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Modรจles hypothรฉtiques
La maniรจre dont tous ces facteurs de risque interagissent pour conduire aux รฉpidรฉmies nโest pas encore bien comprise. A cela sโajoute le fait que le lien entre les รฉpidรฉmies et plusieurs autres facteurs suspectรฉs nโest pas encore confirmรฉ. Les รฉpidรฉmiologistes ne savent toujours pas comment expliquer avec exactitude la diffรฉrence entre lโincidence de la saison sรจche et celle de la saison pluvieuse et les foyers รฉpidรฉmiques.
Le risque de dissรฉmination des mรฉningites commence avec la colonisation de la muqueuse des voies respiratoires par une souche pathogรจne de Nm. La perte de lโimmunitรฉ pour une souche spรฉcifique pourrait initier les cycles รฉpidรฉmiques de mรฉningite. Cependant les facteurs qui facilitent la transmission dโune personne ร lโautre ne sont trรจs bien connus.La colonisation du tractus respiratoire par le mรฉningocoque nโest pas en elle-mรชme dangereuse car Nm est un vรฉritable germe commensal des humains, ne survenant nulle part ailleurs dans la nature. Pour toute population donnรฉe, lโรฉvaluation valide de la contribution de la colonisation au risque global de maladie devrait prendre en compte le calcul des taux de transmission des souches du mรชme sรฉrogroupe. Des modรจles ont รฉtรฉ ainsi proposรฉs pour expliquer la survenue des รฉpidรฉmies de mรฉningite.
En 1982, Griffiss propose un modรจle qui suppose que la susceptibilitรฉ aux รฉpidรฉmies de mรฉningite est acquise suiteร lโinduction dans le sรฉrum dโIgA antimรฉningococciques et par rรฉaction-croisรฉe de ces derniers avec les antigรจnes de la bactรฉrie. La colonisation avec la souche de Nm appropriรฉe aboutirait alors ร la dissรฉmination de la maladie. Lente et silencieuse, la transmission oro-fรฉcale des organismes dรฉtermine les caractรฉristiques spatio-temporelles dโune รฉpidรฉmie. Lโinterruption de la transmission oro-fรฉcale arrรชte la transmission de la maladie. Lโacquisition des anticorps dirigรฉs contre les polysaccharides capsulaires et les lipopolysaccharides procure lโimmunitรฉ en lโabsence des hauts niveaux dโIgA spรฉcifiques dans le sรฉrum.
Moore, quant ร lui, considรจre que la transmission est indรฉpendante des saisons dรจs lors que les รฉtudes nโont pas trouvรฉ de variation systรฉmatique de la prรฉvalence du portage des sรฉrogroupes par saison (Trotter & Greenwood., 2007). Lโintroduction dโun nouveau clone est une condition nรฉcessaire au dรฉclenchement dโune รฉpidรฉmie dans une population susceptible (Moore, 1992). Son modรจle explique les รฉpidรฉmies de la saison sรจche par une combinaison de conditions climatiques et des infections respiratoires gรฉnรฉralisรฉes baissant la protection de la muqueuse et favorisant ainsi lโinvasion plus que le portage, dans une situation de faible immunitรฉ (Moore, 1992). Lโimmunitรฉ de groupe acquise par le portage liรฉ ร une diffusion du clone dans la population devrait limiter la transmission, mettant ainsi fin aux vagues รฉpidรฉmiques (Moore, 1992).
Un modรจle plus rรฉcent et raffinรฉ dรฉcrit lโhรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ spatio-temporelle des dynamiques des mรฉningites en distinguant les incidences endรฉmiques de la saison pluvieuse, les incidences hyper endรฉmiques de la saison sรจche, les foyers รฉpidรฉmiques et les vagues รฉpidรฉmiques (Mueller et Gessner, 2010). Dans ce modรจle, la transition de lโรฉtat endรฉmiqueร lโรฉtat hyper endรฉmique serait causรฉe par une augmentation du risque de maladie invasiveen cas de colonisation, facilitรฉe par la dรฉgradation de la muqueuse pharyngรฉe par un climat sec et poussiรฉreux. La transition de lโรฉtat hyper endรฉmique aux foyers รฉpidรฉmiques nรฉcessiterait une augmentation de la colonisation et/ou de la transmission ร travers la toux et lโรฉternuement probablement dus aux infections respiratoires รฉpidรฉmiques et autres co-facteurs locaux. Cette hypothรจse est compatible avec lโaugmentation significative de la prรฉvalence du portage dโune souche spรฉcifique virulente durant les รฉpidรฉmies (Mueller et al., 2008) et de lโhรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ spatio-temporelle des incidences des mรฉningites (Tall et al., 2012 ; Paireau et al., 2012 ; Maรฏnassara et al., 2016). Au niveau rรฉgional les vagues รฉpidรฉmiques rรฉsulteraient dโune large expansion gรฉographique des co-facteurs รฉpidรฉmiques tels que les infections virales ou lโintroduction dโune nouvelle souche virulente et de lโintensitรฉ des foyers รฉpidรฉmiques.
Portage et transmission de Neisseria meningitidis
Lโunique rรฉservoir de Nm est lโhomme. Cette bactรฉrie est un habitant commun de la gorge des personnes saines chez lesquelles il vit en relation commensale en colonisant le nasopharynx (Stephens, 2007). Dans la CAM, le portage est commun chez les jeunes enfants (Trotter & Greenwood, 2007). Au Nigรฉria, il a รฉtรฉ trouvรฉ que la prรฉvalence du portage รฉtait plus รฉlevรฉe chez les enfants de moins de 10 ans et faible chez les adolescents (Emele et al., 1999). Dans le nord du Ghana, le portage รฉtait plus important chez les adolescent (Forgor et al., 2005; Leimkugel et al., 2007). Les taux de portage sont plus รฉlevรฉs pendant les รฉpidรฉmies que lors des situations endรฉmiques (Greenwood et al., 1987). Cependant, les informations disponibles ร ce jour ne suggรจrent pas dโassociation entre le taux de portage et la saison (Emele et al., 1999; Gagneux et al., 2002). Il a รฉtรฉ rรฉcemment trouvรฉ que la prรฉvalence du portage de Nm est similaire sur le temps, donc ne change pas selon les saisons (Diallo et al., 2016). Le portage du mรฉningocoque joue un rรดle important dans lโรฉpidรฉmiologie de la maladie et ce rรดle nโest pas encore bien compris (Greenwood, 1999). Pour les sรฉrogroupes A, B et C le portage nasopharyngรฉ est capable dโinduire une immunitรฉ (Kriz et al., 1999). Cependant, au Burkina Faso, le portage des souches du NmW nโa pas induit lโimmunitรฉ malgrรฉ leur circulation (Mueller et al., 2006) alors quโau Niger une association significative a รฉtรฉ observรฉe entre le portage et lโimmunitรฉ protectrice de ce sรฉrogroupe (Hamidou et al., 2006). Aucune รฉtude nโa encore รฉtudiรฉ lโimpact de la vaccination sur la densitรฉ et la durรฉe du portage dans la CAM (Trotter & Greenwood, 2007). Les donnรฉes de portage collectรฉes au Ghana supportent lโhypothรจse que plusieurs souches envahissent et se rรฉpandent dans les populations en vagues successives (Leimkugel et al, 2007).
La frรฉquence des porteurs asymptomatiques est saisonniรจre et atteint 10% de la population (Pizza & Rappuoli, 2015). Il a รฉtรฉ estimรฉ que chaque personne pourrait faire lโobjet dโun portage de Nm 10 fois durant les 30 premiรจres annรฉes de sa vie (Trotter et al., 2006). La prรฉvalence du portage dans la CAM varie de 3 ร 30 % (Trotter et al., 2007). Dans une รฉtude rรฉcente menรฉe dans 6 pays de la CAM, la prรฉvalence du portage des souches de Neisseria รฉtait de 10,2% et 3,6% spรฉcifiquement pour Nm (Diallo et al., 2016). Le mรชme individu peut porter plus dโune souche pendant des mois (Lo et al., 2009). La durรฉe moyenne du portage (sรฉrogroupe W) a รฉtรฉ estimรฉe ร 30 jours au Burkina Faso (Mueller et al., 2007) alors quโau Niger des individus ont portรฉ des souches de NmW pendant 2 รฉtudes consรฉcutives sรฉparรฉes de 10 mois (Boisier et al., 2006), suggรฉrant la possibilitรฉ de longue durรฉe de portage (Trotter et al., 2007). Le risque de passage du germe dans le sang est plus รฉlevรฉ pendant les 15 premiers jours de son acquisition par le nasopharynx (Rouphael et al., 2012; Papevangelou et al., 2012). Le portage nasopharyngรฉ asymptomatique favorise lโexpansion du germe ร travers les communautรฉs. Le mรฉningocoque peut pรฉnรฉtrer dans le sang et causer la mรฉningite ou la septicรฉmie en fonction de lโhรดte, lโenvironnement et des facteurs liรฉs ร la bactรฉrie (Granoff et al., 2013; Christensen et al., 2010). Au Niger la plupart des isolats de Nm retrouvรฉs en 2003 รฉtaient faiblement pathogรจnes (Nicolas et al., 2007), malgrรฉ lโรฉpidรฉmie qui a frappรฉ le Burkina Faso voisin lโannรฉe prรฉcรฉdente. La transmission de la maladie dโune personne ร lโautre se fait par aรฉrosols respiratoires (Gardener et al., 2006). Cette transmission survient ร travers un contact รฉtroit ou lโรฉchange de sรฉcrรฉtion en sโembrassant ou en รฉchangeant des ustensiles et serait aussi associรฉe aux infections comme la grippe, la pneumonie et les autres infections respiratoires (Dukic et al., 2012).
Clinique
Les symptรดmes les plus frรฉquents sont: raideur de la nuque, fiรจvre, photophobie, รฉtat confusionnel, cรฉphalรฉe et vomissements. La pรฉriode dโincubation est en moyenne de 4 jours mais elle peut รชtre comprise entre 2 et 10 jours. La prรฉsence dโecchymose caractรฉrise souvent les patients avec une coagulation intravasculaire dissรฉminรฉe (Gianchecchi et al., 2015). Une inflammation intravasculaire destructrice entraine un collapsus circulatoire progressif et une coagulopathie. Les endotoxines mรฉningococciques pourraient atteindre des concentrations รฉlevรฉes. Des facteurs gรฉnรฉtiques de lโhรดte, comme les polymorphismes du nuclรฉotide sont capables dโinfluencer la prรฉsentation clinique des patients atteints de mรฉningite (Gianchecchi et al., 2015).
Traitement prรฉventif (prophylaxie)
La rifampicine, la ceftriaxone, lโazithomycine et les quinolones (ciprofloxacine) sont utilisรฉs en chimioprophylaxie pour les personnes les plus en contact avec les malades par exemple dans les dortoirs, les services militaires, les hรดpitaux et les รฉcoles (de Souza et al., 2011). Cependant, la vaccination demeure la meilleure stratรฉgie de prรฉvention des mรฉningites en particulier lors des รฉpidรฉmies oรน la chimio prophylaxie post-exposition nโest pas trรจs efficace et entraรฎne un risque dโantibio-rรฉsistance (Rouphael et al., 2009).
Plusieurs types de vaccins ont รฉtรฉ dรฉveloppรฉs pour combattre les mรฉningites. Trois types sont actuellement trouvรฉs sur le marchรฉ: le vaccin polysaccharidique, le vaccin polysaccharidique conjuguรฉ ร une protรฉine ou vaccin conjuguรฉ et plus rรฉcemment le vaccin contre le NmB utilisant les protรฉines extra membranaires de la bactรฉrie (Hedari et al., 2014). Il est cependant trรจs important de dรฉterminer le sรฉrogroupe responsable de la mรฉningite afin de choisir le vaccin pour la riposte aux รฉpidรฉmies.
Le vaccin polysaccharidique est fabriquรฉ ร partir dโextraits purifiรฉs de la membrane externe de la bactรฉrie qui est composรฉe de plusieurs molรฉcules de sucre attachรฉes. Ce vaccin dรฉclenche la rรฉponse immunitaire des anticorps, mais pour plusieurs raisons, il nโest efficace que chez les grands enfants et les adultes (Shao et al., 2009) pendant seulement 3 ร 5 ans (Joshi et al., 2009). Ce vaccin est faiblement immunogรจne chez les nourrissons et les enfants de moins de 2 ans (Stephens, 2007) qui ont un systรจme immunitaire immature incapable de riposter ร la bactรฉrie qui cause la mรฉningite. En plus, des doses rรฉpรฉtรฉes entraรฎnent une hypo rรฉactivitรฉ du vaccin notamment avec le sรฉrogroupe C, bien que les implications cliniques dโune telles observations ne soient pas claires (Tan et al., 2010). Les vaccins polysaccharidiques ont รฉgalement montrรฉ un effet nรฉgligeable sur le portage nasopharyngรฉ et donc ne prรฉviennent pas la transmission et ne confรจrent pas dโimmunitรฉ de groupe (Dbaibo et al., 2013 ; Poolman & Borrow, 2011). Le premier vaccin polysaccharidique anti mรฉningococcique รฉtait dirigรฉ contre les sรฉrogroupes A et C, en rรฉponse ร une รฉpidรฉmie de mรฉningite survenue dans les annรฉes 1970 chez des militaires amรฉricains (Patel et al., 2005). Actuellement le vaccin polysaccharidique est commercialisรฉ sous la forme de vaccin bivalent (sรฉrogroupes A et C), trivalent (sรฉrogroupes A, C, W) et tรฉtravalent (sรฉrogroupes A, C, W et Y) (Granoff et al., 2013 ; Croxtall et al., 2012). La faible immunogรฉnicitรฉ de ce vaccin chez les nourrissons et sa faible rรฉactivitรฉ aprรจs des doses rรฉpรฉtรฉes ont conduit au dรฉveloppement et ร lโutilisation des vaccins conjuguรฉs antimรฉningococciques qui permettent de surmonter ses limites.
Dรจs les annรฉes 1990, les vaccins conjuguรฉs deviennent largement utilisรฉs dans les pays dรฉveloppรฉs. Le vaccin conjuguรฉ contient une partie de la bactรฉrie qui stimule la rรฉponse immunitaire et une protรฉine porteuse en vue dโaugmenter la rรฉponse immunitaire. Deux vaccins conjuguรฉs, utilisant respectivement une toxine diphtรฉrique et une protรฉine mutante comme protรฉine porteuse, avaient une licence dโutilisation aux Etats Unis dโAmรฉrique: MenACWY-DT (Menactraยฎ) et MenACWY-CRM (Menveoยฎ). Rรฉcemment un vaccin quadrivalent conjuguรฉ ร une toxine tรฉtanique MenACWY-TT (Nimenrixยฎ) a eu lโapprobation dโutilisation en Europe en 2012. Ces vaccins sont supรฉrieurs aux vaccins polysaccharidiques car ils stimulent lโimmunitรฉ chez les enfants de moins de 2 ans et la mรฉmoire immunologique dans tous les groupes dโรขge immunologiques entrainant un rehaussement de la rรฉponse avec des doses successives (Harrison et al., 2006). Ils procurent un titre รฉlevรฉ dโanticorps bactรฉricide dans le sรฉrum et une protection de longue durรฉe. En plus, ces vaccins nโentrainent pas dโhypo rรฉactivitรฉ aprรจs des doses rรฉpรฉtรฉes (Gardner et al., 2006 ; Patel et al., 2005). Les vaccins conjuguรฉs sont actuellement disponibles en monovalent A ou C aussi bien quโen vaccin conjuguรฉs tรฉtravalent (A, C, W et Y) (Reisinger et al., 2009). Le nouveau vaccin conjuguรฉ MenAfriVacยฎ (A) ayant un profil dโinnocuitรฉ chez le jeune enfant et supรฉrieur du point de vue immunologique au vaccin polyosidique (WHO, 2007) a รฉtรฉ introduit dans la CAM en 2010.
Le vaccin antimรฉningococcique B: Aucun des vaccins polysaccharidiques ou conjuguรฉs ne protรจge contre la mรฉningite ร NmB. Pour procurer lโimmunitรฉ, il utilise les vรฉsicules extra membranaires et les antigรจnes de surface du lipopolysaccharide non capsulaire au lieu des polysaccharides et contient 3 protรฉines recombinantes dรฉrivรฉes des souches de mรฉningocoque B (Hedari et al., 2014).
Nรฉcessitรฉ dโun nouveau vaccin pour la ceinture africaine de la mรฉningite
Les grandes รฉpidรฉmies de mรฉningite survenues en Afrique au milieu des annรฉes 1990 ont conduit ร la reconnaissance gรฉnรฉrale de la nรฉcessitรฉ dโun meilleur vaccin anti mรฉningococcique qui pourrait donner une plus large et plus longue rรฉponse immunitaire donc mieux protรฉger les nourrissons et les jeunes enfants. Ce vaccin devrait รฉgalement limiter les besoins dโintervention dโurgence. En 2000, lโOMS conclut quโil serait possible de dรฉvelopper un vaccin conjuguรฉ plus efficace et moins onรฉreux pour le marchรฉ africain qui permettrait dโatteindre cet objectif (WHO, 2000). Les travaux de Lapeysonnie et du CERMES ont alors conduit ร la crรฉation du Meningitis Vaccine Project (MVP) en 2001 (Laforce et al., 2011) dont la mission รฉtait dโรฉliminer la mรฉningite comme problรจme de santรฉ publique en Afrique sub-Saharienne ร travers le dรฉveloppement et lโintroduction du vaccin conjuguรฉ contre le mรฉningocoque A. Le projet a รฉgalement coordonnรฉ les activitรฉs de surveillance รฉpidรฉmiologique et de planification logistique. Ainsi, lโOMS a travaillรฉ avec les pays de la ceinture de la mรฉningite en vue dโamรฉliorer les activitรฉs de surveillance. Les informations issues des activitรฉs de surveillance ont confirmรฉ le niveau des flambรฉes de mรฉningite et accรฉlรฉrรฉ lโintรฉrรชt des experts rรฉgionaux de la maladie pour un nouveau vaccin.
Les campagnes de vaccination avec le MenAfriVac
Le vaccin conjuguรฉ monovalent MenA (MenA-TT, MenAfriVacยฎ; Serum Institute of India, Pune, India) a รฉtรฉ dรฉveloppรฉ pour la vaccination de masse des populations รขgรฉes de 1 ร 29 ans, en particulier pour lโAfrique oรน le NmA est responsable des รฉpidรฉmies et plus de 80% des cas de mรฉningite invasive. La licence a รฉtรฉ obtenue en Inde en 2009 et la vaccination de masse a รฉtรฉ lancรฉe au Burkina Faso, au Mali et au Niger en 2010 (MenAfriCar Consortium et al., 2013). Globalement, plus de 217 millions de personnes ont รฉtรฉ vaccinรฉes dans des pays de la ceinture de la mรฉningite (Bรฉnin, Burkina Faso, Cameroun, Cรดte dโIvoire, Ethiopie, Gambie, Ghana, Mali, Mauritanie, Niger, Nigรฉria et Sรฉnรฉgal) entre 2010 et 2014 (WHO, 2015). Il a รฉtรฉ montrรฉ quโune simple dose de PsA-TT suscite des niveaux รฉlevรฉs dโanticorps anti NmA pendant plus de 5 ans aprรจs la vaccination (Tapia et al., 2015).
Impact du vaccin MenAfriVac
Des changements dans la frรฉquence des sรฉrogroupes de mรฉningocoque sur la maladie et aussi le portage รฉtaient attendus aprรจs lโintroduction du vaccin conjuguรฉ. En effet, le succรจs du programme de vaccination avec le vaccin conjuguรฉ dans la rรฉduction de la mรฉningite en Angleterre et autres pays europรฉens รฉtait attribuรฉ ร lโefficacitรฉcombinรฉe du vaccin non seulement sur la maladie, mais aussi sur le portage (Safadi et al. 2014). Cette campagne a effectivement entrainรฉ une baisse significative du risque de mรฉningite, de dรฉcรจs liรฉs ร la mรฉningite et du portage nasopharyngรฉ du NmA (Frasch et al., 2012; Novak et al., 2012; Ouangraoua et al., 2014; Daugla et al., 2014; Diomande et al., 2015). La tendance ร la baisse des รฉpidรฉmies de mรฉningite ร NmA observรฉe depuis 2010, ร la suite de lโรฉpidรฉmie de grande ampleur qui avait touchรฉ principalement le Niger et le Nigรฉria en 2009, se confirme avec les rรฉsultats des saisons รฉpidรฉmiques de 19 pays exerรงant la surveillance renforcรฉe. Ces pays avaient notifiรฉ 14 317 cas suspects pour 2013 et 2014, chiffres comparables uniquement avec les statistiques de la saison รฉpidรฉmique 2005 qui avait donnรฉ lieu ร la notification de 13 cas suspects par 12 pays appliquant la surveillance renforcรฉe (OMS, 2015). Aucune รฉpidรฉmie de mรฉningite ร NmA nโa รฉtรฉ dรฉclarรฉe dans ces pays. La disparition du portage du NmA dans les populations vaccinรฉes et celles non vaccinรฉes concordent avec lโimmunitรฉ de groupe quโinduit le vaccin (Kristiansen et al. 2013). Le succรจs de MenAfriVacยฎ a gรฉnรฉrรฉ une nouvelle confiance quโร travers le temps et avec le dรฉveloppement et lโutilisation dโun vaccin conjuguรฉ polyvalent abordable, la mรฉningite pourrait รชtre รฉliminรฉe de lโAfrique sub-Saharienne (Okwo-Bele et al., 2015). Si la prรฉsence du NmA a considรฉrablement rรฉgressรฉ depuis 2010, le pourcentage de cas dus aux autres sรฉrogroupes (W, X et C) a augmentรฉ. Il est donc indispensable de documenter les รฉvolutions รฉpidรฉmiologiques afin dโรฉvaluer lโimpact ร long terme du vaccin MACV (Meningococcal A Conjugate Vaccin)et revoir les stratรฉgies de lutte.
Surveillance et stratรฉgies de lutte contre les รฉpidรฉmies de mรฉningite
Les objectifs de la surveillance sont de dรฉtecter les รฉpidรฉmies de mรฉningite afin de mettre en place rapidement les mesures de contrรดle appropriรฉes et dโรฉvaluer les changements de lโรฉpidรฉmiologie des mรฉningites sur le temps en vue dโune utilisation rationnelle des ressources et dโun appui ร la prise de dรฉcision. Les qualitรฉs dโun bon systรจme de surveillance sont la simplicitรฉ, la rapiditรฉ, la prรฉcision et un retour rรฉgulier ร ceux qui collectent les donnรฉes.
On utilise en gรฉnรฉral deux paramรจtres principaux pour dรฉfinir les รฉpidรฉmies et guider les interventions de rรฉponse: le taux de reproduction de base (R0) pour la transmission qui indique le nombre dโinfections secondaires dues ร un cas initial et le taux de lรฉtalitรฉ de la maladie pour mesurer la mortalitรฉ de la maladie. Ainsi une attention particuliรจre doit รชtre mise sur les personnes en contact des malades en cas dโรฉpidรฉmie.
Depuis une dรฉcennie, la riposte a consistรฉ en une vaccination rรฉactive de la population ร risque en fonction de lโรขge et de la proximitรฉ de lโรฉpidรฉmie, avec les vaccins polysaccharidiques AC ou ACW. Alors que cette stratรฉgie est la plus facile ร rรฉaliser, elle survient tardivement en cas dโรฉpidรฉmie (Woods et al., 2000) dโoรน sa limitation dans le contrรดle effectif des รฉpidรฉmies.
Surveillance et stratรฉgie de lutte avant MenAfriVacยฎ
La stratรฉgie de lutte prรฉconisรฉe par lโOMS pour la CAM consiste ร dรฉtecter les รฉpidรฉmies sur la base des cas cliniques, en utilisant des seuils dโincidence hebdomadaire dโalerte et dโรฉpidรฉmie en fonction de la phase dโรฉvolution de lโรฉpidรฉmie (WHO, 2000a) (Figure 6). En effet, une situation รฉpidรฉmique devrait รชtre rapidement distinguรฉe dโune recrudescence saisonniรจre des cas afin de pouvoir la confirmer et mettre en route la logistique pour la campagne de vaccination de masse. Des seuils ont รฉtรฉ dรฉfinis pour les aires ayant une population de plus de 30 000 habitants: le seuil dโalerte ร 5 cas pour 100 000 habitants par semaine et le seuil รฉpidรฉmique ร 10 cas pour 100 000 habitants par semaine lorsque le risque dโรฉpidรฉmie est รฉlevรฉ ou 15 cas pour 100 000 habitants par semaine sinon (Lewis et al., 2001 ; WHO, 2000a). Pour les populations de moins de 30 000 habitants, un nombre absolu de cas est utilisรฉ afin dโรฉviter la dรฉclaration hรขtive dโune รฉpidรฉmie sur la base dโun faible nombre de cas (WHO, 2000a). Cependant le seuil proposรฉ ne permet pas de dรฉtecter toutes les รฉpidรฉmies et ne donne pas suffisamment de temps pour mettre en route la vaccination rรฉactive (Kaninda et al., 2000). Lโefficacitรฉ de cette approche dรฉpend fortement de la qualitรฉ de la surveillance (Lewis et al., 2000) en termes de promptitude et de complรฉtude car les notifications รฉtaient basรฉes uniquement sur la suspicion clinique et la dรฉfinition de cas de mรฉningite utilisรฉe par lโOMS (WHO, 1998).
Historique de la surveillance des mรฉningites au Niger
Dรจs 1963, Lapeysonnie a dรฉcrit de faรงon dรฉtaillรฉe la marche des รฉpidรฉmies de mรฉningite au Niger de 1937 ร 1962 grรขce aux donnรฉes de cas suspects et de dรฉcรจs de mรฉningite cรฉrรฉbro-spinale collectรฉes ร travers tout le pays (Lapeysonnie, 1963).
Lโanalyse des LCR se faisaient depuis 1981 au CERMES initialement appelรฉ Centre de Recherche sur les Mรฉningites et les Schistosomoses (Campagne et al., 1999), alors que peu dโรฉtudes dโAfrique subsaharienne fournissaient de telles informations. La surveillance consistait ร analyser les LCR de tous les cas suspects reรงus au service des maladies infectieuses de lโhรดpital de Niamey. Jusquโen 1994, les tests dโagglutination au latex รฉtaient utilisรฉs et le sรฉrogroupage rรฉalisรฉ au laboratoire franรงais des armรฉes du Pharo ร Marseille ou ร lโInstitut Pasteur. Une dรฉfinition de cas non standard รฉtait utilisรฉe. Les donnรฉes dรฉmographiques se trouvaient alors dans les registres de lโhรดpital.
A partir de 1998, avec la rรฉsolution prise par lโOMS pour la mise en ลuvre de la stratรฉgie de surveillance intรฉgrรฉe de la maladie et la riposte (SIMR), les donnรฉes de mortalitรฉ et de morbiditรฉ des mรฉningites de tout le pays ont รฉtรฉcollectรฉes de faรงon hebdomadaire ร travers un rรฉseau national coordonnรฉ par la division du Systรจme National de lโInformation Sanitaire (SNIS). Les agents de santรฉ notifiaient les cas sur la base de la suspicion clinique et la dรฉfinition de cas de mรฉningite utilisรฉe par lโOMS (WHO, 1998). Un questionnaire รฉpidรฉmiologique, rempli par le personnel de santรฉ et accompagnant le prรฉlรจvement biologique (LCR) รฉtait gรฉrรฉ au CERMES. Jusquโen 2002, la surveillance microbiologique concernait uniquement la capitale Niamey (Boisier et al., 2007a). Suite ร lโรฉpidรฉmie de mรฉningite ร NmW quโa connu le Burkina Faso en 2002, lโOMS a mis en place la surveillance renforcรฉe dans plusieurs pays de la CAM ร travers le Multi Diseases Surveillance Center (MDSC), implantรฉ ร Ouagadougou (Boisier et al., 2007). Cette surveillance renforcรฉe incluait une investigation microbiologique des cas suspects en plus de la collecte des donnรฉes รฉpidรฉmiologiques dans 12 pays. Les donnรฉes รฉpidรฉmiologiques incluaient le statut socio dรฉmographique et vaccinal, la morbiditรฉ et la mortalitรฉ ainsi quโun identifiant unique permettant de relier les donnรฉes รฉpidรฉmiologiques aux donnรฉes microbiologiques. Lโinvestigation microbiologique des cas suspects consistait ร rรฉaliser le test dโagglutination dans les districts, acheminer les LCR aux laboratoires de rรฉfรฉrence, dans des milieux trans-isolates (TI) pour la culture et dans des tubes secs pour la PCR. En novembre 2002, le diagnostic des mรฉningites bactรฉriennes aigues par PCR a รฉtรฉ rendu possible grรขce au transfert de technologie de lโInstitut Pasteur de Paris et a รฉtรฉ inclus dans la surveillance de routine du Ministรจre de la Santรฉ Publique (Sidikou et al, 2003). Cependant, la plupart des laboratoires des districts ne disposaient que de lโexamen de lโaspect macroscopique du LCR, le comptage des globules blancs et le Gram pour poser le diagnostic des mรฉningites. Les tests dโagglutination au latexnโรฉtant pas toujours disponibles pour des raisons financiรจres,il a รฉtรฉ demandรฉ aux agents de santรฉ de lโintรฉrieur du pays de conserver tous les LCR prรฉlevรฉs sur les cas suspects afin de les faire analyser par PCR au lieu de les jeter comme dans le temps (Boisier et al., 2007a). En plus de la PCR, le CERMES utilisait les mรฉthodes de bactรฉriologie classique (le Gram, le test dโagglutination au latex et la culture) dรจs que possible et essentiellement sur des prรฉlรจvements provenant des formations sanitaires de Niamey (Djibo et al., 2006). Le contrรดle de la qualitรฉ de la bactรฉriologie ainsi que la confirmation des sรฉrogroupes, le sรฉrotypage des souches et le multilocus sequence typing รฉtaient assurรฉs par le centre collaborateur OMS pour les mรฉningites ร lโInstitut de Mรฉdecine Tropicale des Services de Santรฉ des Armรฉes (IMTSSA) (Boisier et al., 2007a).
Depuis 2002, la surveillance des mรฉningites pรฉdiatriques a รฉtรฉ mise en place sur le site sentinelle de lโhรดpital national de Niamey. Cette surveillance a รฉtรฉ รฉtendue aux sites de Dosso, Maradi et Zinder en 2010.
Suite ร lโintroduction du vaccin conjuguรฉ MenAfriVacยฎ, il a รฉtรฉ jugรฉ nรฉcessaire dโรฉlargir la surveillance renforcรฉe ร un plus grand nombre de pays, en amรฉliorant aussi la qualitรฉ de cette surveillance. Lโintroduction progressive dโune surveillance basรฉe sur le cas a รฉtรฉ alors rรฉalisรฉe. Dรจs lors, la dรฉcision de vacciner et le choix du vaccin se font au cas par cas selon des critรจres dรฉfinis, tenant compte des taux dโattaque, de la prรฉdominance des sรฉrogroupes en circulation et de la disponibilitรฉ des vaccins (WHO, 2012). Un rรฉseau international, MenAfriNet, est mis en ลuvre depuis 2014 pour renforcer la surveillance cas par cas de la mรฉningite et la capacitรฉ du laboratoire ร confirmer les cas de mรฉningite. Ce rรฉseau est un partenariat entre le Center for Disease Control (CDC), lโOMS, lโAgence de Mรฉdecine Prรฉventive (AMP) et dโautres partenaires internationaux, en collaboration avec les ministรจres de la santรฉ du Burkina Faso, du Mali, du Niger, du Tchad et du Togo.
Les difficultรฉs actuellement rencontrรฉes dans la surveillance concernent le retard dans la transmission des donnรฉes ร certains endroits, le remplissage incomplet des supports de collecte par certains agents, lโabsence des fiches de renseignement du LCR. Un nombre รฉlevรฉ de TI arrivant au laboratoire sontcontaminรฉs. Les laboratoires des hรดpitaux de district nโeffectuent pas le paquet minimum dโactivitรฉs quโils sont sensรฉs faire sur les LCR, ce qui ne favorise pas un diagnostic prรฉcoce au niveau des formations sanitaires pรฉriphรฉriques.
Confrontation des notifications et รฉtiologies des cas
En fusionnant la base des donnรฉes des cas suspects avec celle des donnรฉes de cas confirmรฉs par la PCR, nous avons obtenu lโinformation conjointe sur les cas suspects et les cas confirmรฉs de mรฉningite pour chaque aire de santรฉ et chaque semaine. Avec cette base de donnรฉes, nous avons pu identifier chaque sรฉrogroupe responsable dโรฉpidรฉmie localisรฉe de mรฉningite.
Recherche des agrรฉgats spatio-temporels de mรฉningite ร mรฉningocoque C
La base des donnรฉes de cas confirmรฉs de juillet 2014 ร juin 2015 a รฉtรฉ utilisรฉe pour la recherche des agrรฉgats spatio-temporels. Nous avons utilisรฉ lโaire de santรฉ comme unitรฉ spatiale et la date de prรฉlรจvement comme unitรฉ temporelle. Le modรจle discret de Poisson a รฉtรฉ utilisรฉ dans une analyse spatio-temporelle rรฉtrospective avec le logiciel SatScan version 5.1. Les agrรฉgats รฉtaient considรฉrรฉs significatifs lorsque la p-value รฉtait โค 0,05. Un agrรฉgat est dรฉfini comme un nombre de cas de mรฉningites qui se retrouvent ensemble dans le temps et /ou lโespace (Moore et Carpenter; 1999).
Dรฉfinition des foyers รฉpidรฉmiques
Les analyses statistiques ont consistรฉ ร calculer les taux dโincidence hebdomadaire et les taux dโincidence annuelle avec les donnรฉes de cas suspects. Nous avons dรฉfini les foyers en utilisant un seuil obtenu ร partir de la courbe ROC. Lโannรฉe รฉpidรฉmiologique n a รฉtรฉ dรฉfinie du 1er juillet de lโannรฉe n โ 1 au 30 juin de lโannรฉe calendaire n. Pour identifier les foyers รฉpidรฉmiques, nous avons choisi comme rรฉfรฉrence standard primaire lโincidence annuelle correspondant au 95รจme percentile des incidences annuelles de toutes les aires de santรฉ de la base de donnรฉes (130 pour 100 000 habitants) et comme rรฉfรฉrence secondaire lโincidence annuelle correspondant au 97,5รจme percentile (210 pour 100 000 habitants). Nous avons testรฉ 14 seuils de taux dโincidence hebdomadaire de niveau aire de santรฉ pour dรฉfinir un foyer รฉpidรฉmique allant de 5 ร 200 cas pour 100 000 habitants durant au moins 2 semaines consรฉcutives. Les seuils optimaux รฉtaient choisis ร partir dโune courbe ROC suivant leur sensibilitรฉ et leur spรฉcificitรฉ ร dรฉtecter les aires de santรฉ avec des incidences annuelles โฅ 130 pour 100 000 et 210 pour 100 000. Nous avons enfin รฉvaluรฉ lโefficacitรฉ et lโefficience de la surveillance et des stratรฉgies de rรฉponse vaccinale en calculant le nombre de cas รฉvitables par vaccination et le nombre de doses de vaccins nรฉcessaires par รฉpidรฉmie. En utilisant encore des courbes ROC, nous avons choisi les seuils รฉpidรฉmiques qui permettent de dรฉtecter les incidences annuelles qui dรฉpassaient le 95รจme et le 97,5รจme percentiles des incidences annuelles des aires de santรฉ de la base entiรจre. Une รฉpidรฉmie รฉtait dรฉfinie comme un taux dโincidence hebdomadaire dans une aire de santรฉ qui dรฉpasse le seuil choisi pendant au moins une semaine.
Simulation de la situation dโรฉlimination du NmA
Nous avons รฉgalement prรฉparรฉ une base de donnรฉes de cas suspects simulant la situation dโรฉlimination du NmA, en excluant toutes les aires de santรฉ ayant eu au moins un cas de NmA dans lโannรฉe et les aires de santรฉ pour lesquelles nous ne disposons pas de rรฉsultats de laboratoire dans lโannรฉe. Cโest cette qui a servi ร รฉvaluer lโefficacitรฉ et lโefficience des stratรฉgies de surveillance et vaccination en situation dโabsence du NmA.
Evaluation de lโefficacitรฉ et de lโefficience des stratรฉgies de surveillance et de riposte vaccinale
Nous avons รฉvaluรฉ 3 stratรฉgies: 1) surveillance incluant lโanalyse des donnรฉes et vaccination au niveau de lโaire de santรฉ ; 2) surveillance au niveau de lโaire de santรฉ et vaccination du district entier ; et 3) surveillance et vaccination au niveau du district. Nous avons calculรฉ le nombre de cas potentiellement รฉvitables par vaccination en appliquant la formule : Nvp = N3w ร PNm ร VC ร VE, Oรน N3w est le nombre de cas suspects dans lโaire de santรฉ ou le district surveillรฉ, 3 semaines aprรจs le dรฉpassement du seuil (en supposant que la mise en place des campagnes et la protection effective des anticorps vaccinaux prendraient 3 semaines aprรจs la dรฉtection du signal); PNm est le pourcentage de cas suspects confirmรฉs comme Nm, estimรฉ ร 50% pendant les รฉpidรฉmies et les pรฉriodes endรฉmiques; VC est la couverture vaccinale attendue pendant les campagnes de vaccination de masse en rรฉponse aux รฉpidรฉmies, estimรฉe ร 80% ; VE est lโefficacitรฉ vaccinale attendue, estimรฉe ร 80 %. Nous avons calculรฉ le nombre de doses de vaccins nรฉcessaires par รฉpidรฉmie pour la population รขgรฉes de 1-29 ans, qui รฉtait de 74 % ; et le nombre total de cas รฉvitables dans la population pour 100 000 doses de vaccin. Pour รฉvaluer la sensibilitรฉ de nos estimations ร un long dรฉlai entre le signal รฉpidรฉmique et la protection vaccinale, nous avons variรฉ le dรฉlai de 3 ร 6 semaines.
Pour รฉvaluer lโefficacitรฉ et lโefficience des stratรฉgies de rรฉponse, nous avons calculรฉ le nombre de cas potentiellement รฉvitables par vaccination et le nombre de doses de vaccins nรฉcessaires par รฉpidรฉmie. Trois stratรฉgies ont รฉtรฉ รฉvaluรฉes : 1- Surveillance et vaccination au niveau de lโaire de santรฉ ; 2- Surveillance au niveau de lโaire de santรฉ et vaccination du district ; 3- Surveillance et vaccination au niveau du district. Les รฉpidรฉmies ont รฉtรฉ dรฉfinies en utilisant un seuil choisi ร partir dโune courbe ROC. Nous avons aussi calculรฉ le nombre de cas รฉvitables pour 100 000 doses de vaccin.
Quelle a รฉtรฉlโรฉpidรฉmiologie des mรฉningites au Niger avant et aprรจs MenAfriVacยฎ?
Depuis lโintrduction du vaccin conjuguรฉ antimรฉningococcique A dans la CAM, lโincidence des cas suspects de mรฉningite bactรฉrienne aiguรซ a baissรฉ dans les pays vaccinรฉs et le NmA a รฉtรฉ rarement identifiรฉ (Collard et al., 2013). Cependant dโautres sรฉrogroupes de Nm comme le X, le W et le C peuvent continuer ร causer des รฉpidรฉmies (MacNeil et al., 2014 ; Boisier et al., 2007a ; Gagneux et al., 2002). Dans un contexte de disponibilitรฉ limitรฉe des vaccins et dโimprรฉvisibilitรฉ des รฉpidรฉmies, il estimportant de continuer ร dรฉcrire lโรฉpidรฉmiologie des mรฉningites afin de suivre lโรฉvolution des courbes dโincidence et celle des sรฉrogroupes de Nm. Depuis lโintroduction du vaccin MenAfriVacยฎ, lโincidence globale des mรฉningites a diminuรฉ au Niger, notamment entre 2011 et 2014 (Tableau 4) ร lโinstar dโautres pays de la CAM (Novak et al., 2012; Ferrari et al., 2014). Le sรฉrogroupe A a รฉtรฉ prรฉdominant jusquโen 2009 (Article I). Il reprรฉsentait environ 90% des mรฉningocoques durant les annรฉes รฉpidรฉmiques et 60% en absence dโรฉpidรฉmie, sauf en 2006 oรน il a รฉtรฉ retrouvรฉ ร part รฉgale avec le NmX (50% chacun) et en 2010 oรน lโรฉpidรฉmie รฉtait due au NmW (27% de NmA vs. 71% de NmW). La prรฉdominance du NmW a persistรฉ jusquโen 2014 avant que le NmC ne prenne le dessus en 2015. Il faut noter quโร partir de 2014, 33% des mรฉningocoques identifiรฉs au Niger รฉtaient des C alors que seuls 2 cas ont รฉtรฉ identifiรฉs depuis 2002, lโun en 2004 et lโautre en 2008 (Figure 8).
Existait-t-il une hรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ entre les incidences annuelles de mรฉningites des aires de santรฉ dโun mรชme district?
On notait une hรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ de lโincidence annuelle cumulative de la mรฉningite entre les aires de santรฉ dโun mรชme district (Article II, article IV), avec des incidences annuelles basses voire nulles dans certaines aires de santรฉ et trรจs รฉlevรฉes dans dโautres. De 2002 ร 2012, au niveau de lโaire de santรฉ les incidences annuelles les plus รฉlevรฉes dans chaque rรฉgion รฉtaient de 1384 cas pour 100000 habitants dans le district de Say, 960 pour 100 000 dans le district de Konni et 780 pour 100000 habitants dans le district de Boboye. Ces incidences รฉlevรฉes รฉtaient retrouvรฉes dans le sud-est du pays ร la frontiรจre avec le Nigรฉria (Article I). En 2014-2015, les taux dโincidence annuelle les plus รฉlevรฉs รฉtaient de 624 cas pour 100000 habitants et 475 cas pour 100000 habitants retrouvรฉs respectivement dans les aires de santรฉ de Karakara (district de Gaya) et Tombokoirey (district de Dosso). Dans le mรชme district, il y a des aires de santรฉ avec des incidences annuelles basses voire nulles. Des รฉtudes prรฉcรฉdentes ont montrรฉ la variabilitรฉ spatiale interannuelle de lโincidence des mรฉningites au niveau rรฉgional, national (Gracia-Pando et al., 2014b) et au niveau du district (Paireau et al., 2012; Tall et al., 2012).
En conclusion, lโรฉpidรฉmiologie des mรฉningites est mieux comprise ร travers les sรฉrogroupes circulant au Niger, les groupes dโรขge et les aires de santรฉ du pays les plus affectรฉes depuis 2002. Celle-ci a changรฉ aprรจs lโintroduction du vaccin conjuguรฉ MenAfriVacยฎavec la disparition du NmA ร partir de 2011 et la rรฉรฉmergence explosive du NmC en 2015. Les enfants et les adolescents constituent le groupe le plus affectรฉ par lamรฉningite. Le pic รฉpidรฉmique, survenu plus tardivement pour lโรฉpidรฉmie de 2015, รฉtait plus prรฉcocement dรฉtectable au niveau de lโaire de santรฉ. Les incidences annuelles les plus รฉlevรฉes รฉtaient retrouvรฉes dans le sud-est du pays, ร la frontiรจre avec le Nigรฉria. Une forte hรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ a รฉtรฉ trouvรฉe entre les incidences annuelles des aires de santรฉ dโun mรชme district. Cette description a รฉtรฉ possible grรขce ร la surveillance de routine qui est ร la fois importante pour dรฉcrire lโรฉpidรฉmiologie des mรฉningites, รฉvaluer lโefficacitรฉ des vaccins et aider ร identifier les stratรฉgies de riposte et de surveillance les mieux adaptรฉes.
La prรฉsence du NmC entraรฎne-t-elle forcรฉment une รฉpidรฉmie ?
Nous avons รฉtudiรฉ la distribution spatiale et cartographiรฉ lโincidence cumulative des cas confirmรฉs de mรฉningite ร NmC survenues sur tout le territoire du Niger en 2015.Dans les 8 rรฉgions du pays, un total de 1 144 cas de NmC, 206 cas de NmW, 1 cas de NmX, 8 cas de Sp, 8 cas dโHi ont รฉtรฉ confirmรฉs parmi 4 318 LCR envoyรฉs au CERMES de juillet 2014 ร juin 2015. Les incidences annuelles cumulatives de mรฉningite dans les aires de santรฉ variaient de 1,42 cas de NmC pour 100 000 habitants (Guidan Iddar_Konni) ร 135 cas pour 100 000 habitants (Ouallam). Au moins un cas de NmC a รฉtรฉ retrouvรฉ dans 12% (90/732) des aires de santรฉ du pays (soit 5 rรฉgions sur les 8 et 24 districts sur les 42 que compte le pays) et 33% (31/94) des aires de santรฉ de la rรฉgion de Dosso (Article IV). Seule la moitiรฉ de ces aires de santรฉ ontconnu une รฉpidรฉmie suggรฉrant lโintervention dโautres facteurs รฉpidรฉmiogรจnes. Ces facteurs รฉpidรฉmiogรจnes sont probablement plus prรฉsents ร la frontiรจre du Nigรฉria et le long du fleuve Niger qui est utilisรฉ par les populations pour joindre le Nigรฉria au Mali. De tels facteurs peuvent รชtre responsables dโune augmentation de la prรฉvalence du portage (Mueller & Gessner, 2010) observรฉs pendant les รฉpidรฉmies localisรฉes (Koutangni et al., 2015), les micro-รฉpidรฉmies dโinfections respiratoires dโorigine virale peuvent aussi favoriser le dรฉclenchement des รฉpidรฉmies de mรฉningite.Les รฉpidรฉmies รฉtaient plus frรฉquentes ร la frontiรจre avec le Nigรฉria et la rรฉgion de Dosso a รฉtรฉ la premiรจre affectรฉe par lโรฉpidรฉmie au Niger. Cela pourrait รชtre le rรฉsultat de la prรฉsence du NmC sous forme dโรฉpidรฉmies localisรฉes dans le nord du Nigรฉria en 2013 (Funk et al., 2014) associรฉ ร la baisse de lโimmunitรฉ de la population au NmC. En effet, les vaccinations ont รฉtรฉ moins frรฉquentes dans la population depuis 2010 avec lโintroduction du vaccin MenAfriVacยฎ. Les facteurs comportementaux et culturels comme les รฉchanges commerciaux et les voyages entre le Niger et la frontiรจre du Nigรฉria ont dรป avoir interagi avec les facteurs prรฉcรฉdents pour engendrer lโรฉpidรฉmie ร NmC de 2015 au Niger. Pour une meilleure comprรฉhension de lโรฉmergence et de lโexpansion du NmC, des รฉtudes de portage devraient รชtre rรฉalisรฉes dans la ceinture de la mรฉningite en particulier pendant les foyers รฉpidรฉmiques de mรฉningite ร NmC.
En conclusion, la prรฉsence du NmC nโentraine pas forcรฉment une รฉpidรฉmie, la co-incidence avec quelques cofacteurs รฉpidรฉmiogรจnes semble รชtre nรฉcessaire.
Quels รฉtaient la localisation et le risque de survenue des agrรฉgats spatio-temporels de mรฉningite ร mรฉningocoque C?
Lโidentification de la localisation des agrรฉgats permet de focaliser la recherche des facteurs de risques dans des rรฉgions et sur des รฉlรฉments qui sont spรฉcifiques ร ces rรฉgions. Au cours de lโannรฉe รฉpidรฉmiologique 2015, et sur toute la zone de lโรฉtude incluant les 732 aires de santรฉ du Niger, lโanalyse par SatScan a permis dโidentifier 33 probables agrรฉgats de mรฉningite ร mรฉningocoque C statistiquement significatifs (p<0.05). 4,5% des aires de santรฉ, localisรฉes dans 4 rรฉgions ont prรฉsentรฉ des agrรฉgats spatio-temporels. Ces agrรฉgats sont reprรฉsentรฉs selon la probabilitรฉ de survenue (Figure9) avec des ratios de vraisemblance variant de 15 ร 1 622. Les aires de santรฉ de Niamey et Doutchi avaient la probabilitรฉ la plus รฉlevรฉe dโavoir des agrรฉgats non dus au hasard. Ces agrรฉgats regroupaient respectivement 459 et 71 cas de mรฉningite ร NmC (Tableau 5). Les aires de santรฉ ayant eu des agrรฉgats ร NmC aucours de lโannรฉe 2015 รฉtaient localisรฉs dans les rรฉgions du sud et de lโouest du pays, notamment celles de Niamey, Dosso, Tahoua et Tillabรฉry. La localisation sud-est des agrรฉgats de mรฉningite a รฉtรฉ dรฉjร retrouvรฉe au Niger (Maรฏnassara et al., 2010 ; Paireau et al., 2012).
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Table des matiรจres
1 INTRODUCTION
2 ETAT DE LโART
2.1 EPIDEMIOLOGIE
2.2 FACTEURS DE RISQUE
2.3 MODELES HYPOTHETIQUES
2.4 PATHOGENICITE – IMMUNOGENICITE
2.5 CLONES
2.6 PORTAGE ET TRANSMISSION DE NEISSERIA MENINGITIDIS
2.7 CLINIQUE
2.8 DIAGNOSTIC
2.9 TRAITEMENT
2.9.1 TRAITEMENT CURATIF
2.9.2 TRAITEMENT PREVENTIF (PROPHYLAXIE)
2.9.3 PENURIE DE VACCINS DANS LA CEINTURE DE LA MENINGITE
2.10 INTRODUCTION DU VACCIN MENAFRIVACยฎ DANS LA CEINTURE AFRICAINE DE LA MENINGITE
2.10.1 NECESSITE DโUN NOUVEAU VACCIN POUR LA CEINTURE AFRICAINE DE LA MENINGITE
2.10.2 LES CAMPAGNES DE VACCINATION AVEC LE MENAFRIVACยฎ
2.10.3 IMPACT DU VACCIN MENAFRIVACยฎ
2.11 SURVEILLANCE ET STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LES EPIDEMIES DE MENINGITE ..
2.11.1 SURVEILLANCE ET STRATEGIE DE LUTTE AVANT MENAFRIVACยฎ
2.11.2 SURVEILLANCE ET STRATEGIE DE LUTTE APRES MENAFRIVACยฎ
2.11.3 HISTORIQUE DE LA SURVEILLANCE DES MENINGITES AU NIGER
3 JUSTIFICATION ET OBJECTIFS DE LA THESE
4 METHODOLOGIE
4.1 PRESENTATION DU NIGER
4.2 DONNEES UTILISEES
4.3 EXPLICATION DES METHODES
4.3.1 CONFRONTATION DES NOTIFICATIONS ET ETIOLOGIES DES CAS
4.3.2 RECHERCHE DES AGREGATS SPATIO-TEMPORELS DE MENINGITE A MENINGOCOQUE C
4.3.3 DEFINITION DES FOYERS EPIDEMIQUES
4.3.4 SIMULATION DE LA SITUATION DโELIMINATION DU NMA
4.3.5 EVALUATION DE LโEFFICACITE ET DE LโEFFICIENCE DES STRATEGIES DE SURVEILLANCE ET DE RIPOSTE VACCINALE
5 RESULTATS
5.1 QUELLE A ETELโEPIDEMIOLOGIE DES MENINGITES AU NIGER AVANT ET APRES MENAFRIVACยฎ?
5.1.1 QUELLE A ETELโEVOLUTION DES EPIDEMIES ET DES SEROGROUPES?
5.1.2 QUELLES ONT ETE LES TRANCHES DโAGE LES PLUS ATTEINTES PAR LA MENINGITE?
5.1.3 EXISTAIT-T-IL UNE HETEROGENEITE ENTRE LES INCIDENCES ANNUELLES DE MENINGITES DES AIRES DE SANTE DโUN MEME DISTRICT?
5.2 LA PRESENCE DU NMC ENTRAINE-T-ELLE FORCEMENT UNE EPIDEMIE ?
5.3 QUELS ETAIENT LA LOCALISATION ET LE RISQUE DE SURVENUE DES AGREGATS SPATIO-TEMPORELS DE MENINGITE A MENINGOCOQUE C?
5.4 EST-CE QUE LES CARACTERISTIQUES DES FOYERS EPIDEMIQUES ETAIENT COMPARABLES PAR SEROGROUPE ?
5.5 QUELLE EST LA MEILLEURE STRATEGIE DE REPONSE CONTRE LES EPIDEMIES DE MENINGITE AVANT ET APRES MENAFRIVACยฎ?
5.6 LA STRATEGIE DE SURVEILLANCE ET DE REPONSE ACTUELLE EST-ELLE ADAPTEE AU NMC ?
6 DISCUSSION
7 SYNTHESE
8 CONCLUSION
9 RECOMMANDATIONS
10 PERSPECTIVES ET PRIORITE DE RECHERCHE
11 BIBLIOGRAPHIE
12 PRODUCTION SCIENTIFIQUE ACQUISE AU COURS DE LA THESE
12.1 LISTE DES PUBLICATIONS ENTRANT DANS LE CADRE DE LA THESE
12.2 LISTE DES COMMUNICATIONS ORALES DANS LE CADRE DE LA THESE
12.3 LISTE DES COMMUNICATIONS AFFICHEES DANS LE CADRE DE LA THESE
12.4 LISTE DES PUBLICATIONS HORS SUJET DE THESE
13 ANNEXES
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