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Écologie des lichens saxicoles-hydrophiles
Zonations des durées d’immersion
Les lichens dépendent d’une période alternative de sècheresse et d’humidité, et ne sont physiologiquement actifs qu’à l’état mouillé. Cependant, une hyperhydratation tout comme la dessiccation sont délétères (Ried, 1960 ; Dietz et Hartung, 1999). L’amplitude des périodes alternatives d’humidité et de sécheresse détermine la composition de la flore lichénique aquatique. La déshydratation des tissus aboutit à un arrêt du métabolisme cellulaire chez les lichens comme chez les autres végétaux. Une trop forte imbibition des tissus semblent chez de nombreuses espèces (notamment non aquatiques) limiter la diffusion des gaz et donc l’activité respiratoire et/ou photosynthétique. Néanmoins, une des caractéristiques étonnante de ces organismes est de pouvoir résister à de longues périodes de très fortes contraintes hydriques et de rétablir une activité métabolique suite à la réhydratation des tissus.
Il existe deux groupes écologiques bien différenciés : 1. les lichens ékréophiles soumis à des périodes d’immersion par les eaux des écoulements de surfaces issus des pluies (James et al., 1977 ; Roux et al., 2006) ; 2. les lichens hydrophiles soumis à des périodes d’immersion par les eaux d’un cours d’eau ; ils sont localisés sur les roches riveraines. Les deux groupements peuvent être nommés aquatiques ou amphibies.
Les zones de contacts écologiques sont nombreuses entre les lichens ékréophiles et hydrophiles (James et al., 1977). Des espèces normalement localisées sur les berges d’un cours d’eau colonisent des surfaces non riveraines constamment humides. Inversement des communautés lichéniques fréquentes en milieu terrestre non hydrophiles peuvent s’observer sur les berges d’un cours d’eau.
Un des facteurs structurant les communautés lichéniques hydrophiles est la durée d’immersion par les eaux du cours d’eau. De nombreux auteurs ont ainsi élaboré une zonation « lichénique » transversale au lit d’un cours d’eau (ou de lacs ; Santesson, 1939 ; Beschel, 1954 ; Gilbert, 1996 ; Gilbert et Giavarini, 2000 et Gilbert et Giavarini, 1997 ; Aptroot et Seaward, 2003). Ces zonations sont basées sur le schéma européen de pourcentage annuel d’inondation des roches en fonction de leur hauteur par rapport au centre de l’axe du cours d’eau (Figure 1).
Certains auteurs (Beschel, 1954) proposent d’utiliser la répartition écologique des lichens comme indication du niveau moyen des eaux. La figure 2 récapitule les diverses zonations proposées.
Des expérimentations sur site (Keller et Scheidegger, 1994) ou des études expérimentales (Valcarcel et Carballal, 2002) ont permis de compléter cette zonation par une quantification des durées d’immersion des supports et des lichens. Trois zones ont ainsi été retenues : 10 mois d’immersion au minimum (85% de l’année, zone d’immersion), 3 mois au minimum (de 84% à 24 % de l’année, zone méso-fluviale) et moins de trois mois (moins de 25% de l’année, zone xérofluviale).
La durée d’inondation n’est pas le seul paramètre structurant les communautés hydrophiles. La vitesse de dessiccation des substrats (Coste, 2005) joue un rôle non négligeable. Celle-ci dépend notamment de l’exposition (ensoleillement et vent) et de la nature de la roche (porosité). Il existe ainsi des zones dites « tampons » où le manque d’immersion est compensé par une localisation des substrats dans les stations très protégées de la dessiccation (protection du vent ou du soleil, (Nascimbene et al., 2007).
La notion de « durée d’hydratation » (Coste, 2009) permet finalement une meilleure compréhension des groupements. Cette nouvelle notion prend en compte globalement : la durée d’immersion par les eaux d’un cours d’eau, la vitesse de dessiccation des substrats et enfin la turbulence des eaux. Plusieurs termes sont proposés pour nommer les lichens des trois zones d’inondation.
Hiérarchisation phytosociologique
Phytosociologiques
Il existe à ce jour deux méthodes d’études phytosociologiques1. La méthode classique dite de prélèvements partiels (Wirth, 1972 : étude d’une grande surface de l’ordre du m2, détermination des espèces sur le terrain et prélèvements aléatoires des espèces non identifiées) et la méthode de prélèvement intégral (Roux, 1990 : prélèvement d’une surface supérieure à l’ « aire minimale2 » qui est de l’ordre de 200 cm2 pour les lichens crustacés et détermination au laboratoire de toutes les espèces présentes sur la roche). La première méthode a été utilisée pour construire tous les schémas phytosociologiques3 existants qui sont présentés au paragraphe suivant. La méthode de prélèvement intégral a été récemment utilisée pour la première fois en France pour les communautés lichéniques hydrophiles (Coste, 2005). Cette méthode si elle est longue et fastidieuse en laboratoire permet des analyses écologique et floristique particulièrement précises qui génèrent des hiérarchisations intéressantes.
Hiérarchisations
Il existe peu de schémas phytosociologiques (Klement, 1955 ; Wirth, 1972, 1980 et 1995 ; Thüs, 2002 ; Thüs et Schultz, 2009). Quelques associations lichéniques4 observées en Europe sans indiquer de hiérarchisation phytosociologique sont proposées (Asta, Clauzade et Roux, 1972 et 1974 ; Asta, 1975 ; James et al., 1977 ; Gilbert, Coppins et Fox, 1988 ; Gilbert, 1996 ; Gilbert et Giavarini, 1997 et 2000 ; Roux, Bricaud et Trachida, 1999 et 2001). La synthèse de ces travaux est présentée par le schéma suivant, seules les communautés lichéniques hydrophiles sont prises en compte en excluant les communautés lichéniques ékréophiles, hygrophiles ou de contact telles que : Ephebetum lanatae Frey 1922 ; Caloplaco-Verrucarietum praetermissae Pereira y Llimona 1992 ; Porinion lectissimae Wirth 1980 ; Porpidietum glaucophaeae Wirth 1969.
Colonisation des surfaces vierges
Il existe peu de travaux publiés sur le processus de colonisation des surfaces vierges par les lichens (Keller, 2005 ; Asta et al., 1986, 1990, 2001 ; Asta et Letrouit, 1994 et 1995). Les étapes décrites (Asta et al., 1986, 1990, 2001 et Asta et Letrouit, 1995) de colonisation d’une roche vierge démontrent qu’il existe plusieurs scénarii et des phénomènes qui se conjuguent. Sur un support identique peuvent cohabiter des thalles grands et jeunes mais également des thalles petits et vieux.
Le dépôt d’une spore susceptible de germer sur le substrat vierge (Lawrey, 1983) peut provenir des déjections de mollusques ou d’une dispersion passive par fragmentation de thalles pré-existants. Une connaissance des caractéristiques physiologiques de chaque espèce hydrophile pourrait nous renseigner utilement sur les mécanismes de colonisation des surfaces vierges, et permettre d’identifier de possibles différences en fonction de la zone d’immersion. Pourquoi certains lichens sont réhophiles1 et d’autres réhophobes ?
Les colonisations des supports artificiels installés dans plusieurs cours d’eau Suisses (Keller, 2005) donnent quelques résultats intéressants. Après quatre mois d’installation les supports sont colonisés par des algues, des champignons aquatiques et des bactéries. Les premières colonisations lichéniques sont observées après trois années voire quatre ou cinq années pour certains sites et selon l’étage bioclimatique. Les premières espèces à coloniser ces supports sont les lichens les plus fréquents dans chaque site d’expérimentation, ils appartiennent au genre Staurothele et Verrucaria (cf. Verrucaria hydrela).
Réseau trophique
Il existe quelques publications sur les différentes associations avec les invertébrés terrestres non aquatiques et les lichens. La biomasse lichénique est une ressource importante pour les arthropodes, tardigrades et rotifères (Gerson et Seaward, 1977 ; Stubbs, 1989) et de fait la biomasse d’invertébré est proportionnelle à la biomasse lichénique au niveau de la canopée (Petterson et al., 1995). Une diminution de la biomasse lichénique induit une diminution d’invertébrés et par conséquent une baisse considérable de la biodiversité faunistique. Il existerait aussi (Lawrey, 1983 ; Fröberg et al., 1993 ; Benesteri et Tetriach, 2004) une « hypothèse de préférence » des mollusques pour certains lichens quelle que soit la nature de la substance lichénique produite. Certains mollusques auraient une préférence pour des thalles qui auraient accumulé de fortes concentrations en éléments biogènes telles que le calcium, l’azote ou le phosphore. Les gastéropodes brouteurs en particulier s’attaquent d’abord aux structures lichéniques riches en lipide telles que les fructifications et ensuite au cortex, riche en Ca.
1 Se développe sur les roches soumises à des périodes d’immersion dans les zones où les eaux sont à forte énergie.
La répartition des différents éléments biogènes dans les couches anatomiques de certains lichens joue un rôle important pour leur consommation par les invertébrés. Cette répartition des éléments biogènes ou polluants dans un lichen peut être expliquée par leur fonction dans les cycles biogéochimiques : capacité d’absorption en fonction des durées d’immersion.
Les recherches bibliographiques concernant les relations entre les lichens hydrophiles et les invertébrés d’eau douce ont été infructueuses. Cependant, on peut supposer, à la lumière de l’existence de relations trophiques entre les lichens et les invertébrés terrestres, que de telles relations existent également en milieu aquatique.
Cycles biogéochimiques
Dans cette thématique les expérimentations en laboratoire sont nombreuses pour les lichens terrestres non aquatiques mais inexistants pour les espèces hydrophiles. Je ne citerai que les travaux les plus significatifs transposables aux lichens aquatiques et plus particulièrement la localisation des éléments biogènes dans les diverses couches structurales ainsi que les modalités d’absorption et de re largages de ces éléments par un lichen non aquatique.
Les éléments biogènes tels que Ca, K, Mg et P ont un rôle important dans la nutrition des végétaux après la mort du lichen. La localisation de ces éléments dans les différentes couches anatomiques de quelques lichens foliacés et fruticuleux est bien connue (Asta et Garrec, 1980 ; Asta, 1992). Les cortex inférieur et supérieur sont riches en Ca ; la couche gonidiale est riche en K, Mg et P avec une quasi absence de Ca. Il existe une forte corrélation entre les concentrations des éléments et les facteurs du milieu analysé.
Les lichens saxicoles (Silva et al., 1999) ont cette particularité de réduire la perte des éléments mobiles de la roche pendant l’érosion. Les communautés lithobiontiques (De Los Rios et al., 2002) forment un biofilm d’interface avec de fortes interactions géochimiques et géophysiques avec le support. Les lichens, les cyanobactéries, les champignons et les algues colonisent préférentiellement les surfaces du support les plus soumises aux effets de l’érosion. On peut supposer une action similaire en milieu aquatique.
Pollutions
Il existe de nombreuses publications sur la sensibilité des lichens aux divers facteurs de pollution atmosphérique et sur l’assimilation par les lichens terrestres de divers polluants (Belandria et al., 1989 ; Déruelle, 1992 et 1993 ; Monnet et al ;, 2005 ; Backor et Loppi, 2009). Les fortes pollutions affectent les principales fonctions du lichen (Vincent, 1990). Ces perturbations de l’activité physiologique apparaissent souvent sans que l’on puisse observer de véritables lésions extérieures quand on soumet un lichen aux atmosphères urbaines polluantes. Une nouvelle méthode d’exploration par photographie infrarouge couleurs (Gouaux et Vincent, 1990) démontre que les réponses spectrales sont différentes pour les lichens des zones polluées et pour les lichens des zones non polluées. Il y a une chute de l’indice de végétation des lichens implantés dans des zones polluées.
De la même manière, il existe une très forte dépendance dans les relations entre la dégradation de la flore lichénique aquatique et les diverses pollutions des eaux (James el al., 1977 ; Glime, 1992 ; Perreira, 1992 ; Molitor et Diederich, 1997 ; Chatenet et Botineau, 1999 ; Nascimbene et Nimis, 2007). Les lichens aquatiques concentrent de façon très significative divers facteurs de pollution dont les métaux lourds (Botineau et Ghestem, 1995 et Chatenet et al., 1997, 2001 et 2002).
Successions autogéniques lichéniques
Les recherches bibliographiques sur le thème des successions autogéniques des communautés lichéniques hydrophiles se sont révélées infructueuses. Des suivis diachroniques ont été faits (Ménard, 1997) pour les communautés lichéniques saxicoles non aquatiques afin de déterminer la dynamique des peuplements. Il est habituellement admis pour les communautés végétales (vasculaires) que les différents stades (successions les plus fréquentes) appartiennent à des syntaxons1 de rangs supérieurs différents.
Les stades de successions (Jun, 2005) se déroulent en quatre points : stade I, pionnier ; stade II, transitoire ; stade III, substitution ; stade IV, spécialisation. Il semblerait que la saturation des cortèges (enrichissements au sein d’un même syntaxon) concomitant à une substitution liée au passage d’un stade de rang supérieur à un rang inférieur soit le modèle plus fréquent pour les communautés cryptogamiques (Coste, observations personnelles).
La diversité des champignons lichénicoles et la diversité des lichens augmentent au cours de l’évolution normale des successions des communautés lichéniques (Lawrey et Diederich, 2003). Une importante étude des successions autogéniques lichéniques devrait être entreprise pour comprendre les relations entre la classification phytosociologique, la colonisation des surfaces vierges et le rôle des lichens comme interface biogéochimique ou biogéophysique.
STRUCTURE ET COMPOSITION FLORISTIQUE DES COMMUNAUTÉS LICHÉNIQUES SAXICOLES-HYDROPHILES
Introduction
Grâce à leur amplitude écologique liée à leur caractère symbiotique, les lichens colonisent tous les supports de tous les milieux. Il existe ainsi des lichens terrestres non aquatiques, mais également des lichens qui colonisent les supports soumis à des périodes d’immersion par les eaux des rivières ou des lacs (Wirth, 1972 ; Gilbert, 1996 ; Gilbert et Giavarini, 1997, 2000), par les eaux marines (James et al., 1977) ou par les eaux d’écoulements surfaciques issus des pluies (James et al. ; 1977, Roux et al., 2006). Les lichens immergés périodiquement sont appelés aquatiques.
Parmi les lichens aquatiques, deux groupes sont écologiquement bien différenciés : 1. les lichens ékréophiles soumis à des périodes d’immersion par les eaux des écoulements de surfaces issus des pluies (James et al., 1977 ; Roux et al., 2006) ; 2. les lichens hydrophiles soumis à des périodes d’immersion par les eaux d’une rivière ; ces derniers sont localisés sur les roches riveraines (Coste, 2005 ; Roux et al., 2006).
Peu de publications sont consacrées à la structure des groupements lichéniques saxicoles-hydrophiles1. Quelques articles apportent des informations intéressantes sur la répartition géographique de ces groupements (Allemagne : Wirth, 1972 ; Europe centrale : Thüs et Schultz, 2009 ; France : Coste, 1990 et 1991 ; Angleterre : Gilbert, 1996 ; Gilbert et Giavarini, 1997 et 2000 ; Espagne : Pereira, 1992 ; Italie : Nascimbene et Nimis, 2006 et 2007 ; Nascimbene et al., 2007), mais très peu font état de l’écologie générale et comparative de ces groupements (Wirth, 1972 ; Pereira, 1992).
Ce travail propose d’améliorer les connaissances sur la flore et la végétation lichéniques des roches des berges des rivières d’Europe occidentale. Pour ce faire, cette étude doit être menée sur les berges de cours d’eau présentant différentes géomorphologies et sous différents bioclimats afin d’avoir une bonne représentativité des résultats. Afin d’améliorer les connaissances sur les différentes structures de ces communautés, il convient de choisir une méthode de prélèvements permettant d’obtenir des résultats satisfaisants qualitativement (nombre d’espèces) et quantitativement (comparaison des conditions écologiques).
En effet, les méthodes utilisées jusqu’à présent ne permettent pas (ou alors de manière très succincte) de définir les caractéristiques écologiques de ces communautés (Wirth, 1972). Les surfaces étudiées, conformément à la méthode de prélèvement partiel2 utilisée jusqu’à présent par les lichénologues, sont de l’ordre du m2 (Wirth, 1972 ; Pereira, 1992 ; Gilbert, 1996). Si cette surface est nécessaire pour les études phytosociologiques3 des plantes supérieures, elle est trop grande pour l’étude des communautés lichéniques compte tenu de la faible vitesse de
1 Qui se développent sur les roches soumises à des périodes d’immersion par les eaux d’un cours d’eau.
2 Étude d’une grande surface de l’ordre du m2, détermination des espèces sur le terrain et prélèvements aléatoires des espèces non identifiées.
3 Étude des associations végétales.
croissance annuelle des lichens (faible productivité) et des importantes variations microécologiques sur des surfaces de l’ordre du m2. Pour ces raisons nous avons décidé de retenir comme surface maximale d’étude une surface à peine supérieure à l’aire minimale1 des communautés. Les communautés saxicoles-hydrophiles sont majoritairement composées de lichens à thalle crustacé2. L’aire minimale pour cette morphologie est de l’ordre de 200 cm2 (Roux, 1990). Elle est idéale pour l’étude phytosociologique des groupements lichéniques hydrophiles et permet une analyse qualitative et quantitative parfaitement adaptée aux lichens à thalle crustacé (Coste, 2005). Afin d’établir une classification phytosociologique précise, la méthode de prélèvement intégral3 (Roux, 1990) déjà utilisée pour les communautés lichéniques hydrophiles (Coste, 2005) sera retenue : elle génère des résultats qualitatifs (comparaison des conditions écologiques) et quantitatifs (nombre d’espèces) très satisfaisants en comparaisons des autres méthodes utilisées jusqu’à présent. Les résultats obtenus feront l’objet d’analyses statistiques rigoureuses et objectives, ce qui n’a jamais été réalisé jusqu’à présent.
Ainsi, nous pourrons définir avec précision et de manière objective la structure et les compositions floristiques des communautés lichéniques saxicoles-hydrophiles représentatives des écosystèmes aquatiques continentaux d’Europe occidentale. Les roches calcaires étant très pauvres en espèces (Ozenda et Clauzade, 1970) et plus localisées géographiquement, notre travail porte plus spécifiquement sur les roches acides.
Matériel et Méthode
Sites d’étude
Les stations retenues dans ce travail ont été choisies afin de faire la liaison avec les études réalisées antérieurement par d’autres auteurs, dans le but d’obtenir une représentativité de la flore et de la végétation lichéniques saxicoles-hydrophiles d’Europe occidentale (Figure 1).
1 Surface au-delà de laquelle le nombre d’espèces n’augmente pas.
2 En forme de croûte sur la roche.
3 Prélèvement de la totalité du support d’une surface supérieure à l’aire minimale et détermination au laboratoire de toutes les espèces présentes avec mesures de la surface des thalles et des différents éléments pour obtenir un recouvrement en %.
Les relevés ont été effectués dans 25 départements français (Fig. 2) couvrant une partie importante de la diversité climatique (climats atlantique, méditerranéen et plus continental) et du relief national (de l’étage collinéen à l’étage subalpin).
Figure 2 : Localisation des relevés.
Une grande partie des relevés a été réalisée dans le sud de la France sous climat méditerranéen (Gard, Bouches-du-Rhône, Pyrénées-Orientales …) ou en limite de ce climat méditerranéen comme le département du Tarn ou l’extrême ouest de l’Hérault. Certains relevés ont été réalisés en région Bretagne (Finistère et Ille-et-Vilaine) et Normandie (Manche), mais aussi dans les départements des Pyrénées-Atlantiques et Hautes-Pyrénées pour caractériser les espèces typiques du climat atlantique.
Les roches calcaires étant très pauvres en espèces et plus localisées géographiquement, nos relevés ont été réalisés sur les gneiss, granits et schistes. Trois cents relevés ont été effectués sur ces roches. Seulement 252 relevés ont été pris en compte. En effet 48 prélèvements ont été supprimés pour deux raisons : absence de lichens, surface prélevée trop faible (contrainte de terrain). Les relevés ont été réalisés par la méthode de prélèvement intégral. Cette méthode consiste à prélever au minimum 200 cm2 de la surface d’une roche colonisée par les lichens à l’aide d’un marteau et d’un burin (100 à 300 cm2). Les relevés ont été effectués à différentes distances de l’axe du centre du cours d’eau (Figure 3) : dans le chenal d’étiage (CE)1, dans la partie haute du lit apparent2 (PSLA) et dans la partie médiane située à égale distance de la partie haute et du chenal d’étiage ; cette zone correspondant à la partie inférieure du lit apparent (PILA).
Plusieurs relevés par rivière étudiée ont été réalisés. D’une manière générale, trois relevés (au niveau du PSLA, du PILA et du CE) ont été réalisés dans une même station3 (au même niveau de la berge). Malheureusement cela n’a pas toujours été possible pour des raisons d’inaccessibilité. Il a donc été impossible de réaliser 1 relevé pour chaque niveau de la berge pour chaque station. Dans la mesure du possible, 2, 3 ou 4 stations différentes sur le même cours d’eau ont fait l’objet de relevés.
Ces stations ont été distantes de plusieurs mètres les unes des autres (50 à 100 m). Sur le terrain, une surface de 10 sur 20 cm (à l’aide d’un étalon) a été tracée à la craie avant de faire le prélèvement. Les prélèvements ont débordé largement de la surface indiquée pour pallier les éventuelles pertes d’éclats lors du prélèvement. Les éclats de roche prélevés sont introduits dans une enveloppe papier pour le transport. Les poches plastiques sont à proscrire car elles accélèrent le pourrissement des thalles. Les caractéristiques environnementales ont été notées sur les enveloppes. Ainsi l’altitude a été obtenue à l’aide d’un GPS ; les orientations générale et locale ont été relevées à l’aide d’une boussole ; la nature du support a été déterminée au laboratoire à l’aide de la clé de détermination des roches (Clauzade, 1992) ; l’inclinaison du support a été estimée sur le terrain (0°, 30°, 45° et 90°). La localisation du relevé au niveau de la berge (PSLA, PILA et CE) a été déterminée en période d’étiage1. Les relevés ont été effectués au niveau de l’eau pour le CE puis dans la partie supérieure du lit apparent identifiée par différents moyens : divers dépôts transportés par les hautes eaux de la rivière, présence d’une flore phanérogamique et/ou d’une flore lichénique franchement non hydrophile. Le troisième relevé a été effectué au centre des deux premiers relevés.
Les lichens saxicoles*, hydrophiles* ne sont pas identifiables sur le terrain. Les déterminations doivent être réalisées au laboratoire avec une loupe binoculaire et un microscope. Tous les éclats de roche pour chaque relevé ont été étudiés pour déterminer tous les taxons et les éléments présents. La surface de tous les taxons et tous les éléments identifiés ainsi que les surfaces vides (roche nue) ont été mesurées à l’aide d’une feuille transparente quadrillée (précision de 1 mm2). Un pourcentage de recouvrement pour chaque espèce a été calculé (Recouvrement moyen global2). Les surfaces occupées sur la roche par les espèces et les surfaces non recouvertes (surfaces vides) ont été mesurées. Les chevauchements éventuels des espèces ont été mesurés et ajoutés à la surface de l’espèce épiphytique. Au final les pourcentages de recouvrement peuvent être supérieurs à 100%.
Pour les déterminations, nous avons utilisé un stéréomicroscope (grossissement de 6 à 50 fois), un microscope à transmission équipé d’un dispositif à contraste interférentiel (grossissement de 60 à 1500 fois) et les réactifs chimiques usuels : KOH (solution aqueuse d’hydroxyde de potassium à 20 %) ; NaClO (solution aqueuse d’hypochlorite de sodium (eau de javel), solution concentrée du commerce (à 10%) diluée 2 fois ; HNO3 (solution aqueuse d’acide nitrique à 50 %) ; KI (solution iodo-iodurée : lugol) ; C6H8N2 (paraphénylène diamine), solution alcoolique fraîchement préparée (quelques cristaux dans quelques gouttes d’alcool à brûler).
Outre les lichens, les champignons lichénicoles non lichénisés1 et les bryophytes ont été déterminés. Les ouvrages de détermination utilisés sont :
Pour les lichens : Clauzade et Roux, 1985 (et les suppléments) ; Ozenda et Clauzade, 1970 ; Purvis et al., 1992 ; Smith et al., 2009 ; Thüs , 2002 ; Wirth, 1980 et 1995.
Pour les champignons lichénicoles non lichénisés : Clauzade et al., 1989.
Pour les bryophytes : Smith, 1976.
Pour chaque relevé toutes les espèces déterminées ont été saisies dans un tableau Excel (Tableau de déterminations en annexe) avec indication des pourcentages des recouvrements obtenus pour chaque taxon ainsi que des données environnementales.
A l’aide des flores2 disponibles précédemment citées et grâce à nos connaissances personnelles, toutes les espèces ont été classées par nature puis par écologie : lichens hydrophiles, lichens ékréophiles, lichens non aquatiques, lichens indéterminés, algues libres, bryophytes, autres éléments : dépôts de terre, débris de végétaux, gastéropodes, exuvies d’insectes et diverses incrustations siliceuses.
Analyse des données
Fréquence et recouvrement moyen global
A l’aide du tableau général de détermination et pour la totalité des relevés, il a été calculé pour chaque espèce :
1. Le pourcentage de présence des espèces à chaque niveau de la berge (PSLA, PILA et CE) ;
2. Le recouvrement moyen global des espèces par tranche de 200 m d’altitude.
Les résultats sont saisis dans un tableau nommé Tableau de distribution (Tableau 4).
L’étude de la distribution des espèces, a permis une hiérarchisation écologique des espèces :
1. les espèces de large amplitude écologique (non caractéristiques d’un niveau d’éloignement du centre de la rivière et présentes à toutes les altitudes) ;
2. les espèces caractéristiques de chaque niveau d’éloignement du centre de la rivière, mais présentes à toutes les altitudes ;
3. les espèces caractéristiques de chaque niveau d’éloignement du centre de la rivière et de chaque étage altitudinal.
1 Champignon qui se développe sur les lichens.
2 Ouvrage de détermination des espèces.
Cette hiérarchisation permettra de définir les lichens à retenir (lichens modèles) pour les expérimentations en laboratoire afin de caractériser le fonctionnement de ces taxons en termes de photosynthèse et de respiration.
Pour les analyses statistiques, le tableau de détermination a fait l’objet de deux remaniements : avec toutes les espèces et avec seulement les espèces hydrophiles.
Le tableau général des déterminations a été scindé en deux tableaux : un premier regroupant les données environnementales des stations et nommé « envi », un deuxième regroupant les espèces et les recouvrements (en %) dans chaque station et nommé « toutes espèces ».
Le tableau « envi » après avoir été transposé comprend 7 données environnementales et 252 stations. Le tableau « toutes espèces » également transposé pour les analyses statistiques comprend 175 espèces et 252 stations.
Dans le tableau de détermination, seules les espèces hydrophiles ont été conservées. Comme précédemment, le tableau est scindé en deux tableaux : « envi » et « espèces hydro ». Le tableau « envi » est transposé et présente les mêmes caractéristiques que précédemment. Le tableau « espèces hydro » est transposé pour l’analyse statistique ; il comprend maintenant 45 espèces et 252 stations.
Analyse statistique
Pour caractériser le regroupement des espèces, une classification NMDS (Non-Metric Multidimensional Scaling : classification hiérarchique ascendante utilisant la distance euclidienne et le critère d’agrégation de Ward, à partir des coordonnées des espèces sur le plan 1-2 d’une analyse NMDS utilisant la distance de Bray-Curtis) a été réalisée sur l’ensemble des espèces à l’aide du tableau « toutes espèces », suivie d’une classification NMDS uniquement sur les espèces hydrophiles à l’aide du tableau « espèces hydro ».
Pour estimer l’impact des paramètres environnementaux des stations une analyse canonique a été réalisée uniquement sur les espèces hydrophiles à l’aide des tableaux « envi » et « espèces hydro ». Les analyses ont été réalisées avec le logiciel «R».
Analyse statistique du tableau général des déterminations
Une hiérarchisation ascendante effectuée sur l’ensemble des espèces (non montrée) met en évidence 4 groupes distincts. Il apparaît que chacun d’entre-eux inclut les espèces caractéristiques des trois niveaux du lit des cours d’eau (CE, PILA et PSLA) ou correspond à un groupe de taxons observés aux trois niveaux. Afin d’améliorer la lisibilité du schéma, une hiérarchisation ascendante a été réalisée uniquement sur les lichens hydrophiles. On observe comme précédemment les 4 groupes déjà définis par la hiérarchisation ascendante effectuée sur l’ensemble des espèces. En conséquence, la prise en considération des taxons non hydrophiles (bryophytes, lichens non aquatiques et lichens ékréophiles) ne modifie pas la hiérarchisation des espèces lichéniques hydrophiles. À l’aide du tableau de distribution (Tableau 4), les 4 groupes (figure 6) peuvent être décrits comme suit :
1. le premier groupe correspond à des lichens récoltés dans le CE ;
2. le deuxième groupe correspond à des lichens récoltés dans la PSLA ;
3. le troisième groupe correspond à des lichens récoltés dans la PILA ;
4. un quatrième groupe correspond à des espèces récoltées à la fois dans la PILA, dans la PSLA et dans le CE.
On notera trois sous-groupes dans le groupe 4. Le tableau de distribution montre que :
a. le premier sous-groupe est formé des espèces observées à une altitude supérieure à 800 m et comprend 2 espèces observées dans le PSLA et 4 espèces dans le PILA ;
b. le deuxième sous-groupe est composé des espèces observées à une altitude inférieure à 800 m et comprend 2 espèces observées dans le PSLA et 4 espèces dans le PILA ;
c. le troisième sous-groupe est composé des espèces observées à une altitude supérieure à 800 m et comprend 1 espèce observée dans le CE, 4 espèces dans le PILA et 1 dans le PSLA.
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Table des matières
AVANT PROPOS
INTRODUCTION
CHAPITRE I : FLORE FRANÇAISE DES LICHENS ET CHAMPIGNONS LICHÉNICOLES DES ROCHES DE BERGE DE RIVIÈRE
Introduction
Matériel et méthode
Clé de détermination
Conclusion et perspectives
CHAPITRE II : STRUCTURE ET COMPOSITION FLORISTIQUE DES COMMUNAUTÉS LICHÉNIQUES SAXICOLES-HYDROPHILES
Introduction
Matériel et méthode
Résultats
Discussion et conclusion
CHAPITRE III : ÉTUDE FONCTIONNELLE DE QUATRE LICHENS « MODÈLES » HYDROPHILES (HYPER, MÉSO, SUBHYDROPHILE) ET NON AQUATIQUE
Introduction
Matériel et méthodes
Résultats
Discussion et conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
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