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Physiopathologie de la dermatite atopique [15,16]
La DA est caractérisée par l’existence de manifestations d’hypersensibilité médiée par des IgE et par des lymphocytes T spécifiques.
Les mécanismes physiopathologiques à l’origine des lésions d’eczéma atopique impliquent trois partenaires : l’antigène, les cellules présentatrices d’antigène du groupe des cellules dendritiques (CD) encore appelées les cellules de Langerhans (CL) et les lymphocytes T (LT) spécifiques.
La phase de sensibilisation
Cette phase survient chez les sujets génétiquement prédisposés. Elle est cliniquement muette et aboutit à la génération de LT spécifiques d’allergènes. La sensibilisation se fait par pénétration des allergènes dans la peau. Cette pénétration est favorisée par les anomalies de la barrière cutanée caractérisant le patient atopique. Néanmoins, la pénétration des antigènes peut aussi se faire à travers les muqueuses respiratoires et digestives. Les allergènes sont alors prisent en charge (internalisés) par les CL. Celles-ci ont la particularité d’exprimer à leurs surfaces des récepteurs aux IgE. Elles-mêmes fixées aux allergènes, ce qui facilite l’internalisation. Lorsque les allergènes pénètrent à travers les muqueuses, ils sont pris en charge par les CD de ces différents épithéliums.
La prise en charge de l’allergène est suivie d’une dégradation en peptides et d’une migration des CL ou CD dans les ganglions lymphatiques. Il y a alors présentation des peptides d’antigènes aux LT, suivie de l’activation et l’expansion clonale de ceux-ci. Les lymphocytes T mémoires vont passer dans le sang et migrer jusqu’au derme.
La phase d’expression de l’eczéma
Cette phase survient chaque fois que le patient est en contact avec l’allergène auquel il est sensibilisé.
Lors d’un contact ultérieur avec l’allergène, celui-ci est présenté de nouveau aux LT en passant par les mêmes étapes avec un temps de latence réduit. Ceci serait à l’origine de l’activation des LT spécifiques d’allergènes au niveau du derme.
L’activation de LT spécifiques aboutit à la production de cytokines de type Th2 capables d’activer d’autres types cellulaires (kératinocytes et cellules endothéliales). Cela entraînerait la production de cytokines inflammatoires : interleukines 3 (Il3), Il4, Il13, Il31 assurant le recrutement des leucocytes des capillaires vers le derme et l’épiderme. Ces cytokines seraient responsables de l’excès de production d’IgE caractéristiques de l’état atopique.
Les relations physiopathologiques entre les aliments et la DA
L’allergie alimentaire est une réaction immunologique vis-à-vis d’un aliment.
L’aliment pénètre l’appareil gastro-intestinal, entraîne la digestion d’une protéine et la transformation de l’antigène qui va à son tour pénétrer dans la circulation sanguine et se fixer dans différentes parties du corps, en particulier au niveau de la peau et de la muqueuse respiratoire [6]. Plusieurs travaux [17,18] montrent le rôle des anticorps de type IgE spécifiques d’aliments dans la physiopathologie de la DA.
Les patients présentant une DA, ont des taux généralement élevés d’IgE totales et spécifiques [15]. Les antigènes alimentaires ingérés pénètrent la barrière gastro-intestinale et sont transportés par voie sanguine vers les cellules porteuses d’IgE spécifiques de la peau. Lorsque la cellule présentatrice d’antigène présente l’antigène au lymphocyte, on note une production de cytokines puis induction d’une éruption eczémateuse [7,17].
L’étude des mécanismes d’induction de la DA par l’AA se fonde sur l’histologie de l’eczéma, comportant un infiltrat lymphocytaire de cellules CD3+ CD4+, de cellules mémoire CD45RO+ et de surcroît de nombreuses CL porteuses de récepteurs pour les IgE spécifiques. De nombreuses cytokines sont exprimées, avec des différences entre l’eczéma aigu et l’eczéma chronique, suggérant que l’eczéma aigu est déclenché par l’activation des Th2 par l’allergène, alors que la réponse inflammatoire chronique est dominée par une réponse Th1. Les lymphocytes cutanés obtenus à partir des lésions de DA induite par un aliment, expriment une quantité importante de CD30, marqueur de Th2. Ces caractéristiques invitent à prévoir le rôle des IgE spécifiques des allergènes alimentaires dans la physiopathologie de la DA [19].
D’autres études ont analysé le rôle des LT spécifiques de l’allergène dans la DA avec AA [6,19]. Des LT spécifiques de l’allergène alimentaire ont été clonés à partir de lésions cutanées et de peau normale. Des IgE spécifiques d’aliments sont également détectés en routine chez les sujets présentant des symptômes cliniques déclenchés par ces aliments. Certains auteurs suggèrent que les manifestations retardées de la DA, comme le rash se développant deux à trois heures après le TPO, sont corrélés aux réponses prolifératives lymphocytaires in vitro à l’aliment incriminé et aux réactions d’hypersensibilité retardée mises en évidence par les patchs tests [20]. Pour Novembre et Vierucci [21], le développement de la DA en rapport avec l’AA est probablement lié à une domiciliation cutanée particulière aux LT spécifiques d’allergènes. Cette domiciliation cutanée implique une molécule d’adhésion spécifique, le « CLA » « Cutaneous Lymphocyte Antigen », qui interagit avec la sélectine E et dirige le LT vers la peau. Des patients souffrant de DA induite par le lait ont été comparés à des sujets souffrant de réactions induites par le lait mais de localisation gastro-intestinale [21]. Les LT réactifs à la caséine chez les enfants avec DA induite par le lait présentaient une expression significativement supérieure du CLA que les patients souffrant de manifestations digestives d’allergie au lait.
EPIDEMIOLOGIE
La fréquence de la dermatite atopique
La fréquence de la DA a doublé, voire triplé en 30 ans. La DA toucherait 15 à 30 % des enfants et de 2 % à 10 % des adultes dans les pays d’Europe du nord [22].
Une étude internationale [23], a révélé une forte augmentation de la prévalence de la DA dans les pays émergent comme le Mexique, le Chili, le Kenya et l’Asie du Sud, alors qu’une stagnation voir une diminution de la prévalence est notée dans les pays à niveau de vie les plus élevés, comme l’Europe de Ouest et du Nord et la Nouvelle- Zélande.
Pour les jeunes enfants (six à sept ans) 84 % des centres participants ont constaté une augmentation de prévalence notamment en Europe occidentale, au Canada, en Amérique du Sud et en Australie. Ces différences de prévalence sont en faveur du rôle de facteurs environnementaux sur le développement de la dermatite atopique dans le monde.
En Afrique du Nord [24,25], la prévalence de la DA notée en Tunisie est 9,4 à 13 %. Cette prévalence est estimée au Maroc à 6,5 % et 5,32 % en Algérie.
A Lomé, une étude pédiatrique a relevé une incidence de la DA de 20,8% [26]. Une enquête à Lagos [27] a trouvé une incidence de la DA de 3%. En Éthiopie, la prévalence de la DA était de 1,2 % [28].
Au Sénégal, la DA représentait 3% en 2011 dont 2/3 d’enfants pour un tiers d’adultes [29].
La DA est une pathologie à révélation précoce. 60 % des cas apparaissent avant un an et 80 % des cas avant l’âge de 5 ans [22]. La DA s’améliore avec l’âge. Dans un tiers des cas, elle persiste jusqu’à l’âge adulte [4]. La prévalence de la DA chez l’adulte a été estimée à 10,2% dans une étude américaine [30]. Ce chiffre a été confirmé par une étude italienne (8,1 %) [31]. Au Sénégal, une étude portant sur la DA chez 80 adultes a montré une prévalence de 33% [29].
La fréquence de l’allergie alimentaire.
La prévalence de l’AA est en constante augmentation. En Europe, elle est de 4,7 % en population pédiatrique et de 3,2 % chez l’adulte [8]. En Afrique du Sud, Levin et al [32] ont rapporté un taux de prévalence de l’AA de 5 %. Au Zimbabwe, 10 % des 14 000 patients référés à la clinique d’allergologie de Harare avaient une allergie alimentaire [33].
Un travail prospectif multicentrique réalisé dans trois pays du Maghreb (Tunisie, Algérie et Maroc) et en Afrique sub-saharienne (Sénégal), a évalué la prévalence de la sensibilisation à cinq trophallergènes (lait de vache, blanc d’oeuf, arachide, crevette et morue) chez des enfants de trois à 14 ans. La prévalence de la sensibilisation au Sénégal était la plus élevée à 41,8 % en comparaison avec le Maroc (29,4 %), l’Algérie (21,7 %) et la Tunisie (12,7 %) [34].
La fréquence relative des aliments incriminés reflète les habitudes alimentaires et culturelles de chaque pays. Néanmoins, l’oeuf, l’arachide et le lait de vache sont les principaux aliments impliqués dans les AA de l’enfant, qu’elle que soit la situation géographique [35].
En France, les allergènes les plus fréquemment en cause d’AA sont l’oeuf (56 %), l’arachide (17 %), le lait (8 %), les fruits à coque (8 %) et la moutarde (4 %) [36].
Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, l’arachide est l’allergène no 1. Au Japon, le riz et le poisson sont les allergènes les plus rencontrés. En Israël, le sésame est l’allergène en pleine expansion. Les crustacés et nids d’hirondelles dans les régions asiatiques et l’Australie [37].
Au Ghana, 5% des écoliers avaient un test cutané positif particulièrement contre l’arachide et l’ananas [38].
Au Sénégal, selon une étude mené par Cheikh et al [34], la sensibilisation à l’oeuf et à l’arachide est prédominante.
La fréquence de l’allergie alimentaire dans la dermatite atopique
La DA est fréquemment associée à d’autres maladies allergiques. 83,8 % des patients atteints de DA présentent d’autres équivalents de l’atopie [30].
Dutau et Rancé [39], ont montré que la fréquence de l’AA est beaucoup plus importante chez les atopiques : 33 à 50 % (au cours de l’eczéma de l’enfant), 2 à 8 % (asthmes), 1 à 5 % (urticaires chroniques), et plus de 10 % (chocs anaphylactiques). L’enquête de Kanny et al [40], confirme la plus forte prévalence des AA chez les atopiques que chez les non atopiques (57 vs 17 %, p < 0,01).
Selon Moneret-Vautrin [8], les allergies alimentaires étaient significativement plus fréquentes chez les patients souffrant de DA (environ 30 % des DA de l’enfant et 5 % des DA de l’adulte).
Un tiers des patients ayant une dermatite atopique modérée à sévère ont une allergie alimentaire [7]. La DA est la manifestation prédominante de l’allergie alimentaire de l’enfant [6]. Environ 40 % des nourrissons et des jeunes enfants présentant une dermatite atopique, qu’elle soit modérée ou sévère, présentent une AA et 60 % des nourrissons ayant une DA présentent une sensibilisation alimentaire (au moins prick-test positif) [3,6].
LES MANIFESTATIONS CLINIQUES DE L’ALLERGIE ALIMENTAIRE
L’expression clinique de l’AA évolue avec l’âge. Chez les enfants de moins de 3 ans, la DA est la manifestation clinique la plus fréquente, alors que l’asthme et les réactions anaphylactiques sont l’apanage de l’adolescent ou de l’adulte [12] (Figure 1).
Urticaire et angioedème
L’urticaire est une dermatose inflammatoire. On distingue les urticaires aigues, récidivantes et chroniques [43].
De très nombreux aliments, mais également des additifs et des conservateurs peuvent être impliqués dans l’urticaire aigue et plus rarement chronique.
Dans l’allergie alimentaire vraie, l’urticaire survient rapidement après l’ingestion (quelques minutes à deux heures). La responsabilité de l’aliment doit être mise en doute au-delà d’un délai de 3 heures [44].
Au cours de l’urticaire chronique, il s’agit le plus souvent d’une « pseudo-allergie » alimentaire par un mécanisme non immunologique : aliments histaminolibérateurs, riches en histamine ou en tyramine, consommés en grande quantité (crustacés, thon, fromages fermentés, thé, café. . .) [44].
La lésion d’urticaire correspond à un oedème dermique (urticaire superficielle) ou hypodermique (urticaire profonde) dû à une vasodilatation avec augmentation de la perméabilité capillaire.
Urticaire superficielle [44]
Il s’agit de la forme la plus commune. Les lésions sont des papules ou plaques érythémateuses ou rosées, oedémateuses à bords nets. Elles sont fugaces (disparaissant en moins de 24 heures), migratrices et prurigineuses.
Urticaire profonde [43,44]
Il s’agit de l’angioedème (oedème de Quincke quand atteinte faciale) dans lequel l’oedème est hypodermique. Il peut toucher la peau ou les muqueuses et peut être isolé ou associé à une urticaire superficielle et peut disparaitre en moins de 48 heures.
L’angiooedème réalise une tuméfaction ferme, mal limitée, ni érythémateuse ni prurigineuse, qui provoque une sensation de tension douloureuse et de cuisson. La localisation aux muqueuses de la sphère oro-laryngée conditionne le pronostic. L’apparition d’une dysphonie et d’une hypersalivation par troubles de la déglutition est un signe d’alarme qui peut précéder l’asphyxie si l’oedème siège sur la glotte.
L’oedème de Quincke peut être le signe inaugural d’un choc anaphylactique.
Les manifestations digestives [45,46]
Les tableaux cliniques d’allergie alimentaire comportent souvent une Symptomatologie digestive. Les signes fonctionnels d’appels sont variés et non spécifiques : nausées, vomissements, douleurs épigastriques, reflux gastro-oesophagien, dysphagie, distension abdominale, flatulence et diarrhée. Une aphtose buccale, une stomatite, une glossite ou une chéilite qui seraient l’expression d’une exposition répétée à L’antigène. Une constipation opiniâtre peut révéler une allergie alimentaire. L’allergie alimentaire peut également être à l’origine d’une oesophagite éosinophiles. Des atteintes plus sévères de la muqueuse digestive s’observent rarement mais sont possibles. Parmi celles-ci, on note chez le nourrisson des entérocolites. Des entéropathies avec atrophie villositaire ou encore des gastro-entérites à éosinophiles ont été décrites.
Le choc anaphylactique
Le choc anaphylactique est le prototype de I ’urgence absolue dont l’évolution peut entrainer le décès.
Les allergies alimentaires représentent une des causes les plus fréquentes de la réaction anaphylactique [51]. Certains aliments sont plus associés à une allergie alimentaire sévère. C’est le cas de l’arachide, des fruits à coque, du lait de vache, les poissons, les fruits de mer, les escargots, le sésame, et l’oeuf [50,51].
La majorité des réactions surviennent dans les minutes suivant l’introduction de l’allergène dans l’organisme. Le choc anaphylactique est caractérisé par sa brutalité et sa rapidité d’installation. La symptomatologie comporte essentiellement des signes cutanéomuqueux, respiratoires, cardiovasculaires, digestifs et neurologiques [52].
Les signes cutanéomuqueux sont souvent les premiers à apparaître. Il s’agit d’un prurit puis d’un exanthème qui se diffuse à l’ensemble du corps. L’angio-oedème des voies aériennes supérieures se manifestant initialement par une dyspnée et une dysphonie puis par une obstruction respiratoire avec risque d’asphyxie. Les voies aériennes inférieures sont le siège d’un bronchospasme. L’angiooedème des voies aériennes supérieures et le bronchospasme peuvent conduire rapidement à un arrêt cardiaque asphyxique.
Les signes cardiovasculaires sont une tachycardie sinusale associée à une hypotension artérielle. Le pouls est faiblement perçu, voire imperceptible. Parfois, il peut s’agir d’un arrêt cardiaque inaugural.
Des manifestations gastro-intestinales (nausées, vomissements, diarrhées) sont parfois observées reflétant l’augmentation de la contractilité des muscles lisses. Enfin, une symptomatologie neurologique aspécifique peut compléter le tableau (céphalées, perte de connaissance, convulsions), traduisant l’hypoperfusion cérébrale.
Les manifestations oro-pharyngées :
Le syndrome d’allergie orale [53]
Encore appelé syndrome oral de Lessof, comprend un picotement vélopalatin, un oedème des lèvres et une dysphagie. Souvent ces réactions locales disparaissent rapidement, mais le syndrome oral peut être associé à un oedème au-delà de la cavité buccale pouvant entrainer une anaphylaxie.
Il est provoqué par exposition de la muqueuse oropharyngée à des allergènes alimentaires essentiellement d’origine végétale (la pomme, les fruits à coque, la pêche, le fenouil, la cerise et le céleri) sont les plus couramment impliqués. Ce syndrome est particulièrement fréquent chez le sujet pollinique.
Syndrome pâleur-léthargie-hypotonie [8]
Ce syndrome est observé chez le nourrisson de moins de 1 an. Il est caractérisé par la survenue quasi simultanée d’une pâleur, d’une asthénie avec endormissement rapide, conduisant à une léthargie dont on tire difficilement l’enfant malgré des stimuli mécaniques. On note également une hypotonie généralisée : enfant « poupée de chiffon » mais sans modification de la tension. Les symptômes régressent spontanément dans l’heure qui suit. Les allergènes en cause sont le lait, l’oeuf et le poisson.
Autres manifestations cliniques
Syndrome des allergies induites par le baiser (SAIB) [54]
Le syndrome d’allergie induite par le baiser fait partie des allergies par procuration. Tous les aliments peuvent être en cause et tous les âges sont concernés. Même si les symptômes, d’apparition rapide, sont le plus souvent locaux et ou régionaux, il ne faut pas minimiser la possibilité de réactions systémiques qui peuvent s’avérer graves à type d’angiooedème, de bronchospasme, de détresse respiratoire ou d’anaphylaxie. Il est important de rechercher un SAIB, en particulier chez les patients atteints d’allergie alimentaire sévère à seuil réactogène faible.
Rhinite et conjonctivite [8]
La rhinite peut être isolée mais le plus souvent, elle s’associe à une conjonctivite. Une rhinite allergique est liée à une inflammation de la muqueuse nasale et se manifeste par la tétrade : prurit, éternuement, écoulement, obstruction nasale.
Une conjonctivite allergique est liée à une inflammation de la muqueuse oculaire se traduisant par des démangeaisons, des rougeurs, un larmoiement.
Une rhinite et ou conjonctivite sont souvent liées à des allergènes végétaux ayant des réactivités croisées avec les pollens.
DIAGNOSTIC DE L’ALLERGIE ALIMENTAIRE
Le diagnostic d’AA est difficile et nécessite une stratégie rigoureuse qui repose sur une suite logique d’étapes visant à rassembler des arguments à la fois cliniques et biologiques.
L’interrogatoire [11, 55, 56]
L’interrogatoire est un élément diagnostique extrêmement important, il reprend l’histoire clinique du patient et s’intéresse aux différents points suivants :
Les antécédents d’atopie personnelle ou familiale.
Le délai d’apparition des symptômes : les manifestations lorsqu’ils sont postprandiaux, sont évocateur d’AA. Un délai court entre réaction allergique et une ingestion alimentaire concerne les AA IgE-dépendantes. Ce rythme est beaucoup plus difficile à observer dans les manifestations chroniques comme la DA et certains tableaux digestifs.
L’association de symptômes : lorsque les signes cliniques touchent plusieurs organes simultanément, il faut suspecter de façon importante une allergie alimentaire, car l’AA est le prototype d’une maladie systémique.
Une pollinose préexistante : oriente a priori vers la possibilité d’une AA aux fruits ou légumes, en raison de la fréquence des sensibilisations croisées.
Une allergie au latex : oriente le diagnostic vers une allergie alimentaire à certains fruits et légumes dits du groupe « latex ». Il s’agit surtout d’avocat, banane, kiwi, papaye, tomate, fruits de la passion, pêche, figue et raisins.
Des manifestations à l’effort [57] : des réactions systémiques associant symptômes cutanés, respiratoires et digestifs en rapport avec un effort physique doivent faire soupçonner une anaphylaxie alimentaire induite par l’effort. Tous les aliments sont concernés mais cette manifestation est particulièrement liée à la farine de blé.
Une prise d’alcool ou de certains médicaments [58,59], facteurs éventuels de rupture de tolérance orale aux antigènes alimentaires: aspirine, AINS, traitements antiulcéreux, certains traitements immunosuppresseurs tels que le tacrolimus par voie générale qui stimule la réponse Th2 ou un bétabloquant, facteur de gravité de l’anaphylaxie du fait d’une diminution de la réponse vasculaire à des doses habituelles d’adrénaline.
Les particularités alimentaires méritent d’être relevées : consommation singulièrement fréquente ou abondante du fait d’activités sportives ou professionnelles, d’un contexte culturel particulier, d’un régime amaigrissant…
Les dégoûts alimentaires de l’enfant peuvent révéler une AA.
L’exposition cutanée ou respiratoire à des aliments ou protéines alimentaires, surtout en poudre, entraîne parfois une AA dans certaines professions : maraîchers et personnels agricoles, industries agro-alimentaires, bouchers, boulangers etc.…
Recherche de l’aliment en cause : l’interrogatoire doit essayer de déterminer l’aliment à l’origine de la réaction. Les habitudes alimentaires (type d’alimentation, lieux des repas, modification récente du régime alimentaire…) devront être précisées.
Atopy Patch Tests alimentaires
Principe et indications des APT
Les APT au trophallergènes sont utilisés pour mettre en évidence le rôle des aliments dans la DA ou dans les manifestations gastro-intestinales de l’AA. Ils sont basés sur la recherche d’une réaction cutanée à médiation cellulaire T après application des allergènes alimentaires protéiques sur la peau [62,63].
Les APT sont indiqués chez l’adulte comme chez l’enfant, dans les situations suivantes [13,64] :
– DA persistante et ou sévère (SCORAD supérieur à 40), en l’absence de facteur déclenchant connu et d’eczéma allergique de contact, en échec des traitements topiques bien conduits (dont les immunomodulateurs) et de la photothérapie pour l’adulte ;
– suspicion de symptômes aggravés par les aliments avec des IgE spécifiques négatifs et ou des prick tests négatifs ;
– multiples sensibilisations IgE sans pertinence clinique.
Mécanisme inflammatoire au cours des APT dans la DA [63,65] :
Après application, l’allergène pénètre dans la peau ; dans les 24 heures, une infiltration du derme apparaît avec une prédominance de cellules T CD4 +. Dès la sixième heure suivant l’application de l’allergène, il y a un afflux d’éosinophiles dans le derme qui vont augmenter jusqu’à la 24éme heure ; ces éosinophiles activés libèrent leurs granules dans les tissus avoisinants.
Les biopsies au niveau des lésions cutanées du patch-test montrent une production importante de cellules T spécifiques exprimant le marqueur CLA. Ces cellules sécrètent de l’IL-4 et de l’IL-5, mais pas d’IFN-g ni d’IL-2. Les cellules T spécifiques d’antigènes présentes dans les lésions de l’APT appartiennent aux cellules T de type Th2 et Th0. Après 24 heures, le nombre de cellules productrices d’IL-4, diminue et la réponse inflammatoire tend vers le type Th1.
Ces cellules T spécifiques d’antigènes sont non seulement présentes 48 heures après le patch test, mais peuvent être détectées chez le même patient un ou deux ans après avec le même allergène. L’APT peut être considéré comme un modèle d’étude de l’inflammation allergique chez les patients atteints de la DA.
Aspects techniques des APT aux trophallergènes
Les APT aux aliments ne sont pas standardisés et dans l’attente de données validées, les aliments frais doivent être préférés aux extraits commerciaux. Dans une étude réalisée par Niggemann et al [14], les allergènes alimentaires ont été testés dilués au 1/10, afin d’éliminer les faux positifs induits par irritation. Les auteurs ont retrouvé autant de réactions positives avec les APT dilués à 10 % que pour les APT non dilués, mais avec des réactions plus fortes pour ces derniers. Les allergènes liquides sont testés tels quels : lait de vache, jus de soja, oeuf entier mélangé. En cas d’aliment solide à tester : la farine de blé est testée sous forme de suspension (1 g dans 10 ml de sérum physiologique) et l’arachide ou les fruits à coque sont mixés puis dilués dans du sérum physiologique [14,62,66].
Selon les recommandations de l’International Contact Dermatitis Research Group (ICDRG) [66], les ATP sont effectués sous occlusion, par application de timbres adhésifs. Il convient d’utiliser des cupules de plus grande taille que celle utilisée pour les allergènes de contact. Un diamètre de 12 mm est recommandé pour améliorer la sensibilité et la spécificité des ATP aux aliments. Les aliments naturels à tester sont déposés dans les cupules. Les cupules sont appliquées en zone exempte d’eczéma, en région paravertébrale dorsale haute, et fixées par un sparadrap.
Plus récemment, un APT au lait de vache a été élaboré sous forme prête à l’emploi et disponible en pharmacie, sa spécificité est comparable à celle du test artisanal avec la Finn Chamber®, mais sa sensibilité paraît meilleure [67].
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. PHYSIOPATHOLOGIE
II.1.Physiopathologie de la dermatite atopique
II.1.1.La phase de sensibilisation
II.1.2.La phase d’expression de l’eczéma
II.2.Les relations physiopathologiques entre les aliments et la DA
III. EPIDEMIOLOGIE
III.1.La fréquence de la dermatite atopique
III.2.La fréquence de l’allergie alimentaire.
III.3.La fréquence de l’allergie alimentaire dans la dermatite atopique
IV. LES MANIFESTATIONS CLINIQUES DE L’ALLERGIE ALIMENTAIRE
IV.1.Dermatite atopique
IV.2.Urticaire et angioedème
IV.3.Les manifestations digestives
IV.4.Les manifestations respiratoires
IV.4.1.L’asthme
IV.5.Le choc anaphylactique
IV.6. Les manifestations oro-pharyngées
IV.6.1. Le syndrome d’allergie orale
IV.7.Syndrome pâleur-léthargie-hypotonie
IV.8. Autres manifestations cliniques
IV.8.1.Syndrome des allergies induites par le baiser (SAIB)
IV.8.2.Rhinite et conjonctivite
V.DIAGNOSTIC DE L’ALLERGIE ALIMENTAIRE
V.1.L’interrogatoire
V.2.L’enquête alimentaire
V.3.Les tests allergologiques
V.3.1.Tests cutanés
V.3.1.1.Prick tests alimentaires
V.3.1.2. Atopy Patch Tests alimentaires
V.3.2. Dosage d’IgE spécifiques
V.3.3.Tests de provocation
V.3.3.1.Test de provocation labiale (TPL)
V.3.3.2.Test de provocation orale (TPO)
V.3.4.Le régime d’éviction d’épreuve
VI.TRAITEMENT DE L’ALLERGIE ALIMENTAIRE
VI.1.Régime d’éviction
VI.2.Traitement des réactions allergiques
VI.2.1.Choc anaphylactique
VI.2.2.Asthme
VI.2.3. Dermatite atopique
VI.2.4.Urticaire et angioedème
VI.3.Induction de tolérance
I. OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
I.1. Objectif général
I.2. Objectifs spécifiques
II. PATIENTS ET METHODE
II.1 Cadre de l’étude
II.2. Patients
II.2.1. Critères d’inclusion
II.2.2. Les critères d’exclusion
II.3 Méthode
III. Résultats
III.1. 1Aspects épidémiologiques
III.1.1.1 Répartition des cas selon l’âge
III.1.1.2. Répartition des cas selon le sexe
III.1.2. Aspects cliniques
III.1.2.1. Les équivalents atopiques
III.1.2.2. Antécédents familiaux d’atopie
III.1.2.3. Motifs de consultation
III.1.2.4. La durée d’évolution
III.1.2.5. Les signes évocateurs d’allergie alimentaire :
III.1.2.6. Les aliments suspectés
III.1.2.7. Les aspects cliniques de la dermatite atopique
III.1.2.8. La sévérité de la dermatite atopique
III.1.3. Explorations allergologiques
III.1.3.1. Prick tests aux pneumallergènes
III.1.3.2. Pricks tests alimentaires :
III.1.3.3. Les Atopy patch tests alimentaires
III.1.3.4. Pertinence et concordance des Atopy patch tests et prick tests alimentaires
III.1.4. Régime d’éviction :
III.2. Étude analytique
DISCUSSION
I. Les aspects épidémiologiques
II. Les aspects cliniques
III. Les aspects étiologiques
CONCLUSION
REFERENCES
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