Structure générale du cil
Les cils et les flagelles sont des extensions cellulaires assemblées à partir d’un corps basal et composées d’un corps cylindrique microtubulaire, l’axonème, entouré par une membrane ciliaire prolongeant la membrane plasmique. Bien qu’en continuité, ces deux membranes sont de compositions protéiques et lipidiques différentes faisant du cil un véritable compartiment distinct du corps cellulaire. Le filtrage des protéines destinées au compartiment ciliaire est assuré par une structure appelée zone de transition, localisée entre le cil et le corps basal.
Le compartiment ciliaire
L’axonème est composé de 9 doublets de microtubules disposés en cylindre. Les microtubules sont formés de dimères de tubuline α et β. Ces hétérodimères s’assemblent en « tête à queue » pour former 1 protofilament. Les paires de microtubules sont constituées d’un microtubule A dit complet car composé de 13 protofilaments dans lequel s’imbrique le microtubule B dit incomplet du fait qu’il est composé de 10 protofilaments. Il existe deux grandes catégories de cils : les cils motiles et les cils non motiles qui peuvent être présents en grand nombre ou en unique exemplaire à la surface cellulaire.
Cils non motiles
Structure
Souvent présent en unique exemplaire à la surface cellulaire, ce type de cils, appelé cil primaire ne possède généralement pas de paire centrale de microtubules (structure 9+0) . On compte parmi cette catégorie, les cils associés à la surface de cellules différenciées, tels que les cils connecteurs des cellules des cônes et bâtonnets de la rétine ou les cils des neurones olfactifs, et les cils qui se développent transitoirement en phase quiescente à la surface des cellules de presque tous les tissus des mammifères. Ces derniers se désassemblent lorsque les cellules reprennent leur phase proliférative, leur corps basal étant alors reconverti en centriole pour jouer son rôle au sein du centrosome dans l’assemblage du fuseau mitotique au cours de la division. A la fin de la phase proliférative, lorsque les cellules rentrent de nouveau en quiescence, un centriole de chaque cellule migre à la membrane pour assembler un nouveau cil. Il existe des exceptions à la règle 9+0 = cil non motile et unique. Par exemple, les kinocils non motiles de la cochlée présentent une structure 9+2 tout comme les nombreux cils non motiles présents à la surface des neurones olfactifs.
Fonction
On connaît depuis de nombreuses années le rôle sensoriel de ce type de cils des cellules différenciées. Par exemple les photorécepteurs présents au niveau des membranes des cônes et bâtonnets de la rétine reçoivent et transmettent les signaux visuels tandis que des chimiorécepteurs localisés au niveau des cils des neurones olfactifs transmettent les signaux permettant de percevoir les odeurs. On peut aussi citer les mécanorécepteurs au niveau des cils de l’épithélium rénal qui perçoivent le flux urinaire et vont ainsi moduler l’activité cellulaire.
Plus récemment on a démontré que le cil primaire transitoire fonctionne également comme une véritable antenne cellulaire. Il capte, grâce à ses récepteurs, les signaux de son environnement qu’il transmet à la cellule via différentes voies de signalisation. Il joue un rôle crucial dans de nombreux processus cellulaires fondamentaux tels que la différentiation, la prolifération (Irigoín and Badano, 2011) ou la morphogenèse. Par exemple ces cils sont impliqués dans les voies de signalisation Hedgehog, Wnt, polycystine ou mTOR impliquées dans la progression du cycle cellulaire et les processus de cancérisation.
Les cils motiles
Structure
Cette catégorie de cils possède neuf doublets de microtubules qui entourent généralement une paire de microtubules centraux (structure 9+2) reliés entre eux par des ponts radiaires. De plus sur chaque microtubule complet sont accrochés deux bras de dynéines (un bras interne et un bras externe) qui permettent la motilité . Grâce à leurs activités ATPasique, elles font glisser les doublets de microtubules périphériques les uns par rapport aux autres engendrant ainsi le battement ciliaire. Il existe également des exceptions à la règle, cils motiles = structure 9+2. C’est le cas par exemple du monocil nodal de structure 9+0, qui coexiste avec des cils de structure 9+2 (Caspary et al., 2007), présent à la surface des cellules du nœud embryonnaire, responsable du flux permettant l’établissement de l’asymétrie droite gauche chez les vertébrés (Nonaka et al., 1998).
Fonction
Chez les vertébrés, plusieurs centaines de cils motiles tapissent la surface de cellules des épithéliums de la trachée, de l’oviducte et des ventricules cérébraux, on parle alors de cellules multiciliées. Leur battement crée des mouvements de fluide qui permettent respectivement de faire remonter du mucus de manière à débarrasser la trachée des impuretés, le mouvement de l’ovule vers l’utérus ou la circulation du liquide céphalorachidien. Le cil unique du spermatozoïde (aussi appelé flagelle) est utilisé par la cellule comme système de propulsion. C’est également le cas des cils présents à la surface d’un grand nombre d’unicellulaires comme la paramécie et chez certains pluricellulaires comme la planaire.
Les cils motiles, comme les cils primaires, contiennent à leur surface de nombreux récepteurs absents de la surface de la membrane plasmique et qui leur confèrent également des propriétés de senseurs de l’environnement (Bloodgood, 2010). Ainsi la présence de canaux cationiques de type TRP dans les cils des épithéliums respiratoires (Lorenzo et al., 2008) ou ceux de l’oviducte (Teilmann and Christensen, 2005) permettent de réguler le battement ciliaire en fonction de la viscosité du milieu.
Ce rôle de senseur des cils motiles, souvent négligé, n’est pas restreint aux métazoaires et se manifeste également chez les protistes. Chez la paramécie, la réversion du battement ciliaire qui lui permet d’éviter les obstacles met en jeu une voie de signalisation qui implique des canaux ciliaires (Machemer and Ogura, 1979). Le processus sexuel (conjugaison) chez l’algue verte Chlamydomonas est initiée par réaction de contact entre les flagelles des gamètes déclenchant une voie de signalisation complexe qui induit une augmentation de l’AMPc intracellulaire et implique de nombreuses protéines kinases et adenylcyclase ciliaires (Snell and Goodenough, 1992).
Le corps basal
C’est à la base du cil, ancré à la membrane plasmique que se situe le corps basal. Chez les métazoaires, c’est un centriole modifié. Il sert d’échafaudage à la construction du cil. Il est constitué de neuf triplets de microtubules A, B et C. Les microtubules B et C sont composés de 10 protofilaments et s’imbriquent respectivement dans le microtubule A complet et dans le microtubule B . Chez la plupart des organismes le corps basal mesure en moyenne 400 à 500 nm de long et 200 nm de diamètre.
On retrouve à l’extrémité proximale du corps basal une structure en roue de charrette appelé cartwheel (CW) en anglais. Le CW est composé d’un empilement de structures constituées chacune d’un anneau central d’où émanent neuf rayons. Une structure en tête d’épingle lie la pointe de chaque rayon aux microtubules A . Le nombre de structures empilées varie selon les organismes. On retrouve généralement un empilement de deux à une quinzaine de structures à l’exception de Trychonympha, un protozoaire zooflagellé. Cet organisme possède en effet un corps basal dont la longueur est près de dix fois supérieur à la moyenne et où un empilement d’une centaine de structures recouvre 90% de sa longueur (Gibbons and Grimstone, 1960; Guichard et al., 2012). D’autre part, le nombre de structures empilées peut varier au sein d’un même organisme durant son cycle cellulaire. C’est le cas chez Spermatozopsis (Lechtreck and Grunow, 1999) et Chlamydomonas (O’Toole and Dutcher, 2014), deux espèces d’algues vertes. Dans les cellules de mammifères, le CW est présent uniquement à la base du procentriole et disparaît dans les centrioles matures (Anderson, 1972; Alvey, 1986). Cependant certains rares organismes ne semblent pas posséder de CW. Chez Caenorhabditis elegans, Pelletier et collaborateurs montrent que les singlets de microtubules qui constituent le centriole sont organisés autour d’un tube central dans lequel aucune structure n’avait été observée (Pelletier et al., 2006). Néanmoins de rares images de microscopie électronique laissent supposer qu’une structure évoquant un CW puisse être présente à l’intérieur de ce tube central (Malone et al., 2003).
|
Table des matières
Introduction générale
I) Structure générale du cil
1) Le compartiment ciliaire
A) Cil non motile
a) Structure
b) Fonction
B) Cil motile
a) Structure
b) Fonction
2) Le corps basal
A) Maturation et conversion du centriole en corps basal
a) Cellules monociliées
b) Cellules multiciliées
B) Assemblage
3) La zone de transition
A) Composition moléculaire
B) Assemblage
II) Structures associées au corps basal
1) Les fibres de transition
A) Composition moléculaire
B) Assemblage
C) Fonction
2) Le pied basal
A) Composition moléculaire
B) Assemblage
C) Fonction
3) La racine striée
A) Composition moléculaire
B) Assemblage
C) Fonction
III) La ciliogenèse
1) association corps basal / membrane, étape clé de la ciliogenèse
2) Initiation de la ciliogenèse
A) Fusion vésicule/centriole
B) Initiation de l’extension de l’axonème
a) Levée de l’inhibition CP110/CEP97
b) Levée de l’inhibition Trichoplein
3) L’assemblage du cil
4) Cils et maladies génétiques humaines : les ciliopathies
IV) La paramécie : organisme modèle pour l’étude de l’ancrage des corps basaux à la membrane plasmique
1) Présentation générale
A) Un modèle
B) Des outils
2) Organisation et structure des corps basaux
3) Organisation des structures associées aux corps basaux
A) En interphase
B) En division
V) Contexte scientifique
Conclusion générale