Les membres du Bureau du Parc naturel régional des Pyrénées Catalanes ont souhaité disposer, de la part du Conseil scientifique et prospectif du Parc, d’une note méthodologique afin de « disposer d’une méthode de travail en capacité de répondre aux enjeux identifiés et les moyens pour suivre le projet » de destination touristique et sportive du Puigmal (outdoor trail-running, ski de rando, marche nordique et VTT/VTTAE, note en vue d’une présentation en Bureau puis en Comité syndical pour validation. En inscrivant ce projet dans une démarche scientifique de suivi de ses impacts sur les écosystèmes, la démarche définie par le Conseil scientifique du Parc, adoptée le 10 juin 2020, propose d’accompagner cette reconversion en inscrivant le Puigmal comme site expérimental d’éducation à l’environnement. Pour élaborer l’ensemble de ces protocoles, les membres du Conseil scientifique et prospectif du Parc se sont appuyés sur les résultats des recherches publiées à l’échelon international et national, sur les travaux de leurs laboratoires respectifs, mais également sur les connaissances fournies par leurs réseaux thématiques (Office Français de la Biodiversité, associations CERCA Nature, Groupe Ornithologique du Roussillon, RECO, AcclimaTerra…). Ces acteurs ou ces membres de conseils scientifiques régionaux représentent des partenaires potentiels particulièrement efficaces sur le terrain pour accompagner la mise en place des protocoles préconisés et faire de cette intention un projet ambitieux, qui dépasse largement la simple implantation d’une structure privée dans un espace naturel patrimonial.
Le Conseil scientifique insiste pour instaurer la reconversion du site dans une démarche globale de transition qui prenne en compte, également, le désarmement et le démantèlement des équipements et des infrastructures de ski délaissés présentant un danger, notamment, mais pas seulement, pour l’avifaune (câbles des téléskis et télécabines, pylônes, etc.). Il rappelle enfin la nécessité d’intégrer la démarche scientifique dans les programmes de ce territoire afin de donner à son développement une vision prospective en associant la prise en compte de ses atouts environnementaux tout au long du processus de reconversion.
Proposition d’une méthode pour quantifier l’impact des activités de la station sur l’environnement local
Contexte et approches scientifiques
Les activités humaines impactent fortement les écosystèmes (1) et les activités récréatives n’échappent pas à cette règle (2). Les études menées en ce sens montrent en effet que ces activités peuvent avoir des conséquences importantes sur l’écosystème tant sur l’environnement biotique (faune/flore ; 3–5) que sur l’environnement physique (p. ex. structure des sols, érosion ; 6, 7). En ce qui concerne la faune et la flore, l’ensemble des niveaux d’organisation, individus, populations, communautés et écosystèmes semblent être impactés (5, 8, 9). Il est ainsi primordial de suivre les milieux dans leur ensemble pour quantifier les effets spatio-temporels de ces activités sur l’environnement et plus particulièrement dans le contexte de la mise en place de structures récréatives proches d’écosystèmes sensibles (3, 10, 11). Bien que les méthodes pour quantifier l’effet de perturbateurs, au sens large du terme, sur les communautés naturelles soient établies depuis de nombreuses décennies, celles-ci s’améliorent encore aujourd’hui et plus particulièrement grâce à l’avènement de nouvelles technologies (12). Le concept de base reste néanmoins sensiblement le même et nécessite un ensemble de précautions afin de pouvoir tirer des conclusions établies scientifiquement (non biaisées et supportées statistiquement). Les approches de types BACI (Before-After Control-Impact) sont sans aucun doute les méthodes les plus appropriées pour établir des liens de causalités de l’impact d’une perturbation sur un écosystème (13). Brièvement, ces méthodes consistent à comparer l’état de sites « expérimentaux » avant, pendant et suivant une perturbation ciblée avec l’état de sites « témoins » écologiquement proche et n’ayant pas été confronté à la perturbation sur le même laps de temps. Les données issues de cette famille de plans expérimentaux pourront se traiter à l’aide de modèles linéaires généralisés, de modèles mixtes ou de modèles plus complexes faisant intervenir les approches bayésiennes (14). Elles pourront aussi se traiter avec des approches multivariées qui permettent de coupler des tableaux floristiques ou faunistiques avec un ensemble de données environnementales (18), parmi lesquelles celles relatives à la pression de perturbation humaine (voir plus loin). Ces méthodes permettent non seulement d’identifier des effets perturbateurs de manière indépendante, mais également d’identifier des interactions potentielles entre ces perturbateurs sur les communautés floristiques et/ou faunistiques. Dans le cadre du projet Puigmal, le conseil scientifique s’est accordé pour proposer un protocole scientifique global qui permettrait de quantifier l’impact d’une telle station sur l’environnement local. Le CS tient également à souligner qu’en l’état, le protocole en place et connu à ce jour ne pourra en aucun cas fournir les informations nécessaires pour prétendre répondre à l’enjeu ciblé. D’autre part, de nombreux acteurs participent au suivi de nombreuses espèces et en particulier de l’avifaune au niveau local, incluant la commune d’Err et les communes avoisinantes, tels que l’association Cerca Nature, le Groupe Ornithologique du Roussillon et l’OFB (anciennement ONF). Fort de leurs compétences, de leurs expertises et de leurs protocoles déjà mis en place dans le suivi de l’avifaune locale, il apparait au CS qu’une demande officielle de la part du PNRPC d’intégrer ces partenaires dans le suivi et l’accompagnement de ce projet est primordiale.
Remarques générales
– Dans la mesure du possible, l’application d’une méthodologie de type BACI (Before-AfterControl Impact) doit être envisagée.
– Si l’approche BACI stricte n’est pas envisageable, des approches moins performantes basées sur des approches corrélatives pourraient être envisagées, mais ne permettra pas d’apporter de conclusions aussi robustes que les BACI. Ces approches consistent à étudier un ensemble de sites expérimentaux ayant subi des perturbations à différents degrés. Ce degré de perturbations pourrait ensuite être corrélé à différents indices de biodiversités récoltés sur ces mêmes sites. Des liens corrélatifs pourront être ainsi établis, mais non les liens de causalité.
– Dans tous les cas :
Un total de 10 écocompteurs au strict minimum est nécessaire pour assurer une puissance statistique suffisante. Les sites devront être choisis avec la plus grande rigueur :
A. Dans le cas d’une approche BACI : 5 sites « témoins » (non ou peu fréquentés avant et après ouverture de la station) et 5 sites expérimentaux (écologiquement proche des 5 sites témoins) devront être définis.
B. Dans le cas d’une approche corrélative, ces 10 sites devront être choisis afin de couvrir des zones attendues pour être plus ou moins impactées et toutes conditions environnementales étant les plus similaires par ailleurs. Ces sites devront être complétés par des sites hors écocompteurs, plus nombreux, couvrant davantage la zone d’étude et permettant notamment une approche par transects (voir ci-après). Le degré de perturbation humaine sur chaque site pourra y être apprécié par des « proxys » comme le degré de piétinement, le nombre de traces, la distance aux tracés des parcours, la distance au parking le plus proche, ou autres.
– Ce projet doit être mis en place avant l’ouverture des sentiers afin d’assurer une mesure témoin d’avant perturbation.
– En fonction des mesures effectuées sur le terrain, ce projet doit s’inscrire dans une démarche à moyen — long terme (de l’ordre de 5 à 10 ans).
Relevé d’indices biotiques (et abiotiques)
Une étude d’impact sur l’environnement doit prendre en compte l’étude de l’effet de la perturbation ciblée sur l’ensemble de l’écosystème comprenant la fraction biotique
(faune/flore) et abiotique (p. ex. sol). Les activités proposées par la station sont en effet susceptibles de modifier ces deux compartiments écosystémiques (3, 5, 6). Dans ce contexte, le CS peut actuellement se prononcer quant à la démarche à suivre pour l’étude environnementale biotique (du fait notamment des spécialités respectives de ces membres), mais ne peut pas se prononcer sur les indices abiotiques à relever et notamment concernant la modification et/ou l’érosion des sols, faute de compétences spécifiques. De manière générale et concernant la partie biotique, le CS préconise une approche par transects plutôt qu’une approche par quadrats pour caractériser les communautés en place. Les transects ont en effet l’avantage de pouvoir mettre en évidence des effets graduels que l’on pourrait mettre en évidence le long de gradients géographiques perpendiculaires aux chemins fréquentés par les sportifs. Ainsi, sur la base des 10 sites préalablement ciblés, deux transects (c.-à-d. de part et d’autre des écocompteurs) au minimum devraient être effectués pour le suivi de la faune et de la flore.
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Table des matières
I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME