Structure et fonctions des hémoglobines

Structure et fonctions des hémoglobines 

L’hémoglobine est un hétérotétramère composé de quatre chaines polypeptidiques, les chaines de globine, dont il existe plusieurs entités (leur structure primaire). Normalement, une molécule d’hémoglobine est formée de deux types de chaines, identiques deux à deux. L’hémoglobine A (HbA), la forme majoritaire circulant dans le sang des adultes est constituée de deux chaines de type alpha (α) et deux chaines de type beta (β). La chaine α comporte 141 résidus d’acides aminés et la chaine β 146 ; Les chaines de globine portent toutes de nombreuses hélices alpha (hélices classiques 3,6-13) dans leur structure secondaire, 7 pour la chaine α (notées de A à G) et 8 pour la chaine β (notées de A à H). La poche contenant l’hème se trouve entre les hélices E et F pour les deux types de chaines. L’ion Fe2+ est liée à l’His F8 en position 87 dans la chaine α et en position 92 dans la chaine β. L’hémoglobine est une métalloprotéine à fer, porteuse de groupements prosthétiques (non peptidiques) de nature héminique, la protoporphyrine IX. (Voir figure 1) L’hémoglobine apporte l’O2 nécessaire à la respiration cellulaire dont le but est de produire de l’ATP, et se charge en CO2 pour l’éliminer sous forme gazeuse dans l’expiration. Un pH bas diminue l’affinité de l’hémoglobine pour l’O2, c’est l’effet Bohr, bien connu des physio pathologistes de la respiration et des réanimateurs. Le 2,3-biphosphoglycerate (2,3 BPG), produit de la glycolyse, diminue lui aussi l’affinité de l’hémoglobine pour l’O2 en stabilisant la forme désoxygénée. L’affinité pour l’O2 est plus grande pour la myoglobine que pour l’hémoglobine F (dite fœtale), elle-même plus grande que pour l’hémoglobine A. L’hémoglobine possède un caractère amphotère : basique par carbamylation (fixation de l’acide carbonique) et acide en se déprotonant, pour la forme oxygénée comme pour celle désoxygénée :

– HbH ➞ Hb- + H+
– HbOH ➞ HbO- + H+

Ce caractère apporte à l’hémoglobine un pouvoir tampon important étant donné sa concentration d’environ 150 g/L. L’hémoglobine possède aussi des propriétés péroxydasiques :

– H2O2 ➞ ½ O2 + H2O

La molécule complète d’hémoglobine (avec fer héminique) absorbe dans l’ultraviolet à 380 nm (bande de Soret, qui représente l’absorption des électrons π du noyau porphyrine) et dans le visible entre 500 et 600 nm (couleur rouge). Après traitement au ferricyanure (réactif de Drabkin) elle devient bleue (pic à 540 nm) et après oxydation en méthémoglobine (Fe3+), elle absorbe à 630 nm.

Evolution ontogénique des hémoglobines humaines 

Chez l’homme, il existe différentes formes d’hémoglobines en fonction du stade de développement depuis l’embryon jusqu’à l’âge adulte, en passant par le fœtus puis le nouveau-né. En effet, l’érythropoïèse débute dans la lignée primitive érythroblastique du sac vitellin avec l’activation des loci α et β dès la fin de la troisième semaine de gestation. Pendant cette phase se sont les hémoglobines embryonnaires qui sont synthétisées. Au stade fœtal, la synthèse de l’hémoglobine fœtale est d’abord réalisée dans le foie (jusqu’à la vingtième semaine) puis dans la rate et la moelle osseuse. La biosynthèse de l’hémoglobine de l’adulte débute dès la dixième semaine dans les érythroblastes de la moelle osseuse et dans les réticulocytes circulants. Toutes les hémoglobines sont des tétramères mais se distinguent par la nature des chaînes de globine qui les constituent. Trois hémoglobines embryonnaires sont successivement synthétisées : Gower 1 (ξ2ε2), Gower 2 (α2ε2) et Portland (ξ2γ2). Dès la cinquième semaine de gestation, les hémoglobines embryonnaires sont progressivement remplacées par l’hémoglobine fœtale (α2γ2) qui devient alors majoritaire à partir de la dixième semaine de gestation et ceux jusqu’à la naissance. L’adulte sain, trois hémoglobines différentes coexistent : – L’hémoglobine HbA (α2β2) qui représente la majorité des hémoglobines retrouvées dans le globule rouge (97% de l’hémoglobine totale).
– L’hémoglobine HbA2 (α2δ2) constitue moins de 3% des hémoglobines érythrocytaires.
– L’hémoglobine F ou fœtale (α2γ2) est présente à l’état de traces (moins de 1%) .

Organisation et localisation des gènes de globine

Tous les gènes de la globine dériveraient d’un gène ancestral commun. Ce gène se serait dupliqué successivement pour donner naissance à différents gènes codant respectivement pour la myoglobine qui est la protéine responsable du transport de l’oxygène dans le muscle, et les deux chaînes alpha et bêta qui constituent l’hémoglobine [15].

Les gènes de la famille alpha

Les gènes de type α sont regroupés sur le chromosome 16, au niveau de la partie terminale du bras court. La famille α comporte 3 gènes fonctionnels : le gène ζ code pour la chaîne embryonnaire ζ, et précède les deux gènes des chaînes α : α1 et α2. Les gènes Ψζ, Ψα1 et Ψα2 sont, quant à eux, des pseudogènes non fonctionnels. Les gènes α1 et α2 codent tous deux pour la même chaîne de globine α, et ce de manière équivalente : en effet, l’ARNm du gène α2, transcrit en plus grande quantité du fait de la meilleure efficacité de son promoteur, contre balance la traduction plus active de l’ARNm du gène α1 [4].

Les gènes de la famille bêta 

Ils sont localisés sur le bras court du chromosome 11 (dans un fragment d’ADN de 60 Kb) et il comprend de 5´ vers 3´ :
– un gène β, dont l’expression débute à la fin du premier trimestre de gestation
– un gène δ, fonctionnel après la naissance ;
– deux gènes γA et γG qui diffèrent par la variation d’un acide aminé en position 136 de la chaîne fœtale (glycine et alanine) ;
– un gène ε embryonnaire.

Le gène β n’est pas dupliqué, contrairement aux gènes α. Les lésions qui touchent les gènes β s’expriment :
– pour 50% de l’hémoglobine totale si un seul gène est atteint ;
– pour 100% de l’hémoglobine totale si aucun des deux gènes n’est fonctionnel.

En conséquence, la plupart des lésions qui portent sur le gène β sont plus sévères que celles qui atteignent les gènes α .

Régulation de l’expression des gènes des globines 

La régulation de l’expression de l’Hb est complexe car elle doit assurer la spécificité érythroïde de l’expression, l’expression séquentielle des différentes hémoglobines au cours du développement, un équilibre de production des différentes chaînes (α/γ puis α/β) et une coordination avec la biosynthèse de l’hème. Schématiquement, deux familles de gènes (ou cluster) contrôlent l’expression des chaînes de globine : le cluster alpha et le cluster bêta. Dans ces 2 familles, l’ordre des gènes sur le chromosome de 5’ en 3’ est le même que celui de leur expression au cours du développement. Le cluster alpha, situé sur le chromosome 16, proche de la région télomérique (16p13.3), comporte trois gènes fonctionnels : un gène embryonnaire ζ (HBZ) et deux gènes exprimés dès la vie fœtale α2 (HBA2) et α1 (HBA1). Entre 25 65 kb en amont des gènes α2 et α1, se situent 4 régions non codantes hautement conservées : « multispecies conserved sequences » (MCS-R1 à MCS-R4), qui contrôleraient l’expression des gènes du cluster alpha. À l’heure actuelle, seul MCSR2 (connu aussi comme HS-40) a été démontré comme essentiel à l’expression des gènes α. Ce cluster ne subit qu’une seule transition ou « Switch » d’expression de gènes, ζ vers α, qui a lieu dès la 6e semaine de vie embryonnaire. Le cluster bêta, situé sur le chromosome 11, comporte 5 gènes fonctionnels : un gène embryonnaire ε (HBE1), deux gènes fœtaux Gγ et Aγ (HBG2 et HBG1) et deux gènes adultes δ et β (HBD et HBB). De façon similaire à la famille des gènes α, en amont des gènes se situe le « regulatory locus control région » (LCR) jouant un rôle primordial dans le contrôle de l’expression des gènes de la famille β au cours du développement. Ainsi, l’expression érythroïde-spécifique et séquentielle des gènes résulte de l’interaction du LCR de façon spécifique avec les promoteurs individuels des gènes de globine par formation de boucles chromatiniennes complexes. Ce cluster est le siège de deux « Switch » consécutifs : le premier de ε vers γ a lieu précocement durant la vie embryonnaire ; le second de γ vers δ et β, beaucoup plus tardif commence à la fin de la vie fœtale. Ce dernier, responsable de la transition de l’HbF vers l’HbA, est encore actuellement imparfaitement élucidé. Il fait intervenir un ensemble complexe et intriqué de facteurs de transcription, dont un des derniers découverts récemment, BCL11a, semble avoir un rôle majeur comme répresseur de l’expression des gènes γ .

LES HEMOGLOBINOPATHIES

Les hémoglobinopathies sont définies par la présence d’anomalies qualitatives et/ou quantitatives touchant les chaînes de globine. À ce jour, plus de 700 hémoglobines anormales (Hb) ont été décrites. Les anomalies qualitatives conduisent à la production d’une hémoglobine de structure anormale. Parmi ces variants, les mieux connus sont l’Hb S à l’origine de la drépanocytose, l’Hb C et l’Hb E, et ceci en raison des conséquences cliniques et/ou biologiques qu’ils sont susceptibles d’engendrer. Toutefois, une majorité de variants est asymptomatique et reste de ce fait méconnue ou de découverte fortuite. Les anomalies quantitatives de l’hémoglobine résultent de la synthèse diminuée des chaînes de globine et définissent ainsi les thalassémies. Enfin, il existe dans certains cas une association d’anomalies quantitatives et qualitatives de l’hémoglobine .

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. GENERALITES SUR L’HEMOGLOBINE
1. Structure et fonctions des hémoglobines
2. Evolution ontogénique des hémoglobines humaines
3. Organisation et localisation des gènes de globine
3.1. Les gènes de la famille alpha
3.2. Les gènes de la famille bêta
4. Régulation de l’expression des gènes des globines
II. LES HEMOGLOBINOPATHIES
1. Anomalies de structure de l’hémoglobine (variants Hb)
1.1. La drépanocytose
1.1.1. Définition
1.1.2. Historique
1.1.3. Répartition géographique
1.1.4. Mode de transmission
1.1.5. Physiopathologie de la drépanocytose
1.1.6. Les aspects cliniques de la drépanocytose
1.2. L’hémoglobinose C
1.2.1. Définition
1.2.2. Répartition géographique
1.2.3. Physiopathologie
1.2.4. Aspects cliniques
1.3. Hémoglobinose E
1.3.1. Répartition géographique
1.3.2. Physiopathologie de l’hémoglobinose E
1.3.3. Les aspects cliniques
1.4. Hémoglobinose O-Arab
1.4.1. Répartition géographique
1.4.2. Tableaux cliniques et biologiques
1.5. Hémoglobinose D-Punjab
1.5.1. Répartition géographique
1.5.2. Aspects cliniques et biologiques
1.5.3. Hémoglobinose M
2. Anomalies génétiques de la synthèse de la globine (Thalassémies)
2.1. Anomalies de la famille bêta (β thalassémies)
2.1.1. Epidémiologie
2.1.2. Physiopathologie des β-thalassémies
2.1.3. Classification des lésions moléculaires des β-thalassémies
2.2. Anomalies de la famille alpa (α thalassémies)
2.2.1. Epidémiologie
2.2.2. Physiopathologie et classification des lésions moléculaires
2.2.3. Classifications cliniques des α-thalassémies
2.3. Autres anomalies de synthèse de l’hémoglobine
III. LES TECHNIQUES D’ETUDE DE HEMOGLOBINE
1. Les Techniques Non Séparatives
1.1. Le Frottis sanguin
1.2.Test de solubilité de l’hémoglobine ou test d’Itano
2. Les techniques séparatives
DEUXIEME PARTIE
I. METHODOLOGIE
1. Type et cadre d’étude
2. Population d’étude
2.1 Critères d inclusions
2.2 Critères de non inclusion
3. Paramètres étudiés
4. Echantillonnage
5. Méthodes
5.1. Test d’Emmel
5.2. Electrophorèse capillaire en zone MINICAP®
6. Exploitation statistique
II. RESULTATS
1. Répartition de la population d’étude par tranche d’âge
2. Répartition de la population suivant le sexe
3. Fréquence des profils hémoglobiniques
4. Répartition de la population en fonction du sexe et du profil de l’Hb
III. Commenaires
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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