Définition et évolution historique des notions de convergence et de découplage
De la convergence économique au découplage cyclique
Arrière-plan : Convergence et divergence économique à long-terme
En général, le terme de « convergence économique » se réfère à une diminution des différences de niveau de vie (dans le cas contraire, on parlera de divergence), de niveaux économiques, et de la performance de certains pays ou de régions (Nachtigal et al, 2002).
A ce propos, Barro (1995, p. 103) souligne que : «…..the convergence is defined as the tendency for poor economies to grow faster than rich economies…..».
Le modèle de croissance néoclassique, développé suite à l’apport original de Solow (1956), a profondément modifié la manière dont les économistes conçoivent les relations de long terme entre les macroéconomies. Selon ce modèle, la croissance économique résulte de l’impact conjoint de l’évolution technique exogène et de l’approfondissement du capital sur une économie, avec des possibilités de production à court terme. Ainsi, le modèle néoclassique fait des prédictions très fortes concernant le comportement des économies au fil du temps. En particulier, étant donné une spécification donnée des technologies, la production par habitant converge vers le même niveau quelle que soit la dotation du capital initial. En comparant les différentes économies, cela signifie que les divergences de production par habitant sont transitoires pour les pays avec des technologies identiques.
D’autre part, le rôle du progrès technologique, comme facteur clé de la croissance économique à long terme, a été mis en examen par des études plus récentes, qui montrent que les rendements du capital peuvent être constants ou croissants. Ces théories, appelées théories de la croissance endogène, ont leur origine dans un article de Paul Romer (1986), qui lie la croissance au comportement, aux initiatives et au développement des compétences des agents économiques.
Le travail dans ce cadre a notamment mis en évidence trois sources importantes de croissance: les nouvelles connaissances (Romer, 1990, Grossman et Helpman, 1991), l’innovation (Aghion et Howitt, 1992) et l’infrastructure publique (Barro, 1990). Le modèle de croissance endogène suggère alors, que la convergence est peu probable en cas d’augmentation des rendementsd’échelle.
Ainsi, alors que la convergence peut illustrer la validité de la théorie néoclassique de la croissance et être utilisée, en première lecture, pour contester l’importance de la politique économique, les théories de la croissance endogène favorisent la possibilité d’une divergence entre économies. Elles peuvent donc être utilisées pour soutenir le développement et le renforcement des politiques économiques afin de réduire les disparités.
En général, les études utilisant des données transversales fournissent des résultats qui soutiennent l’hypothèse de la convergence entre les nations, comme, entre autres, celles de Baumol (1986), Barro et Sala-I-Martin (1991, 1992, 1995), Mankiw, Romer et Weil (1992), Taylor (1999), Rahman (2006). Par contre, la plupart des études qui adoptent les séries temporelles ne soutiennent pas l’hypothèse de convergence (comme, par exemple, Quah, 1992 ; Bernard et Durlauf, 1995 ; Alvi 2005).
Convergence et découplage cyclique
Premiers travaux faisant apparaître l’hypothèse de synchronisation cyclique
La notion de synchronisation cyclique capte l’observation que la durée et l’ampleur des changements majeurs dans l’activité économique semblent de plus en plus similaires entre économies.
Remarquons ici, que Kose et al. (2008, p. 1) soulignent que l’hypothèse de synchronisation des cycles conjoncturels provient de ce que: «….. the forces of globalization in recent decades have increased cross-border economic interdependence and led to convergence of business cycle fluctuations. Greater openness to trade and financial flows should make economies more sensitive to external shocks and increase co-movement in response to global shocks by widening the channels for these shocks to spill over across countries»
Dès lors, de nombreux chercheurs ont tenté de mesurer la synchronisation des cycles éconoiques entre les pays, afin de vérifier si cette synchronisation prend effectivement place et se généralise ou non.
Ainsi, Artis et Zhang (1997) ont étudié le lien et la synchronisation des fluctuations cycliques entre les pays en termes de mécanisme de taux de change européen (MCE) du système monétaire européen (SME). Ils ont trouvé qu’il existe de fortes corrélations cycliques entre les économies européennes, notamment après la naissance du MCE.
Frankel et Rose (1998) ont examiné le caractère endogène de la structure des échanges commerciaux et les corrélations internationales du cycle économique, sur trente ans, pour les vingt pays industrialisés en connexion avec l’union économique monétaire européen nouvellement créé (UEM). Ils ont remarqué que le commerce a un impact significatif sur les transmissions cycliques.
Quant à Inklaar et De Haan (2001), ils ont étudié la relation entre la volatilité des taux de change et la synchronisation des cycles économiques en Europe. Leurs résultats ne supportent pas l’idée que la stabilité du taux de change soit liée à la synchronisation du cycle économique.
En outre, Rose et Engel (2002) ont testé la corrélation cyclique entre les pays membres d’une union monétaire. Ils ont constaté que les cycles conjoncturels de ces derniers sont plus synchronisés que ceux des autres pays, qui ne partagent pas la monnaie commune.
Plus largement, Kose et al. (2003) ont utilisé le PIB annuel par habitant et la consommation privée réelle, pour un échantillon de vingt et un pays industrialisés et cinquante cinq pays en développement durant la période 1960-1999, afin de mesurer la synchronisation de la production et de la consommation privée. Ils ont constaté que les pays industrialisés ont des corrélations plus fortes avec la production mondiale que les pays en développement. Toutefois, leurs résultats ne permettent pas de conclure clairement que la mondialisation conduit à une augmentation du degré de synchronisation des cycles économiques. Une autre étude qui examine la robustesse des corrélations entre le co-mouvement du cycle économique et les variables économiques a été publiée par Baxter et Kouparitsas (2005).
Leurs résultats montrent notamment qu’un taux élevé d’échange commercial bilatéral est en corrélation positive avec une forte synchronisation des cycles économiques. Le commerce représente donc, selon cette étude, un mécanisme de transmission des cycles conjoncturels. Imbs (2003) a étudié les relations entre le commerce (des biens et des actifs), la spécialisation et la synchronisation cyclique pour un échantillon de 18 pays. Il a constaté que les échanges commerciaux ont un impact positif sur la corrélation des cycles conjoncturels. Mais, dans une étude ultérieure, il a examiné les effets financiers (Imbs, 2006) sur les corrélations de la production. Selon lui, l’intégration financière a un effet plus important que celui du commerce sur les synchronisations du PIB.
Apparition de l’hypothèse de découplage des cycles conjoncturels
L’hypothèse de découplage est l’idée que les cycles économiques des économies émergentes sont devenus plus indépendants – se sont donc découplés – des cycles conjoncturels des économies avancées au cours des dernières années. Les tenants de l’hypothèse de découplage font valoir que les marchés émergents ont enregistré une croissance importante de la demande intérieure, ce qui a mené à une diminution de la contribution relative des exportations nettes à leur croissance économique. Les marchés émergents auraient également réussi à renforcer les cadres de la politique intérieure et à réduire leurs vulnérabilités externes, ce qui augmente la portée des politiques anticycliques pour atténuer l’impact des chocs extérieurs. Ces développements, ensemble, impliqueraient que les conjonctures des marchés émergents seraient aujourd’hui découplées de celles des économies avancées.
Cette hypothèse est apparue suite à l’étude de Helbling et al. (2007) constatant que les effets de contagion des fluctuations cycliques sont relativement limités. Cette étude a trouvé une faible propagation des effets de la croissance économique des Etats-Unis dans les autres régions, sauf à la zone euro et au Japon sur la période 1970-2005. Kose et al. (2008) ont également réalisé une étude empirique des liens relatifs au cycle économique global au sein d’un groupe important de pays sur la période 1960-2005. Ils ont analysé alors les facteurs influant sur les cycles conjoncturels dans les différents groupes de pays et les raisons qui favorisent le développement de ces facteurs, et ce en lien avec le rythme du processus de la mondialisation au cours des deux dernières décennies. Ainsi, leur recherche montre que, en fait, les cycles économiques sont de plus en plus étroitement liés entre les pays industrialisés et parmi les marchés émergents. Cependant, il ya un découplage des cycleséconomiques communs entre ces deux groupes.
La relation entre les notions de « convergence-divergence » économique et de « couplage-découplage » cyclique
Nous avons déjà exposé la définition du concept de «convergence-divergence » économique dans ce chapitre (cf., entre autres, Barro, 1995 et Nachtigal et al., 2002). Nous avons observé que les analyses du phénomène de convergence-divergence économique ont examiné la production (ou le revenu) comme une variable (déterminant) pour accepter (ou rejeter) l’hypothèse de convergence. Cependant, les études de la synchronisation cyclique ont utilisé le taux de croissance économique (variation du niveau de production) comme mesure des corrélations cycliques. Nous constatons donc que le niveau de production est un facteur commun pour tester l’hypothèse de « convergence/divergence économique » ainsi que celle de la synchronisation cyclique. Ainsi, les concepts reposent sur l’utilisation et l’observation de l’évolution dans le temps d’une variable commune: la production, observe en niveau ou en croissance et éventuellement par habitant.
Il apparait donc important de se demander : Est-ce-que l’hypothèse du couplage (ou du découplage) est un aspect de la convergence (ou de la divergence) économique? Ou bien, existet-il une relation de causalité entre ces deux phénomènes économiques?
En fait, les explications nombreuses de la convergence économique illustrent deux visions de cette hypothèse. La première suggère, tout simplement, que les pays pauvres réalisent un taux de croissance plus élevé que les pays riches, ce qui conduit à la convergence économique (Barro, 1995). Dès lors, il y aurait là un facteur causal du découplage cyclique, puisque la croissance économique des pays en développement surpasserait, en moyenne, celle des économies développées. Quant à la deuxième idée, c’est que la convergence est réalisée lorsque les écarts entre les niveaux économiques de certains pays seraient limités (Nachtigal et al., 2002).
Nous soulignons donc que la synchronisation (ou la convergence) cyclique représenterait un aspect de la convergence économique, et qui apparaîtrait lorsque les divergences entre les économies se réduiraient.
Le débat convergence/découplage : l’origine du paradoxe
«…..lorsque l’économie des États-Unis éternue, le reste de la planète s’enrhume ? ». Kose et al. (2008, p. 37)
De fait, un vif débat a fait rage sur la question de savoir si les cycles économiques mondiaux sont en train de converger, ou si les pays émergents ont plutôt réussi à se découpler des fluctuations des cycles conjoncturels aux pays développés.
Le débat provient ce que, si les économies nationales sont de plus en plus interconnectées (suite à l’augmentation des flux de marchandises et de capitaux transfrontaliers), cela devrait rendre ces économies plus dépendantes les unes des autres, alors que, dans le même temps, les économies émergentes sont devenues beaucoup plus grandes et plus autonomes. En tant que groupe, elles représentent aujourd’hui plus de la moitié de la croissance mondiale au cours de la dernière décennie et plus de 30% du PIB mondial. Ces économies (surtout la Chine et l’Inde), en fait, ont relativement peu senti les effets de la crise financière et, bien que leur rythme de croissance ait ralenti, les pays industriels absorbant moins de leurs exportations, ils restent en croissance rapide.
Les travaux empiriques, qui portent sur le débat relatif du découplage, se diffèrent selon les méthodes adoptées, les périodes de l’analyse et de données, comme le montre le tableau 1.1.
Mesurer la synchronisation des cycles conjoncturels
Datation des cycles économiques
La caractérisation des cycles économiques s’effectue en première étape par la datation.
Celle-ci se réalise en plusieurs phases. Dans un premier temps, il convient d’identifier les points de retournements (c’est-à-dire les pics et les creux), et, dans un second temps, de déterminer les phases de récession, d’expansion, ainsi que leurs durées. Et, pour mieux interpréter les résultats, l’amplitude et la pente de chaque phase peuvent être calculées.
La procédure la plus adoptée pour la datation est l’algorithme de Bry et Boschen (BB, 1971) établie par National Bureau of Economic Research (NBER). Cet algorithme est déjà appliqué plusieurs fois dans la littérature et est considéré comme une méthode pratique et simple.
A titre d’exemple, King et Plosser (1994), Watson (1994), Pedersen (1998) et Harding et Pagan (2002) ont, parmi d’autres, adopté cette procédure. En outre, les services du FMI ont utilisé plusieurs fois cette méthode pour analyser les cycles des pays.
L’intégration commerciale
Au cours des deux dernières décennies, l’intégration commerciale a augmenté rapidement au sein de l’économie mondiale. Selon le FMI (2013), le commerce brut en volume a augmenté à un taux moyen de 8% par an, sur la période 1990-2012. En termes de valeur ajoutée, le commerce a augmenté à un taux de croissance moyen de plus de 10% pendant la même période.
On se demande alors : Avoir des changements dans la structure des échanges, en particulier une plus grande intégration commerciale, conduit-il les économies à se progresser plus au même rythme et à être plus synchronisées ?
Théoriquement, l’impact du commerce sur la synchronisation des cycles économique est ambigu:
– D’une part, selon la théorie traditionnelle du commerce international, l’ouverture au commerce devrait conduire à une plus grande spécialisation dans les différents pays.
Pratiquement, et dans la mesure où les cycles économiques sont dominés par les chocs d’offre spécifiques à l’industrie, l’intégration commerciale plus élevée devrait réduire la synchronisation cyclique. Pour Krugman (1993), l’ouverture commerciale s’accompagne d’une spécialisation plus poussée des pays dans les secteurs où ils disposent d’avantages comparatifs. Dans ce cas, les structures des échanges des pays seraient différentes et chaque pays serait plus susceptible d’être l’objet de chocs sectoriels asymétriques. Une plus grande intégration commerciale devrait ainsi produire des cycles toujours plus idiosyncratiques.
– D’autre part, si les modèles de spécialisation et les échanges sont dominés par le commerce intra-industriel, une plus grande intégration du commerce doit être associée à un degré plus élevé du co-mouvement de la production en présence de chocs d’offre spécifiques à l’industrie. Si les facteurs de demande sont les principaux moteurs des cycles économiques, une plus grande intégration commerciale devrait également augmenter la corrélation cyclique, indépendamment du fait que les modèles de spécialisation sont dominés par le commerce inter ou intra-industriel.
Dès lors, compte tenu de l’ambiguïté de la théorie, l’impact de l’intégration commerciale sur la synchronisation cyclique est essentiellement une question empirique. La littérature empirique met particulièrement l’accent sur le rôle du commerce dans la transmission des chocs entre les pays.
Ainsi, Frankel et Rose (1998) constatent que l’ouverture commerciale contribue à la transmission des cycles entre les économies. À ce titre, l’élimination des barrières au commerceexterne conduit à une diffusion plus rapide des chocs de demande d’une économie à l’autre, qui serait renforcée par des effets de débordement en termes de technologie et de savoir, et ce d’autant plus que les économies échangent entre elles, qu’elles-mêmes suscitent un surcroît d’échanges commerciaux (effet d’écho) . Ce résultat est confirmé par plusieurs travaux récents (cf. par exemple Clark et van Wincoop (2001), Imbs (2004), Inklaar et autres (2008) Kumakura (2006), Park et Shin, (2009)). Ils ont constaté que l’intensité des échanges augmente la synchronisation, même si l’ampleur de l’impact varie selon les études. En particulier, Baxter etKouparitsas (2005) trouvent que l’effet du commerce bilatéral sur la corrélation des PIB est robuste à l’inclusion de variables de proximité géographique.
Par contre, d’autres études ont parvenu à la conclusion qui prédit que l’augmentation du commerce en soit ne mène pas nécessairement à des cycles économiques plus synchrones (cf. par exemple Calderon, Chong et Stein, (2007), Shin et Wang (2004)).
De même, pour Elachhab Fathi (2010, p. 41) : « L’effet global d’une intégration commerciale sur le cycle économique dépend alors de la nature intra ou inter-industrielle des échanges bilatéraux. Si les flux commerciaux sont dominés par des échanges intra-industriels, comme cela est le cas des échanges entre la majorité des pays développés, l’intégration commerciale s’accompagnerait d’une synchronisation cyclique. Dans le cas contraire, où les flux commerciaux sont dominés par des échanges interindustriels, un découplage cyclique s’impose».
D’autres études ont montré que l’impact des échanges sur la synchronisation des cycles économiques dépend aussi du régime de change et que des taux de change stables peuvent mener à une augmentation des échanges et, par conséquent, les cycles économiques deviennent synchrones. Dans ce cadre, Frankel et Rose (1998, 2002) ont montré que des flux importants d’échange sont associés à une corrélation des cycles économiques et résultent d’une intégration économique et monétaire. Dans le même ordre d’idée, Fontagné et Freudenberg (1999) ont montré que les échanges intra-industriels sont liés négativement à des taux de change volatiles.
L’intégration financière
Au cours des dernières décennies, l’intégration financière a augmenté de manière significative (Lane et Milesi-Ferretti 2004, 2007), tandis que, dans le même temps, les cycles économiques internationaux sont devenus plus semblables. Suite à la crise financière mondiale, plusieurs chercheurs estiment que les liens financiers ont été un catalyseur pour la transmission de la crise de 2007- 2008 des États-Unis au reste du monde. Malheureusement, avant même cette crise, on n’a pas eu une bonne compréhension de la façon dont l’intégration financière contribue à la propagation de chocs spécifiques au pays, étant donné les résultats contradictoires issus de la littérature théorique et empirique. Pourquoi ces résultats ont-ils été si contradictoires?
Théoriquement, Obstfeld (1994) formalise un mécanisme qui produit un effet négatif de l’intégration financière et la synchronisation des cycles économiques. Dans son modèle, l’intégration financière fait se déplacer les investissements vers des projets risqués, permettant ainsi aux pays de se spécialiser en fonction de leur avantage comparatif, ce qui implique que la croissance de la production, entre les pays financièrement intégrés, devrait être corrélée négativement. Il se pourrait également que la relation négative entre l’intégration financière et la synchronisation des cycles économiques s’explique par une causalité inverse. En outre, les liens financiers entre les économies divergentes pourraient être plus élevés, parce que les avantages de la diversification internationale deviennent plus grands lorsque les chocs (et donc le rendement) sont moins corrélés entre les pays. Par exemple, dans le modèle de Heathcote et Perri (2004b) les cycles conjoncturels moins corrélés conduisent à une augmentation du niveau d’équilibre de l’intégration financière qui, à son tour, réduit encore la corrélation des cycles économiques.
Ainsi, l’intégration financière internationale peut favoriser la spécialisation des pays en termes production, limitant la transmission des chocs. Kalemli-Ozcan, Sorensen et Yosha (2001) avancent que l’intégration financière permet un meilleur partage du risque et conduit les économies à se spécialiser dans les secteurs où elles disposent d’avantages comparatifs, ce qui réduit alors les corrélations entre les cycles.
D’un point de vue empirique, cependant, on ne parvient pas à trouver cette relation négative prévue théoriquement entre intégration financière et synchronisation des cycles économiques. Plusieurs études ont trouvé une corrélation positive significative entre l’intégration financière et le comouvement du PIB. Imbs (2006) utilise des données bilatérales du FMI sur les avoirs financiers, sur un grand échantillon de pays, et montre une corrélation positive significative entre les liens financiers bilatéraux et la synchronisation de la production. De même, Otto et al. (2001) constatent que, pour les pays de l’OCDE qui ont des liens d’investissement, les cycles conjoncturels sont plus similaires. Sur la période de 1960-1999, Kose et al. (2004) trouvent que les pays financièrement ouverts sont plus synchronisés.
Des études plus récentes, telles que celle d’Ozcan et al. (2013) ont observé un effet négatif de l’intégration bancaire sur le co-mouvement de la production. Elle suggère, cependant, que la relation négative entre l’intégration financière et le comouvement cyclique est atténué pendant la période de crise (Abiad et al. (2013); Ozcan et al. (2013)). Ainsi, il est incontestable que les études empiriques sur cette question signalent des défis majeurs. A ce titre, Ozcan et al. (2009, p. 3) effectuent quatre tentatives pour parvenir à une évaluation objective de l’impact de l’intégration financière sur la synchronisation des cycles économiques :
« 1. Separate Total Factor Productivity (TFP) from financial shocks.
2. Isolate country-specific shock from common-global shocks.
3. Control for differences in the pattern of international trade and industrial specialization and also other factors that affect output synchronization and financial integration.
4. Account for reverse causation”
Toutefois, nous voyons que cette démarche est pratiquement difficile à appliquer pour un grand échantillon de pays (surtout pour les économies émergentes et les pays en développement) et sur une longue période, due au fait de l’indisponibilité de l’information sur les chocs idiosyncratiques de chaque pays, notamment sur le secteur financier. Ceci limite leur analyse.
C’était effectivement le cas, même pour Ozcan et al. (2009, p. 4) qui ont proposé cette méthode : “….. we limit our analysis to a group of relatively homogenous advanced economies in a period where financial shocks were not a major source of output fluctuations…..”
Les chocs communs
La littérature identifie plusieurs types de chocs qui peuvent frapper une économie dans un contexte international.
Ainsi, Artis et al. (2009, p. 10) ont défini les chocs communs comme : “…..a shock that affects all countries simultaneously…..” Artis et al. (2009), p. 10
Des causes communes comme les variations des prix des matières premières (commodity prices) ou des taux d’intérêt de référence dans les économies développées peuvent déclencher des crises dans les pays émergents. Ainsi, dans les années 1990, le changement des taux d’intérêt américains a été suivi d’un mouvement de flux de capitaux vers l’Amérique latine (Calvo et Reinhart 1996). Ou encore, l’appréciation du dollar vis à vis du yen en 1995-1996 a été un facteur important dans la baisse des exportations des pays du Sud-Est asiatique et les difficultés financières qui ont suivi (Corsetti, pesenti & Roubini, 1998). Toutefois, plusieurs études empiriques semblent indiquer une diminution de la variance des chocs globaux sur la période récente. Ainsi, selon Lambert et al. (2008, p. 58): « Stock et Watson (2005) attribuent ainsi une grande partie de la baisse de la volatilité des fluctuations économiques dans les pays du G 7 (phénomène de « grande modération ») à la diminution de l’importance des chocs internationaux entre les années 1960-1970 et les années 1980-1990. La structure des économies a pu en outre évoluer, limitant éventuellement l’effet des chocs globaux, à variance et fréquence inchangées. Blanchard et Gali (2007) estiment par exemple que la réponse du PIB américain à un choc pétrolier a diminué de moitié entre la période 1960-1983 et la période 1984-2002».
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1: Synchronisation cyclique entre économies et paradoxe de convergencedécouplage
Introduction
1. Définition et évolution historique des notions de convergence et de découplage
1.1. De la convergence économique au découplage cyclique
1.2. Le débat convergence/découplage : l’origine du paradoxe
2. Mesurer la synchronisation des cycles conjoncturels
2.1. Datation des cycles économiques
2.2. Mesure du degré de corrélation cyclique
3. Les déterminants de la synchronisation cyclique
3.1. L’intégration commerciale
3.2. L’intégration financière
3.3. Les chocs communs
3.4. La similarité des politiques économiques
Conclusion
Chapitre 2: Synchronisation des cycles économiques entre pays avancés et pays émergents : Mesure et déterminants
Introduction
1. Cycles économiques des pays avancés et des pays émergents
1.1. Les cycles conjoncturels dans les pays avancés
1.2. Les cycles conjoncturels dans les pays émergents
2. La synchronisation cyclique entre les pays avancés et les pays émergents
2.1. Mesure du degré de corrélation entre les économies avancées et les économies émergentes
2.2. La synchronisation cyclique pendant les périodes de crises
3. Mécanismes causaux de la synchronisation cyclique
3.1. Similarité de la politique budgétaire entre les pays émergents et les pays avancés
3.2. L’intégration commerciale des pays émergents
3.3. L’intégration financière des pays émergent
3.4. La relation et la causalité entre les déterminants de la synchronisation cyclique et le taux de croissance économique des pays émergents
Conclusion
Annexes du chapitre 2
Chapitre 3: Turbulences financières, régimes de change et synchronisation cyclique
Introduction
1. Mesure des turbulences financières
1.1. Mesure de l’indice de turbulences financières pour les pays émergents
1.2. Mesure de l’indice de turbulences financières pour les pays avancés
1.3. La relation entre les turbulences financières des pays émergents et les tensions financières des pays avancés
2. Régimes de changes et synchronisation cyclique
2.1. Les classifications des régimes de change
2.2. Mesure de la synchronisation cyclique trimestrielle dans les pays émergents
2.3. Classifications des régimes de changes et synchronisation cyclique
2.4. Causalité des divergences de la synchronisation cyclique sous différents régimes de change
Conclusion
Annexes du chapitre 3
Conclusion générale
Bibliographie