Emission et transmission du rayonnement IR
La source est bien souvent complexe à appréhender car celle-ci est la somme d’une émission qui lui est propre et de la réflexion des sources secondaires présentes dans la scène. La théorie du corps noir, même si les objets naturels ne le sont généralement pas, peut nous fournir des indications pertinentes sur l’émission des corps en fonction de leur température. La Figure 1.1 présente l’émission spectrale du corps noir à différentes températures. Celle-ci est donnée par la loi de Planck, établie à partir de considérations thermodynamiques statistiques et qui s’exprime par la relation [Gaussorgues 1999]: (en W/m²/µm) (1.1.) Chacune des sources présente un maximum de puissance émise qui se déplace vers les grandes longueurs d’onde lorsque la température diminue et qui vérifie la loi de Wien: (λ en µm et T en K) (1.2.) En considérant le soleil comme un corps noir de température moyenne de surface égale à 6000 K, la puissance lumineuse émise est maximale dans le domaine spectral du visible et pour une longueur d’onde de 0.48 µm, ce qui correspond à peu près au maximum de sensibilité de l’oeil humain. Un filament de tungstène porté à incandescence à la température de 2000 K présente une puissance maximale d’émission au delà du visible à 1.45 µm et ne constitue donc pas une source artificielle de lumière visible parfaite pour l’oeil humain. Enfin, un corps noir à la température de 300 K (température ambiante) a une puissance d’émission maximale dans l’infrarouge, à 9.66 µm. Pour détecter des objets à température ambiante, le système de détection devra donc à priori être sensible à cette gamme de longueurs d’onde. La connaissance du spectre d’émission de la source doit être complétée par la connaissance du milieu de propagation de l’onde électromagnétique. En effet, le rôle du milieu de transport est primordial puisque l’ensemble des molécules qui le compose détermine sa capacité à absorber l’onde électromagnétique, en fonction de sa longueur d’onde et de la longueur du trajet optique entre la source et le détecteur. Dans notre cas, le milieu de transport est l’atmosphère, transparent pour le visible, mais composé de molécules ayant une forte absorption dans l’infrarouge (H2O par exemple). Celui-ci a un spectre de transmission dépendant de divers facteurs (l’hygrométrie par exemple), et chaque situation est donc unique. Un exemple de spectre est reporté Figure 1.2. On peut remarquer qu’il existe des fenêtres atmosphériques de transmission c’est-à-dire des domaines de longueurs d’onde où l’absorption est faible ou négligeable. Par contre d’autres gammes sont fortement absorbées; par exemple, la vapeur d’eau contenue dans l’atmosphère absorbe les longueurs d’ondes comprises entre 5.5 et 8 µm.
Contraste thermique
Pour des corps à température ambiante, la fenêtre atmosphérique qui semble la mieux appropriée pour la détection est donc la fenêtre LWIR puisque l’intensité émise y est plus importante que dans le MWIR. Cette dernière semble mieux adaptée pour détecter des corps portés à des températures plus élevées (500 K – 1000 K). Cependant, le critère de la quantité de photons émis par la cible visée n’est pas suffisant en imagerie infrarouge; en effet, il faut aussi tenir compte de l’émission de la scène, dont la température est souvent proche de celle de l’objet à distinguer. Il faut donc que la différence de température entre l’objet et la scène ou entre deux objets induise une différence d’émission de photons suffisante pour pouvoir être distinguée.
Les détecteurs de rayonnement infrarouge
La détection du rayonnement infrarouge peut être effectuée par un composant réagissant soit à chaque photon ou quantum d’énergie de l’onde électromagnétique incidente; soit à toute l’énergie des quanta reçus. De ce fait, il existe deux catégories de détecteurs infrarouges, fonctionnant sur l’un ou l’autre de ces principes: les détecteurs quantiques ou photoniques et les détecteurs thermiques. Les premiers comptent le nombre de photons reçus par unité de temps en les convertissant en un signal électrique par l’intermédiaire de la génération de photoporteurs. Les seconds utilisent l’énergie du flux de photons incident pour produire une élévation de température qui induit la modification d’un paramètre mesurable du matériau, comme la résistivité (bolomètre) ou la répartition des charges de surfaces (détecteur pyroélectrique). Pour leur part, les détecteurs quantiques sont fabriqués à partir de matériaux semiconducteurs. Ces photodétecteurs sont rapides et sélectifs en longueur d’onde car ils exploitent directement l’interaction d’un photon avec la matière. Suivant la configuration, les photodétecteurs sont photoconductifs (PC) ou photovoltaïques (PV). Rappelons que dans le cas d’un photodétecteur PC, on exploite les modifications de conductivité du matériau semiconducteur dues aux charges libres photocréées. Pour le photodétecteur PV, la présence d’une jonction dans un semiconducteur entraîne l’existence d’une variation locale du champ électrique entre les régions p et n de la jonction (Figure 1.5).
Présentation du bâti E.J.M.
Les méthodes d’épitaxies modernes telles que l’E.J.M. permettent la réalisation de couches de composés III-V variés avec une maîtrise de l’épaisseur de l’ordre de la monocouche atomique. Les évolutions techniques en matière de stabilité des flux et de reproductibilité de mouvements de pièces de précision (commande des caches par exemple), sont à l’origine de l’apparition de structures de plus en plus complexes, dont font partie les superréseaux. Le bâti d’épitaxie utilisé lors de ce travail est de marque RIBER Compact 21E, permettant la croissance sur des substrats d’une taille allant jusqu’à deux pouces (Figure 2.11). Il est composé de trois enceintes:
• une chambre d’introduction, équipée d’une pompe turbomoléculaire permettant d’atteindre un vide secondaire de l’ordre de 10-8 Torr. Lors de l’introduction des échantillons, ceux-ci peuvent être dégazés à 150 °C grâce à deux lampes infrarouges.
• un sas intermédiaire, équipé d’une pompe ionique donnant un vide poussé allant jusqu’à 3.10-10 Torr.
• la chambre de croissance comprenant le matériel nécessaire à l’épitaxie: cellules à effusion, canon à électron pour la diffraction d’électron à haute énergie (RHEED), une jauge à ionisation pour la mesure des flux, un spectromètre de masse permettant d’évaluer les pressions partielles des molécules telles que l’hydrogène, l’azote, l’oxygène et ainsi la qualité du vide résiduel, et enfin un pyromètre optique pour la mesure de la température du substrat. Le vide de cette enceinte est amené à des valeurs de l’ordre de 10-10 – 10-9 Torr par l’intermédiaire d’une pompe ionique, une pompe à sublimation de titane et un refroidissement à l’azote liquide. La chambre de croissance dispose de deux cellules de Gallium, deux d’Aluminium, et une d’Indium pour les éléments III. Les cellules d’éléments V sont des cellules craqueurs à vannes pointeaux d’Antimoine et d’Arsenic. Enfin, le bâti est équipé de trois cellules pour les dopants: Tellure sous la forme de Sb2Te3, Silicium et Béryllium. Ces cellules sont disposées dans la partie basse du bâti, et visent vers le haut, autorisant l’utilisation de supports dits « indium-free ». Les cellules à effusion de ce bâti peuvent être séparées en deux groupes:
• les cellules classiques, contenant les charges d’éléments III et de dopants sous forme solide, placées dans des creusets de nitrure de bore (PBN). Les cellules de Ga et d’In sont de technologie « hot-lip », c’est-à-dire qu’elles comportent, en plus du filament permettant de chauffer la charge, un filament destiné à chauffer la partie haute du creuset. Cette précaution a pour but de limiter la condensation de ces matériaux sous forme de gouttelettes, qui lorsqu’elles retombent dans la charge peuvent être expulsées vers le substrat et ainsi être à l’origine de la formation de nombreux défauts.
• les cellules à étage cracker d’éléments V. Celles-ci comportent deux étages distincts, la sublimation du matériau a lieu dans le premier sous forme de tétramères principalement (As4 et Sb4), tandis que le second a pour but de dissocier ces tétramères en deux dimères (As2 et Sb2) à plus haute température (environ 900°C). Ce processus augmente le coefficient de collage des éléments V et assure un meilleur contrôle des compositions lors de l’utilisation des deux matériaux dans un même alliage. Enfin, ces cellules comportent une vanne pointeau en leur extrémité permettant de « doser » précisément le flux sortant, par le contrôle de son ouverture. Ainsi, contrairement au cas des éléments III, le flux est géré à température de sublimation constante de manière très réactive.
Description de la croissance d’InAs, InSb et GaSb
L’épitaxie par jets moléculaires des binaires InAs, InSb et GaSb (et plus généralement de tous les alliages III-V) s’effectue en excès d’élément V, et la vitesse de croissance est donc contrôlée par le flux des éléments III. Par conséquent, la température du substrat doit permettre un collage parfait de ces derniers, tout en étant suffisante pour désorber l’excédent d’élément V et permettre une bonne mobilité des différents atomes à la surface. Les trois paramètres que sont la température du substrat, la vitesse de croissance (contrôlée par le flux d’élément III) et le flux d’élément V sont donc inter-dépendants, et directement liés au matériau à épitaxier. Généralement, le GaSb et l’InAs sont épitaxiés avec un rapport des vitesses V/III égal à deux, à des températures respectives de 420 et 480 °C (entre 360 et 400 °C pour l’InSb). Cependant, ces valeurs correspondent à la croissance de matériaux massifs, et ne sont en aucun cas généralisable. Par exemple, l’épitaxie de la couche tampon après désoxydation (buffer) est réalisée à haute température (510 °C pour GaSb) pour favoriser la migration des atomes en surface, au détriment d’un remplissage parfait des couches. A l’inverse, une croissance à faible température permet la croissance de boîtes quantiques en limitant la mobilité en surface, ce qui permet la formation d’agrégats d’atomes. Chacun de ces matériaux a donc des conditions de croissance propres, et il sera donc indispensable de trouver le meilleur compromis possible, principalement en ce qui concerne la température du substrat. Dans notre cas, un problème supplémentaire doit être résolu du fait de l’épaisseur très faible des couches à « empiler »: les interfaces.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 -Contexte de la détection moyen-infrarouge
1.1 Le rayonnement infrarouge
1.1.a )Emission et transmission du rayonnement IR
1.1.b )Contraste thermique
1.1.c )Les détecteurs de rayonnement infrarouge
1.2 Les figures de mérite des détecteurs
1.2.a )Rendement quantique externe
1.2.b )Puissance équivalente au bruit et détectivité
1.2.c )Résolution thermique
1.3 Détectivité théorique limite
1.4 Les performances actuelles des détecteurs et des matrices de détecteurs
1.4.a )Les détecteurs thermiques
1.4.b )Les détecteurs quantiques
1.4.c )Comparaison des différentes filières
1.4.d )Les filières émergentes
1.5 Le superréseau InAs/GASb pour la photodétection
1.5.a )Présentation générale du superréseau GaSb/InAs
1.5.b )Performances significatives des SLIP GaSb/InAs pour la photodétection
1.6 Conclusion du Chapitre 1
Chapitre 2 -Croissance par EJM et propriétés de superréseaux GaSb/InAs
2.1 Choix de la zone d’absorption
2.1.a )Modélisation des états électroniques dans le superréseau GaSb/InAs
2.1.b )Choix d’une période
2.2 Présentation du bâti E.J.M
2.2.a )Eléments de contrôle de la croissance
2.2.b )Diffraction de rayons X
2.2.c )Préparation des croissances
2.3 Croissance des SR sur substrat GaSb
2.3.a )Description de la croissance d’InAs, InSb et GaSb
2.3.b )Problèmes liés aux interfaces
2.3.c )Insertion de la couche d’InSb: influence sur la qualité structurale du SR
2.3.d )Influence de la température de croissance
2.3.e )Influence des pressions partielles d’éléments V
2.3.f )Influence de la période
2.3.g )Calibrations
2.4 Mesures de dopage et de mobilité
2.5 Caractérisation optique de la zone d’absorption
2.5.a )Mesures de photoluminescence en fonction de la température
2.5.b )Mesures de transmission à 80 K et 300 K
2.6 Conclusion Chapitre 2
Chapitre 3 -Étude des photodiodes à superréseaux GaSb/InAs
3.1 Modélisation de structures p-i-n
3.1.a )Principe de la modélisation
3.1.b )Choix de la structure modélisée
3.1.c )Diagramme de bandes d’énergie
3.1.d )Paramétrisation de la structure modélisée
3.1.e )Résultats pour un fonctionnement à température ambiante
3.2 Réalisation des photodétecteurs mesa
3.2.a )Présentation des structures
3.2.b )Procédure technologique
3.2.c )Essais de passivation
3.3 Caractérisation des photodétecteurs
3.3.a )Caractérisation électrique
3.3.b )Mesure de la réponse spectrale
3.3.c )Calibration de la sensibilité
3.3.d )Rôle de l’épaisseur
3.3.e ) Influence d’une couche barrière d’AlGaSb
3.3.f )Réponse en polarisation inverse
3.4 Conclusion du Chapitre 3
Conclusion et perspectives
Bibliographie
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