QUELQUES GÉNÉRALITÉS
Qu’est-ce que l’addiction ?
Au fil des années, de nombreux psychiatres se sont spécialisés dans le domaine des addictions afin de déterminer les critères de ces pathologies complexes. D’un point de vue scientifique, elles sont définies par une dépendance à une substance ou à une activité ayant des conséquences néfastes pour la santé.
D’après le comité de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2001, le syndrome de dépendance correspond à « un ensemble de phénomènes comportementaux, cognitifs et physiologiques dans lesquels l’utilisation d’une substance psychoactive spécifique ou d’une catégorie de substance entraîne un désinvestissement progressif des autres activités. La caractéristique essentielle du syndrome de dépendance consiste en un désir (souvent puissant, parfois compulsif) de consommer la substance psychoactive. » (1) La cible principale de cette définition n’est pas le produit en luimême mais l’utilisation qui en est faite par le sujet.
Outre les facteurs propres liés au produit et à son usage, l’installation d’une addiction est la résultante de l’interaction entre plusieurs facteurs. Claude Olievenstein, un psychiatre français, disait « la toxicomanie est la rencontre d’un produit, d’une personnalité et d’une circonstance ou d’un moment culturel » (2). Il exprimait ainsi l’existence de facteurs et de fragilités multiples :
• Les facteurs de risque liés au(x) produit(s) (P),
• Les facteurs individuels de vulnérabilité (I),
• Les facteurs de risque environnementaux (E).
Le processus d’installation d’une addiction se déroule en trois étapes. La première, la phase d’initiation, est non pathologique. Elle correspond à une période récréative où le sujet est en recherche de plaisir. Elle est appelée classiquement la « lune de miel ». Ensuite, vient la première phase pathologique modérée durant laquelle l’usage devient intensif. La fréquence de consommation ainsi que la quantité de drogue sont augmentées et les premiers problèmes liés à l’usage apparaissent. Cependant, l’individu reste bien intégré dans la société. Puis, une zone de passage progressif s’installe et l’usage nocif tend vers la dépendance. Cette troisième et dernière étape correspond à l’état pathologique le plus grave. Le sujet perd largement le contrôle de sa consommation et devient dépendant. Le besoin l’emporte sur le désir et la demande. La passion l’emporte sur la raison. L’addiction est installée.
Bien évidemment, tous les individus ayant une consommation récréative, voire intensive, n’évolueront pas forcément vers la dépendance. Dès 1990, Aviel Goodman, un psychiatre américain, décrivait les addictions comme « un processus par lequel un comportement, qui peut fonctionner à la fois pour produire du plaisir et pour soulager un malaise intérieur, est utilisé sous un mode caractérisé par l’échec répété dans le contrôle de ce comportement et la persistance de ce comportement en dépit des conséquences négatives significatives ». (4) Afin de définir les addictions comportementales, il a déterminé des critères d’identification. Les caractéristiques principales sont :
• L’impossibilité de résister au désir impulsif d’effectuer un certain type de comportement,
• Une sensation croissante de tension juste avant de réaliser le comportement,
• La sensation de plaisir ou de relâchement au moment de réaliser le comportement,
• Une sensation de perte de contrôle pendant la réalisation du comportement,
• Une persistance des symptômes décrits ci-dessous pendant au moins un mois ou qui se sont répétés pendant une période plus longue.
Auxquelles s’ajoutent au moins cinq des neuf critères suivants :
• Une préoccupation fréquente à propos du comportement ou de sa réalisation,
• Une intensité et une durée des épisodes plus importantes que celles prévues initialement,
• Des tentatives répétées afin de réduire, contrôler ou abandonner ce comportement,
• Beaucoup de temps passé à préparer le comportement, à le réaliser et à se remettre de ses effets,
• La réalisation fréquente du comportement au lieu de faire face à des obligations sociales, professionnelles ou personnelles,
• L’abandon d’activités sociales, professionnelles ou récréatives à cause du comportement,
• Le fait de maintenir ce comportement en ayant connaissance des problèmes sociaux, financiers, psychologiques ou physiques qu’il peut causer,
• Le besoin d’augmenter l’intensité ou la fréquence du comportement dans le but d’obtenir la même sensation de plaisir qu’auparavant (phénomène de tolérance),
• L’apparition d’une agitation ou irritabilité lorsque le comportement ne peut être réalisé.
Dans cette classification, Aviel Goodman inclut donc la notion de dépendance sans produit contrairement à la 10e révision de la Classification Internationale des Maladies (CIM). (5) Cette dernière, publiée par l’OMS, est une classification statistique et médicale classant notamment les maladies, signes, symptômes, circonstances sociales et causes externes de maladies ou de blessures. En 2018, les travaux de révision de la CIM-11 se sont achevés par un élargissement de la notion de dépendance aux « troubles dus à des comportement addictifs » tels que les jeux d’argent ou jeuxvidéos. (6) Ainsi, près de trente ans après Aviel Goodman, l’OMS ne restreint plus les addictions comportementales à l’emploi de substances.
D’après cette classification, une conduite addictive est définie comme la manifestation d’au moins trois signes parmi les suivants sur une période d’un an et ayant persisté au moins un mois ou étant survenus de manière répétée.
Ces signes sont :
• Un désir compulsif de consommer le produit,
• Des difficultés à contrôler sa consommation,
• L’apparition d’un syndrome de sevrage en cas d’arrêt ou de diminution des doses ou une prise de produit pour éviter un syndrome de sevrage,
• Une tolérance aux effets,
• Un désintérêt global pour tout ce qui ne concerne pas le produit ou sa recherche,
• Une poursuite de la consommation malgré la conscience des effets néfastes qu’elle engendre.
Aussi, bien que n’ayant jamais été reconnue par le milieu scientifique, la définition proposée par Aviel Goodman en 1990 tend à se rapprocher de la CIM publiée par l’OMS. Un autre référentiel dans le diagnostic de l’addiction est le Manuel Diagnostique et Statistique des troubles Mentaux (DSM). La cinquième et dernière version actuelle, publiée en 2015, propose une approche dimensionnelle où le sujet présente une addiction plus ou moins importante selon le nombre de symptômes correspondant à la liste proposée pour l’évaluation, la base de l’addiction démarrant toujours par un usage à risque comme définit par l’OMS.
Notions de dépendance psychique et dépendance physique
Dans les définitions évoquées précédemment apparaissent deux notions essentielles que sont la dépendance psychique et la dépendance physique. La première, également appelée dépendance psychologique, se traduit par un désir insistant et persistant de consommer le produit afin de maintenir les sensations de plaisir et de bien-être. Elle peut parfois se traduire par des manifestations psychosomatiques (douleurs physiques n’ayant pas de cause physiologique) et engendrer une sensation de malaise psychique lorsque le consommateur est privé de son produit. Cette notion est plus liée aux caractéristiques des individus et à leur dépendance comportementale (habitudes, environnement, état affectif) qu’au produit lui-même. (9) Elle a pour traduction le « craving », terme Anglo-Saxon traduisant un besoin impérieux, incontrôlable et compulsif de consommer le produit contre la raison et la volonté. (10) La dépendance physique ou physiologique se caractérise par l’apparition de symptômes physiques parfois graves en cas de privation du produit. L’ensemble de ces troubles constitue le syndrome de sevrage. Cette dépendance résulte des mécanismes d’adaptation de l’organisme où celui-ci assimile à son propre fonctionnement la présence du produit consommé régulièrement. Elle peut s’accompagner d’une accoutumance ou tolérance c’est-à dire la nécessité d’augmenter les doses ou la fréquence de consommation d’un produit pour ressentir le même effet. (3) Ainsi, ces substances psychoactives ont une action pharmacologique directe sur le système cérébral. Lors de leur consommation, elles viennent se greffer sur les voies du plaisir en prenant la place de neuromédiateurs naturels. C’est en cela que toute consommation, même occasionnelle, peut rapidement devenir une réelle addiction et que l’organisme se trouve leurré. En effet, chaque consommation engendre une libération de dopamine, hormone du plaisir, et produit un signal d’apprentissage qui favorisera le désir de prochaine consommation et la sensation de mal-être lorsque la quantité de produit présente dans le cerveau diminuera (syndrome de sevrage).
Comment définir une grossesse à risque ?
Qu’importe la patiente et ses habitudes de vie, chaque grossesse est différente. Néanmoins, certaines présentent plus de risques, que ce soit pour la future maman ou directement pour le fœtus. Ainsi, le suivi anténatal de la grossesse vise à repérer, évaluer le risque maternel et/ou fœtal afin de dépister et prendre en charge au mieux les situations à risque qu’elles soient médicales, psychologiques ou sociales. Différents termes sont utilisés afin d’identifier ces grossesses. Pour permettre une prise en charge optimale, une coopération entre tous les acteurs et professionnels de santé est nécessaire et cela à toutes les étapes de la prise en charge. Idéalement, ce niveau de risque devrait être apprécié avant la grossesse lors du suivi gynécologique où la femme exprime son désir de grossesse (consultation préconceptionnelle). Il peut également être déterminé lors de la première consultation de suivi de grossesse, avant dix Semaines d’Aménorrhée (SA), ou tout au long de la grossesse jusqu’à l’accouchement.
Tout d’abord, il existe la grossesse à bas risque observée chez une femme en bonne santé et qui le reste. Elle correspond à une grossesse pour laquelle une évolution normale est attendue, sans complication et se terminant par un accouchement avec la naissance d’un enfant en bonne santé. Une grossesse à bas risque est donc une grossesse qui devrait se dérouler normalement et peut être suivie par une sage-femme ou un médecin (généraliste, gynécologue) selon le choix de la femme.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 : SUBSTANCES PSYCHOACTIVES, LEURS CONSÉQUENCES SUR LES FEMMES ENCEINTES ET LES NOUVEAU-NÉS
I. QUELQUES GÉNÉRALITÉS
1. Qu’est-ce que l’addiction ?
2. Notions de dépendance psychique et dépendance physique
3. Comment définir une grossesse à risque ?
II. LES SUBSTANCES PSYCHOACTIVES
1. Le tabac
A. Généralités et données épidémiologiques
B. Risques obstétricaux
C. Complications fœtales et néonatales
D. Tabac et allaitement maternel
2. L’alcool
A. Généralités et données épidémiologiques
B. Risques obstétricaux
C. Complications fœtales et néonatales
D. Alcool et allaitement maternel
3. Les traitements substitutifs aux opiacés (TSO)
A. Généralités
B. Mécanisme d’action
C. Complications fœtales
D. Syndrome de Sevrage du Nouveau-Né (SSNN)
E. TSO et allaitement maternel
PARTIE 2 : L’ORGANISATION DE LA PRISE EN CHARGE
I. QUELQUES GENERALITES
1. Suivi de grossesse à bas risque
2. Repérage des situations à risque
II. UNE ORGANISATION STRUCTUREE
1. Au niveau national
A. Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues Et les Conduites Addictives (MILDECA)
B. Réseaux de soins
2. Au niveau régional
A. Des territoires définis
B. Exemple d’un réseau en Normandie : le réseau de périnatalité
III. UNE PRISE EN CHARGE PLURIDISCIPLINAIRE
1. Professionnels de la maternité
A. Les maternités
B. Les centres de Protection Maternelle Infantile (PMI)
2. Professionnels de l’addictologie
A. Structures médico-sociales
B. Structure hospitalière
3. Professionnels polyvalents
4. Exemple de prise en charge pluridisciplinaire : les COS MPS proposées au CHU de Caen
IV. PRISE EN CHARGE DU SEVRAGE TABAGIQUE CHEZ LA FEMME ENCEINTE
V. PRISE EN CHARGE DU SEVRAGE ALCOOLIQUE CHEZ LA FEMME ENCEINTE
VI. PRISE EN CHARGE DU SEVRAGE DES TSO
PARTIE 3 : LE RÔLE DU PHARMACIEN ET SON APPROCHE AUPRÈS DES FEMMES ENCEINTES
I. LE ROLE DU PHARMACIEN
1. Réglementation
2. Rôle de dispensation
3. Atouts pour intervenir
II. L’APPROCHE AU COMPTOIR
1. Repérage de la patiente
2. Exemples de cas de comptoir
3. Où se renseigner ?
III. COMMENT LE METTRE EN PLACE A L’OFFICINE ?
IV. EN PRATIQUE : EXPERIENCE PERSONNELLE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES