Suivi des patients atteints d’un EBB

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Hypothèse de recherche et objectif

L’objectif principal de ce travail était d’étudier l’EBB auprès de MGs français. L’objectif secondaire  était d’appréhender sa prise en charge en médecine générale.

Schéma de l’étude

Pour répondre à nos objectifs, nous avons mené une étude quantitative, transversale, descriptive. Il s’agissait d’une étude des pratiques professionnelles en médecine générale.

Recueil de données

Nous avons réalisé un questionnaire électronique. Il comprenait trois parties (Annexe 1). La première partie faisait référence à un cas clinique traitant d’un cas typique d’HTA et de questions associées (hypothèse diagnostique, examens complémentaires, gestion de l’HTA). Ainsi, une femme de 60 ans, sans antécédents de tabagisme, avec une PA de 170/90mmHg en début de consultation était présentée. Après quelques minutes de repos, la PA descendait à 150/90mmHg. Ce profil tensionnel était similaire depuis un an. Elle était considérée comme à faible RCV. Le diagnostic d’HTA était posé après une PA moyenne de 140/90 obtenue après des automesures. La deuxième partie du questionnaire consistait en des questions plus spécifiques concernant l’EBB (diagnostic, caractéristiques, gestion), dans le cas d’une patiente à RCV élevé (antécédents de diabète et d’hypercholestérolémie). Enfin, la dernière partie du questionnaire comprenait des questions générales sur l’omnipraticien répondant : le genre, l’année de naissance, le lieu de pratique (pratique urbaine, rurale ou semi-rural), le type de pratique (ambulatoire, hôpital, mixte (ambulatoire + hôpital) ou généraliste remplaçant), et l’existence d’une activité universitaire ou non.

Envoi aux MGs

Après validation du questionnaire par deux MGs et deux cardiologues, il a été envoyé par courrier électronique à un échantillon de MGs français, entre le 5 octobre 2017 et le 27 mars 2018. Une relance a été effectué deux mois après le message initial. L’étude a été clôturée le 27 juin 2018. Tous les MGs ont été sollicités via les Conseils départementaux de l’Ordre des médecins (CDOM). Ainsi, après les avoir sollicités dans leur intégralité, seuls les CDOMs de Côtes d’Armor, Finistère, Morbihan, Orne et Seine-Maritime ont diffusé le questionnaire électronique. La participation des MGs était volontaire et anonyme. Ils n’étaient pas rémunérés pour participer à cette étude.

Critères d’exclusion

Les MGs sans activité ambulatoire ont été exclus lors de l’analyse.

Réglementation juridique

Cette étude a été déclaré à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (n ° 14-20170623-01R1) le 23 juin 2017.

Analyses statistiques

Les tests statistiques ont été réalisés à l’aide du logiciel BIOSTATGV (https://biostatgv.sentiweb.fr). Les tests de Chi-2 et de Student ont été utilisé pour comparer les variables catégorielles et quantitatives respectivement. Une valeur p <0,05 était considérée comme statistiquement significative.

RESULTATS

Résultats Généraux

Du 5 octobre 2017 au 27 mars 2018, 4 057 questionnaires ont été envoyés aux MGs français. 335 questionnaires ont été retournés (taux de réponse global : 8,2%) (Figure 1). L’âge moyen des MGs était de 41 ans. Une majorité de MGs étaient des femmes (176/335 soit 52,5% de l’échantillon), pour un sex-ratio de 0,89. Ils exerçaient de manière égale en milieu rural ou urbain (58,2% contre 41,8%) et majoritairement en groupe mono disciplinaire (38,8%). 59,4% des MGs interrogés avaient des activités universitaires (Tableau 1).

DISCUSSION

Rappel des principaux résultats

Ce travail a permis d’étudier la prise en charge d’une HTA qui pouvait aussi faire évoquer un EBB, à l’aide d’une vignette clinique. En effet, suite aux automesures supérieures à 135/85mmHg, ce premier diagnostic pouvait être évoqué. Bien que cela paraisse désormais structuré dans les recommandations de bonnes pratiques, seule la moitié des MGs ont évoqué ce diagnostic (EBB 48,0% versus HTA 52,0%). Les MGs de l’étude ne mettaient pas en route de traitements médicamenteux après une MAPA concluant à un EBB. Ils traitaient cette patiente de la même manière quel que soit son RCV global, et revoyaient la patiente majoritairement entre 3 et 6 mois.

Comparaison à la littérature

Diagnostic de l’EBB

Dans notre étude, 94,3% des MGs faisaient des automesures en cas de suspicion d’EBB, dont 47,5% qui avaient envisagé le diagnostic d’EBB à la première question. Staessen et al. ont déjà montré dans deux essais contrôlés randomisés (ECRs) que l’utilisation de la mesure de la PA à domicile (afin de diagnostiquer l’EBB) permettait une réduction significative de l’utilisation d’antihypertenseurs sans modification des autres paramètres cardiovasculaires (électrocardiogramme et/ou échocardiographie de la masse ventriculaire gauche et/ou symptômes cardiovasculaires) par rapport aux seules mesures de PA au cabinet (26,27). Cependant, ces travaux n’ont été réalisé que sur de courtes périodes de suivi (de 182 à 365 jours) et sur des critères intermédiaires.
D’autre part, les recommandations du NICE (National Institute for health and Care Excellence), stipulent que si la PA est de 140/90mmHg ou plus, la MAPA doit être proposée pour confirmer le diagnostic d’HTA et permettre d’exclure l’EBB (28). Cette approche est pertinente, car elle est pratiquée avant que les patients ne commencent à prendre des médicaments et permet de réduire le nombre de visites au cabinet et d’éviter les effets indésirables d’un traitement inapproprié (29).
Dans notre étude, seulement 10,5% des MGs recommandaient de réaliser le holter tensionnel, mais on retrouvait une majorité de MGs ayant répondus que la patiente présentait une HTA avec une différence statistiquement significative (HTA 71,5% versus EBB 28,5% avec un p = 0,0238). Effectivement, dans le système de soin français, il n’est pas aisé d’avoir recours à la MAPA pour les MGs. Les délais sont longs à cause notamment d’un manque de matériel, mais également de médecins pour les interpréter. De plus, sa mise en place se fait quasiment uniquement en milieu hospitalier, avec un potentiel problème d’accès pour les patients ambulatoires. Pourtant, la MAPA a un meilleur pronostic (et une meilleure valeur diagnostique) que la mesure de PA au cabinet ainsi que les automesures tensionnelles. En effet, elle permet des mesures nocturnes, dans des conditions de vie réelle, et permet d’obtenir beaucoup d’informations en une seule session de mesure (30-35).
Les automesures tensionnelles sont, quant à elles, plus faciles d’accès et moins coûteuses. Elles permettent également de multiples prises de PA sur de plus longues périodes (36), mais restent cependant moins fiables. Elles permettent seulement une lecture statique de la PA, sans mesures nocturnes, et peuvent être sources d’erreurs potentielles en fonction de l’information apportée au patient.
Les MGs de l’étude répondaient également que l’adhésion de la patiente était un frein potentiel à la réalisation d’une MAPA (81,5%, HTA 52,8% versus EBB 47,2%, p = 0,632). En effet, les automesures sont beaucoup plus simples à mettre en place en médecine générale, de par la disponibilité du matériel, du moindre coût, mais elles sont moins fiables. Ceci est dû à plusieurs facteurs, entre autres le fait de faire comprendre au patient l’importance de l’examen, et la compréhension du patient quant à sa réalisation, comme le soulignait d’ailleurs les MGs de l’étude. Lorsqu’on leur demandait quels étaient les freins à la réalisation des automesures ils répondaient à 80,0% que l’adhésion de la patiente (sans différence statistiquement significative entre les deux groupes (HTA 54,1% versus EBB 45,9%, p = 0,147), ainsi que l’éducation de la patiente (43,0% des MGs sans différence statistiquement significative entre les deux groupes, HTA 48,0% versus EBB 52,0%, p = 0,242) étaient les principales limites. Ces difficultés nous les rencontrons quotidiennement en cabinet lorsque l’on propose les automesures.
Le diagnostic d’EBB est basé sur une élévation au cabinet de la PA et une PA normale en MAPA durant la journée (période d’éveil) (37). Toutefois d’autres études ont révélé la valeur pronostique de la PA durant le sommeil sur les ECVs (38,39). Ainsi, la MAPA 24h/24 est la méthode de référence pour le diagnostic d’EBB, avec une alternative par des automesures à domicile lorsque la MAPA n’est pas disponible (40,41). Ainsi, la MAPA permet d’identifier les patients non traités avec une PA élevée au cabinet mais normale dans la journée, et d’identifier les fluctuations de la PA durant 24h. Enfin, le facteur principal influençant le diagnostic d’EBB est sa définition elle-même, basée sur plusieurs types de mesures ambulatoires de la PA (MAPA diurne, MAPA des 24h, MAPA nocturne, et les automesures tensionnelles) (42).

Prise en charge de l’EBB

Après la réalisation d’un holter revenu normal chez un sujet à RCV faible, on concluait à un EBB. Dans ce contexte, 98,2% des MGs ne mettaient pas de traitement en place dans notre étude. Les recommandations de la Société Européenne d’Hypertension artérielle (ESH) et de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) stipulent uniquement de réaliser des changements de mode de vie et un suivi rapproché (43). Dans notre étude, 88,1% des MGs ne proposaient pas une application des RHD et un arrêt complet de l’alcool, mais une application des RHD et une augmentation de l’activité physique (99,7%). Cependant, ils ne proposaient pas de RHD couplés au SSS (97,0% des MGs), alors que dans plusieurs études la réduction de la quantité de sel dans l’alimentation est proposée pour faire baisser la PA (44-47).
Dans le cas d’une patiente à haut RCV et présentant un EBB, 47,6% des MGs donnaient un traitement anti-hypertenseur. Il a été démontré que les médicaments antihypertenseurs abaissaient efficacement et de manière persistante l‘EBB, sans réduction concomitante des valeurs de PA ambulatoire (48,49). D’autre part, il n’est pas établi que ces modifications de PA conduisent à une protection contre les ECVs. Ainsi, il faut probablement considérer que les personnes présentant un EBB étaient inévitablement présentes dans les ECRs concernant l’HTA, documentant ainsi l’effet protecteur des médicaments antihypertenseurs même en cas d’EBB seul (23). En effet, au décours des ECRs réalisés au cours des années 80 dans le cadre de l’HTA, des mesures ambulatoires (MAPA ou automesures) n’étaient pas réalisées de manière systématique. Aussi, dans une récente sous-analyse de l’essai HYVET, Bulpitt et coll. ont montré, chez des sujets hypertendus très âgés, que l’EBB représentait 55% de l’échantillon de l’essai (50). En conséquence, le traitement antihypertenseur ne peut pas être définitivement exclu chez les patients atteints d’EBB, car peu d’études ont été menées, y compris des études de suivi à long terme et ce quel que soit le RCV. Cependant, l’ESC et l’ESH recommandent d’envisager un traitement médicamenteux en plus des modifications du style de vie des patients atteints d’EBB présentant un RCV élevé (51). De plus, Mancia et coll. suggèrent que l’EBB n’est pas bénin et pourrait nécessiter un traitement médicamenteux. Au cours d’un suivi sur 10 ans, 42,6% (p <0,0001) des patients atteints d’EBB avaient développé une HTA (52). Ce fait a de nombreuses conséquences, en particulier des conséquences médico-économiques. Ainsi, les recommandations européennes précisent que, chez les patients atteints d’EBB, un traitement antihypertenseur peut être envisagé chez les personnes présentant des lésions des organes cibles ou présentant un RCV élevé ou très élevé. A contrario dans l’essai SYST-EUR, sur l’HTA en Europe, l’effet de traitement anti-hypertenseur a été évalué sur l’incidence des ECVs et des AVCs chez des patients âgés avec un EBB. L’effet du traitement anti-hypertenseur n’était pas différent de celui du groupe placebo (53).

Suivi des patients atteints d’un EBB

En termes de suivi, les recommandations européennes, précisent que les patients atteints d’un EBB doivent être vus tous les 2 ans. Dans notre travail, il est intéressant de noter qu’une majorité de MGs (69,5%) suivaient les patients atteints d’un EBB le plus souvent tous les 3 à 6 mois (HTA 52,4% versus EBB 47,6%, p = 0,816). Ceci est en accord avec d’autres études qui préconisent un intervalle de quelques mois entre chaque visite, sans qu’il n’existe de différence entre un contrôle à 3 ou 6 mois lorsque l’HTA est équilibrée (54).
En effet, certains patients atteints d’EBB développent une HTA en quelques années (22). Deux études observationnelles longitudinales récentes (55,56) ont montré un risque significativement plus élevé de développer une HTA chez les patients atteints d’EBB après 10 ans de suivi. Ces études montrent que l’EBB pourrait avoir un rôle important avec une augmentation des ECVs au cours des années suivantes. Ce suivi fréquent permettrait donc de détecter précocement une évolution vers l’HTA. Malheureusement, en médecine générale, il n’est pas toujours facile d’avoir un suivi correct. Les symptômes de l’HTA n’étant que rarement ressentis, il est difficile de faire consulter les patients pour ce simple motif de surveillance. Ainsi, seuls les patients ayant reçu un traitement médicamenteux sont susceptibles de reconsulter. Ainsi, dans ce contexte, un effort d’information et d’éducation thérapeutique est à fournir par les MGs.

Limites

Taux de participation

La principale limite de notre étude est le risque de représentativité insuffisante des MGs en raison du faible taux de participation (8,2%). On retrouve régulièrement ce biais de sélection dans les enquêtes de soins premiers (57), en particulier en cas d’étude non rémunérée.
Le fait d’avoir utilisé un auto-questionnaire en ligne a exclu les MGs ne possédant pas de courriel ou qui ne répondent pas aux enquêtes envoyées par courriel. Cependant, plusieurs travaux ont également montré qu’un faible taux de réponse dans le cadre d’une enquête en médecine générale n’introduisait pas nécessairement de biais de sélection (58,59).

Représentativité de l’échantillon

Le faible taux de participation pourrait donc peu influencer la représentativité de l’échantillon. L’activité universitaire constitue quant à elle un biais d’admission. Le nombre de MGs ayant une activité universitaire est probablement surestimé par rapport à leur proportion en médecine générale. Cependant, faire participer les MGs n’ayant pas d’activités universitaire est probablement plus difficile car ils sont moins sensibilisés à la recherche. Le fait que les MGs choisissent eux-mêmes de participer ou non à l’étude peut constituer un biais d’auto-sélection.

Vignette clinique

A contrario, le fait de proposer une vignette clinique est un point fort pour le recueil des données et la pertinence de notre étude (60,61). Cette méthode est validée, mais les attitudes thérapeutiques décrites sont basées sur une étude transversale des pratiques professionnelles. En effet, il existe une différence entre la pratique clinique devant le malade et la réponse à un cas clinique. Le contact clinique est partie intégrante de l’algorithme décisionnel pour la prise en charge du patient dans sa globalité.
Seuls les MGs ont été sollicités pour ce questionnaire, mais d’autres médecins, tels que les cardiologues ou les néphrologues, pourraient rencontrer des difficultés similaires en matière de diagnostic et de prise en charge. Néanmoins, de bonnes connaissances théoriques concernant l’EBB pourraient probablement éviter les erreurs de diagnostic : une meilleure connaissance des recommandations concernant l’EBB est ainsi à encourager. De plus, l’accessibilité aux méthodes de mesures ambulatoires reste toujours un problème.

CONCLUSION

Alors que le lien entre EBB et RCV est encore controversé, les recommandations pour sa prise en charge sont encore trop peu connues et appliquées. Différentes actions pourraient être menées pour améliorer le diagnostic et la prise en charge : amélioration de la formation médicale continue, meilleure sensibilisation des MGs à l’utilisation des moyens diagnostiques, éducation des patients aux automesures tensionnelles répétées, adaptation du système de santé à ces nouvelles pratiques. Une utilisation plus systématique des différentes mesures ambulatoires de PA est à encourager, ainsi qu’une meilleure connaissance des recommandations concernant l’EBB. Quant à l’évolution de ces recommandations, de nouveaux ECRs, étudiant notamment la prise en charge médicamenteuse de l’EBB, sont à mener.

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Table des matières

I. INTRODUCTION
II. METHODES :
A. Hypothèse de recherche et objectif
B. Schéma de l’étude
C. Recueil de données
D. Envoi aux MGs
E. Critères d’exclusion
F. Réglementation juridique
G. Analyses statistiques
III. RESULTATS
A. Résultats Généraux
B. Réponses à la vignette clinique
IV. DISCUSSION
A. Rappel des principaux résultats
B. Comparaison à la littérature
1. Diagnostic de l’EBB
2. Prise en charge de l’EBB
3. Suivi des patients atteints d’un EBB.
C. Limites
1. Taux de participation
2. Représentativité de l’échantillon
3. Vignette clinique
V. CONCLUSION
VI. Bibliographie
VII. Annexe

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