Les tensioactifs
Les tensioactifs sont des molécules amphiphiles qui, de par leur nature chimique, vont diffuser favorablement à l’interface. On distingue différents types de tensioactifs que sont les tensioactifs anioniques (la tête polaire porte une charge négative), cationiques (charge positive), amphotères (charges positives et négatives) ou non ioniques (pas de charge). Dans le cas d’une mousse aqueuse, la tête polaire des tensioactifs est orientée favorablement vers la phase aqueuse et la chaîne aliphatique hydrophobe vers la phase gaz. Dans cette configuration, les tensioactifs diminuent la tension superficielle de l’interface en venant y former une monocouche comme présenté sur la figure 2a. Celle-ci est complète avant que la concentration en tensioactifs atteigne la concentration micellaire critique (CMC) et les autres molécules tensioactives vont ensuite rester en solution et favorablement former des micelles, des agrégats de tensioactifs sphériques. L’augmentation de la concentration n’a alors plus d’impact sur la tension superficielle [19]–[21]. La valeur de la CMC est principalement dépendante de la nature chimique du tensioactif. Les tensioactifs à l’interface ne restent en réalité pas en place, mais rétrodiffusent en continu dans le bulk et sont ainsi remplacés par les tensioactifs qui restent en solution [22]. Cette dynamique de diffusion est grandement responsable de la viscoélasticité des films de mousse dont la tension superficielle augmente localement là où le film s’amincit lors de sollicitations mécaniques. La différence de tension superficielle conduit alors à un phénomène de diffusion des tensioactifs vers ces zones affaiblies, connu sous le nom d’effet Marangoni [23], qui tend à replacer le système à l’équilibre. Ainsi, la quantité de tensioactifs présents en solution doit être suffisante pour que le film puisse encaisser certaines déformations et les conditions optimales de stabilité d’une mousse sont généralement atteintes pour des concentrations en tensioactifs bien au-delà de la CMC. Les têtes polaires des tensioactifs jouent également un rôle important pour la stabilité des films de mousses. En effet, elles apportent une contribution (sous forme d’opposition stérique et/ou électrostatique si le tensioactif est chargé) à la pression de disjonction, qui s’oppose au rapprochement des deux interfaces liquide/gaz constituant le film, évitant ainsi sa rupture [19], [24]–[26]. Les tensioactifs sont donc un des acteurs principaux de la stabilité des mousses. On peut également différencier les tensioactifs par leur poids moléculaire. Les tensioactifs imposants ont une cinétique de diffusion plus lente à l’interface et ne sont donc pas de très bon agents moussant, mais les mousses obtenues seront plus stables dans le temps à condition de ne pas être sollicitées mécaniquement [27]. Les petits tensioactifs diffusent beaucoup plus vite à l’interface, ce qui facilite grandement le moussage, mais les mousses obtenues seront cinétiquement moins stables. La combinaison en co-tensioactif est parfois privilégiée pour l’obtention de systèmes moussant facilement et stables dans le temps [28].
Mousses monodisperse ordonnées
Les mousses monodisperses sont généralement considérées comme telles lorsque leur indice de polydispersité est inférieur à 5% [33]. Contrairement à la majorité des mousses qui sont plutôt polydisperses, les mousses monodisperses sont capables de s’ordonner spontanément, et une analogie peut même être faite entre leur structure et un empilement classique de sphères solides. On peut distinguer deux cas limites. Dans le cas d’une mousse en limite sèche où ?? est très faible, le problème des empilements parfaits de bulles a été très tôt étudié. Le physicien Lord Kelvin énonce ainsi en 1887 une conjecture sur l’existence d’un pavage complet de l’espace à 3 dimensions par des cellules de volumes identiques et de surfaces minimales. Longtemps, l’octaèdre tronqué qui présente 14 faces (8 hexagones et 6 carrés observables sur la figure 6a), connu aujourd’hui sous le nom de cellule de Kelvin, était présenté comme la solution optimale de ce problème et correspondait à la géométrie d’une tesselation de Voronoi d’un empilement cubique centré (CC). Cependant, la structure de Weaire et Phelan, découverte en 1994, est venue contredire cette solution [34][35]. Elle consiste en un assemblage de dodécaèdres réguliers avec 12 faces pentagonales et de trapézoèdres hexagonaux tronqués avec 12 faces pentagonales et 2 faces hexagonales comme présenté sur la figure 6b. Plus récemment, une nouvelle structure a été proposée par Opsomer et Vandewall [36] à l’aide d’un algorithme de recherche des structures. Cependant, la solution ici proposée est un assemblage de cellules à 12 et 16 faces qui ont un volume significativement différent et ne respectent donc plus la conjoncture de Kelvin. Il est également important de noter que si la cellule de Kelvin est facilement obtenue expérimentalement [33], [37], [38], la structure de Weaire et Phelan n’a été observée qu’en contact avec une surface modifiée qui prend en compte les conditions aux limites de la structure [39]. Ainsi, la majeure partie des études se basant sur des hypothèses de mousses sèches ont été réalisées en considérant la géométrie de la cellule de Kelvin.
Génération de mousse, l’outil microfluidique
Par définition, la microfluidique désigne l’utilisation de systèmes, manipulant de très faibles quantités de fluide, pourvus de canaux dont au moins l’une des dimensions est de l’ordre du micromètre à quelques centaines de micromètres. La microfluidique est née du désir d’explorer les possibilités du monde microscopique. Son idée même remonte aux années 1980 et accompagne le développement des premiers systèmes électromécaniques, ou MEMS (Micro Electro Mechanical Systems) dont la taille des composants caractéristiques avoisine le micron [93], [94]. Il faut pourtant attendre la décennie suivante pour voir se développer la microfluidique à proprement parler, avec la mise au point par Mantz et Guillot [95] d’un premier type de réseau dont les canaux sont de taille inférieure au millimètre. En mécanique des fluides, la microfluidique présente de très nombreux avantages, ce qui justifie le grand nombre de publications et de journaux dédiés à son étude au cours des dix dernières années et qui en font un domaine extrêmement actif [96]–[98]. Lors du confinement d’un écoulement, des phénomènes habituellement peu dominants à l’échelle macroscopique, comme la capillarité par exemple, sont grandement mis en avant. Il est également possible d’en négliger certains autres, qui au contraire montrent des tendances dominantes à l’échelle macroscopique, comme les forces de gravité. En physicochimie, l’augmentation importante du ratio surface sur volume qu’implique le confinement en fait un outil d’analyse prometteur qui permet de s’intéresser plus en détail aux interfaces, aux comportements des phases en présence, aux transferts de matière et de chaleur, etc. Outre les avantages précédemment cités, les microsystèmes sont très flexibles en termes de dimensions et de géométrie et mettent en jeu de faibles volumes. Dans le cadre de l’élaboration de mousses, la microfluidique constitue un outil puissant déjà bien présent dans de nombreuses applications et qui permet de contrôler efficacement la taille de bulle [11], [57], [58], [61], [99]–[101]. Dans cette partie, nous présenterons les méthodes de moussage microfluidique en détaillant les mécanismes et grandeurs mis en jeu. Nous nous intéresserons notamment au contrôle de la taille de bulle grâce aux paramètres de l’écoulement, aux dimensions des géométries utilisées et à la nature de la phase moussante.
Séchage des films de mousse PUD
Une fois le film mis en forme, l’eau présente dans le système s’évapore, ce qui contribue à concentrer les particules jusqu’à figer la structure, permettant ainsi de limiter les différents mécanismes de vieillissement. Pour accélérer ce processus et assurer un séchage reproductible, les mousses sont placées dans une enceinte climatique dont la température et le taux d’humidité sont contrôlés. La température imposée est constante et égale à 20 °C. La valeur du taux d’humidité est importante, car il détermine la vitesse d’évaporation de l’eau du système. Si une évaporation rapide semble intéressante pour figer rapidement la structure et limiter son évolution, celle-ci s’accompagne de phénomènes de retraits car il y a environ 55% d’eau pour 45% de particules pour la phase liquide du système. Ainsi, un taux d’humidité trop faible entraîne un retrait rapide générant d’importante fracture au cœur du film (voir figure 7). Un taux d’humidité de 40% limite drastiquement l’apparition de telles fractures. Lors du séchage, la mousse continue de drainer. Si le temps de prise imposé par le séchage est trop long, alors l’échantillon présente un gradient de densité trop important. La fraction solide du bas de l’échantillon est plus importante que celle du haut de l’échantillon. Un taux d’humidité de 40% apparait alors suffisant pour limiter le drainage pour les valeurs de ?? obtenue dans ce travail. Nous avons également constaté qu’un mécanisme d’entraînement des particules était en compétition avec le drainage et dépendait lui aussi du taux d’humidité imposé. Pour un taux d’humidité de 40%, lorsque la concentration en particules est trop faible (???? faible), alors le film présente un gradient de fraction solide volumique inverse, le bas de l’échantillon est beaucoup moins dense que le haut de l’échantillon (voir figure 7b), ce qui limite les valeurs de ?? accessibles. Ce mécanisme semble également être dépendant de la valeur de ?0 qui, lorsqu’elle est trop faible, conduit à un résultat similaire. Dans ce travail, les films de mousse PUD ont été séchée avec un taux d’humidité de 40% permettant la réalisation d’échantillons homogènes (pas de gradient de ?? dans l’épaisseur) pour des valeurs de ?? comprises entre 0.08 et 0.3. Les échantillons sont laissés toute une nuit dans l’enceinte (soit environ 12 heures).
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Etat de l’art
1. Des mousses liquides aux mousses solides
1.1. Stabilité des mousses liquides
1.1.1. Mousses et tension superficielle
1.1.2. Les tensioactifs
1.2. Structure des mousses liquides
1.2.1. La fraction liquide
1.2.2. Loi de Young-Laplace
1.2.3. Lois de Plateau
1.2.4. Organisation géométrique des mousses
Mousses monodisperse ordonnées
Mousses monodisperses désordonnée
Mousses polydisperses
1.2.5. Structure des éléments de réseau, effet de la fraction liquide volumique
1.3. La pression osmotique
1.4. Phénomènes de vieillissement
1.4.1. Processus de réarrangement T1 et T2
2.4.2. La coalescence
1.4.3. Le mûrissement
1.4.4. Le drainage
Drainage gravitaire
Drainage forcé
2. Mécanique des mousses solides
2.1. Morphologie des mousses solides
2.1.1. La fraction solide ou densité relative
2.1.2. Microstructure
2.2. Mécanismes de déformation
2.2.1. Compression
2.2.2. Elongation
2.3. Comportement mécanique avec la fraction solide, les modèles de mousses cristallisées
2.3.1. Les approches historiques
2.3.2. Le modèle cubique de Gibson et Ashby
2.3.3. Le modèle de Kelvin
2.3.4. Le modèle cubique face centrée
2.4. Comportement viscoélastique des mousses polymères
2.4.1. Principe et modélisation
2.4.2. Comportement mécanique de mousses viscoélastiques
3. Génération de mousse, l’outil microfluidique
3.1. Génération de mousse dans une géométrie microfluidique
3.2. Mécanisme de rupture et taille des objets
Conclusion
Chapitre 2 : Matériaux et méthodes
1. Dispositif de génération de films de mousse à morphologie contrôlée
1.1. Dispositif et système
1.2. Génération de la mousse aqueuse précurseur
1.3. Mélange avec la dispersion de polyuréthane
1.4. Mise en forme du film de mousse PUD
1.5. Séchage des films de mousse PUD
1.6. Réticulation du polymère par cuisson
2. Techniques d’analyse de la structure des films de mousse
2.1. Principe de la mesure
2.2. Seuillage des images
3. Mesures mécaniques en élongation
3.1. Analyse mécanique dynamique : Principe de mesure
3.2. Mesures en DMA
3.2.1. Mesure de la température de transition vitreuse
3.2.2. Reproductibilité des mesures de modules de conservation
3.3. Temps optimal de réticulation du polymère
3.3.1. Génération de films PUD
3.3.2. Détermination du temps optimal de réticulation pour les échantillons
3.4. Essais de rupture
4. Mesures de compression au rhéomètre
4.1. Géométrie et séquence d’essai
4.2. Mesures en compression
4.2.1. Caractéristiques géométriques des échantillons
4.2.2. Grandeurs mécaniques
Complément : Well-controlled foam-based solid coatings
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Materials
2.2. Production of the foam coatings
2.2.1. Production of the precursor aqueous foam
2.2.2. Polymer suspension / precursor foam mixing
2.2.3. Shaping and curing of the foam coating
2.3. Morphology characterization
3. Results and discussion
3.1. Control of the density
3.2. Control of the pore size distribution
3.3. Control of the coating’s thickness
3.4. Control of the structure
4. Conclusion
Complément : Tomographie à rayons X
1. Profils de fraction solide volumique et structure CFC
2. Structure des mousses monodisperses, position des proches voisins
Chapitre 3 : Propriétés mécaniques des films de mousse en élongation uniaxiale
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Elastic modulus for the PU matrix and foam samples
2.2. Foam ribbon tension at high strain
3. Results
3.1. Foam structure
3.2. Viscoelastic behavior
3.3. Foam ribbon small strain mechanics
3.4. Foam ribbon high strain mechanics
4. Discussion
Conclusion
Complément : Caractérisation de la viscoélasticité des mousses
1. Modèle généralisé de Maxwell
1.1. Loi de comportement du modèle
1.2. Résolution du système
1.2.1. Essai d’élongation uniaxiale continue
1.2.2. Essai de relaxation de la contrainte
1.2.3. Essai oscillatoire en élongation
2. Ajustements du modèle
2.1. Ajustements réalisés sur la matrice polyuréthane
2.1.1. Elongation uniaxiale continue
2.1.2. Relaxation de la contrainte
2.1.3. Elongation uniaxiale oscillatoire
2.1.4. Modèle complet
2.2. Ajustements réalisés sur les mousses polyuréthanes
2.2.1. Elongation uniaxiale continue
2.2.2. Relaxation de la contrainte
2.2.3. Elongation uniaxiale oscillatoire
2.3. Comparaison entre la matrice et les mousses
Chapitre 4 : Propriétés mécaniques des films de mousse en compression uniaxiale
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Foam structure
2.2. Compression tests on foams
3. Results
3.1. Foam morphology
3.1.1. Polydisperse foams
3.1.2. Monodisperse foams
3.2. Foam mechanics
3.2.1. Matrix and foam viscoelasticity
3.2.2. Polydisperse foams
3.3.2. Monodisperse foams
4. Discussion
4.1. Overview of the results for compression of the foam coatings
4.2. Elastic modulus of monodisperse samples
4.3. Structure-induced foam buckling behavior
Conclusion
Complément : Mesures complémentaires
Complément : Pixellisation, influence de la taille du voxel
Complément : Mousses bidisperses
1. Generation
2. Bidisperse foam coatings morphology
3. Bidisperse foams mechanics
4. Elements of discussion
Conclusion et perspectives
Bibliographie
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