Depuis la découverte de la radioactivité en 1896 par Henri Becquerel, puis du noyau en 1911 par Ernerst Rutherford, le noyau atomique n’a cessé de représenter un problème complexe. Aujourd’hui, plus d’un siècle après sa découverte, le noyau révèle encore des propriétés inattendues. Des progrès considérables ont pourtant été réalisés en ce qui concerne la compréhension de l’édice nucléaire : la masse, les états excités et la structure de centaines de noyaux sont aujourd’hui connus avec précision. Plusieurs théories et modèles parviennent à reproduire ces propriétés et possèdent un pouvoir prédictif. Cependant certains noyaux, en particulier ceux fortement décients ou riches en neutrons, restent encore relativement mal compris .
Les noyaux sont composés de deux constituants : les neutrons et les protons. Le nombre de protons Z caractérise l’objet atomique et les propriétés chimiques associées à cet élément. Au contraire, le nombre de neutrons N n’influence pas les propriétés chimiques mais assure la cohésion du noyau. Pour un élément chimique donné, il existe ainsi un grand nombre de noyaux (dits isotopes) avec un nombre de neutrons différent. Pour la plupart des éléments, seuls quelques uns de ces isotopes sont stables. Les autres sont dits radioactifs et décroissent, au bout d’un temps plus ou moins long, par décroissance β+ ou β− principalement.
Les noyaux les plus abondants sur terre sont pour la grande majorité des noyaux stables (environ 300), les premières études de physique ont donc porté sur ces derniers. Puis, petit à petit, des noyaux radioactifs dont les temps de vie étaient de plus en plus courts furent découverts. Aujourd’hui on recense aux alentours de 3000 noyaux connus, et au moins autant dont l’existence a été prédite mais qui n’ont pas encore été observés .
Vers la limite d’existence des noyaux
Dans cette section nous présentons la description des noyaux légers (Z ≤ 10, A ≤ 35) aux abords de la drip line neutron. Afin de mettre en avant les caractéristiques particulières de ces derniers, leur description sera accompagnée d’une comparaison avec les propriétés des noyaux stables.
Propriétés générales des noyau
Dans cette section nous allons nous intéresser aux propriétés des noyaux légers.
Malgré un nombre limité d’isotopes pour chaque élément chimique, les noyaux légers présentent de fortes disparités. Les noyaux stables possèdent les caractéristiques suivantes :
♦ le rapport N/Z entre le nombre de protons et le nombre de neutrons varie légèrement autour de 1.
♦ l’énergie de liaison des nucléons est similaire pour tous les noyaux et se situe autour de 8 MeV/nucleon ´ . De plus, l’énergie de séparation nécessaire pour arracher un proton ou un neutron au système est sensiblement identique .
♦ le rayon des noyaux peut être décrit par la formule empirique R = r0A1/3 [1] où r0 est le rayon effectif d’un nucléon et A le nombre total de nucléons. Une telle modélisation suppose une répartition volumique homogène des nucléons dans le noyau (indépendamment de leur nature).
♦ la présence de plusieurs états excités liés. Ces états, dont l’énergie d’excitation varie d’un isotope à l’autre, décroissent principalement par émission de rayonnement gamma.
Au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la vallée de stabilité pour se diriger vers la drip line neutron les propriétés des noyaux évoluent très rapidement. En premier lieu, les noyaux ne sont plus stables et deviennent radioactifs (principalement par radioactivité β−). Si les temps de vie des noyaux proches de la stabilité varient de quelques années à quelques secondes, la durée de vie des isotopes riches en neutrons chute rapidement en dessous de la seconde, pour atteindre des temps de l’ordre de la milliseconde près de la limite d’existence des noyaux. Une telle évolution traduit l’instabilité croissante des isotopes considérés.
Si les isotopes stables de la vallée de stabilité présentent un rapport N/Z relativement constant autour de 1, l’observation d’une tendance semble moins évidente en ce qui concerne les noyaux aux bords de la drip line neutron. Il apparait cependant que ceux-ci présentent tous un rapport N/Z compris entre 2 et 3. L’énergie de liaison des nucléons près de la drip line neutron apparait elle aussi très différente de ce qui est observé pour la vallée de stabilité. Plus le rapport N/Z augmente, plus l’énergie de séparation des neutrons diminue, et plus l’énergie de séparation des protons augmente. Ce phénomène provient de l’interaction n-p qui est attractive. Ainsi les valeurs de Sp et Sn varient de 0 à 40 MeV [2] pour les noyaux les plus riches en neutrons .
Le rayon du noyau ne peut plus être calculé à partir du nombre de nucléons dans le système. Les distributions radiales des neutrons et des protons se distinguent singulièrement et certains phénomènes exotiques peuvent apparaitre. Parmi lesquels, les noyaux à halo de neutrons : la distribution radiale des neutrons présente une traine qui s’étend bien plus loin que la distribution radiale des protons. Le noyau peut alors être représenté comme un coeur plus léger autour duquel orbite un ou plusieurs neutrons.
En ce qui concerne les états excités liés, ces derniers deviennent de plus en plus rares au fur et à mesure que les isotopes se rapprochent de la drip line neutron. Les derniers isotopes liés d’un élément, quant à eux, ne possèdent généralement aucun état excité lié. Ainsi l’étude de la structure des isotopes riches en neutrons passe souvent par la spectroscopie d’états non liés. Finalement toutes ces observations traduisent l’instabilité croissante des systèmes nucléaires à l’approche de la limite d’existence des noyaux.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Vers la limite d’existence des noyaux
1.1.1 Propriétés générales des noyaux
1.1.2 Structure en physique nucléaire
1.1.3 Les noyaux à halo
1.1.4 Les états non liés
1.2 Motivation de l’étude
1.2.1 Systèmes à trois corps
1.2.2 Évolution des orbitales de la couche s-d
1.3 Méthode expérimentale
1.3.1 Spectroscopie par masse invariante
1.3.2 Réactions pour sonder les systèmes non liés
1.4 Les systèmes non liés à deux corps
1.4.1 Le 16B
1.4.2 Le 18B
1.4.3 Le 21C
2 Dispositif expérimental
2.1 La campagne de mesures SAMURAI Day-One
2.1.1 Production d’un faisceau d’ions radioactifs
2.1.2 L’accélérateur du RIKEN
2.1.3 Le séparateur de fragments BigRIPS
2.1.4 La salle expérimentale du spectromètre SAMURAI
2.2 Dispositif pour caractériser le faisceau incident
2.2.1 Energie du faisceau incident
2.2.2 Charge des ions incidents
2.2.3 Masse des ions incidents
2.2.4 Trajectoire et position sur cible
2.3 Détection des produits de la réaction
2.3.1 Les rayonnements gamma
2.3.2 Les fragments chargés
2.3.3 Les neutrons
2.4 Électronique et système d’acquisition
2.4.1 Déclenchement de l’acquisition
3 Analyse de données
3.1 Étalonnage des détecteurs
3.1.1 Calibration en temps
3.1.2 Les détecteurs faisceau
3.1.3 Reconstruction des trajectoires
3.1.4 Étalonnage de l’hodoscope
3.1.5 Étalonnage de NEBULA
3.1.6 Étalonnage en énergie de DALI2
3.2 Reconstruction des observables physiques
3.2.1 Caractérisation des ions incidents
3.2.2 Caractérisation des fragments chargés
3.2.3 Reconstruction des neutrons
3.2.4 Identication des gamma
3.3 Les simulations
3.3.1 Simulation des trajectoires dans SAMURAI
3.3.2 Simulation de la décroissance d’états non liés
3.3.3 Simulation de DALI2
4 Résultats
5 Conclusion