Les exigences des systèmes industriels d’aujourd’hui
Les machines électriques sont des éléments vitaux dans les applications industrielles d’aujourd’hui où une conversion d’énergie est nécessaire et en particulier dans les systèmes embarqués. Les systèmes embarqués sont définis par un ensemble de composants électroniques et de logiciels intégrés au sein de dispositifs et fonctionnant d’une manière autonome et en temps réel dans un volume limité. Les voitures, les trains, les métros et les avions contiennent donc tous des systèmes embarqués.
Dès le début du XXème siècle, l’une des premières applications de motorisation électrique embarquée de très forte puissance concernait la propulsion des navires de croisière. Ces moteurs sont toujours accompagnés de convertisseurs de puissance associés et de la commande qui peut être basée sur du contrôle direct du couple (DTC), du contrôle de flux orienté (FOC), de la commande flou, etc. Toutes ces commandes peuvent être associées à une stratégie tolérante aux pannes. Dans les applications de type automobile, les systèmes embarqués représentent au moins 20% des équipements du véhicule, et probablement 30 à 35% d’ici 2015 [6]. L’automobile du futur aura donc de plus en plus besoin de composants électroniques et électriques innovants et fiables. Les exigences types pour les moteurs utilisés dans les systèmes embarqués comprennent : des densités de couple et de puissance élevées, une large plage de vitesse comprenant un fonctionnement à couple constant et à puissance constante, un rendement élevé sur une large plage de vitesse et une bonne fiabilité, disponibilité et robustesse. Le coût de la solution doit rester raisonnable. Certains de ces critères sont de nos jours bien maitrisés. La densité de couple et puissance élevées et le bon rendement peuvent être assurés par les machines synchrones à aimants permanents. Cependant, ces machines peuvent avoir une courte plage de puissance constante en raison de leur capacité de défluxage relativement limitée, due à la présence du champ des aimants permanents. Ce champ peut être diminué par la production d’un champ statorique important s’y opposant. Les machines asynchrones sont, quant à elles, utilisées pour leurs robustesses et pour leur faible coût. Leur rendement est généralement plus faible que celui des machines à aimants permanents à cause des pertes rotoriques.une étude comparative de topologies de moteurs basée sur une synthèse de l’état de l’art et sur une comparaison des différentes performances a été effectuée. Celle-ci a permis de conclure que le moteur asynchrone semble être un bon candidat pour les applications embarquées mais la concurrence avec les moteurs à aimants permanents reste rude. Les auteurs de [8] montrent qu’une machine asynchrone peut fonctionner avec de faibles ondulations de couple si elle est associée à une commande convenable. La commande directe du couple (DTC) semble être très adaptée pour les applications du type véhicule électrique [9] et encore mieux si elle est associée à des techniques de modulation, permettant de fonctionner à des fréquences de commutation fixes et élevées .
La machine à reluctance variable (MRV) gagne en intérêt en tant que candidate pour les applications embarquées, et plus spécialement pour les véhicules électriques ou hybrides électriques en raison de sa construction simple et robuste. Sa commande est aussi simple et elle possède une capacité de fonctionnement à vitesse extrêmement élevée car son rotor est passif. Cependant, le bruit acoustique des MRV est généralement très élevé et le fonctionnement en mode générateur est accompagné par de fortes ondulations de courant [11]. L’autre critère exigé dans les applications embarquées et qui est un sujet d’actualité aujourd’hui reste celui de la fiabilité et de la disponibilité de l’entrainement électrique durant son fonctionnement. Ce qui revient à garantir une bonne sûreté de fonctionnement. L’amélioration de ce critère pourrait être assurée par une redondance des moteurs électriques au sein d’un même système embarqué ou d’une multiplication du nombre de phases ce qui introduirait les machines multi phases. En 1932, le Normandie constituait une application où la redondance est assurée avec ses quatre moteurs triphasés de 30 MW [12]. Plus tard, les machines multi-phases commencent à apparaître avec le développement des convertisseurs qui ont permis le fractionnement de la puissance dans les phases. Depuis les années 2000, ces machines sont de plus en plus étudiées.
Avant de détailler davantage l’état de l’art de ces machines, commençons par cadrer l’étude de la sûreté de fonctionnement et éclaircir les notions de défaut, défaillance, sécurité, fiabilité, disponibilité, tolérance aux pannes et maintenabilité.
Sûreté de fonctionnement des machines électriques
Défauts et défaillances des machines électriques
Définition d’un défaut
Avant d’évoquer le problème de sûreté de fonctionnement, il faut tout d’abord définir ce qui est un défaut et ce qui est une défaillance (panne). Un défaut correspond à l’écart entre la caractéristique observée sur un dispositif et la caractéristique de référence.
Les défauts susceptibles d’apparaître sur un système convertisseur-machine peuvent être de diverses origines :
– Défauts au niveau du bobinage de la machine à savoir le circuit ouvert de certains bobinages, le court-circuit de type phase-phase ou phase-neutre de certains bobinages, court-circuit entre-spires d’un même bobinage.
– Défauts au niveau de l’onduleur : L’ouverture du circuit de certaines cellules de commutation de l’onduleur (similaire au circuit ouvert des bobinages), le court-circuit d’un certain nombre d’interrupteurs de l’onduleur. Quand l’origine des défauts provient de l’onduleur, les travaux menés dans [13] pour des onduleurs triphasés sont aussi applicables pour des machines à nombre de phases plus élevé. Les auteurs proposent différentes topologies de connexion d’onduleur, dont :
♦ Une topologie à interrupteurs redondants basée sur l’ajout de fusibles et de triacs,
♦ Une topologie à double interrupteurs redondants avec un quatrième bras d’onduleur et deux thyristors et fusibles par bras d’onduleur,
♦ Une troisième topologie qui est une combinaison des deux premières,
♦ Une quatrième topologie qui est une configuration à deux onduleurs en cascade,
♦ Une topologie où le neutre de la machine est connecté à un bras supplémentaire de l’onduleur.
– Défauts d’ouvertures ou courts-circuits des connexions d’alimentation ou au niveau de l’alimentation elle-même.
– Défauts de courts-circuits au niveau des tôles magnétiques [14][15].
– Défauts des capteurs (courants, tensions, position ou vitesse). Dans [16], des méthodes de détection et d’isolation des défauts de capteurs des machines électriques sont proposées. Dans [17], les auteurs proposent des systèmes de commande actifs et tolérants aux défauts des capteurs de vitesse ou de courants pour des machines asynchrones dédiées à des véhicules électriques ou hybrides. Les systèmes proposés permettent de maintenir de bonnes performances de commande et assurent la douceur de transition d’une technique de commande à une autre.
– Défauts de contrôle qui pourrait être au niveau des consignes, des régulateurs de courant ou de vitesse ou bien au niveau du matériel dans lequel le programme de commande a été implémenté (dSPACE, FPGA, DSP,…)
– Défauts d’ordre mécanique (déséquilibre des arbres et des rotors, jeux mécaniques, défauts dans les roulements à billes ou à rouleaux, etc).
Parmi tous les défauts précédents, les défauts sur les enroulements statoriques sont considérés comme les types de défauts les plus fréquents dans les machines de faible et moyenne puissance. Tandis que les défauts sur les roulements sont les plus fréquents dans les machines de forte puissance (de 100kW à 1MW) car les contraintes mécaniques pour ces types de machines sont élevées [18]. Ces défauts de roulements peuvent être dus à des phénomènes de fatigue, à la perte de lubrification, la contamination du lubrifiant ou à cause d’une circulation de courants de fuite induits par les onduleurs à MLI [19]. Dans nos travaux de thèse, nous considérons uniquement les défauts sur les enroulements statoriques de type défauts d’ouvertures ou courts-circuits de phases. L’auteur dans [2] évoque quelques conséquences qu’il faudra prendre en compte lors de l’apparition de ces types de défauts. En effet, quand une phase est ouverte, le potentiel du point milieu d’un bras de l’onduleur n’est plus contrôlé et la tension n’est plus imposée par l’onduleur. On se retrouve dans une situation de « générateur non contrôlé » (UnControlled Generator, UCG) [2]. Une solution consiste à déconnecter la phase en défaut et ceci en modifiant légèrement la structure de l’onduleur, comme proposée pour les défauts au niveau de l’onduleur.
Définition d’une défaillance
Il existe deux définitions fondamentales d’une défaillance (appelée aussi « panne ») selon la norme internationale CEI-50 :
– C’est la perte de la faculté du système complet de remplir la fonction pour laquelle il a été conçu.
– C’est la perte de la faculté d’un élément du système d’assurer la fonction pour laquelle il a été conçu, sans pour autant compromettre la faculté du produit de fonctionner en tant qu’ensemble.
Par ces définitions, nous pouvons comprendre que la considération d’apparition d’une défaillance dépend du niveau d’exigence du cahier des charges. Par exemple, si dans une application embarquée, il est demandé que la machine produise un couple égal à Tn ± 10% avec une tolérance au niveau de l’ondulation allant jusqu’à 20% et des pertes Joule égales à PJ ± 20% (Fonction pour laquelle la machine a été conçue). Le système sera considéré défaillant (en panne) dès que les performances de la machine électrique ne sont pas conformes à ces spécifications. Dans ce cas là, il faut agir rapidement et améliorer le fonctionnement dans le but de rendre la machine disponible de nouveau. La machine fonctionnera de nouveau conformément aux exigences même si le défaut persiste. Elle sera dans ce cas « tolérante aux pannes ». Si maintenant l’apparition d’un défaut impacte les performances tout en les gardant comprises dans les intervalles exigés (La fonction pour laquelle elle a été conçue est assurée), et si le défaut n’a pas de conséquences sur les autres éléments du système alors celui-ci ne sera pas considéré comme défaillant.
Notions de sûreté de fonctionnement
Le but de la sûreté de fonctionnement c’est d’évaluer les risques potentiels, de prévoir l’occurrence des défaillances et de tenter de minimiser les conséquences des situations catastrophiques lorsqu’elles se présentent. Plusieurs méthodes comme les méthodes d’analyse fonctionnelle telles que l’AMDEC (Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leurs Criticités) et les diagrammes de fiabilité sont actuellement étudiés pour l’analyse de la sûreté de fonctionnement d’un système [21]. Selon la norme CEI-50, la sûreté de fonctionnement est l’aptitude d’une entité à accomplir une ou plusieurs fonctions requises dans des conditions données. Il existe plusieurs aspects de sûreté de fonctionnement. Celle ci inclut la fiabilité, la disponibilité et la sécurité et la maintenabilité [22]. Les deux premières peuvent s’inscrire dans le domaine de la tolérance aux pannes. Commençons par définir ces différents termes.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 Etat de l’art des machines multi-phases à commutation de flux en modes de fonctionnement sain et dégradé
1.1 Introduction
1.2 Les exigences des systèmes industriels d’aujourd’hui
1.3 Sûreté de fonctionnement des machines électriques
1.3.1 Défauts et défaillances des machines électriques
1.3.2 Notions de sûreté de fonctionnement
1.4 Structures de machines tolérantes aux pannes
1.4.1 Machines redondantes
1.4.2 Machines multi-phases
1.4.3 Conception des machines multi-phases
1.5 Modélisation et commande des machines multi-phases en mode sain
1.6 Modélisation et commande des machines multi-phases en mode dégradé
1.6.1 Modélisation et commande dans la base « abc »
1.6.2 Modélisation et commande dans des repères « dq »
1.7 Cadre d’étude : Machine cinq-phases à commutation de flux en modes sain et dégradé
1.8 Conclusion
Chapitre 2 Etude d’une machine pentaphasée à commutation de flux : Comparaison à une machine triphasée
2.1 Introduction
2.2 Principe de fonctionnement des machines à commutation de flux
2.3 Etude comparative entre une MCF pentaphasée et une MCF triphasée
2.3.1 Modélisation Eléments Finis 2D des deux prototypes
2.3.2 Comparaison des performances à vide
2.3.3 Comparaison des performances en charge
2.4 Mesures expérimentales sur les deux prototypes
2.4.1 Mesure des forces électromotrices
2.4.2 Mesure des inductances propres instantanées
2.4.3 Mesure des inductances mutuelles instantanées
2.4.4 Mesure des paramètres mécaniques
2.4.5 Evaluation des contraintes thermiques
2.4.6 Récapitulatif des mesures
2.5 Conclusion
Chapitre 3 Etude de la tolérance aux ouvertures de phases des machines cinq-phases à commutation de flux
3.1 Introduction
3.2 Comportement de la machine en cas d’ouverture d’une phase
3.3 Reconfiguration analytique de la commande
3.3.1 Courants optimaux avec un courant homopolaire nul
3.3.2 Courants optimaux avec un courant homopolaire nul et une ondulation de couple nulle
3.4 Reconfiguration des courants en utilisant l’Algorithme Génétique d’optimisation
3.4.1 Modèle à deux objectifs deux contraintes : Modèle AG-Thybrid-1
3.4.2 Reformulation des objectifs et contraintes : Modèle AG-Thybrid-2
3.4.3 Prise en compte des harmoniques des flux à vide : Modèle AG-Thybrid-3
3.4.4 Prise en compte du couple reluctant dans l’AG
3.5 Reconfiguration de la commande en utilisant l’Algorithme Génétique considérant le modèle complet du couple : Modèle AG-Ttotal
3.5.1 Défaut d’ouverture du circuit relatif à la phase C
3.5.2 Ouverture des phases temporellement-adjacentes B et C
3.5.3 Ouverture des phases spatialement-adjacentes C et E
3.5.4 Analyse des résultats de deux phases ouvertes
3.5.5 Injection du troisième harmonique des courants
3.5.6 Analyse des forces magnétiques radiales
3.6 Validation expérimentale
3.7 Conclusion
Chapitre 4 Etude de la tolérance aux courts-circuits de phases des machines cinq-phases à commutation de flux
Conclusion générale