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Classification des systèmes
L’extraction d’un soluté peut être réalisée selondifférents mécanismes. Plusieurs classifications des systèmes d’extraction sont proposées [MAR69] [COT98a]. La classification présentée ici est simplifiée et présente quelques systèmes pouvant être rencontrés en hydrométallurgie nucléaire.
Extraction par simple partage
Dans ce cas, le soluté conserve la même forme dansles deux phases et le partage est basé uniquement sur une différence d’affinité du soluté pour la phase aqueuse ou le diluant organique.
Extraction par solvatation
Dans ce cas, le soluté est extrait sous forme de complexes neutres ou de chélates dans la phase organique par extraction simultanée d’un anion dans les proportions stœchiométriques du point de vue de la neutralité, selon l’équilibre d’extraction suivant : xMa + yXb + zL ¬¾® Mx Xy Lz (1.5) où Ma+ est le cation métallique à extraire (UO22+, Ln3+…), X b- est le contre-ion anionique (NO3-, Cl-…) et L est l’extractant, généralement une molécule organique lipophile neutre contenant des atomes donneurs de type ester ou phosphate comme le TBP (phosphate de tri-n-butyle), les phosphonates, phosphinates, oxydes de phosphine, mono ou diamides tel que le DMDOHEMA (N,N’ -DiméthylN,N’ -dioctylhexylethoxymalonamide).
Classification des systèmes extractants à l’origine de la synergie
Devant la multitude de systèmes d’extractants pouvant être à l’origine d’une synergie, il n’y a pas de généralités concernant cet effet. ertainsC auteurs tentent tout de même de dégager une classification en fonction des combinaisons d’extractants [MAR69] [HAN71] [RAM84] :
– Agent chélatant-ligand neutre .
– Acide organophosphoré-ligand neutre .
– Deux ligands neutres .
– Deux ligands acides.
Agent chélatant-ligand neutre
L’agent le plus étudié dans ces systèmes est la thenoyltrifluoroacétone (HTTA). Les ligands neutres sont des alcools, des cétones, des trialkylphosphates ou des oxydes de phosphine.
Ces systèmes synergiques s’appliquent à de nombreu x métaux de divers degrés d’oxydation et dans de nombreuses conditions expérimentales. L’extraction peut être améliorée d’un facteur de l’ordre de 10, dépendant principalement de la nature et des propriétés du ligand neutre. Les équilibres propos épour rendre compte de ces effets synergiques sont les suivants :
M + n HA + mB ¬¾¾® MA n .Bm + nH (1.10).
Acide organophosphoré-ligand neutre
A la différence des extractants acides chélatants,les acides organiques (acides phosphorés, carboxyliques ou sulfoniques) s’agrègent dans les solvants apolaires et extraient les métaux par un échange cationique selon l’équilibre suivant : M n n(HA) 2 M(A.HA) n nH (1.13) où HA représente l’acide organique et A sa forme déprotonée.
En présence d’un ligand neutre B, l’équilibre d’extraction synergique peut s’écrire : M n n(HA) 2 mB M(A.HA) n .Bm nH (1.14).
Comme précédemment, cet équilibre entraîne généralement une augmentation de la synergie avec l’augmentation de la basicité du ligand neutre.
Les acides organiques ont également tendance à interagir avec d’autres extractants par liaison hydrogène avec les extractants donneurs, ce qui implique une synergie moins marquée, voire un effet antagoniste (voir 1.2.4 Notions d’antagonisme). C’est le cas des mélanges à base d’acide dialkylphosphorique détaillés plus loin (voir 1.5 Propriétés des mélanges HDEHP-agent solvatant).
Deux ligands neutres
Des effets synergiques sur l’extraction des terres rares et actinides ont été observés en combinant différents éthers, cétones, alcools ou esters. La synergie dans ce cas est assez peu marquée, d’un facteur généralement entre 2 et 5 [MAR69].
Dans un système éther ou cétone-alcool, deux raisons peuvent expliquer la synergie : l’augmentation de la capacité d’extraction de l’alcool due à la rupture de ses liaisons hydrogène par l’ajout de la cétone, ou l’action combinée des propriétés solvatantes de l’alcool et de sa polarité.
Deux ligands acides
Aucun effet synergique n’est observé pour la majorité des combinaisons d’extractants, hormis pour la combinaison de deux-dicétones : l’extraction de Ln(III) par un mélangede HTTA et d’acétyl acétone (AA) est décrite par la rmationfo d’espèces M(TTA)(AA) 3 [MAT83] [WOO72]. 18 (1.16)
Mécanismes à l’origine de la synergie
S’il est admis que le phénomène de synergie est dûà une amélioration de la solubilité du complexe métallique en phase organique, le mécanisme de l’extraction à son origine est encore mal connu. Plusieurs possibilités sont toutefois couramment retenues dans le cas des deux premiers types de systèmes [MAR69] [CHO81] [MAT83] :
– le second ligand, neutre, prend la place des molécules d’eau résiduelles dans la sphère de coordination du complexe formé avec le premier ligand et le rend plus lipophile [IRV60] : MAn (H2O)y + mB « MAn (H2O)ym Bm + mH2O (1.15)
– le ligand neutre prend la place des molécules d’extractant acide dans la sphère de coordination du métal [LIE66] : MAn (HA)m + mB ¬¾®MAn Bm + m (HA)2 2.
– la sphère de coordination du métal s’étend sous l’effet de l’addition des molécules extractantes, laissant assez de place pour les deux ligands (augmentation du nombre de coordination) [KAN75] [BHA80].
Une autre hypothèse pour expliquer un effet synergique peut être mentionnée : dans le cas où l’un des extractants a tendance à s’auto-ass ocier, le deuxième extractant peut réduire cette association et rendre ainsi le premier plus disponible pour l’extraction [MAR69].
Les mécanismes d’extraction ne sont pas vus de la même manière par les différents auteurs. Certains considèrent que l’extractant neutre vient s’insérer dans le complexe initial formé avec l’autre ligand, d’autres voient l’extraction du métal par les deux extractants, sous forme d’adduit HA.B .
Alors que l’effet synergique est généralement dû à la formation de complexes métalliques mixtes, l’antagonisme s’explique par une interaction entre les deux extractants [RAM84].
Notions d’antagonisme
Lors de l’extraction des ions métalliques par des acides chélatants ou organophosphorés, l’ajout de quantités croissantes d’un extractant neutre conduit à une augmentation initiale de l’extraction, suivi par une diminution de cette amélioration, puis un antagonisme pour les plus fortes concentrations. Certains auteurs utilisent les termes « antisynergie » (antisynergism) ou « synergie négative » (negative synergism) [HEA62a] [MAS62] pour désigner cette diminution de l’effet synergique. D’autres préfèrent employer l’expression « destruction de synergie » ( destruction of synergism) [WAN66] [HAN71].
Pour les extractants chélatants, une augmentation de la concentration d’eau extraite (due à une augmentation de la concentration d’extra ctant ou à l’utilisation d’un diluant plus polaire) est soupçonnée de jouer un rôle dans la de struction des complexes mixtes anhydres MAn.Bm, formant des complexes MAn(H2O)y peu extractibles [RAM84].
Dans les systèmes à base d’acides organophosphorés, l’antagonisme est attribué à la formation d’adduit entre les deux extractants, diminuant leur concentration disponible pour l’extraction (ex : PC88A-TOPO (acide 2-ethylhexylphosphonic mono-2-ethylhexylester-Tri-n-OctylPhosphineOxide) [MIS96], HDEHP-CMPO (octyl(phenyl)-N,N-diisobutylCarbamoyl-MethylPhosphineOxide) [DHA01], HDEHP-TBP [ZAN66]).
Si ici le terme « adduit » est employé pour désigner deux extractants liés par une interaction faible (généralement une liaison hydrogène), plusieurs auteurs l’utilisent pour désigner un complexe métallique faisant intervenirdeux extractants, dont l’un n’est pas fortement lié au métal.
Les acides organophosphorés ont tendance à interagir avec les extractants neutres par l’intermédiaire de liaisons hydrogènes pour formerdes adduits : (HA)2 2B 2HA.B (1.17) ou (1.18) HA B HA.B.
dont la constante d’association dépend du solvant, de l’acidité de HA et de la basicité de B [HAN71]. Il a également été suggéré que cette association ne fasse pas nécessairement intervenir l’acide organophosphoré sous sa forme monomérique : (HA)2 B (HA)2 .B (1.19).
Méthode des pentes
Cette méthode est largement appliquée aux systèmesd’extraction impliquant tous types de combinaisons d’extractants. Le coefficient de distribution DA+B est mesuré en fonction de l’acidité ou de la concentration de l’un des deux extractants, en gardant les autres paramètres constants. La composition de l’espèce métallique mixte peut être déterminée par la pente du graphe de log DA+B en fonction du logarithme de la concentration, et la constante d’équilibre peut être calculée à partir de ces résultats. Cependant, cette méthode est applicable si seulement une espèce synergique est prédominantedans les conditions expérimentales employées et que les interactions entre les différents extractants sont négligeables. Sa limitation survient lorsque la pente de la droite n’est pas un nombre entier. Ceci peut être dû à une interaction des extractants entre eux ou à l’ex traction de plus d’une espèce.
Diagramme de Job
Cette méthode est applicable aux systèmes dont seulement une espèce est responsable de la synergie. Le coefficient de distribution est mesuré avec une phase aqueuse de composition fixe et une phase organique où les extractants HA et B sont dans des proportions variables mais en gardant la concentration totale d’extractant constante. Le tracé de la variation de DA+B en fonction du ratio [HA]tot/[B]tot atteint son maximum à un ratio n/m
permettant d’en déduire la stoechiométrie MAB .
Méthode « mole ratio »
L’extraction de l’ion métallique est étudiée en fonction de l’une des concentrations d’extractant, [HA] tot ou [B]tot, en gardant la concentration de l’autre en excès par rapport à l’espèce métallique. L’extraction est ensuite suivie en fonction de [HA]tot/[M] ou [B]tot /[M] et le ratio correspondant à l’extraction maximale donn e la stœchiométrie de l’espèce extraite.
L’utilisation de cette méthode nécessite des condionst expérimentales adéquates et une constante de formation relativement élevée.
Modélisation
La modélisation des données, suivie d’un ajustement, peut être utilisée pour déterminer la stœchiométrie de complexes mixtes simples, respo nsables de la synergie sur l’extraction. La composition et la constante de formation de ces espèces peuvent être déterminées à l’aide des coefficients de distribution de l’ion métallique et des différents équilibres présents en faisant varier la concentration de l’un des deux extractants.
Etude de la phase organique
L’étude de la formation des espèces mixtes en phase organique s’avère très utile pour corroborer les conclusions des données d’extraction, notamment car celles-ci sont indépendantes de l’extraction. Pour cela, les diverses espèces impliquées dans l’équilibre doivent avoir des propriétés physicochimiques différentes. Ainsi, de nombreuses techniques d’analyse ont été employées pour caractériser lesomplexesc métalliques (IRTF, RMN, UV-Visible…).
Bilan
Les nombreuses études sur l’extraction de cations métalliques par divers systèmes extractants ont clairement établi que l’effet synergique est dû à la formation de complexes mixtes hydrophobes (donc plus extractibles), tandis que l’antagonisme, ou la destruction de synergie, est dû à un effet de milieu (apport d’eau , interactions entre les ligands). Dans un même système chimique, il est possible d’avoir desdomaines de concentration dans lesquels des effets synergiques existent et d’autres dans lesquels un effet antagoniste est observé. Cependant, le mécanisme de ces effets et la structure de ces complexes restent encore mal connus.
Propriétés du DMDOHEMA
Les malonamides, diamides dont les deux fonctions amides ne sont séparées que par un seul atome de carbone, sont étudiés depuis de nombreuses années. Le choix des diamides dans les procédés d’extraction s’est imposé assezapidementr [MUS87] [MUS88] [CUI91] [CUI93]. En effet, l’effet chélatant des malonamides permet l’extraction, à partir de solutions d’acide nitrique, de cations à l’état d’oxydation II, IV ou V tels que les actinides(III) et les lanthanides(III) mais aussi le plutonium(IV) et l’uranium(IV) [NIG94b]. De plus, ils présentent l’avantage d’être composés uniquementatomesd’ de carbone, hydrogène, oxygène et azote (CHON), sans phosphore ni soufre, ce qui leur confère une totale incinérabilité.
Deux malonamides ont été étudiés en particulier nsda le cadre des procédés DIAMEX puis DIAMEX-SANEX : le DMDBTDMA (N,N’ -DiMéthyl-N,N’ -DiButylTétraDécyl MalonAmide) et le DMDOHEMA (N,N’ -DiMéthyl-N,N’ -DiOctylHexylEthoxyMalonAmide).
Ces deux malonamides ont été sélectionnés du faitde leur fort potentiel à extraire les actinides de degré d’oxydation III des solutions d’acide nitrique et de leur possible utilisation dans des diluants aliphatiques [CHA98]. La première molécule retenue était le DMDBTDMA. Celle-ci a permis de démontrer la faisabilité scientifique du procédé DIAMEX. Par la suite, la formule de la molécule extractante a été optimiséeLa. nouvelle molécule de référence retenue pour le procédé DIAMEX est le DMDOHEMA [CHA97]. Comparé au DMDBTDMA, la solubilité dans les alcanes est améliorée, les coefficients de distribution des nitrates métalliques sont augmentés et les produits de dégration formés lors de la radiolyse sont moins gênants.
Dans ce sous-chapitre sont regroupées les données relatives à la spéciation des malonamides dans les phases organiques utilisées enextraction liquide-liquide.
Organisation supramoléculaire
Les phénomènes d’agrégation dans les systèmes d’extraction liquide-liquide sont considérés depuis que Osseo-Asare [OSS91] a observédes similarités entre le comportement des surfactants et celui du TBP en 1991. Les études d’agrégation sur les diamides, et notamment sur le DMDBTDMA, ont été menées afin de ieuxm comprendre l’apparition de troisième phase dans les systèmes d’extraction liquide-liquide.
En effet, les malonamides possèdent des propriétéstensioactives dues à leur caractère amphiphile : ils disposent d’une partie hydrophile qui englobe les fonctions amides et d’une partie hydrophobe constituée des chaînes alkyles. Ces molécules ont la faculté de s’auto-associer dans les solvants apolaires sous forme de petits agrégats (Figure 5). L’équilibre général de l’agrégation d’un diamide D dans un alcane s’écrit comme suit : K n avec K n = [D n ] nD ¬¾®(D)n (1.20) [D]n où n représente le nombre d’agrégation et K la constante d’agrégation (Tableau 1).
Les solutions organiques de malonamides en solution dans les alcanes ont été caractérisées par de nombreuses techniques :
– Calorimétrie [FLA01] .
– Spectrométrie par résonance magnétique nucléaire MN)(R [NIG92] [NIG94a] [DOZ06] [DOZ07] ;
– Osmométrie à pression de vapeur (VPO) [MAR06] [BOS06] [BER07] [GAN07a] .
– Diffusion de rayons X ou de neutrons aux petits angles (DXPA et DNPA) [ERL98].[ERL99] [MAR06] [BER07] [BAU07] [TES08] [MER09a] [BER10].
Ces études ont montré que la taille et la structure de ces édifices moléculaires sont fonction de plusieurs paramètres :
– la concentration d’extractant. Lorsque celle-ci augmente, le diamide passe de sa forme monomérique à un agrégat de type micelle inverse sphérique, puis tendrait vers des structures de type cylindrique pour des concentrations élevées (Figure 3) .
– la nature et la concentration du soluté extrait. L’extraction de cations métalliques, d’acide nitrique et d’eau favorise l’agrégation .
– la température. Son augmentation défavorise l’agrégation.
D’un point de vue qualitatif, l’influence des para mètres est représentée Figure 3. La valeur de la c.m.c. n’est pas clairement définie et varie en fonction de la nature du soluté extrait.
Propriétés extractantes
Après avoir décrit le comportement tensioactif desmalonamides et ses conséquences en terme de propriétés physico-chimiques, cette partie présente les propriétés extractantes des malonamides ainsi que la spéciation moléculaire desespèces en phase organique.
Extraction d’eau
Les malonamides, au contact d’une phase aqueuse, extraient de l’eau en quantité non négligeable (Figure 6) [BOS06] [MER09a]. La concentration d’eau extraite en phase organique dépend de la concentration de diamide et de la nature du diluant [NIG92] [BOS06] [MAR06]. Cependant, aucune liaison diamide-H2O n’a pu être mise en évidence par spectroscopie infrarouge. Certains ont suggérés quel’eau soit extraite sous forme solubilisée en phase organique plutôt que sous forme d’espèces hydratées de typeD x (H 2 O) , mais le mécanisme est encore flou [NIG94a] [BOS06].
Etudes MS2
L’utilisation de la spectrométrie de masse en tandem (MS/MS) permet d’obtenir des informations sur la structure des ions et sur la stabilité des liaisons en phase gaz. Un ion d’intérêt, de valeur m/z choisie, est sélectionné au sein du piège à ions. Cet ion va ensuite être fragmenté par excitation à l’aide d’une tension RF (radiofréquence) correspondant à sa fréquence de résonance et par collision avec des molécules de gaz inerte (hélium). L’analyse des fragments permet d’apporter des éléments de structure.
Mode opératoire
Les phases organiques étudiées étant trop concentrées pour être analysées directement, une dilution est nécessaire. Après séparation des phases, les solutions organiques sont diluées soit au 1/1000ème ou 1/100ème dans l’éthanol pour les phases organiques HDEHP-Eu, soit au 1/10ème dans l’éthanol puis 1/100ème dans un mélange acétonitrile/eau (50/50). Les conditions d’analyse sont précisées sous chaque figure.
Il se peut que la dilution des solutions organiques puisse déplacer les équilibres chimiques. Par conséquent, cette technique ne sera utilisée que pour avoir des informations qualitatives.
Spectroscopie RMN
La stoechiométrie des complexes peut être étudiée par RMN. Dans cette étude, les spectres RMN 31P de phases organiques contenant HDEHP après extraction de métal sont exploités pour l’étude de complexes faisant intervenir cet extractant.
Si la vitesse d’échange d’un HDEHP libre avec un HDEHP lié est suffisamment lente, les déplacements chimiques propres à chacun des deux sites (libre et lié) pourront être observés sur le spectre RMN. L’intégration des pics donne la proportion d’extractant engagé dans un complexe (Figure 29). Connaissant la concentration totale d’extractant et la concentration du métal en phase organique, il est aisé de remonter au rapport [HDEHP]/[Eu] (nombre de HDEHP liés par métal). Cependant, lorsque plusieurs complexes sont en présence, ce rapport est une moyenne et dépend de leur proportion en solution.
Spectrofluorimétrie laser à résolution temporelle
La spectrofluorimétrie laser à résolution temporelle (SLRT) est une technique d’analyse très sensible qui donne des informations sur la première sphère de coordination du métal fluorescent. Elle consiste en l’excitation d’un fluorophore par une excitation brève (laser nanoseconde) suivie de la détection du spectre de relaxation. Cette méthode instrumentale permet d’une part de rejeter temporellement les interférences spectrales liées aux diffusions de la source (spectres Raleigh et Raman), et d’autre part de mesurer les temps de relaxation dont les variations sont en lien avec la composition de la première sphère de coordination. Il est ainsi possible d’accéder au nombre de molécules d’eau dans la sphère de coordination de certains cations [BAR89], comme Eu(III) et Cm(III). Les études en phases organiques sont assez peu nombreuses [ZHA06] [ARI11].
Principe de la fluorescence
En spectroscopie optique, l’état d’énergie d’une molécule est caractérisé par trois termes : l’énergie électronique Ee, l’énergie vibrationnelle Ev et l’énergie rotationnelle Er. Celles-ci sont notées respectivement S, v, et j sur la Figure 30. L’énergie Ee est 10 à 100 fois supérieure à Ev, elle-même 100 à 1000 fois plus élevée que Er.
L’absorption de photons par une molécule lui permet de passer de son état fondamental stable à son état excité instable. Elle est le plus souvent suivie d’une conversion interne de type S2→S1, relaxation non radiative, la ramenant au plus bas niveau énergétique de l’état excité (S1, v0). Le transfert vers l’un des niveaux énergétiques de l’état fondamental peut alors se produire avec l’émission d’un photon dit « de fluorescence ». Le retour au plus bas niveau vibrationnel s’effectue ensuite par relaxation vibrationnelle et/ou rotationnelle. Le détail des transitions possibles et les cinétiques associées sont visibles Figure 30.
Propriétés fluorescentes de l’europium
La configuration électronique de l’ion Eu3+ à l’état fondamental est 4f6. Son état fondamental 7F est subdivisé en sept niveaux 7FJ (J = 0, 1, 2, …, 6) par couplage spin-orbite. La fluorescence d’Eu3+ se produit principalement entre son niveau émetteur de fluorescence 5D0 et les niveaux vibrationnels de l’état fondamental 7FJ (Figure 31). L’europium est caractérisé par trois transitions de fluorescence, visibles sous forme de pics ou de bandes sur le spectre SLRT, et donnant des informations sur l’environnement du cation :
– La transition 5D0→7F0 (l = 579 nm) est interdite par les règles de sélection électronique, son intensité est extrêmement faible. Cependant, cette transition peut voir son intensité augmenter si l’ion se trouve dans une géométrie asymétrique. De plus, l’état excité 5D0 et l’état fondamental 7F0 étant non-dégénérés, chaque espèce est caractérisée par un pic unique. D’autre part, un décalage de cette transition vers des fréquences plus basses est observé lorsque la charge combinée de tous les ligands coordinés à Eu(III) en première sphère devient plus négative .
– La transition 5D0→7F1 (l = 592 nm) est moins sensible à l’environnement du métal et son intensité dépend principalement de la concentration du cation .
– La transition 5D0→7F2 (l ≈ 616 nm), appelée bande hypersensible, dépend à la fois de la concentration du cation et de l’environnement proche de celui-ci.
Le rapport des intensités de ces deux dernières transitions, I616/I592, est ainsi caractéristique d’une espèce spécifique en solution.
Corrélation entre le temps de vie et le nombre d’hydratation
La sphère interne d’un cation métallique en phase aqueuse est constituée de molécules d’eau, liées par des interactions fortes. Le nombre moyen de molécules d’eau autour du métal est appelé nombre d’hydratation (NH2O). Celui-ci est connu pour être assez élevé chez les lanthanides et les actinides (8 ≤ NH2O≤ 9). Il diminue avec le rayon atomique : plus le rayon ionique est petit, plus la distance métal-oxygène est courte, et moins il y a de place pour les molécules d’eau. Pour l’Eu(III), le nombre d’hydratation est en moyenne de 8,5 (équilibre entre [Eu(H2O)8]3+ et [Eu(H2O)9]3+) [HAB80] [CHO95] [HEL99].
La constante de vitesse de désexcitation (ou relaxation) krelax pour un système réel est définie comme la somme des différentes constantes de vitesse : kF (fluorescence), knonrad pour les voies non-radiatives (conversion interne et croisement intersystème) et kq (inhibition ou quenching). Le taux de désexcitation des molécules peut donc s’écrire : relax F nonrad q k = k + k + k (2.19).
Extraction de l’eau et de l’acide nitrique
Influence de l’acidité
Les isothermes d’extraction de l’eau et de l’acide nitrique par les extractants seuls ou en mélange ont été mesurés pour des concentrations d’acide nitrique comprises entre 0,01M et 5M (Figure 35). Le HDEHP à la concentration de 0,3M dans le TPH n’extrait que très peu d’eau et d’acide tandis que le DMDOHEMA à 0,6M en extrait des quantités significatives et croissantes avec l’acidité de la phase aqueuse. Les propriétés extractantes du mélange de ces deux extractants (DMDOHEMA 0,6M + HDEHP 0,3M) vis-à-vis de l’acide nitrique sont comparables à celle du diamide seul, tandis que les concentrations d’eau extraites par le mélange sont bien plus importantes que celles provenant de la somme de concentrations extraites par les deux extractants pris séparément : un effet synergique est observé sur l’extraction d’eau par le mélange. Celui-ci s’amenuise lorsque l’acidité de la phase aqueuse augmente, et s’annihile vers HNO3 4-5M.
Influence de la concentration d’extractants
Afin de comprendre le rôle de chaque extractant, des phases organiques de concentration variable de DMDOHEMA, seul ou en présence de 0,3M de HDEHP, de même que des phases organiques de concentration variable de HDEHP, seul ou en présence de DMDOHEMA 0,6M ont été contactées à des phases aqueuses d’acide nitrique 0,05M (Figure 36a et Figure 36b) ou 1M avec LiNO3 2M (Figure 36c et Figure 36d).
Les concentrations d’acide extrait par le mélange correspondent à la somme des concentrations extraites par les deux extractants pris séparément (Figure 36c et Figure 36d) : aucun effet synergique n’est observé sur l’extraction de l’acide nitrique.
En ce qui concerne l’extraction d’eau, pour les deux acidités et toutes les concentrations d’extractants étudiées, un effet synergique est observé pour le mélange des deux extractants. L’amplitude de cet effet est représenté par la courbe D[H2O] vs. [extractant]tot sur chaque graphique (D[H2O] = [H2O]extraite par le mélange – ([H2O]extraite par DMDOHEMA + [H2O]extraite par HDEHP)).
Les Figure 36a et Figure 36c montrent l’impact de la présence de HDEHP 0,3M dans une solution de malonamide de concentration variable : HDEHP n’extrayant que très peu d’eau à une telle concentration, l’effet synergique est visible pour les deux acidités puisque le mélange extrait bien plus d’eau que le diamide. Les Figure 36b et Figure 36d appuient cette constatation, puisqu’à concentration de DMDOHEMA constante, l’extraction d’eau s’intensifie avec la concentration de HDEHP.
Influence de la concentration d’extractants
Milieu faiblement acide
Les coefficients de distribution d’Eu et Am ont été mesurés en faisant varier la concentration de DMDOHEMA dans la phase organique en présence de 0,3M de HDEHP, ou non (Figure 41a). Les pentes des droites log DM vs. log [DMDOHEMA]tot correspondant à la solution de diamide seul sont identiques pour Eu et Am (pentes de 2,4 et 2,5) : le comportement semble similaire pour les complexes diamide-Eu et diamide-Am. Ces résultats mettent également en évidence le fait que le malonamide présente une meilleure affinité pour Am(III) que pour Eu(III) (FSEu/Am ≈ 0,4). Les pentes sont légèrement inférieures à celles obtenues par Meridiano [MER09a] en milieu LiNO3 (pentes de 3,2 pour DMDOHEMA dans l’heptane). Cette différence peut provenir du diluant (heptane vs. TPH) ou de la présence de HNO3 qui, même en faible concentration, pourrait changer l’agrégation de la solution de diamide et donc le comportement extractant.
En présence de HDEHP, les pentes sont négatives, ce qui signifie que les coefficients de distribution diminuent alors que la concentration de diamide augmente. Cette diminution pourrait être expliquée par l’existence d’un adduit formé entre les deux extractants qui n’extrairait pas les cations Eu et Am. Les pentes sont différentes entre les deux radioéléments, ils ont donc un comportement différent. La sélectivité Eu/Am est inversée et FSEu/Am varied’environ 14 à 3 lorsque [DMDOHMEA]tot augmente de 0,13 à 1M (cf. Annexe C.1, Tableau 19).
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Table des matières
1. Bibliographie
1.1. Rappels d’extraction liquide-liquide
1.1.1. Grandeurs
1.1.2. Classification des systèmes
1.1.2.1. Extraction par simple partage
1.1.2.2. Extraction par solvatation
1.1.2.3. Extraction par échange d’ions
1.2. Synergie et antagonisme
1.2.1. Définition et quantification des effets
1.2.2. Classification des systèmes extractants à l’origine de la synergie
1.2.2.1. Agent chélatant-ligand neutre
1.2.2.2. Acide organophosphoré-ligand neutre
1.2.2.3. Deux ligands neutres
1.2.2.4. Deux ligands acides
1.2.3. Mécanismes à l’origine de la synergie
1.2.4. Notions d’antagonisme
1.2.5. Méthodes expérimentales
1.2.5.1. Méthode des pentes
1.2.5.2. Diagramme de Job
1.2.5.3. Méthode « mole ratio »
1.2.5.4. Modélisation
1.2.5.5. Etude de la phase organique
1.2.6. Bilan
1.3. Propriétés du DMDOHEMA
1.3.1. Organisation supramoléculaire
1.3.2. Propriétés extractantes
1.3.2.1. Extraction d’eau
1.3.2.2. Extraction d’acide nitrique
1.3.2.3. Extraction des actinides et lanthanides
1.3.3. Bilan
1.4. Propriétés de HDEHP
1.4.1. Généralités
1.4.2. Propriétés physicochimiques
1.4.2.1. Partage
1.4.2.2. Dissociation
1.4.2.3. Agrégation
1.4.3. Propriétés extractantes
1.4.3.1. Extraction d’eau et d’acide nitrique
1.4.3.2. Extraction de cations métalliques
1.4.4. Bilan
1.5. Propriétés des mélanges HDEHP-agent solvatant
1.5.1. DMDOHEMA-HDHP
1.5.1.1. Propriétés extractantes
1.5.1.2. Spéciation supramoléculaire
1.5.1.3. Spéciation moléculaire
1.5.2. Autres systèmes
1.5.3. Bilan
2. Méthodologie
2.1. Préparation des solutions
2.1.1. Extraction liquide-liquide
2.1.2. Méthode des ajouts
2.2. Analyse de la composition des solutions
2.2.1. Dosage des extractants
2.2.1.1. DMDOHEMA
2.2.1.2. HDEHP
2.2.2. Dosage de l’eau
2.2.3. Dosage de l’acide
2.2.4. Dosage des lanthanides par ICP-AES
2.3. Spéciation en phase organique
2.3.1. Caractérisation des solutions avant extraction de solutés métalliques
2.3.1.1. Spectroscopie RMN
2.3.1.2. Spectroscopie IR
2.3.2. Extraction liquide-liquide
2.3.2.1. Méthode des pentes
2.3.2.2. Mesure des coefficients de distribution par spectrométrie gamma
2.3.3. Caractérisation des complexes
2.3.3.1. Spectrométrie de masse électrospray
2.3.3.2. Spectroscopie RMN
2.3.3.3. Spectrofluorimétrie laser à résolution temporelle
2.3.3.4. Spectrophotométrie UV-Visible
3. Propriétés extractantes
3.1. Extraction de l’eau et de l’acide nitrique
3.1.1. Influence de l’acidité
3.1.2. Influence de la concentration d’extractants
3.2. Extraction d’Eu(III) et Am(III)
3.2.1. Influence de l’acidité
3.2.2. Influence de la concentration d’extractants
3.2.2.1. Milieu faiblement acide
3.2.2.2. Milieu acide
3.2.2.3. Influence des nitrates
3.3. Bilan
4. Caractérisation de la phase organique
4.1. Agrégation de HDEHP
4.1.1. Spéciation
4.1.2. Structure des espèces
4.2. Caractérisation des solutions de diamide
4.3. Interaction DMDOHEMA-HDEHP
4.3.1. Spectroscopie infrarouge
4.3.2. Suivi des déplacements chimiques de HDEHP en présence de diamide
4.3.3. Mesure du coefficient d’autodiffusion des extractants
4.3.4. Interactions en phase gaz
4.4. Bilan
5. Caractérisation des complexes
5.1. Complexes DMDOHEMA-Ln(III) ou Am(III)
5.1.1. Caractérisation par spectrophotométrie UV-Visible
5.1.2. Interactions ligand-cation
5.1.3. Temps de vie et nombre d’hydratation des complexes d’Eu
5.1.4. Détermination de la stoechiométrie des espèces en phase gaz
5.1.5. Bilan
5.2. Complexes HDEHP-Ln(III)
5.2.1. Influence de l’acidité
5.2.1.1. Faible acidité
5.2.1.2. Milieu acide
5.2.1.3. Bilan
5.2.2. Influence de la concentration de cations
5.2.2.1. Spectrophotométrie UV-Visible
5.2.2.2. ESI-MS
5.2.2.3. Interactions ligand-cation
5.2.2.4. RMN
5.2.3. Bilan
5.3. Complexes DMDOHEMA-HDEHP
5.3.1. Caractérisation des complexes
5.3.1.1. Détermination de la stoechiométrie et stabilité des ions en phase gaz
5.3.1.2. Structure des complexes
5.3.1.3. Bilan
5.3.2. Compréhension de la synergie
5.3.2.1. Ajout de diamide à une phase organique de HDEHP-M
5.3.2.2. Ajout de HDEHP à une phase organique DMDOHEMA-M
5.3.2.3. Bilan
5.3.3. Discussion
Conclusion
Annexes
Références
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