Structures optiques pour le piégeage de bactéries

Structures optiques pour le piégeage de bactéries

Forces optiques

Les phénomènes d’interaction lumière-matière sont intimement liés au phénomène de diffusion de la lumière. Lorsqu’une onde électromagnétique plane est diffusée par une particule sphérique on distingue trois régimes :
❖ La diffusion de Rayleigh intervient lorsque la longueur d’onde du faisceau incident est grande devant les dimensions caractéristiques de l’objet. Cette diffusion s’exprime en 1/λ , elle est donc très sensible à la longueur d’onde du faisceau incident sur l’objet.
❖ Lorsque la longueur d’onde du faisceau incident est faible devant les dimensions de l’objet éclairé, les phénomènes ondulatoires sont négligés et c’est l’optique géométrique qui permet d’expliquer les phénomènes observés.
❖ La diffusion de Mie intervient lorsque la longueur d’onde du faisceau incident est du même ordre de grandeur que les dimensions caractéristiques de l’objet qui y est soumis. Cette diffusion s’exprime en 1/λ et est donc moins sensible à la longueur d’onde que la diffusion de Rayleigh.

Illustration des différents régimes de diffusion 

Les divers phénomènes que l’on observe dans le ciel illustrent ces trois régimes de diffusion. Le premier est la couleur du ciel. Sur le spectre de la lumière visible émise par le soleil, pour les couleurs de faible longueur d’onde (bleu – 480 nm) le phénomène de diffusion sur les petites particules de l’atmosphère (10 nm) est près de trois fois plus importante que pour les grandes longueurs d’onde (rouge – 650 nm). Lorsque le soleil est au zénith, l’épaisseur d’atmosphère à traverser est faible et seule la lumière bleue est diffusée, donnant sa couleur au ciel. Lorsque le soleil descend sur l’horizon, l’épaisseur d’atmosphère à traverser est plus importante et toutes les couleurs vont diffuser, jusqu’au rouge qui teinte le ciel. Le deuxième phénomène que l’on observe est la formation d’arc-en-ciel. Les dimensions des gouttes d’eau (pluie) sont alors de l’ordre du millimètre et c’est l’optique géométrique qui permet d’illustrer la décomposition du spectre visible dans ces micro-gouttelettes. Enfin la couleur des nuages illustre le régime de diffusion de Mie de la lumière du spectre visible. Les fines gouttelettes d’eau qui les composent diffusent toutes les longueurs d’onde de manière équivalente, ce qui donne leur couleur blanche aux nuages. Ils peuvent également être plus ou moins gris suivant la lumière qu’ils absorbent, en fonction de leur épaisseur.

Il est possible d’illustrer la diffusion de Rayleigh et de Mie par des expériences assez simples (Communication). Si l’on met en suspension du lait écrémé dans de l’eau en proportion faible et que l’on place une lampe d’un côté du récipient, en observant de l’autre côté on voit principalement une couleur bleue. En augmentant la concentration en lait écrémé on observe cette fois-ci de l’orange puis du rouge. Si on met du lait entier ou de la crème en suspension dans l’eau on observera un halo blanc uniquement, quelle que soit la concentration utilisée. Cela s’explique par le fait que le lait écrémé contient des molécules de lactose et des protéines (1-100 nm) mais peu de grosses molécules lipidiques qui sont plus nombreuses dans le lait entier ou la crème [ref 1]. On observe donc dans le premier cas la diffusion de Rayleigh qui dépend fortement de la longueur d’onde (analogie avec le ciel, l’épaisseur d’atmosphère étant assimilée à la concentration en molécules de lait écrémé) et dans le second cas la diffusion de Mie qui dépend très peu de la longueur d’onde et diffuse de manière isotrope (analogie avec le nuage).

Dimensions des objets manipulés par forces optiques 

Si on considère une onde incidente dans le proche infrarouge (800 – 1550 nm) en interaction avec des objets inertes diélectriques et des objets biologiques, différents régimes de diffusion interviennent. Les objets inertes étudiés sont généralement de tailles nano-micrométriques. Les principaux sont des particules sphériques (silice, polystyrène), des nanofils (silicium, ZnO, argent) ou des nanotubes (carbone) [ref 2-8]. Les dimensions des principaux objets biologiques étudiés par méthodes optiques sont de l’ordre de la dizaine de nanomètres pour les protéines, de la centaine de nanomètres pour les virus, de 1 à 10 µm pour les bactéries, de 5 à 100 µm pour les champignons unicellulaires et de l’ordre de quelques microns pour les cellules eucaryotes (avec noyau). Les protéines, qui sont des macromolécules biologiques, constituent la brique de base des cellules vivantes .

Modélisation des forces optiques

Il est intuitif que la lumière transporte de l’énergie, sous forme de chaleur. Le fait qu’elle puisse exercer des forces microscopiques (de l’ordre du µN par m²) est plus complexe à imaginer, car ces forces ne sont pas visibles à notre échelle. Elles s’expliquent par le fait que la lumière transporte de la quantité de mouvement, et peut donc la transmettre [ref 9]. La force optique est généralement séparée en deux parties : la force de gradient FGrad et la pression de radiation FP. La première est assimilable à la force de réaction d’un ressort, la seconde à une celle d’une pression. Une troisième composante de la force optique est parfois décrite, elle est parfois désignée par le terme « force corrective » [ref 9]. Nous proposons ici de montrer la modélisation des forces de gradient et de pression de radiation dans l’approximation de Rayleigh et de l’optique géométrique. Nous assimilerons les objets étudiés à des particules sphériques. Pour la diffusion de Rayleigh, les forces sont décrites à partir de la formule de la force de Lorentz (A.3.a.). Lorsque la longueur d’onde du faisceau incident est faible devant les dimensions de l’objet éclairé c’est l’optique géométrique qui permet de modéliser ces forces (A.3.b.). Pour la diffusion de Mie, lorsque les dimensions caractéristiques de l’objet sont du même ordre que la longueur d’onde du rayonnement incident, les approximations faites dans les deux modélisations précédentes ne sont plus valables. Les forces optiques ne peuvent alors être calculées qu’au travers de l’équation de conservation du mouvement entre l’onde incidente et l’objet et au travers du tenseur de Maxwell. Cependant, devant la complexité de ces calculs, nous avons choisi de ne présenter que les modélisations de Rayleigh et de l’optique géométrique.

Approximation de Rayleigh

Nous étudierons ce premier régime de diffusion avec l’exemple d’une sphère soumise à une onde incidente de champ électrique E(r,t) et de champ magnétique B(r,t). L’approximation de Rayleigh intervient dans le cas où cette particule sphérique possède un rayon inférieur à la longueur d’onde λ du faisceau incident, au minimum d’un ordre de grandeur. La sphère se comporte comme un dipôle et acquiert une polarisation (approximation dipolaire). Dans ce cas, elle subit de la part de l’onde incidente la force de Lorentz FL(r,t). Nous proposons de démontrer ici la contribution des forces optiques de gradient et de pression de radiation exercées par l’onde incidente sur la sphère à partir de la force de Lorentz.

Approximation de l’optique géométrique

Nous avons montré au paragraphe précèdent le calcul des forces optiques de gradient et de pression de radiation dans le cas où les dimensions de l’objet étudié étaient largement inférieures à la longueur d’onde du faisceau incident. Lorsque les dimensions de l’objet sont largement supérieures à celles de la longueur d’onde du faisceau incident, c’est l’approximation de l’optique géométrique qui permet de représenter et de calculer ces forces optiques. Afin de ne pas surcharger cette première partie de calculs nous avons choisi de ne présenter ici que la représentation des forces optiques exercées sur une sphère, dans l’approximation de l’optique géométrique.

L’approche par l’optique géométrique est basée sur l’analyse de la quantité de mouvement des photons qui viennent interagir avec l’objet sphérique lorsqu’on l’éclaire. Les forces de pression de radiation interviennent lorsque l’éclairage de l’objet est uniforme tandis que les forces de gradient interviennent lorsque l’éclairage est non-uniforme (gradient de champ).

La pression de radiation est liée à des phénomènes de réfraction, d’absorption de la lumière à l’intérieur de l’objet sphérique éclairé lorsqu’il est transparent. Elle peut également être due à des phénomènes de réflexion et de diffusion à la surface de la sphère si elle est réfléchissante. Dans l’ensemble de ces cas, lorsque l’objet subit l’action des photons, on observe une variation de quantité de mouvement dans la direction de propagation de la lumière .

La force de gradient est liée principalement aux phénomènes de réfraction et de réflexion. Lorsque l’objet est transparent, la force induite sur la sphère par l’onde incidente induit un déplacement vers la zone de forte intensité . Au contraire si l’objet est réfléchissant, il peut être expulsé vers les zones d’intensité minimale.

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Table des matières

Introduction
I. Structures optiques pour le piégeage de bactéries
A) Forces optiques
A. 1. Illustration des différents régimes de diffusion
A. 2. Dimensions des objets manipulés par forces optiques
A. 3. Modélisation des forces optiques
A. 3. a. Approximation de Rayleigh
A. 3. b. Approximation de l’optique géométrique
A. 3. c. Conclusion
B) Exploitations des forces optiques
B. 1. Pièges optiques
B. 1. a. Pinces optiques
B. 1. b. Optique intégrée
B. 1. c. Conclusion
B. 2. Manipulation d’objets inertes
B. 3. Manipulation d’objets biologiques
B. 4. Intérêts et limites
C) Cristaux photoniques 1D (cavités CMT) et 2D (cavités creuses)
C. 1. Description générale
C. 2. Les cristaux photoniques 1D – cavités CMTN
C. 3. Les cristaux photoniques 2D – cavités creuses
C. 4. Caractérisation des structures optiques de piégeage
D) Conclusion et enjeux
II. Dispositif expérimental
A) Design de microcavités
A. 1. Optimisation de la géométrie des cristaux photoniques 1D
A. 1. a. Indice effectif de la structure
A. 1. b. Paramètres de calcul
A. 1. c. Design de microcavités
A. 2. Cartographie de champ
A. 2. a. Cartographie 2D
A. 2. b. Cartographie 3D
A. 3. Conclusion
B) Fabrication
B. 1. Cristaux photoniques 1D
B. 2. Cristaux photoniques 2D
B. 3. Conclusion
C) Microfluidique
D) Montage
D. 1. Montage préexistant
D. 2. Montage développé
D. 2. a. Système de visualisation
D. 2. b. Porte échantillon régulé en température
D. 2. c. Optimisation des conditions de couplage
D. 2. d. Dispositif à deux lasers
D. 2. e. Montage expérimental final
E) Conclusion
III. Méthodes d’analyse et caractérisation des structures optiques
A) Caractérisation spatiale
A. 1. État colloïdal et mouvement brownien
A. 1. a. Sédimentation
A. 1. b. Agitation thermique
A. 2. Protocole expérimental
A. 3. Analyse des trajectoires
A. 4. Conclusion
B) Caractérisation temporelle
B. 1. Concepts généraux
B. 1. a. Protocole expérimental
B. 1. b. Signaux transmis par les structures optiques
B. 1. c. Analyse des signaux optiques
B. 1. d. Conclusion
B. 2. Caractérisation expérimentale des résonateurs optiques
B. 2. a. Indice optique
B. 2. b. Température
C) Conclusion
IV. Microbiologie et bactéries
A) Propriétés morphologiques
A. 1. Forme
A. 2. Mobilité
A. 3. Membrane
B) Culture et Préparation
B. 1. Milieu de culture
B. 2. Conditions et temps de culture
B. 3. Comptage de bactéries
B. 4. Conclusion
C) Propriétés optiques
C. 1. Cellule bactérienne
C. 1. a. Méthodes
C. 1. b. Valeurs d’indice
C. 2. Membrane bactérienne
C. 3. Conclusion
D) Bactéries étudiées
D. 1. Description générale
D 2. Préparation des échantillons
D. 3. Caractérisation en Microscopie Electronique à Balayage (MEB)
E) Agents antibactériens
E. 1. Agents physiques
E. 1. a. Filtration
E. 1. b. Rayonnement ionisant
E. 1. c. Température
E. 2. Agents chimiques
E. 2. a. Savons et détergents
E. 2. b. Oxydants
E. 2. c. Antibiotiques
F) Diagnostic bactérien
F. 1. Identification
F. 2. Susceptibilité aux antibiotiques
F. 3. Conclusion
G) Conclusion
V. Identification de bactéries piégées
Conclusion

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