Structure, Activité et Localisation des protéines RAS

Les protéines RAS

Les protéines de la famille RAS sont des petites enzymes monomériques qui ont une activité GTPases. Cette activité enzymatique consiste en l’hydrolyse du GTP en GDP, un ribonucléotide qui a un rôle majeur dans le stockage et le transport de l’énergie au sein de nos cellules. Ces protéines participent à la transmission de signaux pro-survie avec des conséquences majeures sur l’expression des gènes et sur le devenir de la cellule. Ces signaux sont transmis, nous allons le voir, par la mobilisation successive de protéines des membranes périphériques jusqu’au cœur des cellules par une série de phosphorylations. Ce phénomène est appelé cascade de signalisation ou cascade de phosphorylation.

Les protéines de la famille RAS font partie d’une superfamille de protéines, celle des petites protéines G. Cette superfamille regroupe plus d’une centaine de protéines décrites et classées sur la base de critères biochimiques (séquence, structure et fonction) en huit groupes nommées respectivement RAS, RAB, RHO, RAD, RAP, RHEB, ARF/SAR et RIT (Wennerberg, Rossman, et Der 2005; Rojas et al. 2012). Les protéines RAS sont les oncogènes les plus connus car elles abritent des mutations oncogéniques activatrices observées dans environ 30 % de tous les cancers humains. De surcroît, les principaux acteurs en amont et en aval de la voie de signalisation RAS sont eux-aussi fréquemment altérés dans les cellules cancéreuses. Les conséquences d’une activation anarchique de la voie de signalisation RAS en fait une cible préférentielle dans la lutte contre le cancer.

Structure, Activité et Localisation des protéines RAS

La découverte

Leur découverte date d’il y a près de 60 ans, quand Jennifer Harvey (en 1964) et Werner H. Kristen (en 1967) étudiaient le rétrovirus de la leucémie murine (MLV) chez le rat. L’inoculation de ce virus induit des sarcomes chez ces animaux (Harvey 1964; Kirsten et Mayer 1967), et les séquences génétiques responsables de cette transformation oncogénique furent identifiées quelques années plus tard (Anderson et Robbins 1976; Tsuchida, Ryder, et Ohtsubo 1982). Les protéines de 21 kDa codées par ces séquences ont été nommées HRAS (Harvey Rat Sarcoma) et KRAS (Kristen Rat Sarcoma) (Coffin et al. 1981). Des versions orthologues de ces gènes ont été décrites dans le génome humain. Le terme oncogène – gène responsable de la transformation d’une cellule normale en cellule tumorale – fut introduit à cette époque (Pulciani et al. 1982), ce qui fait de HRAS et KRAS les premiers oncogènes décrits chez l’humain (Ellis et al. 1981; K. Shimizu et al. 1983). Dans le génome de cellules cancéreuses humaines, des mutations ponctuelles furent identifiées dans les séquences de HRAS (Taparowsky et al. 1982) et KRAS (Capon et al. 1983). L’étude des séquences (Hurley et al. 1984) et de l’activité enzymatique des protéines HRAS et KRAS (Gibbs et al. 1984; McGrath et al. 1984; Sweet et al. 1984) ont permis de les classer parmi les petites protéines G à activité GTPase. Ces études ont également établi que les versions mutées de ces protéines présentent une activité GTPase réduite.

La signalisation induite par les protéines RAS

En amont de RAS 

L’oncogène RAS participe à de nombreux processus pro-survie des cellules telles que la régulation du cycle cellulaire, de la résistance à l’apoptose, de l’organisation du cytosquelette, du métabolisme ainsi que de la transition épithéliomésenchymateuse. Les signaux initiaux de l’activation de la cascade de signalisation RAS sont essentiellement extracellulaires et sont captés par des récepteurs membranaires tels que les Récepteurs à Tyrosine Kinase (RTK)(Arvidsson et al. 1994), les récepteurs couplés au protéines-G (Koch et al. 1994; Wan, Kurosaki, et Huang 1996) ou encore par les membres de la famille des intégrines (Clark et Hynes 1996). Nous décrirons ici la voie d’activation de RAS la plus documentée, l’activation par les RTK.

Les cellules sont en effet capables de recevoir des signaux de leur environnement. Ces signaux peuvent être de différentes natures mais parmi eux nous trouvons les hormones peptidiques tels que l’EGF (Epidermal growth factor), le FGF (Fibroblast growth factor) ou le PDGF (Plateled derived growth factor) (Malandrino et Smith 2018). Ces hormones présentent une affinité forte pour les membres de la famille RTK, dont le plus connu est l’EGFR (Epidermal growth factor receptor) (Herbst 2004; Wee et Wang 2017). Ces RTK traversent la membrane plasmique et lorsqu’ils sont liés à leur ligands spécifiques par leur extrémité extracellulaire, s’activent en changeant de conformation et en se dimérisant. Leurs domaines tyrosine kinase intracellulaire hydrolysent l’ATP et s’autophosphorylent (Hubbard et Miller 2007). Cette modification est le point de départ de la cascade de signalisation RAS.

Suite à cette modification, la protéine adaptatrice GRB2 (Growth factor Receptor Bound 2) est recrutée par liaison aux domaines intracellulaires phosphorylés des RTK (Buday et Downward 1993). GRB2 ainsi liée recrute à son tour la protéine SOS (Son Of Sevenless) à la membrane plasmique où elle pourra interagir avec RAS. La protéine SOS1 appartient à la famille des GEF (Guanine nucleotide Exchange Factor) qui ont pour fonction de faciliter l’échange de GDP (Guanosine 5’-diphosphate) par le GTP (Guanosine-5’-triphosphate). Par conséquent, RAS est activée par la GEF SOS1 en facilitant la libération du GDP lié à RAS lorsque RAS est inactive. En effet, RAS possède un domaine de liaison capable de se lier successivement au GDP ou au GTP appelé le domaine G. Dans le cytoplasme, la concentration de GTP est dix fois supérieure à celle du GDP. Ainsi, la libération du GDP laisse la place pour la formation du complexe RAS-GTP qui est la forme active de RAS. Les premières étapes de cette cascade de signalisation permettent donc de faire passer RAS d’une forme inactive à une forme active. La conséquence de l’activation de RAS par les GEF est le recrutement et l’activation de différentes protéines effectrices.

En Aval de RAS

L’activation de RAS induit le recrutement et l’activation de protéines effectrices au niveau de la membrane plasmique. RAS-GTP peut se lier à une dizaine de protéines effectrices différentes via un domaine conservé, le domaine RBD pour RAS Binding Domain (Gimple et Wang 2019). Plus d’une vingtaine de protéines effectrices se liant à RAS ont été identifiées et, parmi elles, les plus connues sont RAF1 et PI3K (PhosphoInositol-3-Kinase) (Castellano et Downward 2011).

Elles régissent respectivement l’activation des voies MAPK et PI3K/AKT.
– La voie MAPK fait intervenir une cascade de phosphorylation passant de RAF1 (ou MAPKKK) à MEK (MAPKK) puis à ERK (MAPK). Cette réaction en chaine conduit in-fine à l’activation de substrats cytoplasmiques et nucléaires de P-ERK (la version phosphorylée de ERK) qui ont des impacts biologiques sur la prolifération et la survie de la cellule (Wimmer et Baccarini 2010). Dans le noyau, P-ERK régule l’expression de certains gènes via son interaction avec des facteurs de transcriptions connus notamment pour leur potentiel oncogénique tels que c-FOS, c-JUN et cMyc.
– La voie PI3K/AKT repose sur l’activation de PI3K par RAS permettant la production de PIP2 (Phosphatidylinositol biphosphate) et de PIP3 (Phosphatidylinositol triphosphate). Ceci permet alors de recruter PDK1 (Phosphoinositide Dependent Protein Kinase 1) qui, suite à son activation, va interagir et phosphoryler la protéine effectrice AKT. Une fois AKT pleinement activée elle participe à la survie cellulaire par inhibition de l’apoptose et par l’activation de la voie mTOR augmentant la biosynthèse des ribosomes donc le phénomène de traduction des ARNm.

Le passage de la forme active à la forme inactive de RAS fait intervenir une autre famille de protéines, les GAP (GTPase Activating Proteins) (Bos, Rehmann, et Wittinghofer 2007). La fonction de cette famille de protéine est de catalyser l’hydrolyse du GTP conduisant à l’inactivation des GTPases. La plus connue des GAPs intervenant dans l’inactivation de RAS est NF1 (Neurofibromin 1). Ce mode d’activation sous la forme d’un interrupteur « on-off » est cependant une vision simplifiée de l’activation de la voie RAS. Il a, en effet, été démontré que l’intensité et la durée d’activation de cette voie participent également aux conséquences fonctionnelles de cette cascade de signalisation (Dikic, Schlessinger, et Lax 1994, 12; Traverse et al. 1994, 12).

Les isoformes de RAS

Les quatre isoformes de la protéine RAS décrits à ce jour sont HRAS, NRAS, KRAS4a et KRAS4b. Ces isoformes sont codés par 3 gènes distincts (KRAS4b étant un produit de l’épissage alternatif de l’ARNm de KRAS4a). Leurs séquences sont homologues à 90% mais ces protéines exercent des fonctions spécifiques selon le contexte cellulaire. Nous utiliserons, dans la suite de cette introduction l’appellation KRAS en référence à KRAS4a et KRAS4b sauf lorsque la distinction sera nécessaire. Ces isoformes activent plus ou moins efficacement des effecteurs différents et sont régulés par des protéines GAP/GEF différentes (Jones et Jackson 1998). Par exemple, KRAS est plus efficace pour activer RAF-1 que HRAS alors qu’à l’inverse, HRAS est plus efficace pour activer PI3K (J. Yan et al. 1998). Une première hypothèse, qui pourrait en partie expliquer ces différences, est liée à l’abondance de ces isoformes dans les modèles humains et murins classiquement étudiés. Effectivement, KRAS est l’isoforme le plus exprimé, suivi de près par NRAS alors que l’expression de HRAS est bien inférieure dans de nombreux types cellulaires (Omerovic et al. 2008). Ces différences d’expression ont été corrélés à des capacités différentes d’induction de fonctions tels que la prolifération des cellules souches (Quinlan et Settleman 2008). Par exemple, alors que des souris déficientes pour le gène codant pour HRAS et NRAS sont viables et fertiles, le gène codant pour KRAS est quant à lui indispensable et suffisant au développement embryonnaire normal des souris (Koera et al. 1997; Esteban et al. 2001). La substitution du gène de KRAS par celui de HRAS, et donc sa mise sous dépendance du promoteur de KRAS, permet tout de même de donner naissance à des souris mais celles-ci présentent des anomalies cardiaques importantes (Potenza et al. 2005). Ces exemples soulignent que les différences fonctionnelles des isoformes de RAS ne reposent pas uniquement sur leur abondance intracellulaire.

Une distinction majeure entre ces protéines, réside dans leurs mécanismes d’adressage aux différentes membranes cellulaires (John F. Hancock 2003). En effet, la région la plus variable entre les différents isoformes de RAS est l’extrémité C-terminale. Cette extrémité possède une région dite « hypervariable » (HVR) comprenant un domaine appelé CAAX, c’est-à-dire possédant une Cystéine suivie de deux acides aminés aliphatiques et un acide aminé aléatoire. Cette région est la cible de modifications post-traductionnelles par ajout de chaines lipidiques (Wright et Philips 2006). Cet ajout permet aux protéines RAS de s’ancrer dans les membranes et participe à leur activation (Ahearn et al. 2011). C’est la raison pour laquelle la compartimentation est apparue comme le mécanisme le plus probable pour expliquer les fonctions spécifiques des isoformes de RAS.

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Table des matières

Introduction
A. Les protéines RAS
I. Structure, Activité et Localisation des protéines RAS
a. La découverte
b. La signalisation induite par les protéines RAS
c. Les isoformes de RAS
d. L’ancrage aux membranes
e. Trafic intracellulaire de KRAS
II. Conclusion
B. Le Cancer : aspects biologiques et moléculaires
I. Caractéristiques communes des cancers
II. Participation pléiotropique de KRAS dans les cancers
a. Les mutants de KRAS et l’acquisition d’une autosuffisance en signaux de croissance
b. Mutants de KRAS et métabolisme
c. Voie de signalisation KRAS dans L’EMT
III. Résistance à la mort cellulaire
C. Les morts cellulaires
I. Aspect général des morts cellulaires
a. Les processus de morts cellulaires non-apoptotiques
b. Apoptose
II. Aspects moléculaires de l’apoptose intrinsèque
a. Les protéines de la famille BCL-2
b. Evènements moléculaires en amont de la MOMP
a. Evènements moléculaires en aval de la MOMP
D. Localisations et Fonctions de BCL-xL
I. Les localisations subcellulaires de BCL-xL
a. Localisation à la membrane externe mitochondriale
b. Localisation à la membrane interne mitochondriale
c. Localisation au réticulum endoplasmique
d. Localisation aux endosomes
II. Fonctions émergentes de BCL-xL
a. Modifications post-traductionnelles de BCL-xL
b. BCL-xL dans la régulation de l’autophagie
a. BCL-xL, soutien de l’invasion et l’angiogenèse
b. BCL-xL, soutien de l’émergence de cellules souches cancéreuses
III. Conclusion
E. Leçons des échecs thérapeutiques contre le cancer
I. Echec des traitement ciblant KRAS
a. Ciblage de l’activité GTPase
b. Ciblage de l’adressage membranaire de KRAS
c. Ciblage de l’ARNm de KRAS
d. Ciblage des protéines en aval de KRAS
e. Ciblage de la dégradation de KRAS
II. Leçons du ciblage de la MOMP
a. Les BH3 mimétiques
b. Ciblage de BCL-xL par L’ABT-737
c. Ancrage membranaire de BCL-xL et résistance aux BH3mim
III. Processus de survie influencés par le contrôle qualité mitochondrial
a. Perméabilisation partielle de la membrane mitochondriale
b. Dynamique mitochondriale
a. La Mitophagie
b. Transfert mitochondrial
c. Vésicules extracellulaires cellulaires issues des mitochondries
c. Système endosomal et élimination mitochondriale
IV. Hétérogénéité tumorale, frein aux thérapies conventionnelles
a. L’hétérogénéité génomique
b. L’hétérogénéité phénotypique
c. La plasticité phénotypique et cellules souches cancéreuses
V. Conclusion
F. Méthodes naissantes de marquage de proximité à la biotine
I. Les méthodes de marquage de proximité par des systèmes enzymatiques
a. La mise à profit du couple biotine-streptavidine
b. Les méthodes basées sur les biotine-ligases – BioID
c. Les méthodes basées sur les peroxydases – APEX
G. Objectifs
Article
Données annexes
Discussion des résultats
Conclusion
Critiques et Perspectives
Références

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