Structure génétique et mesures de conservation
Une étape cruciale du développement et de la mise en application de mesures de conservation est la connaissance de la structure de la population grâce à l’analyse de données génétiques. En effet, les résultats des analyses génétiques sont de plus en plus souvent utilisés pour identifier et développer des mesures de gestion et de conservation (ex. Moritz 1994b; Waples 1995; Crandall et al. 2000; Allendorf et al. 2004; Palsb011 et al. 2007; Schwartz et al. 2007). Le concept des unités évolutives importantes (UÉI ; evolutionarily significant units : ESU) a été utilisé pour la première fois par Ryder (1986) pour faciliter l’ identification des populations possédant des caractéristiques importantes qui méritaient d’être préservées pour les générations présentes et futures de l’espèce. Depuis, le concept des UÉI a fait l’ objet d’ intenses discussions et différentes définitions ont été proposées (voir Fraser & Bematchez 2001 pour une revue). Malgré ces divergences, ce concept est maintenant largement utilisé pour la conservation des populations sauvages et captives. Considérant que le concept de UÉI est principalement pertinent pour les questions de conservation à long terme, Mortiz (1994b) a définit le concept des unités de gestion (Management Units, MUs). Ce concept se rapproche de la définition de stock et est plus orienté vers des objectifs de conservation et de gestion à court terme (voir Palsb011 et al. 2007 pour une revue). Ces unités de gestion constituent un niveau d’ unité de conservation inférieur à celui des UÉI ; une UÉI pouvant comprendre plusieurs MU. À la différence des UÉls, les MUs ne représentent pas des groupes ou populations isolées du point de vue de la reproduction, mais décrivent des groupes suffisamment différenciés pour être gérés de façon indépendante (Taylor & Dizon 1999). Ainsi, les MUs semblent être un outil plus pratique, bien que moins précis, pour mettre en place des mesures de conservation pour des groupes sympatriques d’ une même population (Moritz 1994a).
Distribution du phoque commun
Le phoque commun (Phoca vitulina) est un mammifère marin de l’ordre des carnivores, du sous-ordre des Pinnipèdes et de la famille des Phocidae (les « vrais » phoques). Comme son nom l’ indique, le phoque commun a la distribution la plus étendue des espèces de phoques (Goodman 1998) et sa distribution est mondiale (Stanley et al. 1996; Figure 1). Le phoque commun est en effet retrouvé dans le nord des océans Pacifique et Atlantique (Goodman 1998). Cinq sous-espèces ont été décrites, associées à des aires géographiques distinctes, et donc isolées au niveau de la reproduction (Kappe et al. 1997). Au niveau de l’ océan Pacifique, la sous-espèce Phoca vitulina richardsii fréquente la côte ouest américaine, de l’ Alaska au Mexique, et la sous-espèce P. v. stejnegeri se rencontre le long de la côte ouest du Pacifique, du détroit de Béring jusqu’ au Japon (Westlake & O’ Corry-Crowe 2002). La sous-espèce P. v. vitulina fréquente les côtes européennes, de la Russie jusqu’au nord du Portugal, en passant par la mer Baltique, la mer du Nord, la Manche et les côtes de l’ Islande (Stanley et al. 1996; Goodman 1998).
La sous-espèce P. v. conca/or est présente le long de la côte est du Canada et des États-Unis. Dans l’Est canadien, le phoque commun fréquente l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent dont l’île d’ Anticosti, les Îles de la Madeleine et le sud du Golfe. Il fréquente également les côtes de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et du Labrador. On le retrouve dans la baie d’Hudson et la mer de Baffin (Boulva & McLaren 1979; Stanley et al. 1996; Lesage et al. 2004). Dans l’est des États- Unis, le phoque commun se retrouve le long des côtes du Maine et du New Jersey. Phoca v. mellonae est confinée aux Lacs des Loups Marins, au Québec (Smith et al. 1996). Une analyse phylogénétique à grande échelle de la séquence de la région de contrôle de l’ ADN mitochondrial a montré que les quatre sous-espèces de phoque commun des océans Atlantique et Pacifique, P. v. vitulina, P. v. conca/or, P. v. richardsii et P. v. stejnegeri étaient génétiquement différenciées (Stanley et al. 1996). La cinquième sous-espèce de phoque commun, P. v. mellonae, dont la distribution est restreinte aux Lacs des Loups Marins, a été mise en évidence du point de vue génétique en comparant les séquences de la région contrôle de l’ADN mitochondrial avec celles d’individus de la sous-espèce P. v. conca/or (Smith 1999).
Structure de populations du phoque commun (Phoca vitulina)
Le phoque commun est un animal de petite taille «1 OOkg) qui vit en colonies discontinues le long des côtes des océans Atlantique et Pacifique. L’espèce est considérée comme étant relativement sédentaire même si certains individus, adultes principalement, peuvent effectuer des migrations saisonnières assez importantes (Boulva & McLaren 1979; Lesage et al. 2004). Plusieurs auteurs ont étudié la structure de populations du phoque commun à l’ aide d’ outils moléculaires. Certains travaux ont montré l’existence d’une structure de populations à l’échelle de quelques centaines de kilomètres. Ainsi, six populations (Islande, Écosse-Irlande, côte est de l’Angleterre, mer des Wadden, côte ouest de la Scandinavie et la partie est de la mer Baltique) ont été révélées à l’aide des marqueurs microsatellites chez la sous-espèce P. v. vitulina au niveau des côtes européennes (Goodman 1998). Dans l’océan Pacifique, la structure des populations du phoque commun a été étudiée dans différentes régions : au nord, pour les sous-espèces P. v. richardsii et P. v. stejnegeri, un schéma d’isolement par la distance au sein de l’espèce et la possibilité d’un effet fondateur ont été décelés avec l’étude de l’ADN mitochondrial (Westlake & O’Corry-Crowe 2002). Pour la sous-espèce P. v. richardsii, deux populations ont été mises en évidence dans le nord-est de l’océan Pacifique (sud de la Colombie Britannique et nord de la Colombie Britannique et Alaska) à l’aide de l’ADN mitochondrial et des microsatellites (Burg et al. 1999).
Au niveau de la côte ouest des États-Unis, l’étude de l’ADN mitochondrial a montré que le flux de gènes est limité entre les populations des côtes de l’état de Washington, de l’ Oregon et de la Californie (Lamont el al. 1996). Chez le phoque commun, les analyses de l’ ADN mitochondrial révèlent une plus grande structure des populations que les microsatellites, laissant supposer un plus fort taux de migration chez les mâles que chez les femelles (Stanley et al. 1996; Burg el al. 1999; Coltman et aL. 2002). La philopatrie (du grec philos: aimer et du latin pal ria : pays du père) fait référence à l’ instinct ou à la tendance d’ un individu de revenir à, ou de rester dans, sa zone de naissance. À l’échelle mondiale, une certaine philopatrie régionale des femelles a été mise en évidence (Stanley el al. 1996). Bien que la philopatrie des phoques communs au niveau de l’Île de Sable (Nouvelle-Écosse) n’ ait pas été mise en évidence, l’ analyse des empreintes génétiques a montré une forte fidélité des femelles pour les colonies de reproduction (Schaeff et al. 1999).
Structure des populations de la sous-espèce Phoca vitu/ina conca/or La structure génétique des populations de la sous-espèce P. v. conca/or n’a pas été étudiée à l’échelle de l’Atlantique nord-ouest. Il existe cependant des indices qui suggèrent l’existence d’une structure des populations à cette échelle. L’analyse des polluants organiques persistants (POP) a permis de discriminer les populations de phoques communs de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent et de Terre- Neuve (Lebeuf et al. 2003). Les auteurs ont retracé la répartition des phoques sur les trois sites d’étude avec une précision de 90% suivant le gradient de concentration des POP de l’estuaire du Saint-Laurent vers Terre-Neuve. L’analyse spatiale par suivi satellite et radio-télémétrie de phoques communs de l’estuaire du Saint-Laurent a montré des migrations saisonnières de 65 à 520 km liées à la couverture de glace hivernale de la zone d’étude (Lesage et al. 2004). Les patrons de déplacements ont montré que les individus de la sous-espèce P. v. conca/or effectuent de courts déplacements le long des côtes et qu’ une masse d’eau profonde telle que le chenal Laurentien représente une barrière physique (Lesage et al. 2004). Des différences morphologiques, telles que la configuration du pelage et le nombre de dents postcanines, ont été observées entre les phoques communs de l’Île de Sable et ceux du continent (Boulva & McLaren 1979). Des analyses de paternité de phoques communs de l’Île de Sable ont été réalisées grâce aux marqueurs microsatellites (Coltman et al. 1998; 1999). L’étude de la diversité génétique de la petite population de l’Île de Sable a montré un faible degré de variabilité génétique. Un effet de consanguinité lié à l’ isolement géographique de la population expliquerait la faible variabilité génétique (Coltman et al. 1998).
La structure mondiale du phoque commun a été étudiée à partir d’ échantillons des quatre sous-espèces marines de Phoca vitulina : 19 individus de P. v. conc%r (11 originaires de l’Île de Sable, 7 de Saint-Pierre et Miquelon et 1 de la baie d’Hudson), 38 P. v. richardsii, 12 P. v. stejnegeri et 158 P. v. vitulina (Stanley et al. 1996). Cette étude à grande échelle ne comprend aucun individu provenant de l’estuaire ou du golfe du Saint-Laurent. Lors de cette étude, seulement cinq haplotypes ont été observés. Cependant, des différences ont été observées entre les individus de l’Île de Sable, de Saint-Pierre et Miquelon et de la baie d’Hudson. Pour discriminer la sous-espèce lacustre, P. v. mellonae, les séquences de la région contrôle de l’ADN mitochondrial de 6 individus ont été comparées à celles d’un échantillon de 11 individus de la sous-espèce P. v. conc%r provenant du Groenland (2 individus), des côtes du Massachusetts (4 individus), de la baie de Fundy (1 individu), des côtes de la Nouvelle Écosse (1 individu), du New Jersey (1 individu), de Gaspé (1 individu) et de l’ estuaire du Saint-Laurent (1 individu) (Smith 1999). Les séquences de la sous-espèce P. v. mellonae semblent plus apparentées à celles de P. v. conc%r comparativement à celles des autres sous-espèces. Cependant, P. v. mellonae présente un certain degré de différenciation et l’ arbre des distances génétiques, malgré une faible solidité des branches, montre une certaine structure pour la sous-espèce P. v. conc%r.
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Table des matières
Remerciements
Résumé
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des annexes
Chapitre 1 Introduction générale
1. Structure génétique et mesures de conservation
II. Distribution du phoque commun
III. Structure de populations du phoque commun (Phaca vitulina)
IV. Le phoque commun dans l’Atlantique nord-ouest
IV.1 Cadre du projet et Zone de Protection Marine
IV.2 Structure des populations de la sous-espèce Phaca vitulina cancalar
IV.3 Utilisation des marqueurs moléculaires
V. Objectifs
Chapitre II Population structure of the harbour se al (Phaca vitulina concolor) in the Northwest Atlantic based on microsatellite and mitochondrial DNA analyses
1. Abstract
II. Introduction
III. Materials and Methods
IIU Sample collection and DNA extraction
III.2 Microsatellite amplification and allele detection
IIL3 Mitochondrial DNA amplification and sequencing
IlIA Statistical analysis
ilIA. 1 Microsatellite variability
IIIA.2 Mitochondrial DNA variability
111.5 Population genetic structure
III. 6 Mantel test of iso lation by distance
III. 7 Sex-biased migration test
III. 8 Phylogeography of the four harbour seal subspecies
IV. Results
IV .1 Statistical analysis
IV .1.1 Microsatellite variability
IV.1.2 Mitochondrial DNA variability laity
IV .2 Population structure
IV.2.1 Genetic differentiation from microsatellite: e ST
IV.2.2 Genetic differentiation from mtDNA: <DST
IV.2.3 Bayesian Clustering Method
IV.2A AMOVA on the microsatellite data
IV.2.5 AMOVA on the mitochondrial DNA data
IV.3 Phylogeography
IV.3.1 Geographical structure based on microsatellite data
IV.3.2 Phylogeography based on mitochondrial DNA sequences
IV.3.3 Geographical structure based on both microsatellite and mitochondrial DNA data
IV.4 Mantel tests for isolation by distance
IV.5 Sex biased test for migration
IV.6 Phylogeography of the four harbour seals subspecies
V. Discussion
V.I Genetic diversity
V.2 Population structure
V.3 Evolutionarily Significant Units
V.4 Phylogeography of the four harbour seals subspecies
VI. Conclusion
VII. Acknowledgments
Chapitre III Conclusion générale
Références bibliographiques
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