Introduction aux phénomènes de fatigue
La fatigue est un phénomène physique que l’on rencontre dans les structures soumises à des sollicitations thermiques et/ou mécaniques variables. Elle se caractérise par une détérioration des propriétés mécaniques du matériau au cours des cycles de chargement, jusqu’à entraîner la fissuration ou la rupture de la pièce. Elle est très largement rencontrée dans les différents domaines du génie mécanique (aéronautique, automobile, ferroviaire, nucléaire…) et reste un point clé du dimensionnement mécanique des structures, car elle représente une grande partie des ruptures de pièces en service. Les phénomènes de fatigue peuvent être mis en évidence d’une manière très simple, par exemple, par un essai au cours duquel une éprouvette subit des cycles d’efforts, à une fréquence fixe. On fait alors varier le niveau d’effort appliqué dans l’éprouvette et on note le nombre de cycles à rupture. On le définit généralement sous le nom de courbe de Wöhler. On distingue couramment pour les métaux trois types de comportements à la fatigue en fonction du nombre de cycles subis par le matériau lors de l’apparition de fissure macroscopique :Si la structure subit un grand nombre de cycles (au-delà de 105 cycles) avant de rompre, on parle de fatigue polycyclique. La structure est en général sollicitée dans son domaine d’élasticité, où après quelques cycles élastoplastiques, elle reste dans un régime purement élastique. Si la rupture de la structure intervient pour un nombre de cycles inférieur à 100000 cycles, on parle de fatigue oligocyclique. A chaque cycle, la structure est alors sollicitée au-delà de son domaine d’élasticité. Le cycle limite de la structure est alors élastoplastique ou élastoviscoplastique. Au-delà de 107 cycles, on dit conventionnellement que la structure a atteint son domaine d’endurance illimitée. Aucune fissure de fatigue n’apparaîtra, quel que soit le nombre de cycles appliqués. Cependant, ce n’est qu’une limite conventionnelle qui reste souvent très mal définie.
Dimensionnement à la fatigue oligocyclique
L’étude expérimentale de la fatigue oligocyclique a commencé dans les années 50 dans les domaines nucléaire et aéronautique avec notamment les travaux de Manson et Coffin qui ont donné les premières formulations permettant de relier la durée de vie d’une éprouvette à la déformation plastique observée. Depuis, de nombreuses études sur la fatigue ont permis de mieux comprendre les phénomènes physiques mis en jeu. De plus, les progrès obtenus dans la caractérisation et la modélisation du comportement inélastique des matériaux, mais aussi dans la robustesse des algorithmes de calculs et de la puissance informatique disponible, ont permis de développer des méthodes de dimensionnement à la fatigue oligocyclique fiables, s’appuyant largement sur une approche numérique. Ces méthodes se regroupent en général en deux types d’approches de dimensionnement qui sont assez différentes dans leur concept et qui induisent des filières de simulation très différentes. La première s’appuie sur les travaux concernant l’endommagement de fluage initiés par Kachanov en 1958. Elle consiste à coupler la modélisation du comportement inélastique du matériau à celle de son endommagement. On peut se référer à [LEMAITRECHABOCHE 74] ou [BENALLAL-BEN CHEIK 87] pour une présentation plus détaillée et une illustration de ce type d’approche. Au cours de la simulation des cycles de chargement, la réponse mécanique est influencée par l’évolution de l’endommagement dans chaque zone de la structure. Cette approche offre alors la possibilité de suivre l’évolution de l’endommagement de la structure au cours du chargement. La ruine de la structure est déterminée lorsque les paramètres d’endommagement dépassent une valeur seuil. Du point de vue de la modélisation numérique elle nécessite la simulation de l’ensemble des cycles jusqu’à la ruine de la structure. Le couplage entre le comportement mécanique et l’endommagement rend le problème très fortement non-linéaire, ce qui conduit à une résolution parfois délicate et en tout cas très coûteuse en temps. De plus, l’identification de tels modèles reste délicate à effectuer de par la diversité des paramètres à déterminer et leur couplage. La seconde approche considère l’influence de l’endommagement sur la réponse mécanique de la structure négligeable. Il est alors possible de découpler la modélisation de l’endommagement de celle du comportement du matériau. La simulation de la prévision de la tenue en fatigue est alors effectuée en deux étapes : on recherche dans un premier temps la réponse mécanique de la structure jusqu’à un état stabilisé représentatif en ne prenant en compte que le comportement inélastique du matériau, puis on évalue la durée de vie de la structure par un post traitement de la réponse mécanique à partir de l’intégration d’une loi d’endommagement sur l’ensemble du trajet de chargement. Dans [SERMAGE-LEMAITRE-DESMORAT 00], les auteurs comparent ces deux approches de dimensionnement dans le cas d’une éprouvette soumise à un chargement mécanique biaxial et à un chargement thermique. Les auteurs en concluent que les deux approches proposent des résultats relativement prédictifs par rapport aux essais effectués. Cependant, l’approche couplée entraîne des temps de calcul nettement supérieurs à ceux de l’approche découplée. Ce problème rencontré dans le cas d’une éprouvette devient particulièrement délicat pour simuler des structures industrielles. Dans [CHABOCHE 97], l’auteur décrit l’approche découplée comme la plus répandue dans le dimensionnement des structures industrielles. Cependant, la littérature propose de nombreuses versions, en fonction des modèles de comportement étudiés ma is aussi en fonction des différentes modélisations de l’endommagement retenues et donc des différents critères de fatigue utilisés. Pour illustrer cette approche, nous présenterons, dans le paragraphe suivant, certains critères généralement utilisés avant de décrire l’application d’une telle démarche de dimensionnement sur les culasses automobiles.
Définition du chargement
Il est nécessaire pour développer une approche numérique de dimensionnement de définir un chargement suffisamment représentatif des sollicitations rencontrées par la pièce en utilisation. Chaque utilisateur faisant un usage unique de son véhicule, il est impossible de connaître l’ensemble des cas de chargements possibles des pièces du véhicule. Afin de définir un cahier des charges unique capable de tenir compte de l’ensemble des utilisations, des méthodes dites «contrainte-résistance » sont employées. D’une part, on détermine, à partir de grandeurs mécaniques accessibles lors de mesures pendant des enquêtes clientèle (accélération, température des gaz rejetés…), les sollicitations de la structure en fonction de chaque utilisateur. Par des approches de cumul de dommage et d’équivalence fatigue, on détermine ensuite un couple (effort équivalent, nombre de cycles) qui sera équivalent de l’endommagement produit par chaque utilisation. On obtient alors la distribution de sévérité de la clientèle. D’autre part, des analyses statistiques de suivi de production permettent de déterminer les dispersions de résistance des pièces dues au process ou à l’état de la matière. Une approche probabiliste permet alors de définir un client de référence associé à un niveau de risque de défaillance accepté. Ce client référence représente une sollicitation unique qui sera utilisée tant pour le dimensionnement numérique que pour la validation expérimentale [THOMAS-PERROUD-BIGNONNET-MONNET 98]. Dans le cas des culasses, le paramètre fondamental de dimensionnement est l’évolution de la température au cours du cycle. En effet, c’est l’évolution des gradients thermiques et du comportement du matériau en fonction de la température qui vont piloter les champs mécaniques de la structure. L’équivalence fatigue nous donne alors un cycle thermique représentatif qui servira de référence à la simulation et qui sera appliqué sur bancs d’essais pour valider physiquement la structure [CHARKALUK 01]. Cette approche d’équivalence fatigue dans le cadre du GMP (Groupe Moto Propulseur) est en cours de développement. Pour l’instant, le chargement cyclique thermique appliqué sur banc d’essai est supposé suffisamment représentatif pour être utilisé comme chargement dimensionnant dans la filière numérique. Afin de diminuer les temps de calcul, l’hypothèse d’un découplage entre le calcul thermique et le calcul mécanique est faite. Plus précisément, on néglige les effets du comportement mécanique de la structure sur son comportement thermique. Cela se justifie notamment par l’importance du chargement thermique devant les quantités mises en jeu lors de la dissipation thermique issue de la plastification de certaines zones de la culasse. Cependant, l’influence de la température sur le comportement mécanique du matériau est prise en compte par des paramètres du comportement mécanique dépendant de la température. Un calcul thermique permet de déterminer les champs de température et leur évolution transitoire dans la culasse au cours du cycle. Les données d’entrée sont les coefficients d’échanges thermiques entre la culasse et son environnement proche (combustion, gaz brûlés, circuit de refroidissement…) provenant de simulations 3D en mécanique des fluides. Les champs thermiques provenant de cette simulation constituent alors le chargement principal pour le calcul mécanique.
Programmation de la méthode cyclique directe
La mise en œuvre numérique de ce travail a été faite sous le logiciel Matlab. Ce travail permet de tester la méthode cyclique directe sur des structures soumises à des chargements thermomécaniques cycliques. Le chargement thermique correspond à l’évolution du champ de température en tout point de la structure. Il est issu d’un calcul thermique obtenu par le logiciel Abaqus. Le maillage des structures étudiées est lu à partir d’un fichier au format universel qui définit l’ensemble des nœuds, la connectivité des éléments, les conditions aux limites et les forces nodales appliquées. Les éléments utilisés dans les maillages sont des éléments tétraédriques quadratiques à 10 nœuds. Ces éléments sont utilisés chez PSA car ils permettent des gains de temps considérables lors des phases de maillages par l’utilisation de mailleurs automatiques La formulation de cet élément peut être retrouvée dans [BATOZ-DHATT 95] et est identique à celle utilisée dans Abaqus. Les paramètres inélastiques des lois de comportement sont considérés dépendants de la température. Par contre, les caractéristiques élastiques sont laissées indépendantes de la température. Ce programme permet ainsi de traiter des problèmes dont la taille de maillage atteint les 15000 ddl. Dans la suite de ce chapitre, nous présentons des comparaisons de résultats obtenus avec la méthode cyclique directe à ceux obtenus par une approche incrémentale classique, programmée dans le code de calcul Abaqus [HIBBITT-KARLSSON-SORENSEN, 98].
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Table des matières
Introduction
Chapitre I Dimensionnement à la fatigue thermomécanique
1. Introduction aux phénomènes de fatigue
2. Dimensionnement à la fatigue oligocyclique
3. Critères de prévision de durée de vie en fatigue thermomécanique
4. Dimensionnement des culasses à la fatigue thermomécanique
4.1 Description d’une culasse
4.2 Approche globale de dimensionnement et application aux culasses
Chapitre II Structures sous chargement cyclique : modélisation numérique
1. Réponse asymptotique d’une structure
2. Analyse de l’état limite
3. Méthodes numériques
3.1 Position du problème
3.2 Méthode des éléments finis
3.3 La méthode incrémentale
3.4 La méthode à grand incrément de temps
3.5 Méthode des sauts de cycles
3.6 Analyse simplifiée des structures : méthode ZAC
3.7 Approche cyclique
3.8 Méthode du contrôle optimal
Chapitre III Méthode Cyclique directe
1. Contexte général
2. Position du problème
3. Principe de la méthode cyclique
4. Description générale
4.1 Etape globale
4.2 Etape locale
4.3 Condition de périodicité
4.4 Condition d’arrêt
5. Illustration de la méthode
6. Formulation générale de la résolution d’un problème non linéaire périodique par série de Fourier
6.1 Résolution du problème non linéaire
Chapitre IV Validation numérique
1. Programmation de la méthode cyclique directe
2. Cas tests avec la version programmée dans Matlab
2.1 Cube isotherme élastoplastique
2.2 Cube anisotherme élastoviscoplastique
2.3 Plaque trouée mécanique
2.4 Exemple de la plaque pontet
3. Implémentation de la méthode cyclique directe dans Abaqus
4. Cas tests sous Abaqus
4.1 Cube anisotherme élastoplastique
4.2 Comportement de la méthode en cas de rochet
4.3 Loi de comportement écrouissage cyclique
4.4 Plaque trouée anisotherme
4.5 Culasse monocylindre
4.6 Temps de calcul
Conclusion
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