Le syndrome hépato-rénal est défini comme une insuffisance rénale fonctionnelle compliquant une cirrhose décompensée avec hypertension portale et ascite, en absence d’autres causes d’insuffisance rénale [1, 2, 3]. On distingue deux types de syndrome hépato-rénal. Le type 1 est caractérisé par une insuffisance rénale aigue rapidement progressive avec un doublement de la créatininémie qui dépasse 220µmol/L, ou une diminution de moitié de la clearance de la créatinine devenant inférieure à 20ml/mn en moins de deux semaines [4]. Il est parfois observé dans un contexte de défaillance multi viscérale et est souvent associé à un événement précipitant. Quant au syndrome hépatorénal de type 2, il est caractérisé par une insuffisance rénale modérée lentement progressive dans un contexte d’ascite réfractaire [5, 6, 7].
Il s’agit d’une complication fréquente de la cirrhose hépatique avec une incidence de 18% à un an et de 39% à 5 ans d’évolution [6, 8, 9] et sa prévalence chez les patients hospitalisés avec ascite était de 20% [10]. Le syndrome hépato-rénal signe un tournant dans la cirrhose car son pronostic est souvent péjoratif et sa réversibilité spontanée est rare [11]. Cependant, les deux types de syndrome hépato-rénal offrent deux profils évolutifs différents. En absence de traitement ou en raison de son retard, le syndrome hépato-rénal de type 1 est de très mauvais pronostic avec une médiane de survie de 15 jours environ et la survie à un mois est estimée à 20% [6, 12]. Quant au syndrome hépato-rénal de type 2, la médiane de survie est de 6 mois [10] La prise en charge du syndrome hépato-rénal dépend surtout de la sévérité de l’insuffisance rénale et des complications associées. Elle est basée sur un traitement vasoconstricteur avec perfusion d’albumine et surtout la transplantation hépatique [7, 9].
A Madagascar, la cirrhose hépatique a été décrite en 2012 comme la maladie digestive la plus fréquente (33,54%) et la plus meurtrière [13]. Cependant aucune donnée n’est disponible quant au syndrome hépato-rénal qui est une complication redoutable de cette maladie. Malgré la connaissance du syndrome hépato-rénal, le traitement peut être aussi onéreux qu’indisponible à Madagascar. Notre objectif était de décrire le profil épidémio-clinique et thérapeutique du syndrome hépato rénal observé à l’USFR d’ Hépato-Gastroentérologie du Centre Hospitalier Universitaire de Befelatanana afin d’aider les praticiens à prévenir d’abord et prendre en charge les patients.
SYNDROME HEPATO-RENAL
Définition
Le syndrome hépato-rénal est un syndrome potentiellement réversible survenant chez le patient cirrhotique ascitique avec hypertension portale, survenant spontanément ou suivant un facteur précipitant, caractérisée par une insuffisance rénale aigue fonctionnelle, sans cause identifiable [4, 14]. Selon le profil évolutif, on distingue deux types de syndrome hépato-rénal. Le type I correspond à une insuffisance rénale aigue sévère et rapidement progressive en quelques jours ou semaines, le plus souvent déclenchée par un facteur précipitant. Le syndrome hépato-rénal de type II consiste en une insuffisance rénale modérée, stable ou lentement progressive, habituellement dans le contexte d’une ascite réfractaire [14].
Epidémiologie
Environ 19% des cirrhotiques hospitalisés ont une insuffisance rénale aigue dont la principale origine est prérénale. Le syndrome hépato-rénal ne compte que pour moins d’un quart de ces insuffisances rénales prérénales [15] avec 20% de type I et 9% de type II [4]. L’incidence du syndrome hépato-rénal augmente avec la progression de la maladie cirrhotique, elle varie de 18 à 20% à un an, et de 39% à 5 ans du diagnostic [4, 11, 15]. Il intéresse généralement 10% des cirrhotiques hospitalisés [16].
Physiopathologie
Le syndrome hépato-rénal est la conséquence d’une hypoperfusion rénale sévère. Sa pathogénie est complexe, faisant intervenir plusieurs phénomènes .
Vasodilatation artérielle splanchnique
La vasodilatation splanchnique est une caractéristique typique de la maladie cirrhotique et elle augmente avec la sévérité de la maladie. Elle est due à une synthèse locale de substances vasodilatatrices essentiellement de monoxyde d’azote et de prostaglandines. La production de ces vasodilatateurs semble être favorisée par plusieurs facteurs dont l’hypertension portale, la dysfonction hépatique (nondétoxification ou non-métabolisation) et la translocation bactérienne digestive. Au début de l’évolution de la maladie, la baisse des résistances vasculaires systémiques est compensée par une tachycardie et une augmentation du débit cardiaque : c’est la phase hyperdynamique. Puis, alors que la maladie progresse et que la vasodilatation splanchnique s’accentue, cette adaptation ne suffit plus à compenser l’hypovolémie relative. Une hypotension artérielle se développe, entraînant l’activation des barorécepteurs du système nerveux sympathique, du système rénine angiotensine avec rétention hydrosodée et génération d’ascite. La sécrétion d’hormone antidiurétique provoque une rétention hydrique avec hyponatrémie de dilution. Puisque la circulation artérielle splanchnique est hyporéactive à l’effet vasoconstricteur de ces vasopresseurs en raison d’une surproduction locale de vasorelaxants, le maintien de la pression artérielle se fait alors au prix d’une vasoconstriction des territoires extra splanchniques notamment rénal. Ainsi se produit une vasoconstriction artériolaire rénale préglomérulaire marquée et une diminution du débit sanguin rénal. De plus, les malades ont une pression de perfusion rénale très basse due à la conjonction d’une pression artérielle basse et d’une pression veineuse rénale élevée (en raison de l’accumulation de l’ascite). La combinaison de toutes ces altérations hémodynamiques cause une réduction marquée du débit de filtration glomérulaire et une insuffisance rénale .
Diminution du débit cardiaque
L’hémodynamique du patient cirrhotique se caractérise par un « état hyperdynamique » avec des résistances périphériques effondrées, un index cardiaque élevé et une tachycardie. Cependant, de récentes études associent l’apparition d’un syndrome hépato-rénal, essentiellement le type I, à la diminution du débit cardiaque. En effet, au fur et à mesure que la cirrhose évolue, la compensation cardiaque aura du mal à assurer un débit de perfusion adéquate pour les organes. Cette réduction pourrait être d’une part fonctionnelle, en rapport avec une diminution du retour veineux et d’autre part secondaire à une cardiopathie cirrhotique. Cette dernière correspond à une dysfonction myocardique mixte, systolique et diastolique, avec hypertrophie et dilatation ventriculaires, en l’absence de toute autre cause de maladie cardiaque. Elle résulte de plusieurs mécanismes dont la synthèse de cytokines pro-inflammatoires et surtout l’hyperactivité neuro-hormonale entrainant une hypertrophie ainsi qu’une fibrose myocardique. Le débit cardiaque « inadapté » qui en résulte va aggraver l’hypoperfusion rénale et aboutit au développement du syndrome hépato-rénal .
Altération de l’autorégulation rénale
Chez le sujet sain, l’autorégulation rénale permet le maintien d’une pression de perfusion et d’un débit de filtration glomérulaire relativement stables jusqu’à une pression artérielle moyenne supérieure ou égale à 70 mm Hg. Cependant, chez le patient cirrhotique, l’autorégulation est altérée à mesure que la cirrhose s’aggrave avec la perte complète de l’autorégulation chez le patient présentant un syndrome hépato-rénal. La perte de cette autorégulation rénale est favorisée par la mise en jeu du système sympathique au cours de la cirrhose [5, 19]. En outre, le glomérule est en effet une structure dynamique au sein de laquelle le degré de relaxation ou de contraction des cellules mésangiales est susceptible de faire varier la surface glomérulaire disponible pour la filtration. Cependant, l’angiotensine II, la vasopressine, l’endothéline-1, le thromboxane A2, le leucotriène D4 ou encore des produits de peroxydation lipidique sont susceptibles d’induire une contraction mésangiale à l’origine d’une diminution de la fraction filtrée .
Facteurs précipitant
Le syndrome hépato-rénal résulte généralement de la détérioration de l’hémodynamique splanchnique et systémique. Cette détérioration peut être spontanée mais dans certains cas, en particulier le type I, elle est souvent précipitée par des facteurs ayant un point commun d’altérer le débit cardiaque et ainsi le débit de perfusion rénale [1, 5]. Classiquement, il s’agit d’une infection bactérienne principalement une infection du liquide d’ascite, d’une ponction évacuatrice d’ascite de grand volume sans expansion volémique, d’une hémorragie digestive notamment par rupture de varices œsophagiennes, d’une hépatite alcoolique aigue et rarement d’une chirurgie récente ou d’un traumatisme. Aussi, les diurétiques en excès ainsi que les médicaments néphrotoxiques aggravent également ces situations. Le stade de la cirrhose selon Child Pugh ne semble jouer aucun rôle, même si le syndrome hépato-rénal survient quasiment toujours dans le contexte d’insuffisance hépatique grave (Child C). Les facteurs favorisant peuvent être absents dans 25% des cas.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. SYNDROME HEPATO-RENAL
I.1. Définition
I.2. Epidémiologie
I.3. Physiopathologie
I.4. Diagnostic
I.5. Traitement
I.6. Surveillance
I.7. Pronostic
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
I. OBJECTIFS DE L’ETUDE
I.1. Objectif principal
I.2. Objectifs spécifiques
II. METHODES
II.1. Type, cadre et durée de l’étude
II.2. Population d’étude
II.3. Paramètres étudiés
II.4. Mode de collecte et analyse des données
III. RESULTATS
III.1. Fréquence du syndrome hépato-rénal
III.2. Paramètres socio-démographiques
III.2.1. Age
III.2.2. Genre
III.2.3. Profession
III.3. Paramètres cliniques
III.3.1. Motif d’hospitalisation
III.3.2. Facteur favorisant du syndrome hépato-rénal
III.3.3. Histoire de la maladie cirrhotique
III.3.3.1. Etiologie
III.3.3.2. Durée d’évolution depuis le diagnostic
III.3.3.3. Nombre de décompensations
III.3.3.4. Stade selon le score de Child Pugh
III.3.4. Signes cliniques
III.3.4.1. Diurèse
III.3.4.2. Mode de décompensation
III.4. Examens paracliniques
III.4.1. Valeur de la créatininémie au moment de la suspicion diagnostique
III.4.2. Valeur de la clearance de la créatinine au moment de la suspicion diagnostique
III.4.3. Valeur de la créatininémie au moment du diagnostic
III.4.4. Valeur de la clearance de la créatinine au moment du diagnostic
III.4.5. Type du syndrome hépato-rénal
III.5. Traitements reçus
III.6. Evolution
III.6.1. Issue
III.6.2. Causes de décès
III.6.3. Durée d’hospitalisation
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
I. FREQUENCE DU SYNDROME HEPATO-RENAL
II. PARAMETRES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES
III. PARAMETRES CLINIQUES
IV. EXAMENS PARACLINIQUES
V. TRAITEMENTS
VI. EVOLUTION
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXE