Structure d’âge de la régénération des cèdres

Structure d’âge de la régénération des cèdres

Les populations marginales 

Les populations marginales ou fragmentées sont des fragments de végétation originelle, isolés ou peu connectés les uns aux autres. Situées au sein d’une matrice de végétation différente (Wilcove et al. 1986), elles sont souvent le résultat d’une fragmentation naturelle ou anthropique des habitats (Franklin et al. 2002, Didham 2010). Elles se rencontrent également en limite d’aire de répartition des espèces, au-niveau des latitudes ou altitudes plus élevées que l’aire de répartition continue (Thuiller et al. 2008) .

La fragmentation des habitats 

La fragmentation des habitats est au cœur des préoccupations dans le domaine de la biologie de la conservation (Meffe et Carroll 1997). Elle est souvent associée à la perte et l’isolement des habitats (Holt et al. 1995, Collinge 1996, Fahrig 1997). Aujourd’hui, ce processus représente une menace importante pour la biod iversité et est considéré comme l’une des premières causes de la crise d’extinction actuelle (Wilcox et Murphy 1985, Reid et Miller 1989, Fahrig 1997).

La fragmentation des habitats peut être définie comme une transformation du paysage résultant en un ensemble de fragments ou d’îlots de végétation originellement connectés, en des parties isolés ou peu connectés et enfermés dans une matrice de végétation distincte (Wilcove et al. 1986). Il peut s’agir d’une conversion d’un type d’habitat continu en un autre (Faaborg et al. 1993) ou d’une rupture ou destruction de la configuration spatiale d’un habitat large et continu en plus petits fragments (Wiens 1989, Fahrig 1997, Forman 1997, Franklin et al. 2002, Fahrig 2003). Dans les deux cas, seuls des fragments de l’habitat originel demeurent dans le paysage. La fragmentation aboutit généralement à l’individualisation de fragments réduits en taille et déconnectés les uns des autres. Le temps écoulé depuis l’isolement d’un fragment, la distance ainsi que le degré de connectivité entre ces derniers sont des déterminants importants de la réponse biotique au processus de fragmentation. Un paysage fragmenté est soumis à de nombreux changements biologiques, biogéographiques et physiques (Saunders et al. 1991).

La fragmentation présente deux composantes, toutes deux causes d’extinction (Wilcove et al. 1986) : la réduction de l’aire totale de l’habitat d’origine, qui affecte avant tout la taille de la population végétale et donc son taux d’extinction ; la redistribution de l’aire d’habitat restant en fragments disjoints, qui affecte les taux de dispersion et donc d’immigration. De manière générale, ce processus compromet l’intégrité des écosystèmes, en contribuant à la perte de la biodiversité initiale (ex : richesse spécifique, abondance, diversité génétique), à l’invasion d’espèces exotiques, à l’altération de la structure des communautés (ex : interactions interspécifiques au sein de la chaîne trophique) et du fonctionnement des écosystèmes (ex : érosion des sols, diminution de la qualité des eaux) (Forman et Godron 1981, Wilcove et al. 1986, Bierregaard et al. 1992, Collinge 1996, Fahrig 2003, Didham 2010). L’intensité et l’étendu de ces altérations sont influencées par la taille, la connectivité, l’arrangement spatial et l’hétérogénéité des fragments restants (Collinge 1996).

Par le passé, des perturbations naturelles comme les feux, les inondations ou les tempêtes ont fréquemment détruit des habitats, se traduisant en l’isolement et la réduction des populations animales ou végétales. Les organismes ont été capables de s’adapter à cette fragmentation naturelle au cours du temps, notamment via la pression sélective exercée sur les individus les moins tolérants aux conditions locales (fitness de la population). La croissance et la reproduction favorisent l’apparition de caractères physiologiques. La nouvelle cohorte d’individus, en quelque sorte déjà adaptée aux nouvelles conditions (ex : individus issus de graines en provenance de populations situées plus au sud durant des périodes plus chaudes), contribue ensuite à l’adaptation de l’espèce en favorisant l’apparition de nouvelles combinaisons génétiques et en les maintenant via la sélection naturelle (Davis et Shaw 2001, Didham 2010).

Cependant, à l’heure actuelle, en plus des perturbations naturelles, s’exercent aussi des perturbations anthropiques comme les coupes forestières ou la conversion des terres (ex : conversion de forêts ou prairies naturelles pour les cultures agricoles). Celles-ci sont à l’origine des modifications paysagères qui se produisent à des taux sans précédent (Skole et Tucker 1993, Collinge 1996, Franklin et al. 2002) et qui excèdent souvent la capacité d’adaptation et de réponse de la plupart des espèces (Myers et Knoll 2001).

Par exemple, dans la forêt boréale d’Amérique du Nord, alors que la coupe forestière est reconnue comme la perturbation anthropique prépondérante (Burton et al. 1999), les feux sont la perturbation naturelle majeure (Payette 1992). Dans les deux cas, la perte et la fragmentation de forêts matures ont une influence négative sur l’abondance des espèces animales (St-Laurent et al. 2009) et végétales (Han ski 1998).

La limite d’aire de répartition d’une espèce 

En se rapprochant de la limite d’aire de répartition des espèces, que ce soit en limite altitudinale ou latitudinale, celles-ci forment des populations de plus en plus fragmentées et plus vulnérables aux conditions environnementales. Dans le contexte actuel de changement climatique, il est important de prendre en compte les espèces situées à leur limite d’aire de répartition et en particulier leur dynamique spatiotemporelle (Thuiller et al. 2008). Il est en effet communément accepté, d’après la théorie de la niche, que l’aire d’expansion d’une espèce dépend principalement des populations situées au niveau du front de colonisation (Thuiller et al. 2008). A ce niveau, la colonisation est contrôlée par des événements de dispersion sur de longues distances, suivis d’une croissance exponentielle de la population (Hampe et Petit 2005). Par exemple, en forêt boréale, de nombreuses espèces atteignent leur limite de répartition à la transition entre la forêt mixte et la forêt coniférienne. Cette transition entre les deux écozones du biome boréal est partiellement contrôlée par le climat et le régime des feux actuel (Bergeron et al. 2004) ou passé (Carcaillet et al. 2010) même si d’autres facteurs, comme l’existence de micro habitats favorables, jouent aussi un rôle important (Hofgaard 1993).

Vulnérabilité des populations marginales 

Dans le contexte actuel de changements climatiques, un des défis auxquels font face les écosystèmes réside dans la capacité de régénération des espèces, et notamment au sein des populations marginales, situées dans un paysage fragmenté ou en limite d’aire de répartition (Payette et Lavoie 1994, Holtmeier et Broll 2005).

Paysage fragmenté 

La fragmentation augmente la vulnérabilité des espèces aux perturbations naturelles telles les feux ou les tempêtes. L’impact de ces perturbations varie avec la nature (ex : structure, composition spécifique) et la disposition géographique des fragments dans le paysage (Lord et Norton 1990). Dès qu’un habitat est isolé, celui-ci connaît une diminution du nombre d’espèces capables de maintenir une population viable à long terme (Brooks et al. 1999). Cette réduction de la richesse spécifique est causée par la diminution des ressources, l’hétérogénéité de l’habitat, la sévérité des perturbations et l’altération de la dynamique des taux de colonisation et d’émigration (Ewers et Didham 2006). Il en résulte une augmentation de la probabilité d’extinction des espèces (Saunders et al. 1991, Didham 2010). L’extinction d’une espèce indigène peut cependant être retardée si celle-ci est longévive et résistante aux perturbations, comme le cèdre blanc, Thuja occidentalis L. (Saunders et al. 1991).

De nombreuses études se sont intéressées à la taille minimale des fragments nécessaire pour permettre la viabilité d’une population mais il n’y a actuellement pas de réelle concordance des auteurs sur les caractéristiques définissant une population viable (ex: Lovejoy et Oren 1981, Noss et Harris 1986). La réduction de la superficie d’un fragment limite la disponibilité des ressources, réduit les taux de colonisation, altère le succès reproducteur et impose une contrainte intrinsèque sur la taille maximale de la population (capacité de charge). Ces conditions peuvent exposer la population à un risque élevé d’extinction locale (Han ski et Ovaskainen 2000).

La perte d’habitat associée à la diminution de la taille des fragments augmente la proportion de bordure entre les habitats, exposant l’intérieur des fragments à l’influence de l’environnement alentour (Didham 2010). L’effet bordure correspond à la transition des conditions biotiques et abiotiques au niveau de l’interface entre deux habitats adjacents (Cadenasse et al. 2003). Ainsi, la dynamique des petits fragments est plutôt influencée par les conditions environnementales environnantes. Au contraire, les fragments de grande taille présentent un noyau qui est peu affecté par les changements biotiques et abiotiques associés à cet effet bordure (Harris 1988).

Limite de répartition 

Aux marges de leurs aires de répartition, les espèces sont, par principe, situées aux limites de leurs tolérances écologiques et présentent une forte sensibilité aux fluctuations de l’environnement. De ce fait, c’est souvent à cet endroit que se manifestent les premiers signes de changement suite à une perturbation (Payette et Lavoie 1994, Holtmeier et Broll 2005).

De manière générale, ces populations sont plus vulnérables et souvent soumises à des risques accrus d’extinction (Thuiller et al. 2008) par rapport à celles situées dans une aire de répartition continue. En effet, elles présenteraient une diversité spécifique et une densité moindres, des capacités de colonisation limitées et souvent, elles sont situées dans des habitats peu favorables (Collingham et al. 1996, Vucetich et Waite 2003). Par exemple, lorsque l’aire de répartition devient de plus en plus fragmentée (ex : le long d’un gradient latitudinal ou altitud inal), les taux de croissance et d’établissement diminuent, alors que le taux de mortalité augmente. Les espèces sont non seulement contraintes par leur limites physiologiques absolues de survie mais aussi par la compétition avec les espèces environnantes pouvant mieux se développer à l’endroit donné (Thuiller et al. 2008).

A ce niveau, les espèces peuvent répondre de plusieurs manières aux fluctuations climatiques : une modification de croissance et des capacités reproductives, un changement de densité des populations, une migration (MacDonald et al. 1998). Néanmoins, le climat n’est pas l’unique facteur qui intervient dans la dynamique de ces populations. L’interaction complex e avec les perturbations, les conditions édaphiques, les changements d’usage des terres, ou encore la biologie des espèces (ex : exigences écologiques, capacité de reproduction) sont des facteurs importants qui agissent au niveau de la structure et de la dynamique spatio-temporelle de ces populations. La limite de répartition d’une espèce n’est pas fixe du point de vue spatio-temporel (Holtmeier et Broll 2005, Messaoud et al. 2007a, Harsch et al. 2009, Chauchard et al. 2010).

CONCLUSION

A la limite de son aire de répartition, la localisation de cèdres près des lacs et le recrutement constant et indépendant des conditions climatiques confère à cette espèce le potentiel pour se maintenir par le biais de la multiplication végétative, d’autant que les conditions ne favorisent pas sa reproduction sexuée. Au niveau des sites échantillonnés en limite de distribution, cela se traduit actuellement par une forte densité des individus et donc une structure spatiale très groupée. La dynamique effective observée au sein de l’espèce se traduira probablement, à plus long terme, par une densification des populations. Du fait de l’inertie de la réponse de la végétation aux variations climatiques, une expansion vers le nord de ces populations est peu probable pour les prochaines décennies. Cependant, à plus long terme, au cours des prochains siècles, c’est l’équilibre entre les taux d’humidité et les sécheresses qui devrait déterminer la part d’implication respective des deux modes de reproduction, sexué et végétatif. Aussi, le régime des feux est d’une importance capitale dans la survie de ces populations de cèdre blanc et des feux plus fréquents et plus intenses s’avèreraient particulièrement néfastes pour leur devenir.

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Table des matières

CHAPITRE I INTRODUCTION GENERALE
1.1 Les populations marginales
1.1.1 La limite d’aire de répartition d’une espèce
1.2 Vulnérabilité des populations marginales
1.2.1 Paysage fragmenté
1.2.2 Limite de répartition
1.3 Réponse des populations marginales face aux changements
environnementaux
1.4 Facteurs limitant le succès de recrutement
1.5 Facteurs influençant la dynamique et la structure des populations
marginales : le cas du cèdre blanc (Thuja occidentalis L.)
1.5.1 Rôle important de la ca nopée
1.5.2 Facteurs abiotiques : luminosité et humidité
1.5. 3 Substrat favorable à la germination et à la croissance des
plantules
1.6 Modèle biologique : le cèdre blanc (Thuja occidentalis)
1.6.1 Mode de reproduction du cèdre
1.6.2 Le cèdre à sa limite de répartition
1.6.3 Enjeux de conservation du cèdre blanc : aspects sociaux et
économiques
1.7 Objectifs et hypothèses
1.7.1 Objectifs
1.7.2 Hypothèses
CHAPITRE II   MATERIELS ET METHODES 
2.1 Zone d’étude
2.2 Echantillonnage
2.2.1 Sélection des sites
2.2.2 Structure spatiale
2.2. 3 Structure d’âge
2.3 Analyses statistiques
CHAPITRE III RÉSULTATS 
3.1 Structure d’âge des individus présents dans les sites
3.2 Structure d’âge de la régénération des cèdres
3.2.1 Description de la structure d’âge
3.2.2 Nature du recrutement
3.2. 3 Influence des variations climatiques
3.3 Structure spatiale de la régénération
3.3.1 Taux d’expansion des populations marginales
3.3.2 Caractérisation du substrat le long du transect
3.3. 3 Facteurs expliquant la densité de cèdres
3.3.4 Facteurs expliquant l’occurrence des semis de cèdre
3.4 Analyses pédologiques
3.4.1 Matières organiques
3.4.2 Matières minérales
CHAPITRE IV  DISCUSSION 
4.1 Maintien des populations de cèdre
Un maintien de la dynamique grâce au marcottage
Un habitat favorable au cèdre
Une densification des populations possible dans le futur
4.2 Causes probables de la fragmentation des populations de cèdre
4.2.1 Expansion et déclin du cèdre au cours de l’Holocène
4.2.2 Reproduction sexuée effective mais inefficace
4.2. 3 Un faible potentiel de dispersion
4.3 Projections et perspectives
4.3.1 Climat
4.3.2 Feux
4.4 Implications pour l’aménagement forestier
CHAPITRE V  CONCLUSION

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