co-activateurs et co-répresseurs)43 et de la machinerie de transcription44 assure l’activation de l’expression du gène régulé par AR. Tous ces processus sont initiés par les changements de conformation de AR induits par l’association d’un ligand sur le LBD. Ainsi, ces changements permettent la formation d’une région de fonction d’activation (AF2) située sur la surface du LBD. Cette région est cruciale à la fois pour l’interaction de type N/C-terminale (N/C) du récepteur AR et pour le recrutement de co-régulateurs durant la transcription. La région AF2 est un sillon hydrophobe constitué par la région C-terminale de H3, H4 et H12.45 Elle serait essentielle pour le recrutement de co-régulateurs car le motif « LXXLL »46 (X = un acide aminé quelconque) qui se trouve, chez des co-activateurs, dans un domaine interagissant avec un récepteur nucléaire (NID) se lierait spécifiquement sur AF2.47 De plus, d’autres motifs sur le domaine N-terminal de AR, 23FXXLF27 et 433WXXLF437, pourraient aussi interagir avec AF2.48 Ainsi, ces deux interactions pourraient entrer en compétition pour le même site de liaison vis-à-vis de AF2. Les changements de conformation de AR induits par un ligand fournissent une base structurale pour le recrutement de cofacteurs et de la machinerie de transcription. En effet, il a été montré que la formation d’un complexe d’activation implique AR, des co-activateurs, et l’ARN polymérase II qui sont liés sur les régions « enhancer » et promotrices du gène codant pour l’antigène spécifique à la prostate (PSA).44 La formation d’un complexe de répression implique des facteurs qui sont seulement liés à la région promotrice. Puisque la formation de la région AF2 fonctionnelle fournit une base structurale pour l’interaction protéine/protéine, le recrutement de co-régulateurs pourrait être crucial pour l’activité agoniste ou antagoniste des ligands du récepteur AR.49 La liaison à l’ADN est aussi requise pour l’expression du gène régulé par le récepteur AR. La séquence de l’élément de réponse aux androgènes (ARE) peut être arrangée selon des répétitions, soit inversées, soit directes.50-53 Le récepteur AR reconnaît et se lie au site de l’ARE par l’intermédiaire de deux doigts de zinc (« zinc fingers ») localisés dans le domaine de liaison à l’ADN. Tout comme les autres récepteurs stéroïdiens, AR forme des homodimères et semble former des dimères « têtes contre têtes ».54 La reconnaissance sélective de séquences spécifiques de l’ARE pourrait être régulée, soit par la liaison au ligand,55 soit par la présence d’autres facteurs de transcription qui se lient à leurs propres sites de liaison à l’ADN, ou bien par les deux mécanismes.

Description des anti-androgènes non stéroïdiens commerciaux

   La flutamide est le premier anti-androgène pur à avoir été découvert. Elle a été synthétisée pour la première fois par Neri en 1967. Après administration orale, la flutamide est complètement absorbée et est métabolisée en 2-hydroxyflutamide, qui est le principal métabolite, et en un produit d’hydrolyse, le 3-trifluorométhyl-4-nitro-aniline. Le 2- hydroxyflutamide est un anti-androgène plus puissant in vivo avec une meilleure affinité de liaison à AR que la flutamide.77 Elle a une demi-vie d’élimination d’environ 8 heures, chez l’homme.78 L’hydrolyse de la liaison amide représente la voie métabolique majeure pour générer le métabolite actif qu’est le 2-hydroxyflutamide.79 La flutamide est utilisée à des doses thérapeutiques de 750 mg/jour, dans le but de réaliser un blocage complet de AR. Cependant, comme cette molécule est métabolisée par le foie, ce métabolisme engendre la formation d’un grand nombre de produits d’hydrolyse, notamment le 4-nitro-3- trifluorométhyl-aniline qui pourrait être à l’origine de l’hépatotoxicité de ce médicament.Ainsi, son utilisation après une administration à long terme est particulièrement limitée. La nilutamide est un analogue de la flutamide possédant un noyau de type hydantoïne. Tout comme la flutamide, cette molécule est éliminée exclusivement par métabolisme, en particulier la réduction du groupe nitro situé sur le cycle aromatique. Bien que l’hydrolyse d’une des deux fonctions carbonyles ait aussi été identifiée, cette molécule est moins susceptible au métabolisme hépatique que l’hydrolyse de la liaison amide observée chez la flutamide. Ceci a pour conséquence une augmentation considérable de la demi-vie d’élimination chez l’homme (2 jours). Cependant, la réduction du groupe nitro,  engendre la formation d’un radical anion libre qui pourrait être associé à l’hépatotoxicité de la nilutamide chez l’homme. Ceci serait observé quand la dose thérapeutique administrée par voie orale nécessaire pour le blocage androgénique (150-300 mg/jour) est grande.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : SITUATION DU TRAVAIL
I. Généralités sur les stéroïdes
I.1. Stéroïdes et androgènes
I.2. Les récepteurs à androgènes
II. Les cancers de la prostate hormono-dépendante
II.1. Généralités sur le cancer de la prostate
II.2. Généralités sur les anti-androgènes
II.3. Les anti-androgènes non stéroïdiens
III. Relation Structure/Activité entre les ligands et le récepteur AR
III.1. Les SARMs (Selective Androgen Receptor Modulators)
III.2. Domaine de liaison au ligand du récepteur AR lié à un androgène
III.3. Domaine de liaison au ligand de AR lié à un anti-androgène
CHAPITRE 2 : SYNTHESE ET ETUDE DE DERIVES FERROCENIQUES DE LA FLUTAMIDE, DU 2-HYDROXYFLUTAMIDE ET DE LA BICALUTAMIDE
I. Introduction
II. Synthèse des analogues ferrocéniques de la flutamide
II.1. Synthèse du dérivé ferrocénique 5
II.2. Synthèse des dérivés ferrocéniques 6 et 7
III. Synthèse du 2-hydroxyflutamide et des analogues ferrocéniques de la bicalutamide
III.1. Synthèse du 2-hydroxyflutamide 8
III.2. Synthèse des dérivés ferrocéniques 15 et 16 de la bicalutamide
IV. Résultats des tests biologiques
IV.1. Tests RBA
IV.2. Tests d’activité anti-proliférative sur les cellules tumorales LNCaP
IV.3. Tests d’activité anti-proliférative sur les cellules tumorales PC3
IV.4. Résultats des calculs d’IC50
V. Conclusion
VI. Partie expérimentale
CHAPITRE 3 : SYNTHESE ET ETUDE DE DERIVES FERROCENIQUES DE LA NILUTAMIDE
I. Introduction
II. Synthèse et études biologiques d’analogues N-ferrocénylalkyles
II.1. Stratégie de synthèse
II.2. Les étapes de la synthèse
II.3. Résultats des tests biologiques
III. Synthèse et études biologiques d’analogues 4’-ferrocényles
III.1. Introduction
III.2. Synthèse
III.3. Résultats des tests biochimiques
IV. Conclusion
V. Partie expérimentale
CHAPITRE 4 : SYNTHESE DE DERIVES FERROCENIQUES D’ANTIANDROGENES CONTENANT UN FERROCENE DISUBSTITUE
I. Introduction
II. Synthèse de l’analogue ferrocénique 1,2-disubstitué de la nilutamide
II.1. Généralités sur les ferrocènes 1,2-disubstitués
II.2. Stratégie de synthèse du composé 43
II.3. Les étapes de la synthèse
III. Résultats des tests biochimiques
III.1. Tests RBA
III.2. Tests d’activité anti-proliférative sur les cellules PC3
III.3. Résultats des calculs d’IC50
III.4. Conclusion
IV. Synthèse d’un analogue ferrocénique 1,2-disubstitué des carboranes
IV.1. Introduction
IV.2. Stratégie de synthèse
IV.3. Les étapes de la synthèse
V. Conclusion
VI. Partie expérimentale
CONCLUSION GENERALE

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