Suivi de substitution de fluides dans les roches par corrélation de bruit

Les données provenant de séismes sont, depuis le début du vingtième siècle, utilisées afin d’étudier et caractériser le sous-sol. Que cela soit dans un but académique (connaissance de la Terre) ou industriel (prospection), il est nécessaire de disposer du plus grand nombre de sources sismiques possibles. Nous sommes là dans le domaine de la sismique dite active. Les signaux proviennent en effet de séismes naturels, ou bien de camions vibreurs, de canons à air comprimé ou encore d’explosions utilisés lors de campagnes d’acquisitions sismiques.

Dans ce cadre, les problèmes liés à la sismique active apparaissent aisément :
-Les séismes : la limitation dans l’espace (les sources des séismes sont localisées à proximité des failles sur Terre) et dans le temps (caractère aléatoire et espacé dans le temps des séismes) des évènements sismiques limite l’éclairage du sous-sol, et donc la quantité d’informations disponible. En effet les sources de séismes sont localisées le long des limites de plaques tectoniques ou des failles, et les séismes se produisent de manière irrégulière dans le temps.
-Les sources contrôlées : d’autre part, outre la mobilisation d’importants moyens techniques et financiers, les campagnes d’acquisitions sismiques liées à la prospection génèrent quant à elles des nuisances environnementales importantes.

C’est dans le but de s’affranchir de ces limitations que sont apparues les méthodes sismiques passives. En effet en corrélant des signaux de bruit sismique enregistrés en deux stations différentes, on obtient en fait une réponse impulsionnelle du milieu considéré entre ces stations, comme si l’une était la source et l’autre le récepteur. Ainsi, il y autant de trajets possibles qu’il y a de paires de stations. Ces dernières étant positionnées où on le souhaite sur terre, le problème de la localisation des sources de séismes est contournable. Cette technique permet également de contourner le problème de l’atténuation des plus hautes fréquences avec la distance, qui apparaît dans l’étude des signaux provenant de séismes distants. Dans le cas de la corrélation, on peut placer les stations aussi proches les unes des autres que souhaité, et ainsi bénéficier de l’enregistrement des hautes fréquences. Cela permettra par exemple de faire de l’imagerie de plus haute résolution. Dans le cadre de la prospection, cette méthode permet de se passer de campagnes d’acquisitions sismiques. Un autre avantage de la technique des corrélations est de disposer d’enregistrements continus dans le temps, et non limités aux occurrences de séismes, ou de campagnes d’acquisition. En effet, les stations sismiques enregistrant de manière continue sur Terre, elles enregistrent du bruit sismique en permanence, et des signaux sismiques lorsqu’il en arrive . Ainsi en comparant deux corrélations de bruit réalisées à deux dates différentes (deux journées par exemple), on peut observer et suivre des évolutions, des modifications de la structure terrestre, comme à l’approche d’éruptions volcaniques.

Toutefois, si l’application de la sismique active au monitoring est très connue et très documenté (voir par exemple Calvert (2005) et les nombreuses références incluses), les références concernant les applications de l’interférométrie sismique passive au monitoring sismique se limitent pratiquement toujours à des applications à l’échelle sismologique, pour la surveillance des zones sismiques ou volcaniques (comme l’ont fait Brenguier et al. 2008). A notre connaissance les références sont pratiquement inexistantes sur l’interférométrie en sismique passive dans le domaine de la sismique appliquée au monitoring de l’exploitation du sous-sol (exploitations de réservoirs pétroliers, ou stockage de CO2…), et à l’échelle du laboratoire dans le domaine de l’acoustique des roches en conditions contrôlées. En effet, la littérature traitant d’interférométrie, à l’échelle du laboratoire, utilisant des signaux passifs, dans un but de monitoring est quasiment inexistante. Cette technique permettrait pourtant une économie de temps et de moyens, couplée à une information en continu sur le contenu d’un réservoir par exemple. C’est dans cette démarche que s’inscrit cette thèse, et que nous avons cherché, d’abord au laboratoire, en conditions les plus contrôlées possibles, en utilisant des ondes ultrasonores sur des échantillons de roches, puis sur le terrain en analysant des enregistrements continus, à développer une méthode de suivi par interférométrie sismique d’une substitution de fluide au sein d’un échantillon de roche au laboratoire, ou à l’échelle du réservoir sur le terrain. Cette synthèse bibliographique est composée comme suit : après quelques rappels théoriques sur les ondes mécaniques, l’interférométrie sismique passive et ses applications sont abordées, notamment le monitoring de sites géologiques ; cela nous mène à la troisième et dernière partie de ce chapitre : le monitoring .

Le bruit sismique 

Origines du bruit sismique 

Dans le domaine des hautes fréquences (c’est-à-dire au-dessus de 1 Hz) le bruit est dominé par des sources locales, souvent anthropiques. L’origine du bruit est donc spécifique à chaque cas (une route et le passage de véhicules, une usine et le fonctionnement de pompes…). Dans les fréquences plus basses (périodes de 1 à 30 secondes), il est admis que le bruit microsismique est dominé par les ondes de gravité océanique, c’est-à-dire la houle. Le bruit sismique est donc sensible aux tempêtes océaniques. Ce dernier présente ainsi certaines caractéristiques saisonnières et déterministes (Campillo et al. 2011). Le pic de période de 7 secondes  aurait pour origine les interactions non linéaires des vagues océaniques qui provoquent des variations de pression sur le fond des océans (Longuet-Higgins 1950). Le deuxième « pic », moins marqué, à 14 secondes, serait quant à lui la signature des vagues océaniques. Ces pics sont appelés « pics microsismiques primaires et secondaires » et sont tous deux liés à la houle océanique.

Le bruit sismique : ondes de surface ou ondes de volume ? 

L’essentiel du bruit étant généré en surface, les ondes de surface (ondes de Rayleigh ou de Love) dominent dans le bruit (Friedrich et al. (1998)), et par conséquent elles se retrouvent majoritairement dans ses corrélations (Campillo et al. (2011)). Toutefois, Roux et al. (2005) démontrent la présence à la fois d’ondes Rayleigh mais aussi d’ondes P dans les corrélations de bruit enregistré par des stations sismiques spatialement proches (moins de 11 kilomètres de distance) en Californie. En outre Poli et al. (2012) ont mis en évidence les discontinuités du manteau terrestre à partir d’ondes de volume, par des corrélations de bruit ambiant.

L’interférométrie sismique passive

Principe des corrélations de bruit

Aki (1957) a ouvert la route vers les techniques de corrélations de bruit puisqu’il fut le premier à utiliser cette méthode pour imager le sous-sol. En interférométrie, le principe est de corréler les signaux reçus par deux capteurs distincts R1 et R2, et provenant d’une source S ou d’une multitude de sources. Dans l’expérience ci-dessous, deux capteurs X1 et X2 sont placés dans une distribution aléatoire de sources de bruit ambiant, décorrélées entre elles. Les signaux enregistrés en X1 et en X2 sont présentés, ainsi que leur corrélation.

On constate que la corrélation donne deux maxima, correspondant aux parties causales (temps positifs) et acausales (temps négatifs) de la fonction de Green correspondant à la réponse du milieu qui serait mesurée en un récepteur si une source active était située à la place du deuxième récepteur. Le temps de propagation entre X1 et X2 est bien sûr de 100 dans cette expérience, d’où les positions des maxima. Cette méthode permet ainsi de retrouver la fonction de Green du milieu dans lequel les deux capteurs sont plongés. On obtient donc, par simple corrélation de deux signaux enregistrés, des informations intrinsèques au milieu étudié. C’est pourquoi elle a été appliquée dans divers domaines de la physique.

Aspects théoriques : conditions requises pour faire de l’interférométrie sismique passive 

Nécessité de l’équipartition

Afin de pouvoir reconstruire la fonction de Green entre deux capteurs par corrélation des signaux qu’ils reçoivent, il est nécessaire que la condition d’équipartition soit remplie. C’est-à-dire qu’en régime diffusif, obtenu lorsque l’onde subit plusieurs évènements de diffusion (c’est le cas des ondes de la coda), le champ d’ondes est constitué de tous les modes possibles de propagation. Par exemple, en espace libre, les modes possibles sont les ondes S et P. Dans ce cas, équipartition signifie que le champ d’ondes est constitué d’ondes se propageant dans toutes les directions et avec toutes les polarisations possibles, ceci de manière équitable (chaque direction et chaque polarisation a un poids égal dans la moyenne).

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Table des matières

Introduction
PARTIE 1 : Contexte et motivations
1 Introduction
2 Pré-requis
2.1 Équation d’onde
2.2 Ondes sismiques
2.3 Ondes de volume
2.3.1 Ondes de surface
2.4 Fonction de Green
2.5 La coda sismique
2.6 Le bruit sismique
2.6.1 Origines du bruit sismique
2.6.2 Le bruit sismique : ondes de surface ou ondes de volume ?
3 L’interférométrie sismique passive
3.1 Principe des corrélations de bruit
3.2 Aspects théoriques : conditions requises pour faire de l’interférométrie sismique passive
3.2.1 Nécessité de l’équipartition
3.2.2 Position des sources et rôle des diffuseurs
3.3 Les applications de l’interférométrie
3.3.1 Les différents domaines d’application
3.3.2 Différents types de signaux à corréler
3.4 L’interférométrie sismique passive
3.4.1 Intérêt des corrélations dans le domaine de la sismique passive
3.4.2 Applications de l’interférométrie sismique passive
4 Le monitoring sismique
4.1 Intérêts et motivations
4.2 Principe du monitoring sismique
4.3 Les différentes méthodes de monitoring
4.3.1 La méthode du streching
4.3.2 Méthode des doublets ou « Moving Window Cross Spectral Analysis » (MWCSA)
4.3.3 Le monitoring dans l’exploitation pétrolière
5 Traitement des enregistrements de bruit avant corrélation
5.1 Premiers traitements
5.2 Normalisations dans le domaine temporel
5.2.1 Normalisation à 1 bit
5.2.2 Méthode du seuil d’écrêtage
5.2.3 Détection automatique et suppression d’évènements
5.2.4 Normalisation par la moyenne glissante de la valeur absolue
5.2.5 Normalisation itérative « water-level »
5.3 Normalisation dans le domaine spectral ou blanchiment
5.4 Sommation
5.5 « Débruiter » les signaux : la méthode des curvelets
PARTIE 2 : Interférométrie ultrasonore et substitutions de fluide à l’échelle du laboratoire
1 Objectifs
2 Méthodes conventionnelles de mesure des constantes élastiques au laboratoire
3 Principe de l’étude et dispositif expérimental
3.1 Dispositif expérimental
3.2 Protocole
3.3 Justification de la procédure expérimentale
3.3.1 Pourquoi utilise-t-on un filtre passe-haut ?
3.3.2 Pourquoi somme-t-on les corrélations ?
3.3.3 Pourquoi s’intéresse-t-on au spectre de la somme des corrélations ?
3.3.4 Identification des pics de résonance
3.3.5 A propos du code d’inversion
4 Validation de la procédure expérimentale
4.1 Validation des logiciels utilisés, dans la gamme de fréquence d’intérêt
4.2 Reproductibilité de l’expérience
4.3 Validation des résultats de l’inversion
5 Résultats
5.1 Résultats dans l’aluminium
5.2 Résultats dans le plexiglas
6 Suivi de substitutions de fluides dans des roches poreuses par interférométrie ultrasonore
6.1 Résultats dans les roches sèches
6.2 Résultats dans les roches saturées
6.2.1 Comparaison entre roche sèche et roche saturée
6.2.2 Résultats de l’inversion pour les roches saturées
6.2.3 Comparaison entre roches saturées d’eau et roches saturées d’éthylène glycol
6.3 Interprétation physique et comparaison avec les prédictions de la théorie poroélastique
6.3.1 Théorie poroélastique statique conventionnelle
6.3.2 Lien entre les modules poroélastiques et les modules d’ondes des roches sèches et saturées
6.3.3 Effets perturbateurs dus à la présence de défauts mécaniques et à la viscosité du fluide saturant
7 Conclusion
PARTIE 3 : Suivi des propriétés élastiques d’un champ d’hydrocarbures soumis à injections de vapeur
1 Introduction
2 Système d’acquisition de données
3 Les données
3.1 Etude fréquentielle
3.2 Alternance jour/nuit
4 Traitement des données
4.1 Temps de sommation des signaux
4.2 Processus pour calcul des corrélations
5 Etude des variations temporelles de vitesse
5.1 Analyse des corrélations : transformée en curvelets puis méthode des doublets
5.1.1 Utilisation de la transformée en curvelets
5.1.2 Utilisation de la méthode des doublets
5.2 Résultats
5.2.1 En utilisant des stations réparties tout au long de la ligne
5.2.2 En utilisant des stations situées au voisinage du puits injecteur
5.2.3 Etudes des variations de vitesse en choisissant pour référence une période pré-injection
5.2.4 Interprétation des résultats : noyaux des sensibilité
6 Conclusion
Conclusions générales

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