SYNTAXE DES PRONOMS PERSONNELS OBJETS EN GRAMMAIRE
Qu’est ce que la grammaire ?
La grammaire française est riche et complexe. Selon Damourette et Pinchon, « la richesse d’une langue en formes grammaticale est toujours l’image de sa richesse de pensée » .
La grammaire fait état des lois qui régissent une langue, de la manière d’agencer les idées et de respecter les formes afin que la communication soit plus aisée entre ceux qui partagent ce médium d’échange et de contact.
A l’instar de beaucoup de grammairiens, Le Robert définit la grammaire comme « un ensemble de règles d’usage qu’il faut suivre pour parler correctement une langue » .
C’est le type de définition qui met l’accent sur le caractère fermé de la grammaire qui ne devrait jamais évoluer, vivant dans son immobilisme une fois les règles établies. De plus, c’est comme si tous devraient avoir une même grammaire à propos d’une langue, en toutes circonstances, à l’écrit comme à l’oral. Sortir du cadre des règles revient à commettre une faute, un manquement à la règle. On vit dans l’obligation de suivre scrupuleusement ce qui est fixé. Mais fixé par qui ? Claudel(1948) nous donne une réponse à cette question : « la grammaire, quand elle est autre chose que la constatation et la recommandation prudente de l’usage la plus générale, et la musée des formes délicates de l’idiome qu’ont besoin d’être préservées, a été fabriquée par des gens de cabinet qui avaient perdu le sens de la langue parlée, et qui avaient en vue l’expression logique de la pensée et non pas son expression vivante et délectable ».
Vaugelas était plus modeste, plus sage, lui qui, en 1647, disait dans la préface de ses Remarques ceci : « ce n’est plus ici des lois que je fais pour notre langue de mon autorité privée. Je serais bien téméraire pour ne pas dire insensé, car à quel titre et de quel front prétendre un pouvoir qui n’appartient qu’à l’usage, que chacun reconnait pour le Maitre et le souverain des langues vivantes » .
Une grammaire est cependant utile pour toute langue. Elle dresse l’inventaire des richesses d’une langue dans laquelle on pourra puiser, non seulement pour parler correctement, mais aussi et surtout pour bien parler et bien écrire.
Qu’est-ce que la norme ?
Définir la notion de norme est d’autant plus difficile qu’il n’existe pas à priori de support sur lequel on peut se fonder pour dire qu’une chose est normale et une autre chose est anormale, en témoignent les diverses approches proposées par les dictionnaires.
– D’après le Grand Robert, la norme est « l’état habituel, ordinaire, conforme à la majorité des cas » .
– D’après le Grand dictionnaire Encyclopédique Larousse, la norme est :
a) (sens abstrait) « ce qui, dans la parole, le discours, correspond à l’usage général »
b) (sens prescriptif) « usage d’une langue valorisée et considérée comme préférable» .
Le dictionnaire Universel francophone dit que la norme est « règle, loi, a laquelle on doit se conformer, état habituel a la moyenne des cas, a la normale » .
Dans le grand dictionnaire Encyclopédique Larousse, nous notons que la norme est un « système d’instruction définissant ce qui doit être choisi parmi les usagers si on veut se conformer à un certain idéal esthétique ou socioculturel (la norme se confond avec « le bon usage ».) Moyenne des divers usages d’une langue à une époque donnée. (La norme correspond alors à une institution sociale que constitue la langue). » .
Nous pouvons d’abord relever dans les exemples des trois dictionnaires deux expressions qui reviennent. Dans le grand Robert, nous notons « majorité des cas », dans le dictionnaire Universel francophone, « la moyenne des cas » et dans le Larousse « moyenne des usagers ». Ainsi voyons que les lexicographes ne s’entendent pas bien quant à la dénomination que l’on doit adopter car le mot « majorité » est différend du mot « moyenne » en ce sens que la majorité désigne le plus grand nombre alors que la moyenne est juste le milieu.
Quant au « normatif », il se définit aussi très différemment. Pour cela nous convoquerons deux définitions proposées par les dictionnaires : le grand dictionnaire encyclopédique et le dictionnaire Universel francophone. En effet, le Larousse dit : « le normatif se dit de quelqu’un, d’un organisme, d’une doctrine qui émet un jugement de valeur, institut des règles, des principes » .
En linguistique, le normatif se dit de la grammaire conçue comme un ensemble de préceptes ressortissants à une norme fondée sur les valeurs socioculturelles. La notion de grammaire normative est utilisée par les linguistes pour désigner une approche traditionnelle de la langue qui consiste à édicter un certain nombre de principes reposant plus sur des jugements relatifs au comportement social que sur des considérations proprement linguistiques. Ces principes qui se réduisent le plus souvent à des pseudo-règles : Dites…, ne dites pas…, sont essentiellement destinées à privilégier un usage considéré comme le « bon usage » au détriment des usages dits « familiers », « populaires »…,et contribuent à assurer le prestige d’une langue qui est l’apanage du groupe social dominant. L’arbitraire des préceptes de la grammaire normative est, en général, dissimulé dans les revendications, d’ordre logique fondées sur l’étymologie, l’analogie, ou simplement la référence aux « bons auteurs » à la réalité linguistique dans sa diversité et sa dynamique ».
Pour le dictionnaire Universel, le normatif est ce « qui est à force de règle, qui pose une norme, qui a les caractères d’une norme, relatif à la norme. La grammaire normative (est une grammaire) qui prescrit des règles conformes à un état de la langue reconnu correct » . Ainsi la norme relèverait plutôt de l’arbitraire que d’un raisonnement purement scientifique.
Qu’est-ce que la syntaxe ?
On trouve dans le lexique de la terminologie de Marouzeau une définition de la syntaxe dont nous pouvons partir, encore qu’elle soit rédigée en termes traditionnels qu’elle fasse en conséquence, appel à des notions qui nous paraissent inutilisables parce que trop vagues ou non susceptibles de recevoir une définition satisfaisante sur le plan de la grammaire. Pour Marouzeau, la syntaxe est « l’étude des procédés grammaticaux par lesquels les mots d’une phrase sont attachés les uns aux autres de façon à exprimer les rapports établis entre les notions » . Rédigée dans des termes forts différents, la définition fonctionnelle du guide alphabétique d’A. Martinet et H. Walter, qui est de la plume de Denise Françoise, en diffère, au fond, assez peu: l’objet de la syntaxe est « d’exprimer par quels moyens les rapports qui existent entre les éléments d’une expérience … peuvent être marqués dans une succession d’unités linguistiques de manière que le récepteur du message puisse reconstruire cette expérience » .
Ce qui est d’un coté, « étude des procédés grammaticaux », et de l’autre « examen de moyens » ; « les mots d’une phrase » chez Marouzeau, correspondent à « une succession d’unités linguistiques » dans le guide, les rapports qui sont « exprimés » ici et « marqués » par là, sont conçus comme « établis entre les notions »d’une part comme existant « entre les éléments d’expérience » d’autre part. Ce qui est particulier à la définition fonctionnelle est l’insistance sur la possibilité pour le récepteur de reconstruire l’expérience qui fait l’objet de la communication. Il est certainement préférable de continuer à voir dans la syntaxe, un chapitre de la grammaire, c’est une discipline qui traite des généralités et non des unités individuelles, chapitre dans lequel on suppose qu’ont déjà été identifiés, classés et étudiés quant à leur forme, les signes linguistiques qu’ils soient grammaticaux ou lexicaux.
La catégorie des pronoms dits « personnels »regroupe deux types d’éléments au fonctionnement syntaxique différend :
-des pronoms « nominaux » sans antécédent, signes destinés à la désignation, à l’identification d’un référent mais de tel façon que cette identification ne peut se faire qu’à partir de la situation de discours où ils sont employés, ce sont des « embrayeurs» .
-des pronoms « représentants », qui n’ont pas grand-chose de « personnels » puisqu’ils servent à désigner n’importe quel objet de pensée. De plus lorsqu’ils référent effectivement à une personne, celle-ci n’est jamais un protagoniste de l’acte d’énonciation.
A cette distinction entre des pronoms nominaux et des pronoms représentants s’ajoute une opposition entre des formes prédicatives et des formes non prédicatives. Les premières sont disjointes au verbe et les seconds sont conjoints au verbe. Enfin sur le plan fonctionnel, une distinction s’impose entre les formes du sujet et celles de l’objet.
Du point de vue syntaxique, les pronoms personnels objets se répartissent en deux grandes catégories : des formes non prédicatives, conjointes au verbe et des formes prédicatives autonomes. Par rapport à l’opposition morphologique formes atones Vs formes toniques, on peut dire que les formes atones sont toujours « non prédicatives» et conjointes, que les formes toniques sont la plupart du temps prédicatives et autonomes mais qu’elles peuvent avoir également des emplois conjoints.
Emploi des pronoms personnels objets
Les pronoms personnels sont des mots qui n’appartiennent ni à l’espèce des substantifs ni à celle des adjectifs, assument néanmoins les fonctions ou une partie de fonctions de ces termes dans la phrase : sujet, complément d’objet.
Emploi des formes toniques
Les désignations formes atones Vs formes toniques font état du traitement phonétique différent que les pronoms latins me, te ont subi en français suivant qu’ils étaient frappés ou non par un accent tonique. Pour ce qui est des formes toniques, leur autonomie les différencie des formes atones. Philippe Ménard, 1988, écrit à propos des formes fortes ceci : « (…) les formes toniques par contre ont la même autonomie que le substantif. Elles s’emploient après préposition. Elles peuvent échapper à l’attraction du verbe. Elles peuvent même commencer une phrase devant les verbes impersonnels à sujet non exprimé » .
Selon leurs sens on distingue les pronoms personnels objets toniques en pronoms de première, de deuxième et de troisième personne.
Ainsi moi, toi, soi, lui, elle (première, deuxième et troisième personne du singulier), nous, vous, eux, elles (première, deuxième et troisième personne du pluriel) toniques se placent après le verbe.
La première, la deuxième et la troisième personne du singulier
Moi, toi, soi sont toujours toniques. Sauf dira Grevisse quand ils perdent « leur accent au profit d’un monosyllabe qui suit » .Grevisse Maurice, le bon usage, grammaire française avec ses remarques sur la langue française d’aujourd’hui, neuvième édition, revue, Edition Duculot, S.A, Gembloux( Belgique )1969,p.418 .
Le pronom personnel objet se place après le verbe sous sa forme tonique. Ainsi pour l’étude de la première, deuxième et troisième personne du singulier qui nous intéressent ici moi, toi, soi, se placent après le verbe.
Exemple1 : sans nous être concertées, Madame de la Fayette et moi… (Madame de Sévigné, lettres, page 94).
Exemple2 : La mousse m’a priée qu’il put lire le tasse avec moi ! (Madame de sévigné, lettres, page 122).
Les segments moi/toi sont caractérisés, par leur mobilité, ils peuvent être, en effet, antéposés ou postposés à l’ensemble formé par le syntagme verbal et le syntagme nominal, c’est-à-dire à la phrase dans ses éléments essentiels.
Exemple :
Moi, je suis coupable ?
Je suis coupable, moi ?
Cette mobilité plus ou moins grande ne dépend pas du schéma d’intonation ou de la présence ou non du syntagme nominal.
Exemple :
Viens-tu avec moi ?
Tu viens avec moi ?
Les seules positions que moi et toi n’ont jamais sont celles qui se trouvent à l’intérieur de la phrase. Le pronom personnel objet (Soi) est employé sous une forme réfléchie. Soi, est une forme neutralisée en genre et parfois en personne, Comme soi renvoie au segment le plus proche, il peut servir de suppléance lorsqu’une ambiguïté se présente.
Exemple : il pense à lui ; il ne pense qu’à soi.
Le pronom réfléchie (Soi) peut être la variante combinatoire de se ; en ce cas, il laisse apparaitre une différence de fonction (avec ou sans monème) et l’impossibilité d’être employé sous la forme simple, sans monème fonctionnel. En fait, la forme soi, est pratiquement remplacée par lui dans la langue commune.
Après un impératif la forme tonique du pronom personnel de troisième personne du singulier est le, la, lui. Exemple : Oui, voyez- la, seigneur, et, par des vœux soumis, protestez-lui. (Racine, Andromaque, vers 707). Exemple : « Venez ! Laissons-la ». (André Gide, Les faux-monnayeurs, p.158).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : SYNTAXE DES PRONOMS PERSONNELS OBJETS EN GRAMMAIRE
Chapitre I : Emploi des pronoms personnels objets
I. Emploi des formes toniques
1. La première, la deuxième et la troisième personne du singulier
2. La première, la deuxième et la troisième personne du pluriel
II.EMPLOI DES PRONOMS ATONES
1. La première, deuxième et troisième personne du singulier
2. La première, deuxième et troisième personne du pluriel
Chapitre II : place des pronoms personnels objets
1. Le pronom personnel objet employé avec deux verbes successifs
2. Le pronom personnel objet employé avec l’impératif
3. Place de deux pronoms personnels objets
4. Le pronom personnel objet séparé du verbe
DEUXIEME PARTIE : OBSERVATION ET ANALYSE DES PRONOMS PERSONNELS OBJETS DANS LA PRESSE ECRITE SENEGALAISE
CHAPITRE I : EMPLOIS REFERENTIELS DE QUELQUES PRONOMS PERSONNELS OBJETS DANS LA PRESSE ECRITE SENEGALAISE
I. Les modes de référence du pronom personnel objet
1. La référence hors du texte
a) La référence déictique du pronom personnel objet de la troisième personne
2. La référence au texte
b) : L’anaphore par le pronom personnel objet
c).La cataphore par le pronom personnel
II. La relation entre le pronom et son antécédent
1. L’accord du pronom représentant à son antécédent
a) Syllepse de genre
b).Syllepse de nombre
2. La mise en évidence du terme anaphorisé
3. Le rapprochement de l’antécédent au pronom
CHAPITRE II : EMPLOIS FAUTIFS DU PRONOM PERSONNEL OBJET
1. Le pronom lui à la place de Le, La
2. Le pronom personnel objet (le), (la) à la place de lui
3. Le pronom personnel objet (les) à la place de (leur)
4. Le pronom personnel objet leur à la place de lui
5. Les pronoms (La, Les) à la place du pronom neutre le
CONCLUSION
Références bibliographiques