Le ciment est un liant hydraulique, c’est-à-dire un matériau finement broyé qui réagit avec l’eau pour former une pâte durcissant avec le temps, y compris sous l’eau. C’est un matériau appelé « semi-fini » car il n’est pas employé seul. Mélangé à du sable et de l’eau, il forme du mortier, employé dans la maçonnerie comme colle pour briques et carrelages. Le béton est un mélange de mortier et de granulats centimétriques, utilisé comme matériau de construction.
Les premiers liants hydrauliques à base de chaux furent employés dès l’antiquité par diverses civilisations (romaine, grecque, gauloises etc.).
Le ciment moderne est né avec Louis Vicat au XIXe siècle, qui découvrit les principes de composition du cru de cimenterie pour obtenir, par cuisson à température modérée d’un mélange dosé de calcaire et d’argile un produit minéral qui, finement broyé, réagissait avec l’eau pour faire prise et durcir sous l’eau (principe hydraulique). Vicat, à l’aide de son approche expérimentale que l’on peut qualifier de raisonnée (analyse chimique des constituants, essais de combinaisons, cuisson et vérification de la performance) avait compris qu’il existait un rapport non quelconque entre la chaux (CaO) apportée par le calcaire et la silice (SiO2) apportée par l’argile qui déterminait, grâce à une cuisson adéquate, la production d’un matériau qui faisait prise une fois gâché avec l’eau et qui durcissait sous l’eau. Le ciment artificiel était découvert (1817) et, en quelque sorte, libérait l’homme de la recherche hasardeuse des pierres à ciments. Le travail de Vicat ne s’arrêta pas à cette découverte et s’intéressa à la stabilité des ciments vis-à-vis de l’eau de mer et des eaux sulfatées [Vicat, 1856].
Ciment Portland
Définition
Le ciment est un liant hydraulique, c’est-à-dire un matériau pulvérulent qui réagit chimiquement avec l’eau pour former une pâte homogène qui fait prise et durcit, y compris sous l’eau. Les ciments sont composés à partir de la combinaison de neuf constituants dont le clinker, véritable « principe actif » qui présente la propriété de réactivité à l’eau. Les autres constituants sont soit quasi- inertes (calcaire), soit pouzzolaniques (pouzzolanes naturelles, calcinée ou pas, les cendres volantes silico-alumineuses par exemple), soit des matériaux à hydraulicité latente (laitiers de haut fourneau et cendres volantes calciques). On distingue les constituants principaux, présents entre 6 et 100% massiques et les constituants secondaires, présents entre 0 et 5% en masse. Enfin, les constituants secondaires ne peuvent être que des composés minéraux autres que le clinker et déjà présents dans le procédé cimentier. Sur cette base, il existe aujourd’hui six classes de ciments définies par les normes NF EN 197- 1 2012 [AFNOR, 2012] et NF EN 197-5 2021 [AFNOR, 2021]. On appelle ciment Portland CEM I un ciment composé de 95 à 100% en masse de clinker Portland, les pourcentages restants étant complétés par des constituants secondaires, le plus souvent calcaires ou des fines de cuisson. Enfin, ajouté à des granulats (sable et gravier), le ciment forme du béton.
Phases principales
Le clinker Portland est composé de quatre phases cristallines principales. Elles sont :
– Alite : Silicate tricalcique de formule modèle Ca3SiO2
– Bélite : Silicate bicalcique de formule modèle Ca2SiO4
– Aluminate tricalcique de formule modèle Ca3Al2O6
– Ferrite de calcium ou brownmillerite de formule modèle Ca4Fe2Al2O10 .
Les formules chimiques écrites ci-dessus sont des formules modèles et ne prennent pas en compte les impuretés, ni les variations de stœchiométrie observées dans les clinkers industriels, notamment pour le ferrite de calcium (voir paragraphe 4.2). Il existe aussi des phases mineures présentes dans le clinker, qui dépendent de la nature des matières premières mais aussi des conditions de cuisson. On trouve notamment de la chaux CaO qui n’a pas réagi, appelée chaux libre. Les autres phases mineures que l’on peut trouver fréquemment sont le périclase (MgO) dont on minimise la concentration dans les matières crues, l’arcanite (K2SO4) et l’aphtitalite (K3Na(SO4)2). La composition minéralogique massique typique d’un clinker Portland actuel est : alite 60-70 %; Bélite 20-25 % ; aluminate tricalcique 5-12 % ; ferrite 8-15 % ; CaO 0-3 %. Elle peut varier en fonction des réglages cible du clinker que l’on souhaite obtenir. Dans la description de la composition minéralogique du clinker, on distingue les phases minéralogiques réelles, identifiées par diffraction des rayons X et que l’on désigne par leurs noms de phase (alite, bélite ferrite, …), des phases potentielles calculées par les formules de Bogue [Bogue, 1929] et que l’on désigne par les notations cimentières C3S, C2S, C3A et C4AF . On appelle « silicates » le C3S et le C2S et « aluminates » le C3A et le ferrite. Cette somme d’aluminates est aussi appelée «célite » pour représenter la phase liquide, par référence à l’alite et à la bélite.
La microstructure du clinker est caractérisée par la présence de gros cristaux de silicates (10 – 30 μm) enrobés dans une phase interstitielle constituée de cristaux micrométriques de C3A et de ferrite entremêlés. On distingue les cristaux d’alite de forme polyédrique des cristaux de bélite de forme arrondie .
Fabrication
La fabrication du ciment se fait en trois étapes majeures :
– Extraction, composition du cru, homogénéisation et broyage,
– Cuisson du cru et production du clinker,
– Fabrication du ciment.
La première étape de fabrication consiste en l’extraction et l’homogénéisation d’un mélange de calcaire, roche composée majoritairement de calcite (CaCO3), et d’argile, roche composée majoritairement d’aluminosilicates hydratés. Le calcaire et l’argile sont les deux roches qui constituent majoritairement « le cru » du ciment, c’est-à-dire les matières premières avant la cuisson. On y incorpore des «ajouts », qui peuvent être des sous-produits de l’industrie de l’acier (cendres de pyrite grillée) qui sont une des sources de fer dans les clinkers (Harrisson 2019) et/ou des sous-produits de l’industrie de l’aluminium (bauxite). Un cru « idéal » est composé de 80% en masse de calcaire et 20% en masse d’argile. Ce mélange de roches et des ajouts est alors broyé finement et souvent désigné « farine » ou « farine crue ». Aujourd’hui, la majorité des cimenteries françaises fonctionnent par le procédé dit « en voie sèche » qui permet de traiter la matière sous forme de suspension aéraulique, sans passer par un mélange avec l’eau. Ce procédé permet une économie d’énergie importante car les anciennes méthodes en voie humide ou semi-humide utilisaient l’eau comme vecteur de transport de la farine. Le four était alors utilisé pour déshydrater le cru ce qui était très consommateur d’énergie thermique pour l’évaporation de l’eau.
Le cru homogénéisé est envoyé dans une tour de préchauffage où il est chauffé jusqu’à 950°C par le flux d’air de combustion à contre-courant du flux de matière. Cette étape intermédiaire permet d’enlever l’eau de constitution des argiles et d’amorcer la cuisson par décarbonatation du calcaire. C’est ce qu’on appelle le pré-chauffage ou préparation du cru.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 – Etat de l’art
1 Introduction
2 Notations usuelles
3 Ciment Portland
3.1 Définition
3.2 Phases principales
3.3 Fabrication
3.4 Modules
3.5 Formules de Bogue
3.6 Surface spécifique
3.7 Hydratation du ciment Portland
3.8 La question des sulfates : l’attaque sulfatique externe
3.9 Ciments résistants aux sulfates
4 Brownmillerite
4.1 Structure
4.2 Solution solide Ca2AlxFe2-xO5
4.3 Ferrite industriel
4.4 Hydratation du ferrite
5 Conclusion
Chapitre 2 – Méthodes expérimentales
Introduction
1 Préparation des échantillons
2 Dissolutions sélectives
1.1 Dissolution des phases silicatées
2.2 Dissolution à l’acide nitrique
2.3 Dissolution des aluminates – KOSH
2.4 Dissolution des sulfates et du C3A
3 Protocole de synthèse des ferrites
4 Conductimétrie
5 ICP-OES
6 Spectroscopie de fluorescence X
6.1 Principe de la méthode
6.2 Conditions expérimentales
7 Diffraction des rayons X
7.1 Principe de la méthode
7.2 Méthode de Rietveld
7.3 Conditions expérimentales
8 Microscopies
8.1 Microscopie optique
8.2 MEB
8.3 Microsonde de Castaing
9 Spectroscopie Mössbauer
10 BET
11 Granulométrie laser
12 Conclusion
Chapitre 3 – Cristallochimie du ferrite
Introduction
1 Analyse des clinkers
1.1 Composition chimique et minéralogique
1.2 Comparaison aux formules de Bogue, avec C3A et sans C3A
1.3 Dissolution KOSH
2 Extraction du ferrite
2.1 Dissolution SAM
2.2 Dissolution à l’acide acétique
2.3 Dissolution à l’acide nitrique
3 Cristallochimie du ferrite industriel
3.1 Diffraction des rayons
3.2 Microsonde de Castaing
3.3 Spectroscopie Mössbauer des ferrites industriels
4 Ferrite de synthèse
4.1 Ferrites sans impuretés
4.2 Ferrites avec impuretés
4.3 Différences entre ferrites synthétiques et industriels
5 Conclusion
Conclusion