LES REVETEMENTS NANOCOMPOSITES
Les nanocomposites
Le terme « nanocomposite » dérive de l’association de deux termes : ‘nanotechnologie’ qui désigne la science des éléments de taille nanométrique ; et ‘composite’ qui correspond à l’une des familles de matériaux (métaux et leurs alliages, matériaux polymères, verres et céramiques, et matériaux composites). Les éléments de taille nanométrique peuvent s’illustrer sous trois formes distinctes selon leurs dimensions : les particules (3D), les fibres (2D) ou les couches minces (1D). Contrairement à un alliage qui nécessite l’existence d’une affinité chimique entre les éléments d’un mélange, un matériau nanocomposite contient au moins deux phases: une phase cristalline -phase A (Φ (A))-, et une phase matrice -phase B (Φ (B))- qui peut être amorphe ou cristalline. Selon la structure, la dimension et la nature de la matrice, on peut trouver différents types de nanocomposites. Un changement très important de la proportion des inclusions de la phase A (Φ (A)) dans la matrice B (Φ (B)) peut induire une modification radicale des propriétés de la structure.
Généralement, l’avantage des matériaux nanocomposites réside en la combinaison des propriétés des éléments d’insertion (souvent partie dure) et de la phase continue (partie molle). Cette combinaison offre à ces matériaux des caractéristiques uniques et différentes. Par exemple, une insertion de particules de CdSe au-delà de 1% en volume dans une matrice de polystyrène provoque une chute drastique des propriétés mécaniques du nanocomposite [1]. En outre, l’effet synergique des particules de charge et des chaines de la matrice (figure I.1) peut parfois offrir à ces matériaux des caractéristiques bien supérieures à ses constituants de base [1,2].
En général, on distingue trois types de matrices B (Φ (B)) dans le monde des nanocomposites : matrice métallique, céramique et polymère. Les nanocomposites à base de matrice métallique et céramique sont pour la plupart cristallines (sauf la matière du verre). L’interaction entre les inclusions et la matrice et/ou entre les inclusions elles-mêmes est fortement influencée par les joints de grain présents dans la matrice. Cette interaction a été classifiée par Niihara et al. [3] en trois types : interactions intra-granulaires, inter-granulaires ou mixtes. Par ailleurs, dans les matrices B (Φ (B)) amorphes, les interactions dépendent fortement de la chimie et de la géométrie des inclusions.
Couches minces nanocomposites
Une couche mince nanocomposite est un matériau composé d’au moins deux phases non miscibles, séparées l’une de l’autre par une région dite interface. Ce matériau est constitué d’une phase nanocristalline et d’une matrice qui peut être soit cristalline soit amorphe. Un revêtement nanocomposite est caractérisé par une incorporation homogène des inclusions (charges) dans le composant majoritaire (matrice), dont au moins une des phases présente une échelle nanométrique de 1-100 nm en dimension .
Une couche mince nanocomposite déposée sur un substrat permet de modifier les propriétés physiques, chimiques et/ou biologiques de la surface. Il en résulte une nouvelle classe de matériaux qui élargie et diversifie les champs d’application, notamment ceux nécessitant la modification des propriétés mécaniques [4,5], optiques [6,7], électroniques [8–10], stabilité thermique, anti-oxydation [11], propriétés anticorrosion [12,13] ou des propriétés barrière aux gaz [14]. Récemment, compte tenu des propriétés uniques qu’offrent les nanocomposites aux matériaux, plusieurs procédés de synthèse de nanocomposites ont suscité un intérêt grandissant. De nos jours, plusieurs procédés sont utilisés qui peuvent être classés en deux grandes familles : les procédés chimiques et les procédés physiques.
Couches minces nanocomposites sol-gel
La définition du procédé sol-gel a évolué au cours des années. Tout d’abord, H. Dislich [20] a considéré que les procédés sol-gel sont ceux qui impliquent plusieurs composantes d’oxydes pour la formation des matériaux et qui présentent une homogénéité à l’échelle atomique. Cependant, D.L Segal [21] les a présentés comme étant une méthode de production d’oxyde inorganique sous forme de dispersion colloïdale ou d’alcoxydes métalliques. C.J Brinker et al [22], quant à eux, l’ont considéré comme procédé chimique dont le point de départ est une solution donnant lieu à une phase solide, avec ou sans précipitation. Finalement, une définition globale des sols-gels a été retenue : le sol-gel est tout processus partant de précurseurs en solution avec des étapes intermédiaires comprenant un gel et/ou un sol pour la production des matériaux [23].
Le principe de sol-gel repose sur trois étapes principales [24]:
– L’étape I consiste en la dissolution du précurseur (e.g. vinyltriethoxysilane, 3- Aminopropyltrimethoxysilane, etc) dans un solvant liquide pour la formation du Sol, ou une composante stable de suspension colloïdale.
– L’étape II est la formation d’un réseau rigide interconnecté uniquement limité par les parois de conteneur appelé Gel.
– L’étape III de séchage est considérée comme une étape critique, selon le mode de séchage (conventionnel, lent ou supercritique).
Comme signalé précédemment, nombreux sont les structures et les matériaux obtenus par procédés sol-gel. On peut citer à titre d’exemple les couches minces hybrides. Selon la nature chimique, la taille, la morphologie et la synergie d’interaction entre les différentes composantes, les couches hybrides synthétisées par sol-gel peuvent être classées, d’après Wojcik et Klevin [25], en trois catégories : Classe I, II et III. Dans les couches hybrides de classe I et III, les composantes organiques-inorganiques sont liées soit par des forces de Van der Waal ou par des liaisons ioniques. Pour les revêtements de classe II, les composantes organiques-inorganiques sont liées par des liaisons covalentes, assez stables vis-à-vis des attaques nucléophiles telles que l’eau, les alcools, etc. ce qui fait du revêtement hybride de classe II, celui qui est le plus utilisé. Ce type de revêtement est suivi par la formation d’un réseau réticulé par la condensation des unités chimiques constituant les deux phases. Puisque la synthèse des couches hybrides implique l’utilisation de précurseurs organo-siliciés de formule générale R’nSi(OR)4-n, elle est généralement constituée de deux étapes réactionnelles successives [22,23,26] : l’étape I, appelée hydrolyse des alcoxydes métalliques (M-OR ), produit des groupes hydroxyle (OH) en présence stœchiométrique d’eau (avec un catalyseur acide ou basique) . Par la suite, l’étape II consiste en la polycondensation des groupes hydroxyle et des groupes alcoxyle pour former un réseau tridimensionnel réticulé . L’ensemble de ces réactions en phase liquide est assisté par une thermodynamique à l’équilibre qui contrôle la cinétique réactionnelle du produit final.
A l’échelle industrielle, la synthèse de couches hybrides par procédé sol-gel s’appuie sur l’utilisation de différentes méthodes lors de la mise en forme du liquide comme le spin coating [28], le dip coating [29], etc. Ces procédés permettent l’incorporation d’inclusions supplémentaires dans les précurseurs, ceci confère aux revêtements des propriétés complémentaires telles que la protection UV, des propriétés antireflets, inhibition et protection contre la corrosion, etc. La protection contre la corrosion est une des applications majeures récentes des procédés solgel. En 2001, en étudiant les applications des procédés sol-gel pour la production de couches hybrides à base de chrome pour la protection contre la corrosion de l’aluminium, Osborne [30] a rapporté que le sol-gel permet un contrôle flexible de la morphologie du film de revêtement et des matériaux oxydants constitutifs conduisant à l’amélioration de l’adhérence sur le substrat et à des propriétés prometteuses en terme d’anticorrosion.
Plusieurs chercheurs se sont intéressés par la suite au développement de couches hybrides par sol-gel. Chou et al. [18,31] ont développé des couches hybrides par sol-gel à base de Ίmethacryloxypropyl-trimethoxysilane (MAPTS) et de tetraethoxysilane (TEOS) déposés sur des substrats d’acier. Grâce à sa bonne adhérence au substrat, le revêtement obtenu permet d’améliorer la protection contre la corrosion de l’acier. La bonne adhérence substrat-revêtement est due à la formation de liaisons covalentes entre la partie organique de la couche hybride et la couche d’oxyde se trouvant à la surface du substrat. Par ailleurs, dans l’objectif d’avoir un réseau réticulé avec les meilleures propriétés mécaniques conduisant à un minimum de fissuration et d’érosion de la couche, d’autres précurseurs comme le 3 aminopropyltrimethoxysilane (APTMS) [32], et le 3-glycidoxypropyltrimethoxy-silane ont été utilisés (GPTMS) [33]. En 2008, Wang et Akid [34] ont réussi à encapsuler des particules de nitrate de cérium dans une matrice de TEOS déposée sous forme de multicouches hybrides sur des substrats d’acier. Le revêtement ainsi obtenu présente un caractère hydrophobe et induit, par l’effet inhibiteur des particules de nitrate de cérium, une bonne résistance à la corrosion. Il est à noter que d’autres substrats comme l’aluminium, le magnésium et leurs alliages ont été recouverts avec ces revêtements. Ces revêtements ont été déposés initialement par de simples couches hybrides à base d’un ou deux précurseurs [35,36], ou encore par une multitude de couches hybrides solgel déposées par dip-coating. Ce revêtement multicouche intéressant, possédait une épaisseur totale d’environ 16 µm [37,38], et était constitué de trois couches : la première est une simple couche hybride, la deuxième encapsule des particules à caractère anticorrosif, la troisième couche est dopée avec des agents d’auto-guérison pour préserver les propriétés et la mobilité de la couche hybride après séchage.
Cet intérêt particulier montré par la communauté scientifique en faveur de la synthèse des couches hybrides par sol-gel a permis un développement d’une nouvelle génération de multicouches, en se basant sur la relation structure-propriétés des revêtements. Toutefois, le dépôt des couches hybrides par sol-gel sur les métaux souffre toujours de quelques limitations, comme la délamination, la fissuration, le manque d’adhésion et d’homogénéité en épaisseur. Cette dernière est fortement liée à l’uniformité des processus thermiques utilisés (séchage/ durcissement) qui peuvent affecter les propriétés finales du revêtement. En plus, malgré la bonne maitrise des réactions chimiques entre les précurseurs en phase liquide, les procédés solgel restent toujours caractérisés par une cinétique de réaction relativement lente.
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Table des matières
Introduction générale
CHAPITRE 1 Synthèse bibliographique : Méthodes d’élaboration des revêtements nanocomposites
Introduction
I. Les revêtements nanocomposites
I.1 Les nanocomposites
I.2 Couches minces nanocomposites
I.3 Couches minces nanocomposites sol-gel
I.4 Couches nanocomposites synthétisées par procédés plasma
I.4.1 Pulvérisation cathodique (PEPVD)
I.4.2 Principe des dépôts chimique par plasma (PECVD)
I.4.3 Synthèse de couches minces nanocomposites par procédés plasma à basse pression
I.4.4 Synthèse des couches nanocomposites par PECVD a pression atmosphérique
II Décharges à Barrière Diélectrique (DBDs)
II.1 Principe et définition de la DBD
II.2 Synthèse des couches nanocomposites par DBD
II.2.1. Préparation des suspensions colloïdales
II.2.2 Atomisation de la suspension dans la décharge
II.2.3 Polymérisation
II.3 Jet de plasma à pression atmosphérique (APPJ)
III Revêtements nanocomposites à base de graphène pour la protection anticorrosion
III.1. Généralités sur le graphène
III.2 Caractéristiques du graphène
III.2.1 Caractéristiques mécaniques
III.2.2 Caractéristiques thermiques
III.2.3 Caractéristiques électroniques
III.3 Monocouche ou multicouches de graphène pure pour la protection contre la corrosion
III.4. Revêtements nanocomposites anticorrosifs à base de graphène
Conclusion
Chapitre 2 Etude préliminaire du procédé, réacteurs plasma atmosphériques et couches minces pour le dépôt des couches composites graphène/hexamethyldisiloxane (GNs@ppHMDSO)
I. Matériaux
II. Préparation d’une solution colloïdale stable pour la synthèse des couches minces nanocomposites
II.1 Synthèse de la solution colloïdale
II.2 Stabilité d’une solution colloïdale : Effet de la nature du solvant
III Description du réacteur DBD à pression atmosphérique
III.1 Réacteur DBD
III.2 Optimisation de la géométrie du diffuseur pour un écoulement homogène dans le réacteur
III.3 Nébuliseur pneumatique
III.4 Caractérisation de la décharge plasma DBD
III.4.1 Caractérisation électrique de la décharge plasma DBD
III.4.2 Caractérisation de la décharge par spectroscopie d’émission optique
III.5 Évolution de la composition chimique, de la morphologie et de l’énergie de surface des revêtements obtenus par DBD en fonction des paramètres expérimentaux
III.5.1 Influence de la puissance
III.5.2 Influence de temps de dépôt
III.5.3 Influence du débit du précurseur
IV. Description du jet de plasma à pression atmosphérique (APPJ)
IV.1 Conditions expérimentales de prétraitement et de croissance des revêtements par APPJ
IV.2 Évolution de la composition chimique et de la morphologie de surface des revêtements obtenus par APPJ 78
IV.2.1 Influence de la tension appliquée
IV.2.3 Influence de la distance buse-substrat
V- Méthodes de caractérisation des couches
V.1 Propriétés mécaniques par nano-indentation
V.2 Spectroscopie d’impédance électrochimique
Conclusion
Chapitre 3 Caractérisations physico-chimiques des couches nanocomposites développées par plasma à pression atmosphérique
Introduction
I- Caractérisations physico-chimiques des couches obtenues par DBD
I.1 Analyse par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FT-IR)
I.2 Analyse par spectroscopie de photoélectrons induits par rayons X (XPS)
I.3 Caractérisation de la morphologie des couches par Microscopie Electronique à Balayage
I.4 Analyse par spectroscopie Raman
I.5 Indice de réfraction et porosité
I.6 Etude des propriétés mécaniques des couches nanocomposites par nano-indentation
II. Caractérisation physico-chimique et morphologique des couches nanocomposites développées par APPJ et comparaison avec la DBD
II.1 Caractérisation par FT-IR des couches nanocomposites obtenues par APPJ
II.2 Analyse par spectroscopie de photoélectrons induits par rayons X (XPS)
II.3 Caractérisation morphologique des couches nanocomposites obtenues par APPJ
Conclusion
Chapitre 4 Etude du comportement à la corrosion des substrats métalliques revêtus de films obtenus par APPJ et par DBD
Introduction
I. Prétraitement de surface de l’acier E24
I.1 Jet plasma à pression atmosphérique (APPJ)
I.2 Analyse XPS de la surface de l’acier E24 prétraité par APPJ
II. Étude du comportement anticorrosion des films nanocomposites déposés sur des substrats d’acier E24
II.1 Corrosion de l’acier E24 nu
II.2 Comportement électrochimique de l’acier E24 revêtu
II.2.1 Effet du prétraitement par APPJ
II.2.2 Comparaison des revêtements ppHMDSO obtenus par DBD et par APPJ
II.2.3 Comportement de l’acier revêtu de films nanocomposites déposés par DBD
II.2.4 Comportement de l’acier revêtu de couche sandwich
II.3 Simulation de diagrammes d’impédance de l’acier revêtu
II.3.1 Proposition du circuit électrique équivalent
II.3.2 Ajustement des diagrammes d’impédance
Conclusion générale