Structure et propriétés du polyamide 66 injecté

Découverte et synthèse industrielle du polymère

Le développement du tout premier polymère synthétique de haute performance, le polyamide 66, a débuté au début des années 30 au sein des laboratoires de la société américaine Du Pont de Nemours. A cette époque les dérivés cellulosiques, la Bakélite ou les caoutchoucs synthétiques constituent les seules apparitions de polymères artificiels dans la vie courante. Du Pont de Nemours, qui souhaite se diversifier et rechercher une alternative à la fibre Rayonne (dérivée de l’acétate de cellulose pressenti pour disparaître en raison de ses mauvaises propriétés à basse température) confie alors la direction d’un programme de recherche axé sur la synthèse de polymères à longues chaînes au chimiste Wallace Carothers. Ce dernier, accompagné de son équipe, parvient à synthétiser pour la première fois en 1935 le polyamide 66 par polycondensation de l’acide adipique et l’hexaméthylène diamine. En s’inspirant du procédé de fabrication de la Rayonne, le filage à l’état fondu et sous haute pression du polymère est finalement maitrisé dès 1937 pour permettre la fabrication un fil continu

Commercialisé en 1938 sous l’appellation Nylon (la brosse à dents, puis les bas figurent parmi les premières applications destinées au grand public), le polymère est ensuite exploité par les Alliés pour les besoins de la Guerre (toiles de parachutes, tentes, gilets militaires…). Dans le même temps le polyamide 6 est développé en Allemagne par Paul Schlack, puis le polyamide 11 fait son apparition en France, si bien que les polyamides dans leur ensemble sont rapidement diffusés à grande échelle, d’autant plus que dès 1941, ils sont également distribués sous forme de granulés et de poudres destinés à l’injection de pièces moulées.

Les matériaux à base de polyamide constituent souvent des produits à haute valeur ajoutée, suscitant l’intérêt pour leurs propriétés mécaniques (rigidité, résistance à l’abrasion, dureté), leur bonne stabilité dimensionnelle et leur tenue en température. Ces propriétés destinent tout particulièrement ce polymère aux secteurs de haute technicité : automobile, textiles techniques, composants électronique, médical, sport et loisirs, bien qu’aujourd’hui, la majorité des applications concerne le textile, qu’il soit technique ou non.

En 2013, les polyamides demeurent parmi les polymères les plus utilisés mais représentent pourtant un peu moins de 1% de la demande totale en Europe (loin derrière le polypropylène, le polyéthylène et le PVC) [1]. Environ 35% du volume total de polyamide produit est du polyamide 66, et 15% concerne les secteurs de technicité [2]. Lorsqu’il est injecté, ce thermoplastique « technique » est régulièrement choisi pour se substituer à certains alliages métalliques (aciers, aluminiums). En effet sa masse volumique, d’environ 1.13 g/cm3 , est plus de deux fois moindre de celle de l’aluminium (2.7 g/cm3 ) et sept fois moindre de celle de l’acier (7.85 g/cm3 ). La substitution permet ainsi de réaliser des allègements conséquents tout en facilitant, par le procédé d’injection, la mise en œuvre des pièces les plus complexes.

Description microstructurale du polyamide 66

Le polyamide 66 possède une microstructure semi-cristalline au sein de laquelle coexistent deux formes d’organisation de la matière :
-Un état plus ou moins désordonné, amorphe, pour lequel les chaînes ou portions de chaînes sont de plusenchevêtrées. Il existe sans doute dans le matériau une multitude d’états amorphes correspondant à des degrés de désordre différents. Nous y reviendrons plus loin.
-Un état ordonné et cristallin. Au cours de leur formation, les cristaux s’organisent en cristallites de faibles dimensions qui coexistent avec la phase amorphe. La microstructure du polymère s’organise selon des systèmes qui peuvent être décrits à plusieurs échelles.

Différentes échelles d’organisation

A l’échelle de l’angström : le système cristallin 

La configuration régulière du polyamide 66, le faible encombrement stérique associé aux substituants latéraux rendent possible une conformation étirée en zig-zag planaire [7]. L’existence de groupes amine NH et carboxyle CO permettent à deux chaînes adjacentes de développer des liaisons hydrogènes fortes qui confèrent au matériau une grande cohésion. Lors de la cristallisation les chaînes adoptent donc localement une conformation planaire et s’organisent parallèlement les unes aux autres pour optimiser leurs interactions  .

Les travaux de Bunn et Garner dans les années 40 fournissent une étude incontournable sur les systèmes cristallins du polyamide 66 [10]. Leur lecture nous apprend que le polymère cristallise majoritairementsous la forme d’un système triclinique nommé α. Cette phase cristalline est la plus stable et correspond à une organisation interchaîne qui optimise le nombre de ponts hydrogènes. L’ensemble des chaînes disposées en zigzag planaire s’apparente alors à une structure en feuillets séparés par une distance constante, toujours selon la même direction. Au sein de cette organisation, la maille généralement proposée est telle qu’un des axes cristallographiques est confondu avec l’axe de la chaîne carbonée (noté « c» par convention), tandis que le plan contenant l’axe des liaisons hydrogènes contient l’axe cristallographique « a » .

Les travaux de ces chercheurs ont également permis de découvrir l’existence d’autres organisations moins stables et moins répandues, parmi lesquelles la phase β monoclinique, d’organisation « antiparallèle ». Cette dernière se différencie de la maille α de par l’alternance des feuillets qui s’effectue selon un sens opposé d’un plan à l’autre .

Haberkon et al. qui ont étudié la forme α en détail [13], ont été amenés à distinguer deux types de phases α tricliniques qu’ils nomment α1 et α2. La première serait la plus stable et la plus ordonnée et serait très proche de la maille définie par Bunn et Garner trente années plus tôt. Ce cristal apparaitrait lors d’une cristallisation isotherme au-dessus de 220°C, par recuit au-dessus de 175°C à la suite d’une trempe ou même lors d’un traitement sous air-chaud à 180°C. La forme α2 moins ordonnée, apparaitrait quant à elle lors de cristallisations plus rapides, à des températures inférieures à 100°C [13]. Toutes les conditions de cristallisations différentes de ces cas limites aboutissent à un matériau présentant une certaine proportion de phase α1 et α2, ce qui amènera ces auteurs ainsi que les autres scientifiques par la suite à définir un critère de perfection cristalline basée sur la proportion de phase α1 ou α2. Une forme pseudo-hexagonale notée γ a été également suggérée. Il s’agit d’une forme cristalline métastable résultant d’une transformation progressive de la maille initiale lorsque le polymère est chauffé depuis la température ambiante. Cette transformation résulterait d’une modification de la conformation des chaînes induite par une torsion des groupements méthylènes. Brill et Al. ont observé par la diffraction aux rayons-X cette transition du même nom, qui est complète lorsque la température atteint 170°C [14,15].

A l’échelle de la centaine de nanomètres : la lamelle cristalline

A l’instar de la plupart des polymères, le polyamide 66 cristallise sous forme de lamelles, vraisemblablement via le processus de repliement de chaîne, dans une structure périodique  [17]. La périodicité de l’empilement des cristallites a été caractérisée dans les années 50 par la technique de diffusion aux rayons X aux petits angles (SAXS) [16-18]. La longue période Lp qui définit cette périodicité correspond à la somme de l’épaisseur de la lamelle et de la distance entre deux lamelles adjacentes . Pour le polyamide 66, les épaisseurs de ces lamelles sont très variables selon les conditions de cristallisation puisqu’elles peuvent atteindre de plusieurs dizaines à plusieurs centaines d’angström [19]. Les travaux de Fisher [17] ont montré que chacune des chaînes macromoléculaires dont la longueur dépasse les 103 unités monomères reste globalement inscrite dans une sphère dont le rayon peut atteindre plusieurs dizaines de nanomètres. Compte tenu de la dimension des épaisseurs de lamelles, il est donc fortement probable qu’une même chaîne puisse être constituante à la fois d’une lamelle cristalline ainsi que d’une région amorphe contigüe. Il s’agit là d’un concept évoquant l’existence de chaînes liantes inter-cristallines qui apporteraient une cohésion à l’édifice semi cristallin. Cet aspect est à prendre en compte lors de l’analyse des mécanismes de déformations du matériau mis en jeu dans cette étude.

A l’échelle du micron : la superstructure sphérolitique

Lors d’une cristallisation statique c’est-à-dire en l’absence de contraintes importantes comme c’est souvent le cas au cœur des pièces injectées, les cristallites issues d’un même germe s’organisent en superstructures plus ou moins sphériques : les sphérolites. Ces objets, dont le diamètre atteint généralement plusieurs microns, sont constitués de lamelles cristallines orientées globalement de façon radiale et séparées par l’amorphe résiduel . La formation de ces structures s’effectue en deux phases. Une étape préliminaire de nucléation (ou germination) voit apparaître des germes dans le matériau fondu. Ces objets peuvent être un germe cristallin issu du polymère lui-même, ou bien un élément extérieur comme une impureté, une charge, une fibre, un agent nucléant ou encore la paroi d’un moule. Ensuite durant l’étape de croissance, les morphologies des entités cristallines évoluent: les axialites des premiers instants croissent puis se referment progressivement sur lui-même pour adopter une géométrie sphérique .

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Structure et propriétés du polyamide 66 injecté
1.1 Découverte et synthèse industrielle du polymère
1.2 Description microstructurale du polyamide 66
1.2.1 Différentes échelles d’organisation
1.2.1.1 A l’échelle de l’angström : le système cristallin
1.2.1.2 A l’échelle de la centaine de nanomètres : la lamelle cristalline
1.2.1.3 A l’échelle du micron : la superstructure sphérolitique
1.2.2 Une phase amorphe aux propriétés multiples
1.2.2.1 Mobilité des macromolécules
1.2.2.2 Hydrophilie et influence de l’humidité sur les propriétés du matériau
1.2.2.3 Une phase amorphe hétérogène au sein d’un matériau non-binaire
1.3 Le procédé d’injection et son influence sur la microstructure du matériau
1.3.1 Description du procédé de moulage par injection
1.3.1.1 Plastification et transport de matière
1.3.1.2 Remplissage
1.3.1.3 Compactage ou maintien
1.3.1.4 Refroidissement et éjection
1.3.2 Cristallisation dans les conditions de la mise en œuvre
1.3.2.1 Influence de l’écoulement et des contraintes de cisaillement
1.3.2.2 Influence de la surface du moule
1.3.2.3 Influence de la vitesse de refroidissement
1.3.2.4 Influence des gradients thermiques
1.3.2.5 Influence de la pression
1.3.2.6 Influence de la vitesse d’injection
1.3.3 Evolutions des microstructures locales induites par le procédé d’injection
1.3.3.1 Evolutions dans l’épaisseur de la pièce
1.3.3.2 Evolutions dans la direction de l’écoulement
1.4 Influence de la microstructure sur le comportement mécanique du polyamide 66
1.4.1 Influence des régions cristallines
1.4.1.1 Taux de cristallinité
1.4.1.2 Morphologies cristallines
1.4.2 Influence des régions amorphes et visco-élasticité
1.5 Choix des matériaux d’étude, propriétés générales
Bibliographie du chapitre 1
Chapitre 2 : Techniques expérimentales
2.1 Caractérisation de la microstructure : du macroscopique au microscopique
2.1.1 Microscopie optique en lumière polarisée
2.1.1.1 Principe et intérêt
2.1.1.2 Préparation des échantillons et mode d’observation
2.1.2 Dilatométrie libre
2.1.2.1 Intérêt
2.1.2.2 Montage expérimental
2.1.3 Calorimétrie différentielle à balayage
2.1.3.1 Principe
2.1.3.2 Intérêt et grandeurs déterminées
2.1.3.3 Protocole expérimental
2.1.4 Diffraction des Rayons-X aux grands angles
2.1.4.1 Principe et intérêt
2.1.4.2 Détermination des paramètres microstructuraux
2.1.4.3 Montage expérimental
2.1.4.4 Méthodologie d’analyse et de décomposition des résultats
2.1.5 Diffusion des Rayons-X aux petits angles
2.2 Analyse d’un champ de déformations par corrélation d’images numériques
2.2.1 Principe général et justification du choix de la technique
2.2.2 Conditions expérimentales
2.2.2.1 Systèmes d’acquisition
2.2.2.2 Mise au point et réglage de l’exposition
2.2.2.3 Conditions d’éclairage
2.2.2.4 Texturation de la surface de mesure des échantillons
2.2.2.5 Conditions de corrélation
2.3 Caractérisation du comportement mécanique local
2.3.1 Analyse mécanique dynamique
2.3.1.1 Principe et intérêts
2.3.1.2 Conditions expérimentales
2.3.2 Essais de tractions uni-axiales à grandes déformations
2.3.2.1 Mise en place du dispositif expérimental
2.3.2.2 Géométrie des éprouvettes
2.3.2.3 Expression des déformations et contraintes
2.3.2.4 Conditions de chargement
2.4 Préparation des éprouvettes et cartographie des essais
2.4.1 Usinage des éprouvettes d’essai
2.4.2 Ajustement des teneurs en eau
Bibliographie du chapitre 2
Chapitre 3 : Microstructure et comportement thermomécanique : caractérisation des évolutions locales dans une plaque injectée
3.1 Caractérisation de la microstructure locale des plaques
3.1.1 Observations préliminaires par microscopie optique
3.1.1.1 Evolutions morphologiques dans l’épaisseur
3.1.1.2 Evolutions dans la direction de l’écoulement
3.1.2 Approche complémentaire : dilatation thermique
3.1.2.1 Evolutions dans l’épaisseur
3.1.2.2 Evolutions dans la direction de l’écoulement
3.1.3 Fusion et caractérisation des lamelles cristallines
3.1.3.1 Analyse qualitative
3.1.3.2 Analyse quantitative
3.1.4 Diffraction et diffusion du matériau aux rayons X
3.1.4.1 Décomposition des contributions au signal de diffraction
3.1.4.2 Estimations de la cristallinité
3.1.4.3 Anisotropie des domaines cristallins
3.1.4.4 Tailles apparentes des cristallites et longues périodes
3.1.4.5 Perfection cristalline
3.1.4.6 Interprétations du halo amorphe
3.1.5 Modifications cristallines au cours de la chauffe du matériau
3.1.5.1 Transition de Brill
3.1.5.2 Cristallisation froide
3.1.6 Synthèse : cartographie des états microstructuraux
3.1.6.1 Une organisation à plusieurs couches
3.1.6.2 Des évolutions subtiles dans la direction de l’écoulement
3.2 Caractérisation du comportement mécanique
3.2.1 Analyse mécanique dynamique
3.2.1.1 Evolutions dans l’épaisseur
3.2.1.2 Evolutions dans la direction de l’écoulement
3.2.1.3 Anisotropie
3.2.1.4 Impact de la fréquence de sollicitation
3.2.1.5 Amortissements maximaux
3.2.1.6 Effets d’humidité
3.2.1.7 Equivalence temps température humidité
3.2.2 Approche en grandes déformations : essais de traction uni-axiale
3.2.2.1 Comportement global sur l’épaisseur
3.2.2.2 Impact de l’humidité sur le matériau
3.2.2.3 Comportement spécifique des couches superficielles et des couches profondes
Bibliographie du chapitre 3
Conclusion

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