Structure et Dynamique des écosystèmes inondables

Située entre milieu terrestre et milieu marin, la mangrove caractérise les littoraux et les estuaires tropicaux. Couvrant entre 100 000 et 181 000 km² à travers le monde selon les estimations (Blasco, 1991 ; Spalding et al., 1997), on la retrouve de la Floride au Sud de Saõ Paulo dans l’Atlantique, du Mozambique à l’Inde dans l’océan Indien, de la Nouvelle-Zélande au Sud du Japon dans l’océan Pacifique (Figure 1). Cette aire de répartition de la mangrove peut être scindée en 2 aires disjointes de part leur composition floristique :
➤ Une aire Atlantique regroupant une dizaine d’espèces
➤ Une aire Indo-Pacifique regroupant une quarantaine d’espèces.
La plupart de ces espèces ont développé des mécanismes adaptatifs leur permettant de pallier aux contraintes du milieu. La mangrove est, en effet, un milieu ouvert sur la mer, régulièrement soumis à l’action des marées ce qui se traduit par un milieu exportant la quasitotalité de la matière organique produite, salé, ainsi qu’un substrat asphyxiant et instable.

Souvent mal perçu et décriée dans la littérature grand public, la mangrove est présente dans les esprits comme un milieu insalubre, dangereux et inutile. Cette image tend à se modifier, notamment grâce à sa valorisation économique et aux aménagements touristiques dont elle fait l’objet (Réserve naturelle du Grand Cul-de sac marin – Guadeloupe ; Parcs Nationaux en Floride, en Thaïlande, en Inde… ). Par ailleurs, la mangrove joue un rôle très important dans l’économie de nombreux pays comme ressource de bois d’œuvre, de bois de chauffage, la production de poissons ou de crevettes dans des fermes aquacoles, l’extraction de sel…(ANPE, 1996; Bacon & Alleng, 1992; Baharuddin Nurkin, 1994 ; Blasco, 1975, 1991; Chong et al., 1996; Delmas, 1973; Demagny et al., 1974 ; Farnsworth & Ellison , 1997 ; Kermarrec & Salvat, 1978 ; Lee, 1997 ; Marshall, 1994; Portecop, 1980 ; Rasolofo, 1997 ; Rojas Beltran, 1986 ; Saenger & Bellan, 1995) .

La mangrove a une valeur de protection des côtes (Mazda et al., 1997a; Othman, 1994; Saad et al. 1999 ) par réduction de l’énergie des vagues et, dans les terres en voie d’émersion, elle joue un rôle dans la fixation de sol (Blasco, 1991 ; Cahoon & Lynch, 1997 ; Furukawa & Wolanski, 1996 ; Furukawa et al., 1996 ; Young & Harvey, 1996) .

Le contexte de l’étud

Contexte scientifique

Depuis de nombreuses années, la mangrove est un des thèmes de recherches majeur au Laboratoire d’Ecologie Terrestre (LET). Ces recherches, initiées par le directeur du LET, F. Blasco par ses travaux en Inde, sont maintenant poursuivies dans de nombreuses régions du globe grâce à de multiples collaborations dans différents pays. Amorcées par la description floristique des mangroves de l’Inde, ces études ont vu leur champ s’élargir à la télédétection spatiale et aéroportée, à la photographie aérienne à basse altitude, à la biosystématique évolutive par l’utilisation de marqueurs biochimiques, à la pédologie, à la paléoécologie par l’étude de spectres polliniques ainsi qu’à l’entomologie. Dans le cadre des axes de recherches du LET, cette étude s’inscrit dans le volet  » Organisation et évolution des écosystèmes  » au sein duquel la mangrove est un sujet privilégié depuis de nombreuses années. Par ailleurs, d’autres compétences du LET ont largement contribué à ce travail, notamment en ce qui concerne les aspects de suivi des écosystèmes par télédétection spatiale et de cartographie numérique des écosystèmes.

Un milieu naturel très dynamique :
Les côtes des Guyanes sont remarquables par leur grande instabilité liée à des phénomènes d’envasement et d’érosion. L’importance de ces modifications morpho sédimentaires s’explique par le système de dispersion des sédiments de l’Amazone. Avec plus d’un million de tonnes de sédiments déchargés annuellement dans l’océan (Figure 3), l’Amazone représente à lui seul près de 10 % de la charge sédimentaire des fleuves de la planète. Si près de la moitié de cette charge sédimentaire se dépose à proximité immédiate de l’embouchure, environ 20 % se retrouvent sur les côtes des Guyanes (Guyane Française, Surinam, Guyana) sous la forme de bancs de vase (~100 x 10⁶ tonnes) ou en suspension dans l’eau (~150 x 10⁶ tonnes) (Allison et al., 1995b). La dispersion ultérieure de ces sédiments est liée aux conditions des circulations atmosphériques et océanographiques dans cette zone. Les bancs de vase se déplacent du sud-est vers le nord-ouest en se construisant au nord-ouest et en s’érodant au sud-est. L’arrivée d’un banc de vase le long des côtes de Guyane est rapidement suivie par l’installation d’une zone de mangrove qui se développera tant que le banc sera en place (Figure 4). Cette mangrove disparaîtra lors de la phase d’érosion du substrat consécutive au déplacement du banc de vase. C’est ainsi qu’entre 1937 et 1976, l’estuaire du Sinnamary a progressé sur la mer d’une distance de 6,5 km (Lointier, 1986).

Cette dynamique sédimentaire intense détermine une répartition de la végétation de mangrove en faciès bien distincts. Sur la zone côtière, la colonisation du banc sera matérialisée par un faciès de végétation pionnière à Laguncularia racemosa et/ou à Avicennia germinans. Une fois stabilisé, le banc de vase voit le développement d’une mangrove mature à Avicennia. L’érosion marine enfin se traduira par la formation d’un cimetière de mangrove, disparition de la couverture végétale et du substrat.

Une pression anthropique concentrée sur la zone côtière

Avec une population estimée de 115 000 habitants en 1990 (Source INSEE), la densité de la population en Guyane est inférieure à 2 habitants par km². Toutefois, la concentration de cette population est très inégale selon les régions et, au final, près de 95 % de cette population se concentrent sur le littoral exerçant une pression croissante sur le milieu côtier.

Le barrage de Petit-Saut :
Entre 1975 et 1995, les activités du secteur tertiaire, la montée en puissance des activités spatiales et l’explosion démographique de la Guyane ont quasiment décuplé la consommation d’électricité. Jusqu’alors assurée par des centrales thermiques, la production d’électricité s’est orientée vers une production hydraulique. Débutés en 1989, les travaux de construction allaient durer pendant 5 ans jusqu’à la mise en eau du barrage qui eut lieu en 1994. Il va sans dire que la perturbation induite par un tel ouvrage sur un environnement tropical a soulevé de fortes réactions au sein de la population locale, des associations écologistes ainsi qu’au sein de la communauté scientifique (Allais, 1994 ; Balland, 1996 ; Pavé, 1994 ; Roux, 1994) posant des questions sur les fondements de la politique énergétique en Guyane, et plus généralement, sur les politiques de gestion d’ensemble dans une optique de développement durable. Au-delà de la polémique sur la pertinence de cet ouvrage, son impact sur l’environnement est plus que jamais d’actualité. Outre le lac de retenue qui, en noyant 31 000 hectares de ce qui fut une forêt tropicale (Figure 5) a provoqué l’eutrophisation de ses eaux, l’implantation du barrage a modifié le régime hydrologique du fleuve en même temps que la qualité de l’eau (Balland, op. cit.). La dégradation de la matière organique libérée par la mort des arbres noyés a tout d’abord consommé l’oxygène dissous de l’eau. Ces processus de dégradation se sont poursuivis en l’absence d’oxygène en générant alors du gaz carbonique, de l’ammoniac et de l’hydrogène sulfuré ainsi que du méthane. L’aménagement d’un système de réoxygénation à l’aval du barrage a permis de maintenir un niveau de 2 mg/l d’oxygène dissous au niveau de l’ancienne prise d’eau de la ville de Sinnamary, au lieu dit  » Pointe Combi « . Par ailleurs, le lac de retenue se comporte comme un gigantesque bassin de décantation pour les cours d’eaux s’y déversant, diminuant très fortement la charge sédimentaire du fleuve en aval de l’ouvrage comme en témoigne la variation de couleur des eaux observée à Sinnamary entre 1992 et 1997. Enfin, la régulation du débit lors de la phase d’exploitation se traduit par un phénomène de lissage des pics de crues aussi bien que d’étiage. Ces modifications du régime des apports en eaux douces devraient se traduire dans l’estuaire par une modification saisonnière de la zone d’influence des marées avec :
• en saison des pluies, diminution des apports d’eau douce (stockage dans le barrage) et remontée saline plus importante qu’à l’origine.
• en saison sèche, augmentation des apports d’eau douce (déstockage du barrage) et remontée saline moins importante qu’à l’origine. Selon que la répartition de ces formations végétales est conditionnée par les apports en eaux douces ou par la salinité, un déplacement de la zone d’écotone mangrove – forêt marécageuse soit par progression de la mangrove vers l’amont (saison des pluies prépondérante), soit par progression de la forêt marécageuse vers l’aval (saison sèche prépondérante) devrait s’opérer.

L’impact du barrage se traduit donc en aval de l’ouvrage par une modification des débits et de la qualité des eaux. Ce sont ces modifications qui ont incité E.D.F. à installer une nouvelle station de pompage pour la ville de Sinnamary sur une autre rivière, la crique(12) Yiyi, et font craindre aux populations locales des altérations de leur environnement en général et, plus particulièrement du niveau des prises de pêche.

Les objectifs de l’étude

Cette étude est basée sur l’analyse structurale et fonctionnelle de la mangrove d’estuaire. Elle cherche à identifier autant que possible la part des influences marines et fluviales sur les caractéristiques de cet écosystème. Située sous la double influence marine et fluviale, la végétation de l’estuaire du Sinnamary subit directement les modifications induites par le barrage. Toutefois, compte tenu de la vitesse de réaction d’une formation forestière et malgré l’extrême fragilité de ces écosystèmes, cette étude réalisée seulement quelques années après la mise en eau du barrage peut également être considérée comme un état initial pour un suivi à plus long terme.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. LE CONTEXTE DE L’ÉTUDE
I.1. CONTEXTE SCIENTIFIQUE
I.1.1. Un milieu naturel très dynamique
I.1.2. Une pression anthropique concentrée sur la zone côtière
I.1.3. Les objectifs de l’étude
I.2. CADRE PHYSIQUE
I.2.1. Climat
I.2.1.1 Pluviométrie moyenne annuelle
I.2.1.2 Pluviométrie observée à la station de Sinnamary
I.2.1.3 Températures
I.2.2. Hydrologie
I.2.2.1 Hydrologie marine
I.2.2.2 Hydrologie fluviale
I.2.3. Dynamique sédimentaire
I.2.4. Végétation
I.2.4.1 La savane
Savane inondée
Savane inondable
Savane arbustive
Savane sèche
I.2.4.2 La forêt marécageuse
I.2.4.3 La mangrove
Généralités
La flore
a. Avicennia germinans (Linnaeus) Stearn
b. Laguncularia racemosa (Linnaeus) Gaertner f
c. Rhizophora mangle Linnaeus et R. racemosa G.F.W. Meyer
d. Pterocarpus officinalis N.J. Jacquin
e. Autres espèces
I.3. MATÉRIEL ET MÉTHODES
I.3.1. Sites d’étude
I.3.1.1 Les transects
I.3.1.2 Les parcelles comparatives
I.3.2. Etude de la végétation
I.3.2.1 Structure du peuplement
I.3.2.2 Dynamique de la végétation
I.3.3. Etudes géochimiques
I.3.4. Statistiques
I.3.4.1 Analyses de répartition
I.3.4.2 Analyses statistiques multivariées
I.3.4.3 Classifications hiérarchiques automatiques
II. RÉSULTATS – DISCUSSION
II.1. STRUCTURE ET EVOLUTION DU PEUPLEMENT
II.1.1. Composition floristique
II.1.1.1 Mangrove pionnière : (Sites Anse 1 à 4 et Estuaire 1 & 2)
II.1.1.2 Mangrove adulte / sénescente : (sites Brigandin et Canceler 1 & 2)
II.1.1.3 Mangrove en transformation : (Transects 1 à 4 et site Canceler 3)
II.1.2. Densité
II.1.2.1 Densités en mangrove pionnière : (sites Anse 1 à 4 et Estuaire 1 & 2)
II.1.2.2 Densités en mangrove adulte / sénescente : (sites Brigandin et Canceler 1 & 2)
II.1.2.3 Densités en mangrove en transformation : (Transects 1 à 4 et Canceler 3)
II.1.3. Surface terrière
II.1.4. Synthèse des paramètres structuraux spécifiques : Utilisation de l’I.V.I
II.1.5. Corrélation Hauteur – Diamètre
II.1.5.1 Avicennia germinans
II.1.5.2 Laguncularia racemosa
II.1.5.3 Pterocarpus officinalis
II.1.5.4 Rhizophora racemosa
II.1.6. Discussion et Conclusions sur la structure générale du peuplement
II.1.6.1 La mangrove maritime
II.1.6.2 La mangrove d’estuaire et la forêt marécageuse
II.2. STRUCTURE ET EVOLUTION DES POPULATIONS
II.2.1. Distribution instantanée des diamètres des principales espèces
II.2.1.1 Avicennia germinans
II.2.1.2 Rhizophora racemosa
II.2.2. Courbes de survie
II.2.2.1 Espèces ne régénérant pas in situ
II.2.2.2 Espèces régénérant in situ
II.2.3. Croissance en diamètre
II.2.3.1 Croissance nette annuelle
Rhizophora racemosa
Pterocarpus officinalis
II.2.3.2 Rythmicité
Rhizophora racemosa
Pterocarpus officinalis
II.2.4. Modélisation de l’évolution de la surface terrière
II.3. RELATIONS ENTRE LES CONDITIONS HYDROLOGIQUES ET GÉOCHIMIQUES DU SUBSTRAT ET LA VÉGÉTATION
II.3.1. Analyses géochimiques
II.3.1.1 Salinité
II.3.1.2 Potentiel Hydrogène (pH)
II.3.1.3 Potentiel rédox
II.3.1.4 Cations majeurs
II.3.1.5 Matière Organique
II.3.2. Interactions sol – végétation
II.4. STRUCTURE ET ÉVOLUTION DES FORMATIONS ET DE LA ZONE D’ÉTUDE
II.4.1. Répartition des espèces
II.4.1.1 Répartition Intra transect
Cartes de répartition spécifiques
a. Transect B1
b. Transect B2
c. Transect B3
d. Transect B4
II.4.1.2 Répartition sur  » Brigandin  »
II.4.2. Etude de la dynamique des formations par télédétection
II.4.2.1 Photo-interprétation sur l’estuaire
Dynamique sur la durée de l’étude de terrain
Dynamique sur les 50 dernières années
Evolution globale du peuplement et dynamique sédimentaire
II.4.2.2 Classification d’une image SPOT
III. SYNTHÈSE – PERSPECTIVES
CONCLUSIONS
PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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