Synonymie ordre – organisation dans les sciences de gestion

Synonymie ordre – organisation dans les sciences de gestion 

Le taylorisme et le fayolisme

Organisation – ordre et rationalisation : l’hégémonie du taylorisme

Par le biais d’un bref rappel des principes constitutifs du taylorisme, nous nous intéressons aux fondements de l’organisation scientifique du travail et soulignons les liens entre ordre et rationalisation dans l’organisation.

Le taylorisme renvoie à l’organisation scientifique du travail et étudie les procédés de travail, inaugurés par l’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor dans le but d’augmenter la productivité du travail en usine grâce à la décomposition des opérations, à l’individualisation des tâches et à la programmation de la production. Le taylorisme signifie par extension une quelconque forme d’organisation du travail qui comporte la parcellisation et la perte du contenu intellectuel et professionnel des tâches.

L’organisation tayloriste se fonde sur une distinction rigide entre travail manuel et travail intellectuel. L’ouvrier est considéré comme un simple exécutant, motivé pour son travail non pas par son contenu mais exclusivement par sa rémunération, rendue variable par un système de primes de production et de travail à la pièce. Il n’est pas demandé à l’ouvrier la connaissance d’un métier, puisque les opérations qui lui sont assignées sont élémentaires, réalisables avec un minimum de gaspillage de temps et d’énergie, selon une séquence préconçue par les spécialistes. De même, lui sont assignés la quantité de production à effectuer quotidiennement et le rythme de travail. Au niveau des employés de bureau et de la direction, Taylor proposait une distinction rigide entre programmation, exécution et contrôle, assignant aux cadres moyens la routine exécutive et laissant libres les dirigeants de traiter les cas exceptionnels et les déviations de la norme.

La méthode tayloriste eut une large application tout d’abord aux États-Unis (établissements Ford, 1913), puis successivement en Europe, diffusant les systèmes de travail en série et à la chaîne. En découlait, d’un côté la privation de sens et de valeur formative pour une grande partie des activités des salariés, d’un autre côté un fort accroissement de la capacité productive du travail humain qui s’est accompagné du développement d’un marché de masse.

S’imposant dans le cadre d’une économie en expansion et d’une abondante main-d’œuvre non qualifiée et non syndicalisée, le taylorisme a montré ses limites face à un marché incertain, à des travailleurs insuffisamment sensibles aux primes économiques et aux alternatives offertes par les innovations technologiques. La segmentation et la répétitivité de l’organisation tayloriste, ainsi que quelques particularités du marché du travail dans les économies industrielles les plus évoluées sont généralement retenues parmi les causes principales de la démotivation dans le travail en usine.

Revenons aux catégories originelles bien connues du modèle taylorien, c’est-à-dire au concept d’organisation scientifique du travail. L’organisation scientifique du travail nous indique l’existence de deux « hiérarchies » :

– l’une, verticale, repose sur la dissociation de la conception et de l’exécution et consiste à confier à des acteurs distincts ces deux tâches. Les tâches de conception s’appliquent à modéliser, par référence à des savoirs spécifiques, l’architecture des tâches d’exécution ;
– l’autre, horizontale, consiste à articuler les tâches ainsi conçues dans un processus mécaniste dont la concrétisation a été qualifiée, dans le fordisme, de « chaîne », chaque exécutant voyant sa responsabilité réduite à l’exécution du geste associé à la tâche dans le respect du rythme de la chaîne, en contrepartie d’une rémunération censée lui permettre d’acquérir les biens ainsi produits. Dans les termes actuels, l’ouvrier « spécialisé » ainsi nommé se voit réduit à une position d’«automate » .

Comme le révèle Pesqueux, il serait insuffisant de réduire le projet taylorien aux deux hiérarchies mentionnées ci-dessus, éventuellement complétées par un système de rémunération aux pièces et au temps passé en pointant l’interchangeabilité des acteurs. Le projet taylorien est, en effet, de dimension beaucoup plus large dans la mesure où il constitue un véritable projet de société. Le thème de la division du travail s’inscrit dans une dimension politique de l’entreprise dans sa vocation à la contribution au « vivre bien », construction commencée par Adam Smith et revisitée par Karl Marx.

Au thème de la division du travail s’ajoute la chaîne de montage et la multiplication des quantités produites, renvoyant à la notion de production de masse. C’est à ce titre que le projet taylorien se trouve concrétisé par le fordisme qui propose un modèle de régulation valide pour la société toute entière et qui, à la production de masse, ajoute l’idée de consommation de masse.

Dans la seconde moitié des années 70, les structures de production connaissent une révolution liée à l’introduction massive de l’informatique. Alors que le taylorisme a montré ses limites en termes d’organisation de la production, une tendance à l’humanisation du travail a, progressivement, vu le jour. Cette tendance obéit aux principes suivants :

– la distribution du travail non plus entre des unités effectuant des tâches parcellaires mais entre îlots de travail,
– la conception de l’atelier comme un réseau de mini lignes avec des trajectoires plus complexes,
– l’introduction de cadences flexibles.

Un des traits communs à ces nouveaux modes d’organisation du travail est la reconnaissance du facteur humain dans la production. En ce sens, ils sont en rupture avec le taylorisme. Il s’agit ici d’évoquer le toyotisme qui repose à la fois sur une organisation du travail et une organisation de la production originales. Au niveau de l’organisation du travail, on notera notamment : l’instauration d’un modèle participatif, supposant l’implication des travailleurs (exemple des cercles de qualité), la formation des salariés (exemple des emplois à vie et de la forte mobilité interne) et la polyvalence. Au niveau de l’organisation de la production, on notera notamment : la flexibilité interne et quantitative, l’introduction du Juste-à-Temps comme mode de production, les indicateurs de productivité et les indicateurs de qualité.

Fayol et l’idéologie administrative

Concerné lui aussi par le gaspillage d’énergie dans le bon fonctionnement de son entreprise, Henri Fayol, tira de ses observations les principes d’administration qui constitueront sa doctrine. Dans Administration industrielle et générale, il dégage une philosophie de l’organisation qui révèle l’importance que l’administration a dans le gouvernement des affaires. « Dans les manufactures aux effectifs plus nombreux, dans les usines plus puissamment outillées, dans les magasins aux rayons diversifiés, la division du travail oblige à distribuer les services administratifs entre des bureaux qui assument les fonctions de préparation et de coordination qui harmonisent les activités propres à l’exécution. C’est cette fonction d’administration qu’Henri Fayol prend à tâche d’analyser. » .

Parmi toutes les opérations qui assurent le fonctionnement d’une entreprise, Fayol dégagea six fonctions essentielles, soit : technique, commerciale, financière, de sécurité, de comptabilité et administrative. Il définit administrer comme étant prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler et certainement pas gouverner qui consiste à assurer la marche des six fonctions essentielles. A chaque fonction essentielle correspond une capacité spéciale s’appuyant sur un ensemble de qualités et de connaissances et constituant la valeur du personnel de l’entreprise. Quelle que soit l’entreprise, la capacité essentielle des agents inférieurs est la capacité professionnelle caractéristique de l’entreprise, tandis que celle des chefs est la capacité administrative. « Qu’il s’agisse de choisir un contremaître parmi les ouvriers, un chef d’atelier parmi les contremaîtres, un directeur parmi les ingénieurs…, ce n’est jamais ou presque jamais la capacité technique qui détermine le choix. On s’assure, bien entendu, que la dose de capacité technique nécessaire est présente, mais, cela fait, parmi des candidats de valeur (…) » La fonction administrative a pour organe et pour instrument le corps social. Alors que les autres fonctions mettent en jeu la matière et les machines, la fonction administrative n’agit que sur le personnel.

L’organisation comme précepte de la doctrine administrative de Fayol, comprend notamment le principe d’ordre.

Par les cinq fonctions administratives, la prévision, l’organisation, le commandement, la coordination et le contrôle, Fayol met l’accent sur l’obligation des responsables d’organisation d’acquérir une formation administrative afin de pouvoir promouvoir un meilleur fonctionnement général de l’entreprise. Ainsi les dirigeants sont tout autant concernés (par le rendement de l’entreprise) que les exécutants et nécessitent des formations, par le biais d’instituts administratifs qui forment aux fonctions de direction. En ce sens, il promeut la rationalisation de l’ensemble de ces préceptes et souligne la nécessité d’élaborer, à titre d’exemples, des « tableaux d’organisation ». Ces tableaux d’organisation, qui évolueront par ailleurs en organigrammes de l’entreprise, permettent d’avoir une vue d’ensemble et schématisée de l’organisation, des différents services en son sein, la structuration qui s’y opère et les liens hiérarchiques.

La focalisation de Fayol se fait sur l’organisation dans son ensemble, plus que sur la tâche en particulier. La description de l’organisation est formalisée et représentée sous formes d’organigrammes. Des règles sont établies pour chaque principe constituant les différentes fonctions administratives et l’ordre prend une place prédominante dans le principe d’organisation. Les structures hiérarchiques et de commandement sont définies avec pour but de favoriser un commandement humanitaire qui améliorerait le moral et la stabilité de la main-d’oeuvre exécutante. Le fayolisme résulte en une constante de rationalisation des activités de l’entreprise.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
Introduction – Sensibilisation à l’importance du sujet – Une question de fiabilité
La problématique et les questions de recherche
La structure de la thèse
Architecture générale de la thèse
Chapitre 1 – LE CORPUS THÉORIQUE
Introduction du chapitre I
1. Synonymie ordre – organisation dans les sciences de gestion
1.1.1 Le taylorisme et le fayolisme
1.1.1.1 Organisation – ordre et rationalisation : l’hégémonie du taylorisme
1.1.1.2 Fayol et l’idéologie administrative
1.2 L’ambiguïté de la notion de désordre organisationnel
1.2.1 L’essor du système bureaucratique et ses défaillances
1.3 Quelques contributions majeures sur le désordre organisationnel en gestion
1.3.1 L’anarchie organisée et la remise en cause du mythe rationnel
1.3.2 La théorie de portée intermédiaire des désordres organisationnels
1.3.3 Les problèmes d’information pour expliquer l’émergence du désordre
1.3.4 Antagonismes ordre – désordre – organisation – le système et son antagonisme
1.3.5 Le principe d’ordre des systèmes auto-organisateurs à partir du bruit
1.3.6 Le concept de système auto organisateur
1.4 Conclusion de cette partie
1.4 La dialectique ordre – désordre dans les organisations
1.5 L’ordre et la stabilité permettent à l’organisation d’assumer sa mission
1.6 Ordre et désordre et l’intégration des formes de désordre dans l’organisation
2. Deuxième partie – Pour une ontologie du désordre
Introduction
2.1 De l’utilisation de l’ontologie
2.2 Pour une ontologie du désordre
2.3 Le réalisme empirique
2.4 L’idéalisme
2.5 L’évolution des notions d’ordre et de désordre au regard de l’histoire des sciences et de la philosophie
2.5.1 L’ordre finalisé – Période classique – Vision finaliste du monde
2.5.2 L’ordre nécessaire – Période moderne – Vision mécaniste du monde
2.5.3 L’ordre contingent – Période contemporaine
Conclusion de cette partie
Les composantes connexes du désordre
Aléa
Anarchie
Bordel
Bruit
Capharnaüm
Chaos
Confusion
Crise
Déviance
Désorganisation
Erreur
Instabilité
Irrégularité
Pandémonium
Perturbation
Remous
Remue-ménage
Souk
Tintamarre
Tohu-bohu
Tumulte
3. Troisième partie – État de l’art des organisations à haute fiabilité (HRO)
Introduction
3.1 Les précurseurs dans la pensée des HRO – les apports de M. Landau, C. Perrow et le Berkeley High Reliability Organizations Project
3.2 L’apport de James Reason – L’erreur humaine
3.3 Les différentes dimensions de la fiabilité
3.3.1 Première vision – Une approche humaniste de la fiabilité
3.3.2 Deuxième vision – Une approche systémique de la fiabilité
3.3.3 Troisième vision – Une approche contingente de la fiabilité
3.4 L’évolution de la pensée des HRO
3.5 La fiabilité selon Karl Weick
3.6 Le concept de mindfulness
3.6.1 La préoccupation pour la défaillance
3.6.2 La réticence à simplifier les interprétations
3.6.3 La sensibilité aux opérations
3.6.4 L’engagement à la résilience
3.6.5 La « déférence » à l’expertise
3.7 Les enjeux pour les organisations à haute fiabilité
3.8 La déviance normalisée, facteur d’infiabilité organisationnelle
Conclusion de cette partie
4. Notre ancrage épistémologique
Introduction
4.1 Épistémologie ou la théorie philosophique de la connaissance
4.2 Les paradigmes épistémologiques
4.2.1 Le positivisme logique
4.2.2 Le réalisme scientifique
4.2.3 Le réalisme critique
4.2.4 Le constructivisme pragmatique
4.2.5 L’interprétativisme
4.2.6 Le constructivisme au sens de Guba et Lincoln (1989, 1998)
4.3 Notre ancrage épistémologique et les modalités d’élaboration de la connaissance pour notre recherche – la recherche qualitative et la posture inductive
4.4 La construction de la connaissance par l’expérience qu’on fait de la réalité
Chapitre II – METHODOLOGIE ET EMPIRIE
Introduction du chapitre II
1. Première partie – La méthodologie
1.1 Le raisonnement par la théorisation ancrée
1.2 De l’usage de la recherche qualitative à visée compréhensive pour notre étude
1.3 Le choix de la description et des récits descriptifs pour la restitution des données
2. Deuxième partie – Les méthodes de recueil de données empiriques
2.1 La détermination du champ d’investigation empirique – l’action en situation
2.2 Le port du gilet rouge – dossard de l’entreprise
2.3 De l’intérêt de l’observation participante
2.4 L’échantillonnage empirique et le déroulement du processus de recueil de données
2.5 La définition des unités d’analyse
3. Troisième partie – Le traitement des données
3.1 La théorisation ancrée au moyen de l’analyse inductive des données
3.2 De la création de sens des données brutes
Conclusion du chapitre II
Chapitre III – DISCUSSIONS ET ANALYSES
Introduction du chapitre III
1. Première partie – Le désordre organisationnel
1.1 La conceptualisation du désordre organisationnel : processus ou dynamique ?
1.2 Une représentation schématique d’une dynamique de désordre organisationnel
1.3 La question de la régulation ou le rétablissement d’un équilibre souhaité
1.4 Discussion – Les apports et les limites d’une conceptualisation du désordre organisationnel
2. Deuxième partie – Dans quelle mesure le désordre organisationnel contribue-t-il à la fiabilité de l’entreprise?
Introduction
2.1 L’entreprise ferroviaire SNCF présente-elle des propriétés caractéristiques des organisations à haute fiabilité?
2.2 Le désordre organisationnel comme catalyseur intrinsèque de la création de sens
2.3 Les enjeux des différents niveaux d’organisation possibles au travers de la conjecture du désordre organisationnel
Introduction
2.3.1 Le formel et l’informel
2.3.2 La dualité savoir expert – savoir profane
2.4 L’homme comme amplificateur et/ou régulateur du désordre en orthogonalité avec la tension sous-jacente
entre l’ordre technique et le désordre social
3. Troisième partie – Le désordre comme essence de l’organisation ?
Introduction – la question de l’essence
3.1 Essence, attribut, accident
3.2 Essence et existence
3.3 Essence et phénomène
3.4 Peut-on penser le concept de désordre comme étant l’essence même de l’organisation?
3.5 Le concept de désordre
3.6 Discussion de l’approche normative dans la conception même de l’organisation et la fiabilité de celle-ci
Conclusion du chapitre III
CONCLUSION GÉNÉRALE

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *