La salmonellose est l’une des toxi-infections alimentaires les plus courantes et les plus répandues. Cette maladie est provoquée par une bactérie appelée Salmonella. Jusqu’en 2004, 2501 sérotypes différents de Salmonella ont été identifiés [24]. Bien que tous les sérotypes puissent être pathogènes pour l’homme, ils sont souvent classés en fonction de leur adaptation aux hôtes animaux. Quelques sérotypes ont un spectre d’hôtes limité (ils n’affectent qu’une ou quelques espèces animales), par exemple Salmonella Typhi pour les primates, Salmonella Dublin pour les bovins et Salmonella choleraesuis pour les porcs. Toutefois, la plupart des sérotypes ont un large spectre d’hôtes. Habituellement ces derniers provoquent des gastro-entérites. Ce groupe comprend en particulier Salmonella Enteritidis et Salmonella Typhimurium, les deux principaux sérotypes responsables de salmonelloses transmises de l’animal à l’homme [26].
La fièvre typhoïde est une maladie strictement humaine dont l’entité nosologique a été reconnue dès 1813 par Petit et Serres. Eberth, le premier, observa le germe responsable de cette grave infection dans la rate et les ganglions d’un malade mort de fièvre typhoïde (1880). Par la suite, on s’aperçut grâce à l’affinement des techniques d’études antigéniques que les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes n’étaient dues qu’à un petit nombre de sérotypes (S. Typhi, S. Paratyphi A, S. Paratyphi B et S. Paratyphi C) [8].
La fièvre typhoïde reste un problème d’actualité. Certes, elle a régressé de façon spectaculaire dans les pays occidentaux, mais elle est toujours très répandue dans les pays en voie de développement où les conditions socioéconomiques et le bas niveau d’hygiène favorisent cette maladie [24]. Les salmonelles sont naturellement sensibles à la plupart des antibiotiques actifs sur les bactéries à Gram négatif. Cependant, ces dernières années, on rencontre souvent des souches de salmonelles multirésistantes et la fréquence de la pharmacorésistance multiple a considérablement augmenté. Pire encore, certaines variantes de Salmonella ont développé une multirésistance qui fait partie intégrante de leur matériel génétique et sont par conséquent susceptibles de conserver des gènes de pharmacorésistance même si l’on n’utilise plus les antibiotiques concernés, situation dans laquelle d’autres souches résistantes perdraient en règle générale leur résistance [26]. L’émergence de salmonelles pharmacorésistantes peut être liée à l’utilisation d’antibiotiques chez les animaux d’élevage. La pression sélective résultant de l’emploi d’antibiotiques est l’une des principales forces conduisant à l’apparition de cette résistance, mais d’autres facteurs doivent également être pris en compte. Certains sérotypes de salmonelles, par exemple, sont plus enclins à développer une résistance que d’autres. En outre, on observe régulièrement des variations importantes de la fréquence des sérotypes de Salmonella chez les animaux d’élevage et chez l’homme. On a ainsi récemment relevé la propagation à l’échelle mondiale, chez l’homme et certains animaux, d’une souche de S. Typhimurium multirésistante lysotype 104. Bien que la propagation de cette souche puisse avoir été facilitée par l’utilisation d’antibiotiques, on pense qu’elle résulte principalement du commerce national et international d’animaux infectés [26]. L’émergence de souches de salmonelles multirésistantes est un fait lourd de conséquences qui limite gravement les possibilités de traiter efficacement les infections humaines. La prévention des Salmonelles est aussi très difficile du fait de la diffusion de ces bactéries chez de multiples espèces animales domestiques ou sauvages [24]. Cette prévention difficile des salmonelles et l’apparition de souches multirésistantes font de la salmonellose un véritable problème de santé publique. L’objet de notre étude est de surveiller la résistance aux antibiotiques des souches de salmonelles isolées sur dix ans (1997 à 2007) au laboratoire de bactériologie virologie du CHU de Fann, en établissant, pour chaque souche rencontrée, un profil de résistance.
Etude des Salmonelles
Historique
Eberth en 1880 découvre l’agent responsable de la fièvre typhoïde dont la culture de la bactérie a été possible en 1884 par Gaffky. Le genre Salmonella a été utilisé après que le bactériologiste américain Daniel Salmon eut isolé en 1886, avec quelques collègues, une bactérie provenant du porc (maintenant connu comme Salmonella choleræsuis ) qui était considérée comme étant la cause de la fièvre porcine (choléra du porc). En 1896 Widal a mis en évidence la diversité antigénique des souches de salmonelles. A ce jour on a isolé plus de 2500 sérotypes de salmonelles [25]. Depuis les premières observations rapportées par Eberth jusqu’à nos jours, le genre Salmonella n’a pas cessé de présenter une importance considérable dans les domaines vétérinaires et sur le plan médical, tant par les pertes économiques dues à la maladie animale, que par la forte incidence chez l’homme (fièvres typhoïdes et toxi-infections alimentaires) [25].
Taxonomie
o Domaine : Bacteria
o Phylum : Proteobacteria
o Classe : Gammaproteobacteria
o Ordre : Enterobacteriale
o Famille : Enterobacteriaceae
o Genre : Salmonella
La nomenclature des salmonelles est particulièrement complexe car elle a fait l’objet de controverses et de confusions liées, principalement, à un avis de la « Commission Judiciaire ». Le nouveau système (utilisation des nomenclatures validement publiées par l’opinion 80, couplée à l’interprétation taxonomique de Le Minor et Popoff (1987) et à l’interprétation taxonomique de Reeves et al (Nov.1989) est employé par un nombre toujours croissant de bactériologistes. Il apparaît clairement que la « Commission Judiciaire » recommande l’utilisation du nouveau système [25]. Ce nouveau système reconnaît que le genre Salmonella possède trois espèces :
❖ Salmonella bongori
❖ Salmonella enterica ou Salmonella choleraesuis.
❖ Salmonella subterranea, qui est une souche bactérienne isolée d’un sédiment acide et contaminé par des nitrates et de l’uranium.
La seconde espèce, la plus importante, comprend six sous-espèces que sont :
✦ Salmonella enterica subsp. arizonae.
✦ Salmonella enterica subsp. diarizonae
✦ Salmonella enterica subsp. enterica.
✦ Salmonella enterica subsp. houtenae.
✦ Salmonella enterica subsp. indica.
✦ Salmonella enterica subsp. Salamae [25].
Dans un premier temps on a attribué un nom d’espèce aux principaux sérovars, par exemple Salmonella typhi, Salmonella enteritidis. Cependant, des études taxonomiques basées sur des critères génotypiques ont montré qu’en fait les salmonelles rencontrées en pathologie appartenaient toutes à une même espèce : Salmonella enterica. Le nom de l’espèce est suivi du nom du sérovar (qui commence par une majuscule et qui n’est plus en italique). Ainsi Salmonella typhi devient Salmonella enterica sérovar Typhi. Actuellement les deux modes d’écritures sont utilisés. Nous utiliseront la terminologie la plus récente, en omettant (comme c’est habituel) le nom de la sous-espèce [24].
Habitat
Les salmonelles sont des bactéries de l’intestin. Chez de nombreux sujets elles peuvent êtres présentes sans entraîner de symptômes (porteurs sains). Quelques sérovars sont spécifiquement humains : Typhi et Paratyphi. D’autres ne se rencontrent que chez l’animal, comme le sérovar Pullorium. Mais la majorité des sérovars ont un spectre d’hôte assez large et peuvent infecter aussi bien l’homme que diverses espèces animales [24]. Les salmonelles peuvent êtres disséminées dans l’environnement par des excréta. Si elles ne peuvent s’y multiplier de manière significative, elles peuvent y survivre, en particulier dans le sol, pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois si les conditions de température de pH et d’humidité sont favorables [16]. Les sérovars qui n’ont pas de spécificité d’hôte sont dits ubiquitaires. S. Typhimurium est rencontré dans tous les pays. Elle est isolée chez l’homme, chez les animaux et dans l’environnement [24]. Les vertébrés aquatiques, notamment les oiseaux (Anatidés) et les reptiles (Chéloniens) sont d’importants vecteurs de salmonelles. Les volailles, les bovins et les ovins étant des animaux fréquemment contaminants, les salmonelles peuvent se retrouver dans les aliments, notamment les viandes et les œufs crus [30].
Caractères biochimiques
Ce sont des entérobactéries bacilles à Gram négatifs, mobiles (ciliature péritriche), aéro-anaérobies facultatifs, oxydase négative, Nitrate réductase positif, fermentative du glucose, lactose négatif H2S positif, uréase négative, Tryptophane désaminase positif, utilisant la voie des acides mixtes, indole négatif, ne possédant pas la béta-galactosidase [5].
Caractères antigéniques
Comme toutes les Enterobacteriaceae, les Salmonella possèdent des antigènes somatiques O (situé dans la paroi). Il en existe 67, on distingue l’antigène O majeur caractérisant un groupe de Salmonella et l’antigène O mineur qui est accessoire. La délétion par mutation de l’antigène O entraîne une perte partielle ou totale du pouvoir pathogène.
Les Salmonella possèdent également des antigènes flagellaires H. Ils sont présents sous deux formes différentes (phase). Soit sous les deux formes simultanément (diphasique) soit sous la forme d’une seule phase (monophasique).Ces deux phases sont codées par deux gènes différents mais très voisins, ils doivent provenir de la duplication d’un même gène ancestral. Enfin, Salmonella ser. Typhi, S. ser. Paratyphi C et S. ser. Dublin possèdent l’antigène capsulaire de nature polyosidique Vi pouvant masquer l’antigène somatique O. Ce dernier est démasqué par destruction de l’antigène Vi (chauffage à 100 °C pendant 10 min) [5].
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Table des matières
INTRODUCTION
A- Généralités
I- Etude des salmonelles
1- Historique
2- Taxonomie
3- Habitat
4- Caractères biochimiques
5- Caractères antigéniques
6- Pouvoir pathogène
6.1. Facteurs de pathogénicité
6.2. Transmission
7- Diagnostic biologique
– diagnostic direct : Isolement des salmonelles
* Hémoculture
* coprocultures
* Autres prélèvements
– Diagnostic indirect : Le sérodiagnostic de Widal et Félix
8- Classification sérologique
9- Base du traitement
– Sensibilité aux antibiotiques
– Traitement curatif
– Traitement préventif
II- Généralités sur les antibiotiques
1- Définition
2- Principales familles d’antibiotiques et leur mode d’action
a- Les antibiotiques agissant sur la synthèse du peptidoglycane
b- Les antibiotiques inhibant la synthèse protéique
c- Antibiotiques agissant sur les acides nucléiques
d- Antibiotiques agissant sur les membranes
e- Antibiotiques agissant par inhibition compétitive
3- acquisition de la résistance aux antibiotiques
a- Par mutation
b- Par transposition
c- Par transfert de matériel génétique
4- Acquisition de la résistance aux antibiotiques des salmonelles
5- mécanismes biochimiques de la résistance aux antibiotiques des salmonelles
a- défauts d’accumulation
. Défauts d’accumulation liés à la membrane externe : entrée insuffisante
. Défauts d’accumulation liés à la membrane cytoplasmique
b- Détoxification enzymatique de l’antibiotique
6- Evolution de la résistance aux antibiotiques
a – Sélection de la résistance
b- Diffusion de la résistance
B- Travail personnel
I- Cadre d’étude
II – Matériels et méthodes
II-1- Matériels
II-1-1- Collecte des souches
II-1-2- Réactifs et matériels de laboratoire
II-1-2- Logiciel utilisé : Whonet
II-2- Méthodes d’isolement et d’identification
II-2-1- Par coproculture
II-2-2- Par hémoculture
II-3- Méthode de réalisation de l’antibiogramme
III- Résultats
IV- Discussion
V- Conclusion