Généralités sur la structure des polymères
Les polymères sont des matériaux macromoléculaires, constitués de longues chaînes d’atomes en liaison forte, liaison covalente. Le concept de chaînes macromoléculaires n’a été reconnu que dans les années 1920 à la suite des travaux d’Herman Staudinger (prix Nobel de Chimie en 1953). Il paraissait inconcevable à l’époque que des unités moléculaires, les monomères, s’organisent en chaînes par liaison covalentes. Lorsqu’on regarde une chaîne de près, il apparaît un ordre local lié à la nature des liaisons chimiques intrachaînes ou les empêchements stériques. La notion d’ordre local dans une chaîne s’appelle la configuration. Il y a trois types de configurations : atactique, isotactique et syndiotactique. Les deux dernières configurations sont plus favorables à la cristallisation. Ces notions de configurations sont statistiques. La microstructure et les propriétés mécaniques dépendent de la mobilité moléculaire. Lorsque les chaînes sont suffisamment flexibles et avec une configuration régulière, il peut y avoir apparition d’une phase cristalline (voir FigureI.1). Les polymères semi-cristallins constituent une grande classe de matériaux présentant des propriétés mécaniques intéressantes. Dans cette étude nous nous intéressons plus particulier au Polyéthylène téréphtalate (PET).
Généralités sur le PET Le PET est un polymère thermoplastique aromatique semi-cristallin de la famille des polyesters saturés. Il est constitué de longues chaînes moléculaires. L’unité de répétition est représentée par la FigureI.2. En général, le degré de polymérisation est compris entre 240 et 300 monomètres. Le polyéthylène téréphtalate (PET) découvert en 1941 par J.R. Whinfield et J. Dickson, est obtenu par la polycondensation de l’acide téréphtalique avec l’éthylène glycol (FigureI.3). Le PET est un polymère possédant de bonnes caractéristiques mécaniques et une bonne inertie thermique et chimique. C’est pour cela qu’il est utilisé dans des applications industrielles très variées: fibres textiles, emballages alimentaires, récipients pour boissons, etc. Le taux de cristallinité du PET, ? , peut atteindre 50%. La température de transition vitreuse Tg est de l’ordre de 80oC et la température de fusion Tm est presque 250 oC. Le PET est plutôt rigide avec des chaînes de très faible mobilité en dessous de la température de transition vitreuse. Au-dessus de la température de fusion, le PET a un comportement fluide visqueux. Daubeny et al. [DAUB 54] ont observé que la maille cristalline du PET est triclinique. Les paramètres de maille sont donnés sur la Figure I.4. On peut noter que les paramètres de mailles peuvent varier en fonction de la température de cristallisation, la vitesse de refroidissement, le taux d’étirage, etc [SUNT 88].
Morphologie cristalline La cristallisation du PET peut se produire de plusieurs façons : thermiquement ou/et induite par une déformation. Ces différents mécanismes de cristallisation produisent différentes morphologies cristallines.
a) Les sphérolites : cristallisation activée thermiquement : La cristallisation du PET activée thermiquement (cristallisation naturelle ou statique) peut être obtenue de deux façons :
- soit le matériau est refroidi depuis l’état fondu.
- soit il est réchauffé au-dessus de la transition vitreuse depuis l’état vitreux amorphe.
La coexistence de deux phases (amorphe et cristalline) est caractéristique des polymères semicristallins. Le modèle de micelles à franges a été initialement développé par Hermann et Abitz afin de décrire cette structure des polymères [HERM 30, KREV 09]. Plusieurs études expérimentales sur les polymères cristallisés à partir du fondu ont montré que les cristaux formés ont une structure lamellaire de taille nanométrique [BASS 94, KAVE 70]. En général, la morphologie des polymères semi-cristallins non déformés est constituée de régions sphéolitiques. Le sphérolite est un arrangement radial de lamelles cristallines intercalées de phase amorphes inter lamellaires. La Figure I.5 montre la croissance d’un sphérolite. Un sphérolite commence par un axialite constitué d’un empilement de cristallites. Puis, l’axialite se « referme » sur lui-même au fur et à mesure de la croissance pour prendre une symétrie sphérique. La création de nouvelles lamelles ainsi que leur croissance finissent par former une sphère de cristallites disposées radialement. Les sphérolites croissent indépendamment au cours de la cristallisation et s’arrêtent lorsqu’ils rencontrent un autre sphérolite. C’est pourquoi les frontières entre les sphérolites sont plates. Comme présenté ci-dessus, on observe l’apparition d’une structure sphérolitique [BARA 70, BALL 81, COMB 05] sous cristallisation thermique. La littérature nous donne des clichés de cette microstructure. Sur la Figure I.6, nous voyons un agrégat de sphérolites de PET observé par micrographie électronique à balayage (MEB) et par microscope optique entre polariseurs croisés. Sur le cliché MEB, on ne voit pas de zone non-cristallisée entre les sphérolites. On observe une géométrie polygonale des sphérolites car leurs frontières sont plutôt droites. Le diamètre du sphérolite est compris entre 1 et 100μm. Le diamètre moyen des sphérolites est contrôlé par les conditions de cristallisation : température de refroidissement et vitesse de refroidissement. En effet plus le refroidissement est rapide, plus la taille des sphérolites est petite. De plus, la morphologie sphérolitique peut changer avec la température de cristallisation. On rencontre des formes elliptiques ou axialitiques pour des températures de cristallisation extrêmement élevées. Généralement les sphérolites vont se former à une température relativement faible. Par exemple, la Figure I.7 montre une série de micrographies des sphérolites du Polytéréphatalate de triméthylène (PTT) obtenues par cristallisation isotherme pour différentes températures de cristallisation. Dans le dernier cliché Figure I.7(l), il apparaît une forme axialitique à 493K, c’est une température très proche de la température de fusion (?? = 500?). La morphologie se transforme progressivement en forme elliptique (Figure I.7 (j-k)) à 488K puis en forme sphérolitique lorsque la température de cristallisation diminue (au-dessous de 473K). La structure similaire a été confirmée par l’observation de la microscopie électronique en transmission (MET) dans la cristallisation du PET [YEHG 67]. Ce phénomène s’explique par l’existence de différents régimes de croissance cristalline introduits dans la théorie de nucléation secondaire de Lauritzen-Hoffman. Cette théorie sera présentée dans la suite (cf. I.2.2).
b) La structure fibrillaire : cristallisation induite par la déformation : Dès le début des années 1950, des auteurs proposent une description de la structure des fibres ultra-étirées qui constituaient les premières applications industrielles des polymères de synthèse. Dans cette microstructure, les chaînes ont quasiment toutes la même orientation (Figure I.8). Il y a peu de repliements de chaînes dans les cristallites de cette morphologie. Petermann et al. [PETE 79] ont amélioré le modèle en y introduisant notamment du glissement interlamellaire de la phase amorphe et de la cristallisation induite par étirage. Ce modèle se décompose en trois étapes décrites sur la Figure I.9. L’avantage de ce modèle est de montrer le rôle de la phase amorphe et notamment l’influence des molécules de liaison dont l’extension est à l’origine de la fragmentation des lamelles par cisaillement hétérogène. Il faut noter que dans cette vision les nanoblocs de la morphologie fibrillaire sont directement issues des lamelles initiales.
Comportement mécanique Les polymères semi-cristallins peuvent avoir un comportement soit rigide fragile, soit ductile, soit caoutchoutique. Cela dépend essentiellement de la température. Ils présentent des caractères viscoélastique, hyper-viscoélastique, viscoplastique et endommageable [MARC 03T, LUOY 12, DETR 11]. Le comportement des matériaux polymères dépend également de paramètres microstructuraux tels que la masse moléculaire, le degré d’enchevêtrement, l’orientation macromoléculaire, le taux de cristallinité et l’orientation cristalline. En particulier, l’évolution du taux de cristallinité et de l’orientation macromoléculaire modifie les caractéristiques mécaniques du matériau comme les propriétés élastiques et les frottements internes à l’origine de la viscosité. La Figure I.10 présente la réponse du PET sous une sollicitation equi-biaxiale pour différentes températures et pour différentes vitesses de déformation. Aux températures légèrement supérieures à Tg, le comportement caoutchoutique du PET est fortement hyperélastique. Sur la Figure I.10, à droite, on observe néanmoins que la réponse du PET à une sollicitation equi-biaxiale est sensible à la vitesse de déformation ce qui est caractéristique d’un comportement visqueux. Le matériau est moins rigide lorsque la température augmente et plus rigide lorsque la vitesse augmente. Ces résultats d’essais d’élongation biaxiaux font apparaître des courbes de comportement qui présentent un durcissement (augmentation de la contrainte) lorsque l’élongation atteint environ 2,5. Dans la littérature, plusieurs auteurs modélisent le comportement du PET dans ces gammes de vitesses et de températures avec des modèles viscoélastiques [CHEV 06, LUOY 12, BUCK95]. L’avantage de ces modèles est de prendre en compte les effets de retour élastique que l’on observe expérimentalement.
Cristallisation induite par déformation
Certains polymères et élastomères ont la capacité de cristalliser soit d’une façon thermique soit par l’application d’une déformation mécanique. Dans cette section, nous présenterons la cristallisation induite par la déformation. Les études sur la cristallisation induite par déformation sont nombreuses. Les premiers travaux, principalement dirigés par les professeurs Ward [NOBB 76] et Monnerie [BOUR 86- 87], ont porté sur la caractérisation de la cristallisation induite pour différents types d’étirage uniaxial à force constante, à vitesse de traverse constante et à vitesse de déformation constante. Ces travaux se sont principalement attachés à la description physico-chimique de la cristallisation induite. Puis, les travaux du professeur Salem [SALE 95,98] ont étendu les gammes de température et de vitesse explorées afin de proposer un cadre d’explication général sur la base de cinétiques de déformation et de cristallisation. Chevalier et ces collaborateurs ont étudié la cristallisation induite sous des sollicitations uni- et bi-axiales [CHAA 03, MARC 02a, MARC 02b, MARC 04]. Dans ces études, des techniques ex-situ post-mortem et in-situ et telles que la diffraction des rayons X, le dichroïsme, l’infra-rouge et la biréfringence ont été utilisées.
Conclusion
Nous avons présenté l’utilisation de la méthode des champs de phase pour simuler l’évolution de la microstructure pendant la cristallisation du PET. La méthode du champ de phase, basée sur l’équation de Ginzburg-Landau, donne l’évolution du champ de phase à partir de l’énergie libre. Un paramètre d’ordre ϕ, fonction du temps et de l’espace, qui varie entre 0 et 1 est utilisé pour décrire l’état du matériau sans être obligé de suivre l’interface (remaillages complexes). Il est ainsi possible reproduire la croissance des sphérolites qui apparaissent lors d’une cristallisation induite par la température. Dans un premier temps, nous nous sommes concentrés sur la cristallisation activée thermiquement. Des simulations d’évolution du champ de phase dans le cas isotrope, tel que la croissance de sphérolite, ont été réalisées par la méthode d’éléments finis. La taille critique du germe pour activer la cristallisation a été validée. Le coefficient cinétique a été identifié en comparant avec les données expérimentales de la littérature [ANTW 72]. En introduisant un modèle du champ de phases multiples (the MPF model) nous avons pu simuler l’évolution de plusieurs sphérolites et gérer la jonction lorsque 2 sphérolites se rencontrent. La croissance et la jonction des sphérolites ont été modélisées par la méthode d’éléments finis qui reproduit parfaitement l’évolution expérimentale d’une cristallisation isotherme. Nous avons ensuite étudié les dispersions de la constante d’Avrami, K(T) en fonction des fluctuations des conditions initiales (positions et taille des germes). Ces fluctuations, comparées aux résultats expérimentaux de la littérature sur diverses nuances du PET indiquent que nos résultats de simulation et leur dispersion sont compatibles avec les valeurs de la littérature. Finalement, la cristallisation induite par déformation a été étudiée dans le dernier chapitre. Le modèle qui décrit la loi de comportement viscoélastique avec un couplage du champ de phase est proposé à partir des principes thermodynamiques. L’influence, sur le taux de cristallinité final, de la déformation finale et de la vitesse de la déformation nominale a été étudiée dans le cas d’une traction simple suivie d’une la relaxation. Ainsi nous avons pu conclure que : (i) plus la déformation de traction est grande plus le taux de cristallinité final est grand et (ii) plus grande est la vitesse de déformation et plus le taux de cristallinité est grand lui aussi. De même pour l’orientation des cristaux, les chaînes macromoléculaires sont de plus en plus orientées dans la direction de la traction quand, soit (i) la déformation est grande ; soit la déformation est plus rapide.
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Table des matières
Introduction générale
Liste des symboles utilisés dans la thèse
Chapitre I Contexte scientifique
I. 1. Généralités sur la structure des polymères
I.1.1. Généralités sur le PET
I.1.2. Morphologie cristalline
I.1.3. Comportement mécanique
I. 2. Cristallisation depuis le fondu
I.2.1. Germination
I.2.2. Croissance des cristaux
I.2.3. Modèles cinétiques globaux de la cristallisation
I. 3. Cristallisation induite par déformation
I.3.1. Description des sollicitations rencontrées
I.3.2. Etirage uni-axial
I.3.3. Etirage bi-axial [MARC 03T, MARC 02a, MARC 02b, MARC 04]
I. 4. Conclusion partielle
Chapitre II : Modéliser la cristallisation par la méthode des champs de phase
II. 1. Influences des paramètres de champ de phase
II.1.1. Approche par champ de phase
II.1.2. Les équations cinétiques du champ de phase
II. 2. Implémentation numérique
II.2.1. Discrétisation par différentes méthodes numériques
II.2.2. Tests numériques préliminaires
II.2.3. Erreur sur l’aire au cours du temps
II. 3. Reproduire les résultats expérimentaux
II.3.1. Simulation de la croissance sphérolitique
II.3.2. Identification de coefficient cinétique ??(?)
II.3.3. Comparaison entre différentes méthodes numériques
II. 4. Conclusion partielle
Chapitre III Simulation de la cristallisation du polymère depuis l’état fondu
III. 1. Le modèle multi-champs de phase (MCP)
III.1.1. Formulation du modèle
III.1.2. Implémentation numérique
III. 2. Simulation numérique du processus de cristallisation depuis le fondu
III.2.1. Simulation préliminaire
III.2.2. L’évolution de la cristallisation isotherme
III. 3. Etude de la cinétique macroscopique de cristallisation
III.3.1. Rappel du modèle
III.3.2. Identification des paramètres du modèle d’Avrami
III.3.3. Etude statistique
III. 4. Conclusion partielle
Chapitre IV Modèle de la cristallisation sous contrainte
IV. 1. Modèle local de cristallisation sous contrainte
IV.1.1. Rappel de la thermodynamique des milieux continus
IV.1.2. Formulation du modèle5
IV.1.3. Implémentation numérique
IV. 2. Cristallisation induite simplifiée : cas homogène
IV.2.1. Phase de traction homogène
IV.2.2. Influence des conditions de sollicitation
IV.2.3. Etude de la relaxation
IV. 3. Cristallisation induite : modélisation par le champ de phase
IV.3.1. Influence de traction
IV.3.2. Influence de relaxation
IV.3.3. Orientation des cristaux
IV. 4. Conclusion partielle
Conclusions et perspectives
Annexes
Références bibliographique
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