Le syndrome néphrotique (SN) de l’enfant est défini biologiquement par l’association d’une protéinurie des 24 heures supérieure à 50 mg/kg, d’une hypoprotidémie inférieure à 60 g/l et d’une hypoalbuminémie inférieure à 30 g/l. Lorsque le syndrome néphrotique (SN) s’accompagne d’une hypertension artérielle et/ou d’une insuffisance rénale et/ou d’une hématurie microscopique, on parle de SN impur. Dans le cas contraire, le SN est dit pur [61].
Le SN de l’enfant est la plus fréquente des néphropathies glomérulaires en pédiatrie [6]. Le SN idiopathique ou néphrose lipoïdique représente 90% des SN de l’enfant avant 10 ans et 50% après cet âge [70]. L’épidémiologie du SN de l’enfant est un sujet mal connu et rarement étudié [24]. Le SN de l’enfant Sénégalais en particulier, et Africain en général, est marqué par la fréquence anormalement élevée des formes ascitiques [38]. Les causes du SN dépendent très étroitement de l’âge du malade. Les causes génétiques sont les plus fréquentes à la naissance et avant l’âge de 1 an, le SNI dans sa forme corticosensible entre 18 mois et 10 ans [25]. La ponction biopsie rénale (PBR) reste un examen important dans la détermination du type histologique [81]. Elle n’est pas nécessaire dans les cas typiques [6]. L’évolution de la néphrose est étroitement corrélée au traitement corticoïde [55]. Quatre-vingt-dix pour cent des néphroses sont corticosensibles. La majorité des cas correspond à des LGM, si bien qu’une biopsie rénale est inutile en cas de corticosensibilité. Cependant, les rechutes sont fréquentes. Seulement, 30 à 40% des cas sont définitivement guéris après une poussée unique. Dans les autres cas, environ 70%, des rechutes surviennent. Dix pour cent des néphroses ne répondent pas à la corticothérapie. La PBR met alors en évidence des lésions de HSF dans 30 à 40% des cas, une PMD dans environ 10% des cas, des LGM dans les autres cas [55]. Cependant, très peu d’études font mention d’un suivi à long terme d’enfants africains atteints de SN [38].
RAPPEL SUR LE REIN
EMBRYOLOGIE
Les reins et le haut appareil urinaire se développent à partir du mésoderme intermédiaire [46]. Le rein dérive du métanéphros embryonnaire et du bourgeon urétéral [30]. Le développement du rein définitif débute au cours de la 5ème semaine, lors de l’apparition du métanéphros au sein de la portion basse et pelvienne du cordon néphrogène. Sa différenciation se produit sous l’action inductrice du bourgeon urétéral qui le pénètre en se divisant selon le mode dichotomique. Dès lors, la différenciation des structures collectrices et sécrétrices se produit par interaction réciproque entre blastème métanéphrogène et bourgeon urétéral. Les cellules du blastème déterminent la ramescence de l’urètre. En retour, les terminaisons des ramifications urétérales induisent la différenciation des cellules blastémateuses en tubes sécréteurs. Ainsi le bourgeon urétéral donne naissance au système excréteur : uretère, bassinet, grands et petits calices et tubes collecteurs du rein et le blastème métanéphrogéne donne naissance au système sécréteur : le TCP, l’anse de Henlé et le TCD [46] (figure 1). Les systèmes sécréteur et excréteur du rein ont ainsi une origine embryonnaire différente.
ANATOMIE
Anatomie descriptive
Les reins sont de volumineux organes pairs, rétro-péritonéaux.
Situation, projection
Les reins sont situés dans la partie haute de l’espace rétro-péritonéal, de part et d’autre de la colonne vertébrale (figure 2). Ils se projettent latéralement par rapport aux processus transverses des 11ème et 12ème vertèbres dorsales, et des 1er et 2ème vertèbres lombaires. Le rein gauche est plus haut situé que le rein droit.
Morphologie et dimensions moyennes
Les reins ont la forme d’un haricot, de couleur rouge sombre, de consistance ferme. Aplatis d’avant en arrière, ils sont allongés presque verticalement, le grand axe étant un peu oblique en bas et latéralement. Ainsi, on lui décrit :
– deux faces, antérieure et postérieure ;
– deux bords, latéral et médial, convexes ;
– deux pôles, supérieur et inférieur.
– et un hile.
Les vaisseaux et nerfs du rein
Les artères rénales
Elles naissent de l’aorte à la hauteur de L1. L’artère rénale gauche, presque horizontale, mesure environ 3 à 4 cm de long alors que l’artère rénale droite, plutôt oblique est longue de 6 à 7 cm. Chaque artère rénale se divise en branches antérieure et postérieure puis en artères interlobaires .Au niveau de la base des pyramides de Malpighi les artères interlobaires donnent naissance aux artères arciformes, parallèles à la capsule rénale à partir desquelles se détachent, à angle droit, des artères interlobulaires. Les artères interlobulaires représentent les branches d’origine des artères glomérulaires afférentes, qui vont former dans le glomérule, le floculus. La réunion de ces capillaires aboutit à l’artère efférente. Au niveau des glomérules profonds, juxta-médullaires, l’artère efférente donne naissance aux éléments artériels des vaisseaux droits (vasa recta).
Le retour veineux est assuré par des veines interlobulaires qui naissent du système de veines étoilées et qui drainent les veines droites et les veines corticales profondes. Les veines interlobulaires se jettent ensuite dans des veines arciformes, puis le sang veineux suit un trajet parallèle à celui des artères vers les veines rénales. Les veines rénales naissent du bord médial du rein, au niveau du hile par confluence des veines péricalicielles.
PHYSIOLOGIE RENALE
Généralités
Adaptation de la fonction hémodynamique et glomérulaire rénale
In utero, l’épuration est assurée à 90% par le placenta. Le rein fœtal produit de l’urine en quantité croissante pendant la grossesse, 10-15 ml/kg/h à 38 SA (débit supérieur à celui observé en postnatal), qui constitue alors l’essentiel du liquide amniotique. Une altération de la fonction rénale fœtale se traduit par un oligoamnios, avec un risque d’hypoplasie pulmonaire. Durant la vie fœtale, le flux sanguin rénal (FSR) est faible (2 à 4% du débit cardiaque) ; cette proportion atteint 5 % à 12 h de vie et 10% au 7ème jour . Cette augmentation, associée à l’élévation postnatale de la pression artérielle (PA) systémique et à une baisse des résistances vasculaires rénales (élevées en période prénatale), permet le doublement du FSR. La pression de filtration glomérulaire (FG) est maintenue par l’équilibre reposant principalement sur un tonus vasoconstricteur (angiotensine II) dominant sur l’artériole efférente, et sur l’effet vasodilatateur du NO et des prostaglandines E2 et I2 sur l’artériole afférente. L’équilibre est cependant fragile et le DFG à terme n’est que de 20 ml/min pour 1,73 m2 (10 ml/min pour 1,73 m2 à 28 SA). Le nouveau-né est en insuffisance rénale (IR) « physiologique ». L’augmentation rapide du DFG après la naissance est liée aussi à la perméabilité capillaire glomérulaire et à la surface totale des capillaires glomérulaires. L’autorégulation du FSR est efficace chez le nouveau-né, mais à des valeurs de PA moindres que chez l’adulte. Le DFG double au cours des deux premières semaines de vie chez un nouveau-né à terme et de façon moins rapide chez un prématuré mais n’atteint les valeurs « adultes » qu’entre 8 et 14 mois de vie. En cas de réanimation néonatale, de nombreux facteurs pathologiques prénataux (hémodynamiques ou respiratoires) et pharmacologiques peuvent compromettre la régulation hémodynamique, avec un risque d’insuffisance rénale aiguë (IRA).
Adaptation de la fonction tubulaire
Les capacités d’équilibration de l’eau et des électrolytes est faible du fait de l’immaturité de la fonction tubulaire en période néonatale, en particulier chez le prématuré. La capacité de réabsorption de Na des tubules distaux et proximaux est faible (FENa, jusqu’à 7 à 10% chez le prématuré) du fait de la maturation progressive de la Na/K-ATPase tubulaire. La capacité de concentration des urines est aussi limitée par le faible gradient osmotique corticomédullaire, la brièveté des anses de Henlé et une insensibilité de l’ADH. La capacité de dilution de l’urine est normale, mais une surcharge d’eau ou de Na est difficile à excréter à cause d’un DFG réduit. Le seuil rénal des bicarbonates (tube proximal) est abaissé et le pouvoir d’acidification de l’urine faible . Une glycosurie, voire une diurèse osmotique peuvent être constatées chez le nouveau-né de très faible poids de naissance, expliquées par l’abaissement du seuil rénal du glucose (tubule proximal). Une protéinurie « physiologique » peut être observée au cours des premiers jours de vie. Les importantes pertes d’eau et de Na contribuent à l’équilibre hydroélectrolytique si particulier de la période néonatale, avec la perte de poids de 7 à 10% du poids du corps aux dépens du compartiment extracellulaire. Chez le grand prématuré, la perte du Na persiste plus longtemps, aboutissant parfois à une hyponatrémie (risque pour la croissance et le développement neurocognitif).
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Table des matières
INTRODUCTION
I. RAPPEL SUR LE REIN
I.1. EMBRYOLOGIE
I.2. ANATOMIE
I .2.1. Anatomie descriptive
I.2.2. Situation, projection
I .2.3. Morphologie et dimensions moyennes
I .2.4. Structure
I.2.4.1. La capsule rénale
I.2.4.2. Le parenchyme
I.2.5. Les vaisseaux et nerfs du rein
I.2.5.1. Les artères rénales
I.2.5.2. Les veines rénales
I.2.5.3. Les lymphatiques du rein
I.2.5.4. Les nerfs
I.2.6. L’ultrastructure des constituants du néphron et de l’interstitium rénal
I.2.6.1. Les glomérules
I.2.6.1.1. Topographie des différents constituants du glomérule
I.2.6.1.2. Caractéristiques du glomérule
I.2.6.1.2.1. La membrane basale glomérulaire
I.2.6.1.2.2. Les podocytes
I.2.6.1.2.3. Diaphragme de fente
I.2.6.1.2.4. Les cellules endothéliales
I.2.6.1.2.5. Le mésangium
I.2.6.1.2.6. Capsule de Bowman
I.2.6.2. L’appareil juxtaglomérulaire
I.2.6.3. Les tubules
I.2.6.3.1. Le tube contourné proximal
I.2.6.3.2. L’anse de Henlé
I.2.6.3.3. Le tube contourné distal
I.2.6.3.4. Le tube collecteur et le tube de Bellini
I.2.6.4. L’interstitium rénal
I.3. PHYSIOLOGIE RENALE
I.3.1. Généralités
I.3.1.1. Adaptation de la fonction hémodynamique et glomérulaire rénale
I.3.1.2. Adaptation de la fonction tubulaire
I.3.1.3. Conséquences de l’immaturité rénale
I.3.2. L’élaboration de l’urine
II. PHYSIOPATHOGENIE DU SYNDROME NEPHROTIQUE (SN)DE L’ENFANT
II.1. La protéinurie
II.1.1. La théorie immunologique
II.1.2. La théorie des charges
II.1.3. La théories des pores
II.2. L’hypoalbuminémie et l’hypoprotidémie
II.3. La rétention hydrosodée et la formation des œdèmes
II.4. Les anomalies de la coagulation
II.5. La dyslipidémie
II.6. Les infections
II.7. L’anémie
II.8. L’insuffisance rénale aiguë
II.9. Autres
III. SIGNES
III.1. TYPE DE DESCRIPTION : Syndrome néphrotique primitif pur (ou néphrose idiopathique) sans préjuger du type histologique, non compliqué, de l’enfant de 01 à 10 ans
III.1.1. Circonstance de découverte
III.1.2. Signes cliniques
III.1.3. Paraclinique
III.1.3.1. Biologie
III.1.3.2. Imagerie
III.1.3.3. Histologie
III.1.4. Evolution
III.1.4.1. Eléments de surveillance
III.1.4.2. Modalités évolutives
III.1.4.2.1. Sans traitement
III.1.4.2.2. Sous traitement
III.2. FORMES CLINIQUES
III.2.1. Formes symptomatiques
III.2.2. Formes selon l’âge
III.2.2.1. Avant un an
III.2.2.2. Après 10 ans
III.2.3. Formes compliquées
III.2.4. Formes anatomocliniques
III.2.4.1. SN avec lésions glomérulaires et minimes
III.2.4.2. SN avec lésions de prolifération mésangiale diffuse
III.2.4.3. SN avec lésions de hyalinose segmentaire et focale
III.2.4.4. SN avec lésions de glomérulonéphrite extramembraneuse
III.2.4.5. SN avec lésions de glomérulonéphrite membranoproliférative
III.2.4.6. SN avec lésions de glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux d’IgA
III.2.4.7. Glomérulonéphrite à anticorps anti-MBG
III.2.4.8. Vascularites
IV. DIAGNOSTIC
IV.1. Diagnostic positif
IV.2. Diagnostic différentiel
IV.3. Diagnostic étiologique
IV.3.1. Les formes primitives
IV.3.2. Les formes secondaires
IV.3.3. Les formes congénitales et infantiles
IV.3.4. Autres causes de SN
V. TRAITEMENT
V.1. BUTS
V.2. Moyens
V.2.1. Mesures hygiéno-diététiques
V.2.2. Moyens médicamenteux
V.2.2.1. Moyens symptomatiques
V.2.2.1.1. Sur la rétention hydrosodée
V.2.2.1.2. Les antiprotéinuriques
V.2.2.1.3. Les antihypertenseurs
V.2.2.2. Moyens médicamenteux curatif
V.2.2.2.1. Corticoïdes et analogues
V.2.2.2.2. Immunosuppresseurs
V.2.3. Prévention et traitement des complications
V.2.3.1. Les thromboses
V.2.3.2. Les complications infectieuses
V.2.4. Autres moyens
V.3. INDICATIONS
V.3.1.Traitement symptomatique
V.3.2. Traitement adjuvant
V.3.3. Traitement des formes symptomatiques
V.3.3.1. SN pur ou néphrose (SN idiopathique)
V.3.3.2. SN impur
V.3.4. Traitement des formes évolutives
V.3.4.1. Traitement des rechutes de SN
V.3.4.1.1. Traitement d’une première rechute
V.3.4.1.2. Traitement des rechutes à partir de la deuxième
V.3.4.2. Traitement du SN corticodépendant
V.3.4.3. Traitement du SN corticorésistant
V.3.5. Traitement des formes secondaires de SN
V.3.6. Traitement des complications
V.3.6.1. Les thromboses
V.3.6.2. Les infections
V.3.6.2.1. Prévention et traitement des infections
V.3.6.2.2. Vaccins
V.3.6.2.3. La protection pneumococcique
V.3.6.3. La dyslipidémie
V.3.6.4. Le retard de croissance
V.3.6.5. L’hypothyroïdie
V.3.6.6. L’épuration extra-rénale
V.3.6.7. La dénutrition
CONCLUSION