Structure des différentes entérotoxines staphylococciques

Effet des entérotoxines staphylococciques

              Les ESs ont, pour la majorité, un effet émétique démontré qui se traduit par des symptômes de vomissement, diarrhée et nausée se manifestant rapidement après ingestion, entre 30 min est 8 h. Cette vitesse d’apparition des premiers symptômes est généralement spécifique à l’ingestion de certains types de toxines bactériennes. La dose émétique provoquant les symptômes dépend de l’espèce et de l’individu. Chez l’humain, des études sur des TIACs ont permis d’établir des doses émétiques comprises entre 20 à 100 ng de SEA/individu33. Cependant, d’autres études indiques des doses plus importantes34 ou plus faibles35. De plus, aucune étude n’a été réalisée sur l’homme afin d’évaluer l’influence du type de l’ES ingérée ou de l’ingestion simultanée de plusieurs types d’ESs. En effet, les souches isolées des épisodes de TIACs possèdent généralement entre un à 13 gènes codant pour des ESs. Actuellement, les tests sur les animaux ou plus récemment sur cellule37,38 ont permis de confirmer l’activité émétique d’une vingtaine d’ESs. A l’inverce la lettre « l » est ajoutée à l’acronyme pour les ESs dont l’activité émétique n’a pas été démontrée à ce jour (comme SElJ par exemple). Le Tableau 2 présente une liste d’une sélecion des études réalisées sur les effets émétiques des ESs. Elle évolue régulièrement de par l’identification de nouvelles ESs et de par la démonstration de leurs activités émétiques. La liste proposée dans le Tableau 2 n’est pas exhaustive.

Structure des différentes entérotoxines staphylococciques

                 Les ESs sont des protéines riches en lysines, acides aspartiques, acides glutamiques et tyrosines et possèdent une structure en 3 dimensions (3D) comme illustré Figure 2 (Illustration de la structure 3D de SEA, SEB, SEC, SEG, SEH, SEI, SEK). Le repliement de des protéines est dû à un pont disulfure très souvent présent et conservé entre les ESs. Les ESs sont très stables, résistantes à la plupart des enzymes protéolytiques telles que la pepsine, la trypsine, la chymotrypsine, la rénine ou la papaïne et gardent ainsi leur activité après ingestion d’aliments contaminés dans le tube digestif. De plus, elles sont très résistantes à la précipitation acide, à des hautes températures ( résistance à 120°C durant 30min) et ainsi elles ne sont généralement pas détruites dans l’aliment contaminé lors de sa cuisson57. Cependant, le S. aureus est beaucoup plus sensible à la température, il peut donc être dégradé lors de la préparation des aliments contaminés, il est donc possible de produire des aliments contenant uniquement des ESs sans trace de la souche productrice.

Gènes des entérotoxines staphylococciques

                   Les gènes des entérotoxines staphylococciques (es) sont localisés au sein de différentes régions du génome, ils peuvent être intégrés dans le chromosome bactérien ou sur des plasmides, qui sont des petits fragments d’ADN circulaires très facilement transmissibles entre les bactéries. La localisation au sein du chromosome bactérien peut varier en fonction du type d’ES comme des ilots de pathogénicités, fragments prophages ou sur des opérons comme le groupe egc. Un opéron est une unité d’ADN fonctionnelle regroupant des gènes es contrôlés par le même promoteur. Sur un opéron, l’ensemble des gènes es est donc transcrit en ARN messager puis traduit en protéine en même temps. Jarraud et al, 200113 ont identifié que l’opéron egc comporte les gènes seg et sei. Par la suite les gènes sem, sen, seo et seu ont été ajoutés à cet opéron. Les ESs de l’opéron egc sont généralement présentes ensembles. Le Tableau 3 illustre la position des entérotoxines déjà connues.

L’egc contient également deux pseudogènes (φent1 et φent2). Ce locus pourrait jouer le rôle de formation des gènes es. En effet, des phénomènes de duplications et de recombinaisons à partir d’un gène ancestral commun pourraient expliquer la formation de nouvelles entérotoxines. Ceci a été démontré, au sein de l’opéron egc, par l’identification de gènes codant pour seu, seu2 qui a été renommé sew et sem-sev 19,20. La localisation des gènes codant pour des ESs, sur des éléments génétiques mobiles (plasmides) peut entraîner un transfert horizontal de gènes entre les souches de S. aureus. Par exemple, le gène seb est situé sur le chromosome dans certains isolats cliniques69, alors qu’il a une localisation plasmidique dans d’autres souches de S. aureus. La régulation de la production des ESs est un mécanisme encore peu connu. Le S. aureus est capable de s’adapter aux changements environnementaux, en utilisant une combinaison de systèmes d’adaptation81. Ces systèmes permettent chez S. aureus de s’adapter rapidement au stress environnemental en régulant l’expression des gènes avec des caractéristiques physiologiques importantes, comme la production des ESs.

Les systèmes d’adaptation peuvent contrôler directement ou indirectement la transcription d’un ensemble spécifique de gènes (opérons) et/ou un seul gène82. Pour l’entérotoxine la plus étudiée, la SEA, il a été démontré que la transcription du gène sea est liée au cycle de vie du prophage codant83 et est inductible par un stress bactérien84. Six différents prophages porteurs du gène sea (u252B, uMu3, uMu50A, uNM3, uSa3ms et uSa3mw) ont été décrits. Ils régulent les niveaux d’expression de la SEA. Le système agr (Accessory Gene Regulator) est un des principaux systèmes de régulation contrôlant l’expression des facteurs de virulence chez S. aureus . Il fonctionne en combinaison avec le système sar (Staphylococcal Accessory Regulator) décrit par Cheung et al, 199287 et Novick et al, 2001. L’expression des ESs est en grande partie contrôlée par le système agr. Par exemple, les expressions des gènes seb, sec et sed sont agrdépendantes, alors que les expressions de sea et see sont agr indépendantes12,89. Vojtov et al, 200290 ont démontré que la SEB est un régulateur négatif de l’expression des gènes d’exoprotéines, agissant par l’intermédiaire du système agr. Il faut noter que les types SEB, SEC et SED ne sont que partiellement régulés par le système agr et peuvent également être produits indépendamment. La production des ES codées dans l’opéron egc (SEG, SEI, SEM, SEN, SEO et SElU) est la plus élevée dans les premiers stades de la phase exponentielle de croissance bactérienne et dépend de σB (promoteur)91. D’autre part, la production du type SEH est prédominante dans la phase exponentielle tardive de la croissance bactérienne et semble être régulée positivement par Rot (régulateur d’expression et SaeR (régulateur d’expression)).

De plus, Sae RS semble également avoir un impact positif sur la production du type SElX93,94. En résumé, les gènes des es ne sont pas tous situés au même endroit dans le génome et peuvent dépendre de differents régulateurs d’expression, cela implique que les ESs ne seront pas toutes produites de la même façon. Pour mieux comprendre l’expression des gènes es pendant les différentes phases de croissance, Derzelle et al. 2009 95 ont réalisé une étude sur 28 souches de S. aureus isolées de TIACs ou de souches de référence, en utilisant la PCR quantitative par transcription inverse (rt-PCR). Cette technique de quantification de l’ARNm, produit par le microorganisme, a permis de vérifier la fonctionnalité du gène et d’évaluer son taux d’expression. Ainsi, quatre profils d’expression des gènes ont été mis en évidence :
 Le premier profil concerne les gènes sea, see, sej, sek, sep et seq. La phase de croissance bactérienne n’influence pas la production des ARNm
 Le deuxième profil concerne l’opéron egc, les niveaux d’ARNm pour seg, sei, sem, sen, seo et seu semblent légèrement diminués pendant la croissance bactérienne.
 Le troisième profil présente une rapide et importante production d’ARNm pour les gènes de seb, sec et seh à la fin de la phase de croissance exponentielle.
 Enfin, le dernier profil met en évidence une faible augmentation post exponentielle de l’expression de sed, ser et sel.
L’analyse des ARNm par RT-PCR a permis de mettre en évidence la capacité des souches à produire les ESs dans les conditions testées. Cependant, cette expression des ARNm ne signifie pas que les ESs ont été produites par la souche de S. aureus. La majorité des études publiées se sont intéressées aux cinétiques de production des entérotoxines classiques SEA-SEE utilisant des méthodes ELISA 96. Cependant, peu d’études des cinétiques ont été réalisées sur la production d’une large gamme d’entérotoxines incluant celles dites « non classiques ».

TIAC a Staphylocoques dans l’Union européenne

             Selon l’EFSA (European Food Safety Authority), les TIAC sont classées en deux catégories en fonction du faisceau de preuves disponibles:
– TIAC suspectée (weak evidence) : la TIAC à Staphylocoques est considérée comme suspectée si (i) la symptomatologie provoquée est caractéristique aux ESs et (ii) que l’aliment consommé est favorable pour la production des ESs par le S. aureus, mais ni les ESs ni le S. aureus n’ont pus être détectés lors de l’analyse des échantillons.
– TIAC confirmée (strong evidence) : la TIAC à Staphylocoques est considérée comme confirmée si en plus des symptômes spécifiques, le S. aureus et/ou les ESs sont détectés.
L’EFSA a reporté dans son rapport annuel de 2021107 les foyers de TIACs. En 2019, dans l’Union Européenne, 997 foyers confirmés ou suspectés de TIACs dues aux toxines bactériennes ont été signalés par 13 états membres (Allemagne, Bulgarie, Croatie, Chypre, Espagne, Finlande, France, Hongrie, Italie, Pologne, Portugal, Roumanie, Suède). Le foyer le plus important a été décrit en Italie où 44 des 70 personnes exposées ont été hospitalisées. Aucun décès n’a été signalé au cours de cette année107. Par ailleurs, les TIACs à domicile sont les plus reportées et présentent plus de 40% des TIACs déclarées comme l’illustre la Figure 7.

Ce nombre est certainement sous-évalué du fait que très peu d’intoxications à domicile sont déclarées par les familles. Les TIACs liées à la restauration collective sont moins nombreuses car cette dernière doit répondre à des normes d’hygiènes strictes. Cependant, elles sont plus souvent répertoriées du fait que les responsables des établissements sont tenus de les déclarer. De nombreux chercheurs considèrent que les TIACs à S. aureus font partie des maladies d’origine alimentaire les plus courantes dans le monde. Elles provoquent une symptomatologie de courte durée, qui se solde généralement par une guérison complète et sans séquelles en quelques jours. Ainsi, le corps médical s’intéresse peu à ces intoxications, notamment lorsque qu’elles ne touchent que peu de personnes ce qui engendre une sous-déclaration108,109.

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Table des matières

I Introduction
I.A Entérotoxine staphylococcique (ES)
I.A.1 Historique et généralités
Découverte du S. aureus
Découverte des entérotoxines staphylococciques
Effet des entérotoxines staphylococciques
Diversité des entérotoxines staphylococciques
Structure des différentes entérotoxines staphylococciques
Gènes des entérotoxines staphylococciques
Mécanisme de l’activité des entérotoxines staphylococciques
I.A.1.7.1 L’activité émétique
I.A.1.7.2 L’activité super antigénique
Production des entérotoxines staphylococciques dans la matrice alimentaire
I.A.2 Toxi-infection alimentaire collective (TIAC)
TIAC a Staphylocoques dans l’Union européenne
TIAC a Staphylocoques en France
Les conditions de déclenchement d’une TIAC à staphylocoques
Processus de déclaration d’une TIAC
Impact économique des TIACs à S. aureus
I.B Techniques d’analyse des échantillons impliqués dans une TIAC à SCP
I.B.1 Outils de détection du SCP et des gènes de pathogénicités
Détection des staphylocoques à coagulase positive (SCP)
Analyse de l’ADN par PFGE (Pulsed-field gel electrophoresis)
Analyse de l’ADN par PCR (Polymerase Chain Reaction)
Analyse de l’ADN par séquençage génomique WGS (Whole Genome Sequencing)
Analyse de l’ARNm par qRT-PCR (Reverse Transcriptase Polymerase Chain Reaction)
I.B.2 Outils de détection des entérotoxines staphylococciques
Analyse des entérotoxines staphylococciques par la norme NF EN ISO 19020
Analyse des entérotoxines staphylococciques par les méthodes ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay)
Analyse des entérotoxines staphylococciques par les tests de flux latéral LFA (Lateral flow assay)
Analyse des entérotoxines staphylococciques par la méthode agglutination passive inversée au latex : RPLA (reversed passive latex agglutination)
Analyse des entérotoxines staphylococciques par la méthode de résonance plasmonique de surface ou SPR (Surface plasmon resonance)
Analyse des entérotoxines staphylococciques par les techniques des immuno-empreintes (Western Blot : WB)
Analyse des entérotoxines staphylococciques par la méthode de cytométrie en flux
Analyse des entérotoxines staphylococciques via l’utilisation d’Aptamères (Aptamer)
Analyse des entérotoxines staphylococciques par les tests sur animaux
Détection des entérotoxines staphylococciques par LC-MS
I.C Analyses protéomiques par spectrométrie de masse, applications aux ESs
I.C.1 Principe de la spectrométrie de masse (MS)
Instrumentation
I.C.1.1.1 Source d’ionisation
I.C.1.1.2 Analyseur
I.C.1.1.3 Détecteur
I.C.1.1.4 Fragmentation
I.C.1.1.5 Instrument utilisé durant les travaux de thèse
I.C.2 Apport de la spectrométrie de masse pour l’analyse des protéines et stratégies analytiques
Stratégie analytique et mode d’acquisition des données
I.C.2.1.1 Stratégie bottom-up
I.C.2.1.2 Stratégie top-down
Les modes d’acquisition des données pour la protéomique (LC-MS)
I.C.2.2.1 Mode Selected Reaction Monitoring (SRM et MRM)
I.C.2.2.2 Mode parallel reaction monitoring (PRM)
I.C.2.2.3 Mode Data Dependent Acquisition (DDA)
I.C.2.2.4 Mode Data-independent acquisition (DIA)
I.C.3 Analyses protéomiques en matrices complexes
Effets de matrice et normalisation du signal
Préparation d’échantillons
I.C.3.2.1 Gel SDS-PAGE
I.C.3.2.2 Précipitation protéique (séparation en fonction du point isoélectrique)
I.C.3.2.3 Filtration / dialyse
I.C.3.2.4 Single-Pot Solid-Phase-enhanced Sample Preparation (SP3)
I.C.3.2.5 Chromatographie liquide et SPE pour le fractionnement
I.C.3.2.6 L’immuno-enrichissement ou immunocapture
I.C.4 Les approches de quantification par spectrométrie de masse
Quantification relative par spectrométrie de masse
I.C.4.1.1 Quantification relative par comptage spectral (sans marquage)
I.C.4.1.2 Quantification relative par marquage isotopique de l’échantillon
Quantification absolue des protéines
Quantification par un étalon non marqué aux isotopes stables
I.C.4.3.1 Gamme d’étalonnage externe
I.C.4.3.2 Gamme d’étalonnage par ajout dosé
Quantification par un étalon marqué aux isotopes stables
I.C.4.4.1 Peptides alourdis « AQUA »
I.C.4.4.2 Quantification concatamer « QconCAT »
I.C.4.4.3 Protein Standard Absolute Quantification « PSAQ »
Quantification absolue sans étalon dédié
I.C.4.5.1 Quantification par l’intensité du pic chromatographique
I.C.4.5.2 Méthode Hi3
I.C.4.5.3 L’indice d’abondance des protéines (PAI)
Validation des méthodes de quantification absolue
I.C.5 Détection des entérotoxines par spectrométrie de masse
Les premières analyses en LC-MS des entérotoxines
Analyse des ESs par LC-MS après culture de S. aureus
Analyse des ESs par LC-MS dans les matrices biologiques
Analyse des ESs par LC-MS dans les matrices alimentaires
I.D Conclusion de l’étude bibliographique et objectifs de la thèse
II Résultats & Discussion
II.A Résultats partie A: Détection et quantification des ESs dans les matrices alimentaires par immunocapture par protéomique bottom-up multiplexe
II.A.1 Introduction partie A
II.A.2 Article 1: Quantitative Determination of Staphylococcus aureus Enterotoxins Types A to I and Variants in Dairy Food Products by Multiplex Immuno-LC-MS/MS
II.A.3 Conclusion et discussion de l’article 1
II.A.4 Etudes complémentaires en lien avec l’article 1
Affinité des anticorps monoclonaux et cas des variants de séquence
Affinité des anticorps polyclonaux et cas des types, extension de la méthode à la toxine SEP
Analyse d’échantillons réels
II.A.4.3.1 Échantillons issus d’autocontrôles
II.A.4.3.2 Échantillons issus de TIACs
II.A.5 Conclusion et perspective partie A
II.B Résultat partie B : Analyse top-down des entérotoxines staphylococciques
II.B.1 Introduction partie B
II.B.2 Article 2 Top-down mass spectrometry for trace level quantification of enterotoxin variants
II.B.3 Conclusion et discussion de l’article 2
II.B.4 Etudes complémentaires en lien avec l’article 2
Optimisation de l’élution des toxines
Analyse par protéomique top-down des protéines SE A, B, C, D, E et rA, rG, rH, rI en tampon
II.B.5 Conclusion et perspective partie B
II.C Résultats partie C : Détection et quantification d’un large panel d’entérotoxines sans l’utilisation d’anticorps, et applications
II.C.1 Introduction partie C
II.C.2 Article 3: Multiplex detection of 24 staphylococcal enterotoxins in culture supernatant using Liquid Chromatography coupled to High Resolution Mass Spectrometry (LC-MS)
II.C.3 Conclusion et discussion de l’article 3
II.C.4 Étude cinétique d’expression des ESs dans du milieu de culture BHI
Protocole de cinétique de production des ESs
Sélection des souches de S. aureus
Résultat de la croissance bactérienne
Résultats des cinétiques de production des ESs
II.C.5 Conclusion et perspective partie C
III Conclusion
Annexes
Référence

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