Supplémentations en fer, en acide folique et en vitamine D pendant la grossesse

Une supplémentation est à différencier d’une complémentation. Un complément se trouve en vente libre sous forme de gélule, de comprimé ou autre. Un supplément est, quant à lui, un médicament délivré sous ordonnance après prescription par un médecin ou une sage-femme. Toute ordonnance doit être expliquée au patient comme le stipule l’article R4127-34 du Code de la Santé Publique : « Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution » [1]. La supplémentation pendant la grossesse rentre dans le champ de compétence des sagesfemmes, dans la section « Conduire une consultation prénatale » [2] et est encadrée par des recommandations de pratiques émanant notamment de l’HAS, de l’OMS et du CNGOF. Les trois supplémentations en vigueur actuellement sont celles en folate, en vitamine D et en fer.

Les folates ou acide folique correspondent à la vitamine B9. Composant du groupe vitaminique B, l’acide folique est un cofacteur de la synthèse de l’ADN. Les folates sont retrouvés principalement dans les légumes verts, les céréales et les fruits secs. Parmi les femmes en âge de procréer, 75% ont des apports quotidiens en vitamine B9 inférieurs à ceux recommandés, soit inférieurs à 400µg/j, et 7% présentent un déficit [3]. L’importance du déficit en vitamine B9 en péri conceptionnel est corrélée à la survenue d’anomalies de fermeture du tube neural tel que le spina bifida, l’anencéphalie ou l’encéphalocèle. L’INVS, regroupant 6 registres de 14 départements soit 16% des naissances en France, révèle une prévalence de spina bifida de 5,6 pour 10 000 naissances en région Rhône-Alpes de 2009 à 2013 [4]. Au niveau européen, 28 registres EUROCAT (European Surveillance of Congenital Anomalies) regroupant 12,5 millions de naissances dans 19 pays d’Europe, révèle une prévalence d’anomalie de fermeture du tube neural de 9.1 pour 10 000 naissances entre 1991 et 2011 [5]. L’Association Nationale Spina Bifida Handicap, rapporte une prévalence des anomalies de fermeture du tube neural d’une grossesse sur mille en France ces dix dernières années [6] [7] [8]. Les folates jouent également de nombreux rôles dans certaines maladies cardiovasculaires, dans les troubles dépressifs, dans les malformations des membres et de la paroi abdominale, dans les fentes labio-palatines [9]. Aussi, une carence en folate peut contribuer à augmenter la prévalence de mort in utéro, de fausses couches, de prééclampsie, d’accouchements prématurés, de faible poids de naissance, et de retard de croissance intra utérin [10]. Ainsi le défaut de supplémentation des femmes enceintes en acide folique peut entrainer de graves conséquences sur le plan de la santé publique. Les besoins en folates pour une femme enceinte sont de 800µg soit quatre fois supérieurs à la population générale, du fait de la division cellulaire rapide du fœtus et des pertes urinaires importantes. C’est pourquoi une supplémentation systématique de 400µg par jour de folate en péri conceptionnel (1 mois avant le début de la grossesse jusqu’au 2ème mois de grossesse) est recommandée depuis plus de 20 ans par différentes sociétés savantes telles que le CNGOF, la HAS, l’OMS. Dans certaines situations médicales spécifiques, la supplémentation peut être augmentée à 5mg par jour (alcoolisme chronique, prise de médicaments tels que les antiépileptiques et les sulfamides, défaut d’absorption digestive, antécédent de prééclampsie sévère, d’anomalie de fermeture du tube neural) [11]. Les recommandations de la HAS de 2016, concernant le suivi et l’orientation des femmes enceintes, pointent l’insuffisance de supplémentation. Elles mettent en cause les déclarations trop tardives de grossesse (7,3% en 2016) et soulignent la nécessité d’informer les femmes sur la prescription d’acide folique en période péri conceptionnelle [12] [13]. L’enquête nationale périnatale de 2016 confirme ce dernier constat : seules 23% des femmes étaient supplémentées en acide folique avant la grossesse et seulement 18.5% en région Provence-Alpes Côte d’Azur. Cette enquête regroupe 14 142 naissances, du 14 au 20 mars 2016, sur 517 maternités [14].

Le fer constitue également l’une des supplémentations essentielles pendant la grossesse. On trouve le fer naturellement dans les viandes, les poissons, mais aussi les légumes secs. Une diminution du taux de fer dans l’organisme se traduit par une anémie ferriprive. L’anémie ferriprive est la première cause d’anémie chez la femme enceinte (90% des anémies) [15]. Selon la Banque Mondiale des données, le pourcentage d’anémie chez les femmes enceintes en France serait de 25,1% en 2016 soit une augmentation de 1.1% depuis 2010. Bien que ce taux soit élevé (une femme enceinte sur quatre), il reste inférieur à la prévalence mondiale d’anémie chez la femme enceinte, qui est de 40,1% [16]. Les besoins en fer s’accroissent pendant la grossesse du fait de l’augmentation physiologique de la masse érythrocytaire (environ 500mg), de la constitution des tissus du fœtus (environ 290mg) et de la constitution du placenta (environ 25mg). En 2001, l’OMS avait établi des corrélations entre l’anémie ferriprive pendant la grossesse et l’augmentation de prématurité, de mortalité périnatale, de morbidité maternelle (infection, hémorragie), et de petit poids de naissance [17]. L’anémie ferriprive peut avoir des répercussions sur l’état de santé général de la femme enceinte comme une pâleur cutanéo muqueuse, une asthénie, une tachycardie et une tachypnée, une dyspnée à l’effort, des céphalées et des vertiges. Les complications maternelles et périnatales d’une anémie ferriprive dépendent de sa sévérité, de son terme d’apparition et de son mode d’installation. C’est la raison pour laquelle, il est indispensable de dépister précocement les carences en début de grossesse d’autant plus quand les patientes présentent des facteurs de risques d’anémie [14] [18]. Depuis 2016, l’OMS recommande une supplémentation systématique de 30 à 60 mg de fer élémentaire par voie orale par jour. Cependant, en France on ne recommande une supplémentation en fer que si le taux d’hémoglobine est diminué (inférieur à 11g/dl aux 1èr et 3ème trimestre et inférieur à 10,5g/dl au 2ème trimestre), ou si le taux de ferritine est inférieur à 12µg. Si la patiente présente des facteurs de risques d’anémie, le dosage de l’hémoglobine se fera plus tôt dans la grossesse .

La vitamine D constitue également l’une des supplémentations essentielles pendant la grossesse. Elle permet de fixer le calcium sur les os. Elle joue un rôle majeur dans la minéralisation du squelette osseux du futur enfant. Cette vitamine provient à 90% de la transformation du cholestérol par les UVB provenant des rayons du soleil. L’exposition au soleil est alors essentielle à la fabrication de vitamine D. De nombreux facteurs peuvent interférer avec cette synthèse tel que le port de vêtements recouvrant la peau (la couleur et le type de tissu entrent en jeu), l’utilisation de crème solaire, la pigmentation de la peau, le climat, la latitude, la pollution atmosphérique [23]. Au nord de Paris, six mois par an, il n’y a pas d’UVB [24]. La vitamine D peut aussi provenir de certains aliments tels que les poissons gras et les produits laitiers enrichis en vitamine D [25]. On parle de vitamine D3 (cholécalciférol) lorsqu’elle est d’origine animale ou provenant d’UVB et de vitamine D2 (ergocalciférol) lorsqu’elle est issue des végétaux (notamment l’ergot de seigle). Selon l’Etude Nationale Nutrition Santé (ENNS) 2006- 2007 portant sur 1 587 adultes ne prenant pas de traitement médicamenteux à base de vitamine D, 80.1% [77,0 82,8] des adultes présentaient une insuffisance en vitamine D (c’est-à-dire avec un taux de 25-hydroxyvitamine D sérique dosé dans le sang inférieur à 30 ng/ml), 42.5% [39.1-45.9] un déficit modéré à sévère (<20 ng/ml) et 4.8% [3.6-6.3] un déficit sévère (<10 ng-ml) [8] [26]. Une carence en vitamine D peut avoir des conséquences à long terme car elle permet de réguler la croissance des cellules de l’immunité, et du métabolisme cellulaire. Une supplémentation permettrait de prévenir un rachitisme mais aussi la gravité de l’asthme à trois ans ou encore la susceptibilité à développer un diabète de type I [27]. Quinze essais contrôlés randomisés impliquant 2833 femmes ont mis en évidence une diminution du risque d’accouchement prématuré, de prééclampsie et de faible poids de naissance en cas de supplémentation [28]. Selon le PNNS 2016, les réserves en vitamine D ne sont pas satisfaisantes chez les femmes dont l’accouchement est prévu entre mars et juin. En 1997, le CNGOF avait recommandé la supplémentation systématique de vitamine D à raison de 100 000 UI en prise unique au cours du 7ème mois de grossesse. Grace à cette recommandation, les hypocalcémies maternelles sont passées de 5,1% à 1,9% et de 7,7% à 2,4% en hiver. En France, en 2019, ces recommandations sont toujours d’actualité. Cependant, depuis 2016, l’OMS, à visée mondiale, ne recommande plus la supplémentation en vitamine D chez les femmes enceintes dans le but d’améliorer les issues maternelles et périnatales de la grossesse [19].

Depuis plus de 20 ans plusieurs recommandations en matière de santé publique définissent précisément les situations de prescription du fer, de l’acide folique et de la vitamine D, en réévaluant régulièrement les carences dans la population des femmes enceintes. Aucune étude n’a encore sondé les connaissances et observances des patientes en matière de supplémentations pendant la grossesse. Les professionnels de santé sont informés de la nécessité de ces prescriptions auxquelles ils sont habitués, mais les statistiques démontrent encore une couverture de prévention insuffisante. On observe toujours trop de carence mais aussi des supplémentations inadaptées pouvant entraîner des effets indésirables dont les principaux sont des troubles digestifs (douleur abdominale, constipation, selle noire, diarrhée, nausée, vomissement) [29]. La perception de l’information médicale déclarée par les femmes enceintes en relation avec les carences et la nécessité de la supplémentation en vitamine D, acide folique, fer estelle correcte ? L’observance face aux supplémentations qui leurs sont prescrites est-elle satisfaisante ?

ANALYSE ET DISCUSSION 

Limites et biais de l’étude

Concernant la validité de l’étude, des limites et des biais apparaissent. Une des limites de l’étude est qu’elle ne tient pas compte des habitudes alimentaires de la femme. En effet, l’apport alimentaire en fer, en acide folique et en vitamine D est très complexe à évaluer. La deuxième limite de l’étude est le fait que les facteurs de risques de carence en vitamine D n’ont pas pu être tous exploités dans l’outil de recueil des données en raison de leur trop grand nombre. Le port de vêtements couvrant la peau et l’exposition non régulière au soleil ont été retenus car ce sont les plus importants. Une autre limite est le fait que le pourcentage de risques de carence ne peut pas être comparé à la littérature car celle-ci se base sur des dosages sanguins, tandis que cette étude se base sur les facteurs de risques évoqués par les patientes.

L’étude porte sur les grossesses se déroulant pendant l’hiver et le début du printemps, ce qui correspond à la même période où la supplémentation en vitamine D est conseillée. Ceci constitue un biais de sélection. L’effort de mémorisation qui a été demandé aux patientes lors du recueil des données constitue un biais d’information. Le biais de désirabilité sociale est un deuxième biais d’information non négligeable, car l’enquêteur s’est présenté comme étudiant en santé. Aucun biais de confusion n’a été identifié au cours de cette étude.

Les facteurs de risques de carences pendant la grossesse

Pour rappel, dans cette étude les facteurs de risques sont évalués d’après les déclarations de la patiente qui est interrogée. Selon l’étude menée au travers de ce mémoire, 53,0 % (n=200) des femmes interrogées présentaient au moins un facteur de risque de carence en vitamine D. Ces résultats concordent avec ceux décrits dans une étude de l’INSERM de 2014 où 58 % des effectifs (n=1 800) avaient une hypovitaminose D sur le dosage sérique (< 20 ng/ml) et 15 % une véritable carence (< 10 ng/ml). L’étude de l’INSERM se basait uniquement sur des Français de couleur de peau blanche, faisant partie de la cohorte SU.VI.MAX créée en 1994 et suivis jusqu’en 2007 pour étudier l’impact des anti-oxydants sur la santé. De nombreuses données (exposition au soleil, sensibilité de la peau au soleil, corpulence, mode de vie, apport alimentaire en vitamine D, données socio démographiques et polymorphisme génétique), ont été examinées simultanément. Cela a permis de mettre en évidence des corrélations entre les déficits en vitamine D et le fait d’être une femme, d’être âgée, d’être en surpoids ou obèse, d’avoir peu d’activité physique, de s’exposer très rarement au soleil, de vivre dans le Nord de la France ou encore de sortir en hiver. En revanche, les apports alimentaires en vitamine D avaient peu d’influence sur les simples déficits [30]. A noter que la situation s’est aggravée depuis l’Etude Nationale Nutrition Santé de 2006-2007 où 42,5 % (n=1587) avaient une concentration insuffisante et 4,8 % une véritable carence [26].

Concernant le fer, 54 % des femmes présentaient au minimum un facteur de risque en carence martiale. Parmi elles, 76,9 % ont été supplémentées, soit un peu plus des trois quarts. A noter qu’il existe de très nombreux facteurs de risques de carence martiale qui sont : la multiparité, l’allaitement prolongé, un saignement avant la grossesse, un régime alimentaire carencé, une grossesse rapprochée (c’est-à-dire avant 1 an), une grossesse multiple, des âges extrêmes (< 18 ans et > 40 ans), une mauvaise situation socio-économique, un antécédent d’anémie ferriprive martiale, un antécédent d’anorexie mentale, un indice de masse corporel inférieur à 19,5 , un antécédent de chirurgie bariatrique, une géophagie ou encore un contexte hémorragique pendant la grossesse. Si la patiente présente un de ces facteurs de risque, il est recommandé de réaliser un hémogramme sanguin dès le premier trimestre de grossesse, au lieu de 28 semaines d’aménorrhée comme recommandé habituellement. Cela permettrait de prendre en charge plus précocement une anémie [16]. Cependant dans l’étude, ces facteurs de risques restent subjectifs car ils se basent sur les déclarations des femmes interrogées. Des études ont montré qu’en l’absence de carence martiale avérée, le rapport bénéfices/risques n’est pas en faveur d’une supplémentation systématique. En effet, un excès de fer libre dans le sang serait un puissant pro-oxydatif responsable de la production de radicaux libres favorisant l’apoptose cellulaire et la survenue de pathologies gravidiques telles que la prééclampsie, le retard de croissance intra utérin et le diabète gestationnel. Mais, deux essais représentés dans la méta-analyse Cochrane, sur 777 patientes non anémiées recevant une supplémentation systématique, n’ont pas constaté d’augmentation du risque de prééclampsie. Une étude randomisée chinoise, sur 1164 femmes ayant un taux d’hémoglobine compris entre 8 g/dl et 14 g/dl au début du deuxième trimestre, n’a pas constaté d’augmentation du nombre de diabète gestationnel en cas de supplémentation systématique. Faut-il supplémenter systématiquement chaque femme enceinte comme le préconise l’OMS au niveau mondial ? Ou bien faut-il rester sur les recommandations françaises qui ne supplémentent qu’en cas d’anémie avérée ? [19] [20] Combien de transfusions de globules rouges pourraient être évitées si une supplémentation systématique en fer était instaurée pendant la grossesse ? Une transfusion n’est pas dénuée de risques (risque de contamination virale, risque d’anomalies pneumologiques…). Par an, 1 % des femmes sont transfusées à la suite de leur accouchement. Une transfusion de globules rouges coûte 117,06 euros (données inchangées depuis 2014). Une supplémentation systématique en fer pendant la grossesse pourrait éviter de nombreuses transfusions, et permettrait un gain économique et une diminution de prise de risque de contamination.

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Table des matières

INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
RESULTATS
A. Description de la population étudiée
B. Résultats principaux de l’étude permettant de répondre à la question de recherche posée
C. Résultats secondaires de l’étude
D. Croisements des données
ANALYSE ET DISCUSSION
A. Limites et biais de l’étude
B. Les facteurs de risques de carences pendant la grossesse
C. L’observance des supplémentations de grossesse par les parturientes
D. La perception des patientes vis-à-vis des supplémentations
E. Politique de Santé Publique dans la prévention des carences
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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