Sur la commune de Bonny-sur-Loire, située dans le département du Loiret, la berge rive droite de la Loire en amont du pont de la RD926 reliant Bonny-sur-Loire à Beaulieu-sur-Loire subit une érosion régulière inquiétante au regard des enjeux présents, depuis le milieu du XXème siècle. Les services de la DREAL (Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) Centre-Val de Loire ont étudié l’évolution du fleuve, dans le cadre de la gestion du domaine public fluvial de la Loire moyenne. La finalité était d’informer la DDT (Direction Départementale des Territoires) du Loiret, gestionnaire du lit de la Loire, de l’évolution prévisible du fleuve dans ce secteur. Des menaces à court terme ont été mises en évidence pour le captage d’alimentation en eau potable des communes de Bonny-sur-Loire et Ousson, mais également à moyen terme pour la culée rive droite du pont de la RD926. Ces deux zones constituent des enjeux qu’il convient de protéger. Le gestionnaire de la route est le conseil départemental du Loiret qui propose pour préserver les enjeux de mettre de l’enrochement. Cette solution est en opposition avec les choix de gestion actuelle du Domaine Public Fluvial par l’état, celui-ci favorisant la préservation des processus d’érosion de berge et de divagation latérale. La longueur d’enrochement nécessaire serait certainement supérieure à 200m linéaire ce qui nécessite une autorisation Loi sur l’eau qui est une procédure lourde et le coût d’un tel enrochement serait important.
C’est dans ce contexte que le Laboratoire Régional de Blois du Cerema a été sollicité par la DDT du Loiret pour analyser l’état des connaissances, la vulnérabilité du pont et proposer un programme d’investigations complémentaires afin d’étudier des solutions au problème conciliant les enjeux socioéconomiques liés aux infrastructures menacées et à la préservation de la dynamique fluviale. Dans ce cadre, plusieurs mesures ont été réalisées en mai 2019, notamment des levés bathymétriques mono-faisceau et topographiques sur un tronçon de 3 km de la Loire. Ces mesures de suivi de la dynamique fluviale ont été complétées par des mesures spécifiques au droit des infrastructures menacées : levés multifaisceaux, inspection au sonar latéral, mesures de courantométrie aDcp. Les mesures topo bathymétriques, consistant en 13 profils en travers, suivent en partie des profils topo bathymétriques déjà suivis en 2016, ce qui permet une analyse diachronique de l’évolution morphologique du secteur. Le contexte d’évolution morphologique dans ce secteur de Bonny-sur-Loire est complexe. C’est pourquoi l’équipe du Cerema souhaite s’appuyer sur les nouvelles données acquises en 2019 ainsi que sur une étude bibliographique pour étudier et comprendre les processus d’évolution morphologique de la forme en plan de la Loire dans ce secteur. L’objectif est de comprendre le fonctionnement morphologique de la Loire dans cette zone afin de définir des solutions pertinentes et réellement adaptées pour préserver au mieux la dynamique fluviale et les infrastructures. C’est dans cet objectif que le stage réalisé au Cerema s’inscrit.
BONNY-SUR-LOIRE
En amont du pont de Bonny-sur-Loire, la berge en rive droite de la Loire subit une érosion de 5 à 6 m par an. Cette érosion menace à court et moyen terme un captage d’eau potable et la culée d’un pont. Il convient de comprendre les processus en jeu dans l’érosion de cette berge afin de trouver une solution conciliant protection des enjeux et préservation de la dynamique fluviale, notamment la divagation latérale.
L’érosion latérale peut être causée par différents mécanismes, qui impliquent d’une part l’érosion des sédiments par les contraintes hydrauliques, et d’autre part des mécanismes liés au poids de la berge, à sa géométrie (angle de repos), et au degré de cohésion des sédiments qui la composent (Jourdain, 2017). Il existe ainsi deux principaux types d’érosion de berge (Klösch et al., 2015 ; Jourdain, 2017). La première est l’érosion fluviale qui a lieu le long du pied de berge pendant les bas débits, menant à des écroulements de masse et le transport en aval du matériel tombé. Les écroulements de masse de ce type sont déclenchés par sapement de la berge au niveau de l’élévation de la ligne d’eau. L’effet de sape peut être accentué par des écoulements chargés en sédiments qui peuvent avoir un rôle d’abrasion. Le second type d’érosion est constitué par l’écroulement de masse sans érosion fluviale le long de la ligne d’eau, pendant les hauts débits, généralement limitée au haut de berge, où l’on retrouve généralement des sédiments sableux (Klösch et al., 2015). L’érosion fluviale est continue, en revanche, les écroulements de masse impliquent des mécanismes discontinus (Abderrezzak et al., 2014). Les écroulements de masse peuvent s’effectuer par des mécanismes variés, qui peuvent être planaires, rotatifs ou en porte-à-faux (cantilever) (Fig. 1).
L’occurrence d’un des mécanismes dépend de plusieurs facteurs, mais les plus importants sont la configuration des matériaux de la berge (un seul type de matériaux ou plusieurs couches), les caractéristiques du sol (cohésif ou non), la forme de la berge et la pression de la nappe phréatique (Abderrezzak et al., 2014). Le degré de cohésion des berges s’évalue selon la proportion de sédiments cohésifs (tels que les argiles) et leur position. En effet, si la partie supérieure de la berge est cohésive mais le pied de berge non cohésif, les processus d’érosion peuvent être actifs. L’état cohésif, comprenant des particules de taille inférieure à 100 µm, est différencié de l’état granulaire. De manière générale, les berges cohésives sont moins sujettes à l’érosion. L’érodabilité est considérée forte si des sédiments sableux à caillouteux (donc non cohésifs) dominent sur au moins le quart inférieur de la berge (Malavoi et Bravard, 2011). De plus, plus la hauteur et la pente de la berge sont élevées, plus celle-ci peut être soumise à un fort effet gravitaire et ainsi être facilement érodable. La stabilité de la berge varie également avec l’exposition à de nombreuses influences hydrologiques qui affectent les contraintes de cisaillement (le stade fluvial, la pluviométrie et la distribution de l’eau interstitielle et du poids des sédiments qui en résulte, la pression hydrostatique exercée par la colonne d’eau sur la surface de la berge) (Klösch et al., 2015). Ainsi, les conductivités hydrauliques non saturées sont plus faibles lorsque la conductivité hydraulique diminue avec une plus grande quantité d’eau et une succion matricielle qui augmente. Ces faibles conductivités hydrauliques retardent le drainage de la berge après le pic de débit. Comme les conductivités hydrauliques saturées sont plus faibles que les vitesses d’abaissement de la rivière, la nappe peut être élevée au-dessus du niveau de la rivière, ce qui résulte en une plus forte pression interstitielle le long du plan de défaillance potentielle sous la nappe phréatique et en une réduction de la succion matricielle, et ainsi de la cohésion, alors que la pression hydrostatique exercée par la rivière sur la berge diminue voire disparaît. Ces conditions font que l’écroulement de berge est plus à même d’intervenir après un pic de débit (Klösch et al., 2015).
La végétation influence également l’érosion latérale, influence d’autant plus importante que les berges sont peu cohésives (Piégay et al., 2003). D’après Malavoi et Bravard (2011), les berges non végétalisées ont un taux d’érosion cinq fois supérieur aux berges végétalisées, et il serait 30 fois plus fréquent qu’une forte érosion ait lieu sur ces berges non végétalisées. Les racines de la végétation augmentent la cohésion des sédiments, ce qui retarde la défaillance de masse. Néanmoins, le poids et la hauteur de la végétation peuvent également favoriser cette défaillance de masse par un phénomène de surcharge (Jourdain, 2017). De plus, dans les zones déboisées, les racines restantes peuvent renforcer le sol en augmentant sa cohésion apparente et la résistance au cisaillement. Mais, dans une moindre mesure, elles peuvent créer des passages pour l’eau dans la berge, augmentant la pression pores-eau, et ainsi augmentant le risque d’écroulement de masse (Abderrezzak et al., 2014). L’effet global de la végétation sur l’érosion latérale dépend ainsi du type de végétation présente (nature, âge) ainsi que de la hauteur de la berge (Jourdain, 2017). En effet, si la taille du système racinaire est inférieure à la hauteur des berges, ces dernières seront davantage susceptibles de s’éroder. Les végétaux les plus efficaces pour la protection contre l’érosion changent ainsi selon les caractéristiques de la berge et sa granulométrie. Par exemple, une végétation arborée permettra à de hautes berges de se stabiliser, tandis qu’une végétation herbacée sera plus adaptée dans le cas de berges basses (Piégay et al., 2003).
En plus de l’hydrologie et des propriétés intrinsèques de la berge l’érosion peut survenir préférentiellement selon certaines configurations morphologiques. En effet, dans les rivières méandriformes, généralement caractérisées par une faible pente, l’érosion survient au niveau de la berge concave (extrados), où la vitesse d’écoulement est plus forte, tandis qu’un dépôt s’effectue le long de la berge convexe (intrados), ce qui permet au fil du temps la migration du méandre. La migration des méandres est la combinaison d’une translation vers l’aval, d’une extension latérale, d’une expansion, et d’une rotation. Les méandres peu sinueux migrent rapidement vers l’aval. Lorsque la sinuosité augmente, la translation vers l’aval diminue, et les boucles de méandres s’étendent latéralement avec la tête tournant vers l’aval puis vers l’amont (Chen et Duan, 2006). Ces processus d’érosion et de dépôt surviennent à la suite d’écoulements caractéristiques survenant dans ces inflexions, composés à la fois d’écoulements longitudinaux et transversaux. Les méandres sont ainsi formés par un processus continu d’érosion, de transport et de dépôt. Lorsqu’une rivière contourne un coude, la majeure partie des écoulements est dirigée vers l’extérieur. Cela entraîne une vitesse accrue due à une moindre friction et à la force centrifuge, et donc à une érosion accrue (grâce à l’action hydraulique et à l’abrasion). Cette morphologie méandriforme est associée également au développement d’une barre de méandre au niveau de l’intrados. L’évolution des cours d’eau méandriformes peut être très variée, avec des processus tels que les raccourcissements ou les rescindements (Fig. 2) modifiant largement la morphologie du cours d’eau.
|
Table des matières
I- Introduction générale
II- Présentation de la structure d’accueil
III- BONNY-SUR-LOIRE
1. Introduction
2. Site d’étude
2.1. Localisation et enjeux
2.2. Morphologie du secteur
2.3. Bassin-versant et contexte géologique du secteur
2.3.1. Caractéristiques du bassin versant de la Loire
2.3.2. Caractéristiques de la Loire moyenne
2.3.3. Caractéristiques spécifiques du secteur
2.4. Contexte hydrologique
2.5. Indices
3. Matériels et méthodes
3.1. Mesures hydrographiques et topographiques
3.2. Évolution de la forme en plan
3.3. Évolution de la forme en coupe
3.4. Évolution longitudinale
3.5. Érosion de berge et hydrologie
3.6. Calculs divers
3.6.1. Indice de sinuosité
3.6.2. Rc/W
3.6.3. Ratio d’aspect
3.6.4. Forces tractrices
4. Résultats
4.1. Évolution de la forme en plan
4.1.1. Tronçon de 4 km
4.1.2. Zoom sur la berge
4.1.3. Évolution berge / île
4.4. Érosion de berge et hydrologie
4.5. Calculs divers
4.5.1. Indice de sinuosité
4.5.2. Rc/W
4.5.3. Ratio d’aspect
4.5.4. Forces tractrices
5. Discussion
6. Conclusion
IV- Bibliographie
ANNEXES
Télécharger le rapport complet