Rappel sur les matériaux diélectriques
Le but de cette partie est de faire un rapide rappel sur les principales propriétés des matériaux diélectriques. La théorie générale, incluant la notion de ferroélectricité est largement présentée dans la littérature [24, 25]. Un matériau diélectrique est un milieu qui, en principe, ne conduit pas le courant électrique. Il est d’ailleurs parfois appelé isolant électrique. Les électrons présents dans un tel milieu ne peuvent pas se déplacer de façon macroscopique, c’est-à-dire sur de grandes distances. Cependant, et notamment sous application d’un champ électrique, il peut y avoir apparition d’un mouvent du nuage électronique à l’échelle microscopique créant un dipôle électrostatique. On dit qu’il y a alors création d’une polarisation.
Le couplage optique
Au cours de la précédente partie, nous avons déterminé le formalisme de la propagation d’une onde dans un guide plan unique. Lorsque plusieurs guides sont placés suffisamment près, l’onde injectée dans l’un d’eux peut passer dans les guides voisins. C’est le phénomène de couplage optique. Cette partie a pour but d’en donner les bases théoriques. Le premier formalisme théorique développé par Yariv en 1973 [26] est la théorie des modes couplés (CMT) qui est basée sur le couplage par ondes évanescentes. Comme nous le verrons dans la suite de ce chapitre, cette théorie simple fait intervenir la constante de couplage. Ce paramètre est dépendant de la géométrie des guides, de la distance inter-guide ainsi que du contraste d’indice. La théorie des modes couplés a fait l’objet de nombreuses études [27, 28] et son utilisation s’étend aujourd’hui pour la description des phénomènes de couplage dans d’autres domaines que les guides d’ondes [29–31]. La première démonstration expérimentale de couplage optique a été réalisée dans une structure composée de deux guides [32], appelée coupleur directionnel. L’onde injectée dans un guide est transférée intégralement dans le deuxième guide au bout d’une certaine distance de propagation appelée longueur de couplage. Cette distance particulière peut être reliée à la constante de couplage. Le coupleur directionnel est un composant encore très utilisé aujourd’hui notamment dans le domaine des télécommunications [33–37]. Après l’étude de la propagation dans une structure composée de deux guides, des études ont été réalisées dans des structures composées de réseaux de guides [5,38,39]. Dans ce cas, la propagation s’explique en généralisant la théorie des modes couplés sous certaines conditions, analogues aux conditions de type « tight-binding » de la physique du solide [24]. Ainsi, comme nous le verrons, lorsque la constante de couplage est faible, seuls les guides plus proches voisins ont une influence pour la description du couplage. Au fil des avancées technologiques, de nouvelles structures avec des propriétés ne satisfaisaient plus les conditions de tight-binding ont été réalisées. C’est pourquoi des compléments à la théorie des modes couplés ont été étudiés [40–43] rendant possible son utilisation dans ces cas particuliers et notamment la prise en compte de guides voisins plus éloignés pour la description du couplage.
Effet photoréfractif
L’effet photoréfractif est un processus au cours duquel un faisceau lumineux incident sur un matériau en modifie l’indice de réfraction suite à une redistribution spatiale des charges électriques. Il a été observé pour la première fois par Ashkin et al. en 1966 [92] qui mit en évidence une modification de l’indice de réfraction de cristaux de LiNbO3 et LiTaO3 lors de génération de second harmonique. Ce changement d’indice est à l’origine d’une distorsion du front d’onde du faisceau traversant le cristal, diminuant ainsi les performances des modulateurs électro-optiques ainsi que des doubleurs de fréquences. C’est pourquoi ce processus fût qualifié initialement de dommage optique. Par la suite des recherches ont visé à réduire cet effet. Parallèlement, plusieurs études ont essayé de mettre à profit cette variation d’indice. Ainsi en 1968 des hologrammes sont enregistrés dans des matériaux possédant des propriétés photoréfractives [93–95]. Aujourd’hui encore, l’effet photoréfractif est utilisé en interférométrie mais aussi pour la réalisation de miroirs à conjugaison de phase ou encore de filtres de Bragg. Toutes ces applications ainsi que d’autres sont traitées en détails dans la référence [96]. La variation d’indice par l’effet photoréfractif est en réalité la succession de deux processus. Le premier qualifié de photo-induction est la création d’un champ de charge d’espace à l’intérieur du matériau sous l’effet de l’illumination. Ce champ de charge d’espace crée à son tour une modification de l’indice de réfraction par effet Pockels comme vu précédemment. Le mécanisme de la photo-induction a été compris par Chen [94] peu après la découverte de l’effet photoréfractif. Il proposa un modèle basé sur la migration des électrons photo-excités. Ce modèle, appelé modèle de transport par bande, a ensuite été repris et complété par Kukhtarev et al. en 1978 [8, 9]. Il décrivit l’ensemble des mécanismes participant à l’effet photoréfractif et fît le lien entre l’intensité reçue par le matériau, la création du champ de charge d’espace et la modification de l’indice de réfraction. Il est notamment à l’origine du système d’équation portant son nom et permettant de décrire l’effet photoréfractif.
Description du cristal de niobate de strontium baryum (SBN)
Le niobate de strontium baryum, de formule chimique SrxBa1-xNb2O6, est souvent abrégé dans la littérature par SBN:x% où x désigne la fraction de strontium présente dans le composé. C’est un matériau très utilisé pour la recherche. Ainsi, dû à ses nombreuses propriétés électro-optiques, piézoélectriques, pyroélectriques ou photoréfractives [133, 134], il est utile pour la modulation électro-optique [135], le mélange à deux ondes et la conjugaison de phase [136], la génération de second harmonique [137] ou les systèmes de stockage holographique [95]. Il est également utilisé pour la génération de solitons photoréfractifs [138, 139].
Le modulateur spatial de lumière (SLM)
L’élément clé du montage est le modulateur spatial de lumière (SLM) de marque HoloeyeTM LC-R 1080, travaillant en réflexion. En effet, c’est cet élément qui permet de mettre en forme le faisceau. Il est composé d’une cellule à cristaux liquides nématiques. La taille de la cellule est de 16.39 x 10.56 mm composé de 1920×1200 pixels soit une résolution de 8.1 μm par pixels. Le SLM est également relié à un ordinateur d’où il est possible d’envoyer une image qui est ensuite inscrite dans le faisceau laser. La Figure 3.5 donne une représentation du SLM (Figure 3.5(a)), deux exemples d’image représentant un guide (Figure 3.5(b)) et une structure de réseau de guides (Figure 3.5(c)) ainsi que le faisceau laser avant (Figure 3.5(d)) et après réflexion (Figure 3.5(e)) sur le SLM, dans le cas où l’image de la Figure 3.5(b) est envoyée. Initialement tous les cristaux liquides sont orientés selon la même direction. Puis, par action d’un champ électrique il est possible de faire pivoter certains cristaux liquides. Le degré de rotation dépend de la valeur du champ électrique appliqué.
Description générale du montage
Le montage expérimental de la technique d’illumination latérale est donné schématiquement sur la Figure 3.6. Il comporte deux bras distincts. Le premier, composé du faisceau de contrôle sert à inscrire les structures tandis que le deuxième composé d’un faisceau sonde de très faible intensité sert uniquement à sonder la structure photo-induite. Le faisceau de contrôle est issu d’un laser Nd : YAG doublé à 532 nm de polarisation rectiligne verticale. Après épuration par un filtre spatial et agrandissement par un système afocal, il est incident sur un diviseur de faisceau polarisant positionné de telle sorte à transmettre les polarisations verticales et réfléchir les polarisations horizontales. Ainsi la majeure partie du faisceau est incidente sur le SLM et réfléchie. Comme décrit dans le paragraphe précédent, la polarisation du faisceau réfléchi est modifiée en accord avec l’image envoyée au SLM. La variation de polarisation est ensuite convertie en variation d’intensité par le diviseur de faisceau polarisant, réfléchissant vers le cristal les parties du faisceau dont la polarisation à été modifiée. Le faisceau de contrôle est ensuite imagé sur la face supérieure du cristal de SBN grâce à deux lentilles cylindriques croisées. La première lentille cylindrique est utilisée en position verticale et permet d’adapter le faisceau à la longueur du cristal. La deuxième lentille cylindrique est utilisée en position horizontale et fixe la dimension transverse de la structure dans le cristal. Le coefficient d’imagerie permet d’obtenir la relation entre la dimension transverse de l’image envoyé au SLM et la taille correspondante sur le cristal.
Influence de la périodicité
Deux réseaux de périodicités différentes ont été inscrits dans le cristal SBN court de longueur 10 mm. Le contraste d’indice, mesuré interférométriquement comme précisé dans le paragraphe 3.3.1, est égal à 1.2 · 10−4 . Il est le même pour les deux structures et a été obtenu avec un champ appliqué de 3 kV/cm. Le premier réseau est obtenu, avec une image dont les bandes blanches ont une largeur de 10 pixels et sont espacées de bandes noires également de 10 pixels (Figure 3.10(a)). Pour le second réseau la largeur des bandes blanches est la même et les bandes noires ont cette fois une largeur de 6 pixels (Figure 3.10(b)). Après photoinscription dans le cristal, le premier réseau possède une périodicité de 24 μm et le deuxième, une périodicité de 19.2 μm. La largeur des guides, identiques pour les deux réseaux, est de 12 μm. Le faisceau sonde utilisé est un laser de longueur d’onde 633 nm couplé initialement dans le guide central. Les réseaux comportent suffisamment de guides pour que l’onde n’atteigne pas les extrémités latérales au cours de la propagation.
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Table des matières
Introduction générale
1 Rappels généraux sur l’optique guidée
1.1 La propagation guidée
1.1.1 Introduction
1.1.2 La propagation dans un guide diélectrique plan
1.1.2.1 Rappel sur les matériaux diélectriques
1.1.2.2 Le principe de réflexion totale
1.1.2.3 Calcul des modes du guide – discrétisation de la propagation
1.2 Le couplage optique
1.2.1 Introduction
1.2.2 La théorie des modes couplés (CMT)
1.2.2.1 Couplage entre modes guidés
1.2.2.2 Couplage entre deux guides : le coupleur optique directionnel
1.2.2.3 Le couplage optique dans un réseau de N guides
1.2.3 La théorie utilisant les ondes de type Floquet-Bloch (FB)
1.2.4 Comparaison des deux modèles
1.3 Conclusion
2 Optique non-linéaire et effet photoréfractif
2.1 Optique non-linéaire
2.1.1 Introduction
2.1.2 L’effet Pockels
2.2 Effet photoréfractif
2.2.1 Le modèle de transport par bande
2.2.2 Description du champ de charge d’espace : cas particulier d’une illumination localisée
2.3 Application à la réalisation de guides
2.4 Conclusion
3 Technique d’inscription de structures photo-induites
3.1 Introduction
3.2 La technique d’illumination latérale
3.2.1 Description du cristal de niobate de strontium baryum (SBN)
3.2.1.1 Méthodes de croissance
3.2.1.2 Structure cristalline
3.2.1.3 Cristaux utilisés
3.2.2 Montage expérimental
3.2.2.1 Le modulateur spatial de lumière (SLM)
3.2.2.2 Description générale du montage
3.3 Réalisations expérimentales
3.3.1 Mesure expérimentale du contraste d’indice et détermination de la constante de couplage
3.3.1.1 Mesure du contraste d’indice
3.3.1.2 Mesure de la constante de couplage effective
3.3.2 Réseaux périodiques
3.3.2.1 Influence de la périodicité
3.3.2.2 Influence du contraste d’indice ∆n
3.3.3 Insertion de défauts
3.3.4 Réseaux à contraste d’indice variable
3.4 Conclusions et perspectives
4 Transfert adiabatique dans un réseau de guides
4.1 Introduction
4.1.1 Introduction aux analogies quantique/classique
4.1.2 Principe des analogies entre réseaux de guides couplés et systèmes quantiques discrets
4.2 Principe du STIRAP en physique quantique
4.2.1 Théorème adiabatique
4.2.2 Cas d’un système à trois niveaux
4.2.3 Généralisation à un système à N niveaux : STIRAP multiple
4.2.4 Conclusion
4.3 Analogie optique au STIRAP
4.3.1 Motivations
4.3.2 Adaptation de la théorie quantique à l’optique
4.3.3 Résultats expérimentaux
4.3.3.1 Dispositif expérimental
4.3.3.2 Estimation des constantes de couplage
4.3.3.3 Résultats
4.4 Réalisation d’un diviseur de faisceau multiple très large bande
4.4.1 Étude théorique
4.4.2 Démonstration expérimentale
4.5 Conclusion
5 Analogies à l’EIT et à l’effet Autler-Townes
5.1 Introduction
5.2 L’EIT et l’effet Autler-Townes en physique quantique
5.2.1 L’EIT
5.2.2 L’effet Autler-Townes
5.3 Analogie optique à l’EIT et à l’effet Autler-Townes
5.3.1 Motivations
5.3.2 L’EIT et l’effet Autler-Townes dans le monde optique
5.3.3 Résultats expérimentaux
5.3.3.1 Analogie à l’EIT
5.3.3.2 Analogie à l’effet Autler-Townes
5.4 Conclusion
Conclusion générale
Annexes
A BPM
B Dynamique de formation des guides canaux
B.1 Présentation du modèle théorique et numérique
B.2 Simulations numériques de la réalisation de guides d’onde par illumination latérale
B.2.1 Cas du guide planaire
B.2.2 Cas du guide canal
B.3 Etude de l’anisotropie de la dynamique de création des guides canaux
B.3.1 Influence du rapport d’intensité
B.3.2 Influence du champ appliqué
B.4 Conclusion
C Publications
C.1 Articles dans des revues internationales à comité de lecture (ACL)
C.2 Conférences internationales à comité de lecture avec actes (ACT)
Bibliographie
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