Structure de la tige et organisation des parois
Contexte
Cette thèse s‟inscrit dans un contexte de changement climatique, de mondialisation et d‟une population humaine grandissante, qui sont quelques-unes des problématiques autour desquelles s‟articulent les enjeux du XXIème siècle. La recherche de la réduction des émissions de gaz à effets de serre responsables du réchauffement climatique en est un premier volet. L‟augmentation de l‟efficacité des moyens de production d‟énergie, la captation des gaz à effet de serre et la sobriété énergétique nécessitent des efforts pour la recherche de combustibles renouvelables. Les agro-carburants de première génération qui reposent sur l‟utilisation du grain et des sucres solubles produits par les végétaux ont subi un essor au cours des décennies passées mais restent non consensuelles car elles accaparent des ressources et des terres arables pour la production d‟une biomasse dont l‟usage est en concurrence avec la consommation humaine (Mohr et Raman, 2013). En effet, les céréales utilisées dans ce cadre demandent des conditions de culture exigeantes et sont exclusivement destinées à ces productions. Les conséquences de la production des agro-carburants de première génération s‟étendent jusqu‟aux problématiques de déforestation et de marché mondial des matières premières. Il y a donc une nécessité de développer des variétés et des systèmes de production multi-usages dont les exigences sont moindres. Les agro-carburants de deuxième génération répondent à une partie de ces contraintes par l‟utilisation de la biomasse de la plante entière.
De la même manière que pour les carburants, les ressources fossiles non renouvelables sont à la base de la fabrication d‟une grande majorité des matériaux. Les matériaux renforcés par des fibres végétales sont de bons candidats pour remplacer les plastiques et bétons et l‟utilisation de la biomasse peut s‟étendre au développement de nouveaux types de tissus, de produits chimiques, de molécules plateformes bio-sourcées servant de base à la synthèse d‟autres molécules (Furtwengler et Avérous, 2018; Jawaid et al., 2017). La stratégie de bioraffinerie permet d‟envisager la valorisation optimale des composants des agro-ressources. Le deuxième volet des enjeux du changement climatique est la prise en compte de conditions de culture contraintes et modifiées. En effet, le changement climatique a pour conséquence une augmentation globale des températures, la diminution des ressources en eau et des évènements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents (Thornton et al., 2018). La tendance des dernières décennies a été à l‟uniformisation des pratiques culturales, à la sélection de plantes très productives peu adaptées à des conditions variables de croissance et dont la productivité repose sur des ressources externes que sont l‟irrigation, les engrais et pesticides utilisés en grande quantité. De plus, dans les pays tropicaux où l‟agriculture doit s‟intensifier, des variétés adaptées à ces contextes sont donc nécessaires. Que ce soit dans les pays tempérés ou tropicaux, il y a donc un besoin de nouvelles variétés adaptées aux contextes locaux et variables qui sauront répondre aux évolutions climatiques du futur.
Le sorgho, classification et usages agronomiques
Le sorgho commun, Sorghum bicolor, est une plante appartenant au clade des monocotylédones et à la famille des poacées (graminées). C‟est une espèce très proche de la canne à sucre, du maïs et du miscanthus. Sorghum biocolor ssp. bicolor, le sorgho cultivé, présente 5 races (guinea, durra, bicolor, caudatum, kafir) en plus de la classification fonctionnelle (sorgho grain, fourrager, sucré, biomasse) qui désigne l‟usage agronomique préférentiel de la variété et qui est inter-raciale. Le sorgho est cultivé dans les régions arides et semi arides de l‟Afrique et, s‟il a été domestiqué en Ethiopie en ~3000 AC (FAOSTAT, 2001), sa culture s‟est largement répandue en Afrique puis au Moyen Orient, en Inde et jusqu‟en Chine (Winchell et al., 2018). Ces dernières décennies, la culture du sorgho se développe partout dans le monde, notamment en Russie, en Europe, en Amérique du Sud, en Australie et aux Etats-Unis. Le sorgho sous forme de grain est la 5ème céréale la plus produite du monde (en 2017, 57.6 millions de tonnes de sorgho ont été produites), la 3ème aux USA (après le blé et le maïs) et la plus importante céréale d‟été en Australie où le sorgho est plus cultivé que le maïs (FAOSTAT 2017). Les plus grands producteurs de sorgho sont les USA, le Nigeria, le Mexique, l‟Ethiopie, l‟Inde et le Soudan (au-delà de 3M de T produites), la France étant le 23ème producteur mondial et le premier producteur d‟Europe (FAOSTAT 2017). Les utilisations du sorgho sont variées, différents idéotypes de sorgho sont donc cultivés selon les utilisations visées. Le sorgho est l‟aliment de base pour des centaines de millions de personnes dans le monde (Frère et al., 2011) qui utilisent, au-delà du fourrage pour le bétail, les grains entiers ou concassés pour de nombreuses préparations traditionnelles, pains, bouillies et biscuits entre autres. En dehors des pays Africains et de l‟Inde, grains et tiges sont également utilisés en alimentation animale aux Etats Unis, en Europe et en Amérique du sud. Le sorgho suscite également de forts intérêts pour la production d‟agro-carburants de deuxième génération et de matériaux renforcés par des fibres végétales. Cet intérêt récent pour le sorgho émerge face aux enjeux du changement climatique et aux attentes actuelles une agriculture moins dépendante des intrants compte tenu de ses atouts agronomiques présentés dans la section suivante.
Atouts agronomiques et génétiques du sorgho
Le sorgho est une céréale aux nombreux atouts agronomiques. Elle se développe également en tant que plante modèle grâce à ses caractéristiques génétiques. La culture du sorgho est possible dans une grande variété d‟environnements, en particulier sur des terres arides ou semi-arides en conditions de hautes températures où la culture d‟autres céréales comme la canne à sucre ou le maïs est difficile (Rooney et al., 2007). En comparaison avec le maïs, certaines variétés de sorgho ont le potentiel de produire plus de biomasse totale en particulier en conditions de sécheresse (Hallam et al., 2001). Même si le maïs est plus performant en conditions optimales d‟irrigation, le gain de rendement du sorgho dans des conditions de stress hydrique par rapport au maïs est important, de par ses capacités de résistance à la sécheresse ainsi que sa capacité à entrer en dormance pendant ces périodes (Norwood et Currie, 1997; Poehlman, 1987; Propheter et al., 2010; Rocateli et al., 2012; Rooney et al., 2007; Smith et al., 1987). De surcroît, le sorgho ne requière qu‟1/3 des besoins en eaux de la canne à sucre et ½ de ceux du maïs (Enciso et al., 2015; Farré et Faci, 2006; Garofalo et Rinaldi, 2013). De plus, au-delà de son métabolisme en C4, le sorgho résiste bien aux conditions de manque d‟eau et de nutriment grâce à sa bonne récupération des nutriments du sol et son utilisation efficace de l‟azote (Gardner et al., 1994). La capacité du sorgho à résister à la sécheresse est aussi assurée par son réseau extensif de racines, la capacité à enrouler ses feuilles ainsi que la capacité des stomates à récupérer rapidement après le regain de turgescence des feuilles (Poehlman, 1987; Rosenow et al., 1983) Les atouts agronomiques du sorgho mentionnés ci-dessus attirent de plus en plus d‟efforts de recherche. Ainsi, les ressources génétiques se développent autour de cette plante qui a le potentiel de devenir un modèle biologique des graminées en C4.
Cycle de développement
Le sorgho est une plante annuelle dont le cycle total s‟étend de quelques mois à 6 ou 8 mois pour les variétés tardives (Figure I-3). Il comporte deux phases : la phase végétative qui dure de la germination à l‟apparition de la feuille drapeau puis suivant 10 jours de développment de la feuille drapeau, la phase reproductive qui s‟étale de la fécondation des fleurs jusqu‟à la maturité des grains. La phase végétative suit la germination, phase critique du développement dont les conditions de température idéales sont des moyennes journalières à 27°C (Chantereau et al., 2013). Au stade juvénile, l‟investissement de la plante est plus important dans ses racines que dans ses organes aériens. Chaque feuille apparaît avec un délai d‟environ 4 jours selon la variété et les conditions climatiques. Ce délai est appelé phyllochrone et est habituellement mesuré en temps thermique (degrés jours) qui correspond à l‟accumulation d‟énergie thermique à partir de la température basale qui est la température minimum à laquelle l‟espèce croît (chez le sorgho elle est de 11° en moyenne, (Kim et al., 2010). A partir de 20 feuilles, et si la plante continue son développement, le phyllochrone peut doubler. L‟arrêt de l‟élongation des entre-noeuds qui précède la transition du méristème végétatif vers un méristème reproducteur coïncide avec le début de l‟accumulation des sucres solubles dans la tige. La phase végétative est la plus variable en termes de durée, allant d‟un à plus de deux mois selon les génotypes. La phase reproductive qui suit est plus invariable et démarre à l‟initiation florale. Cette phase est critique en terme de besoins en eaux, nutriments et lumière. Au total, 10 jours s‟écoulent entre le stade feuille drapeau et l‟anthèse (floraison), la panicule apparaissant quelques jours après la feuille drapeau. Une fois la fécondation de la panicule complète débute la phase de remplissage des grains qui passent d‟une couleur verte et d‟une consistance laiteuse à une consistance pâteuse puis dure et une couleur blanche ou rougeâtre. Trente à 40 jours sont nécessaires pour arriver à la maturité physiologique depuis l‟anthèse (Figure I-3).
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Synthèse bibliographique introductive
1.Contexte
2.Le sorgho, classification et usages agronomiques
3.Atouts agronomiques et génétiques du sorgho
4.Morphologie du sorgho
5.Cycle de développement
6.Structure de la tige et organisation des parois
7.Description des composés pariétaux
7.1. Cellulose
7.2. Hémicelluloses
7.3. Lignines
7.4. Pectines
7.5. Protéines pariétales
7.6. Flavonoïdes
8.Composition générale des parois
9.Biosynthèse des principaux composants des parois secondaires
9.1. Biosynthèse de la cellulose
9.2. Biosynthèse des hémicelluloses
9.3. Biosynthèse des lignines
10.Variation de la composition des parois en réponse aux « stress »
10.1. Stress abiotiques
10.2. Stress biotiques
11.Déterminisme génétique et évaluation de la qualité de la biomasse
11.1. Evaluation de la qualité de la biomasse
11.2. Déterminisme génétique de la qualité de la biomasse
12.Facteurs de transcription impliqués dans la régulation des parois secondaires
12.1. Facteurs de Transcription NAC
12.2. Facteurs de transcription MYB
12.3. Autres régulateurs des parois secondaires
Objectifs de la thèse et organisation du manuscrit
Chapitre II : Identification de gènes candidats impliqués dans la détermination de la qualité de la biomasse chez le sorgho
1.Introduction
1.1. Analyses phylogénétiques
1.2. Analyse de réseaux de co-expression de gènes
1.3. Génétique d‟association
2.Matériels et méthodes
2.1. Analyses phylogénétiques des familles MYB et NAC
2.2. Réseaux de co-expression
3.Résultats
3.1. Phylogénie des familles NAC et MYB : apport pour l‟identification des FT régulant la mise en place des parois secondaires chez le sorgho
3.2. Identification d‟acteurs de la biosynthèse des parois par la construction de réseaux de co-expression de gènes
3.3. Gènes mis en évidence par des analyses de génétique d‟association
4.Discussion
4.1. Mise à jour des classifications phylogénétique des FT MYB et NAC dans l‟objectif de faciliter la compréhension des acteurs principaux de la mise en place des parois secondaires.
4.2. Identification de réseaux de co-expression de gènes contribuant au développement des entre noeuds
4.3. Evaluation des liens d‟homologies entre les NAC et les MYB par l‟analyse des réseaux de co-expression
4.4. Gènes associés à la qualité de la biomasse en lien avec les FT NAC et MYB et les réseaux de co-expression liés à la mise en place des parois
Conclusion
Chapitre III : Utilisation de la transformation génétique pour la validation fonctionnelle de gènes impliqués dans la mise en place des parois secondaires
1.Introduction
1.1. Principe et intérêt de la transformation génétique
1.2. Principe de transfert de l‟ADN dans le matériel végétal
1.3. Constitution des constructions et principe de la stratégie CRISPR/Cas9
1.4. Etat des lieux de la transformation stable chez les graminées et le sorgho
1.5. Objectifs généraux des essais de transformation stable
1.6. Choix des cibles génétiques pour la transformation stable
1.7. Etat de l‟art la production et la transformation des protoplastes
2.Matériels et méthodes
2.1. Construction des plasmides
2.2. Transformation stable par biolistique et Agrobacterium tumefaciens
3.Résultats
3.1. Essais de transformation stable
3.2. Optimisation de la production et de la transformation de protoplastes de sorgho
4.Discussion
4.1. Essais de transformation stable
4.2. Production et transformation de protoplastes
Discussion générale
1.Rappel des objectifs et des stratégies
2.Synthèse des résultats
2.1. Analyse de la phylogénie des NAC et des MYB
2.2. Analyse des réseaux de co-expression de gènes
2.3. Mise en évidence de régions génomiques associées à la variabilité de la biomasse par analyse de génétique d‟association
2.4. La transformation stable chez le sorgho reste un challenge
2.5. La transformation transitoire sur protoplaste de sorgho est une voie rapide de caractérisation de gènes
Arabidopsis, un modèle absolu ?
Découverte et caractérisation de gènes chez les espèces non modèles
Les difficultés de la transformation génétique
Contributions
Contributions au chapitre II
Contributions au chapitre III
VII. Références
VIII. Annexes
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