Introduction et contexte industriel
Dans le cadre d’un projet de développement d’un produit nouveau, l’objectif de toute entreprise est de maximiser ses bénéfices tout en minimisant ses besoins en investissement. La majorité des entreprises cherche à innover en interne sans pour cela externaliser toutes leurs activités. Pour [Barreyre, 1975] l’innovation est un processus dont l’aboutissement incertain est une réalisation originale qui comporte des attributs créateurs de valeur. [Flipo, 2001] définit l’innovation comme un processus de création de valeur nouvelle (économique ou autre, selon le type d’organisation), d’abord orientée client en tant qu’arbitre principal de la compétitivité des entreprises, mais pouvant concerner aussi, en tant que bénéficiaire majeur, d’autres parties prenantes telles que l’organisation elle-même (salariés), les actionnaires (rentabilité), les partenaires externes, etc.
Afin d’aboutir à ses objectifs, l’entreprise a besoin de ressources suffisantes et compétentes. Mais, souvent, les entreprises (notamment les PME et PMI) disposent de compétences limitées en interne en développement de produit, en capacité (ressources humaines, chiffres d’affaire, recherche et développement, …), ou encore en connaissances et savoir-faire. Ces manques caractérisent les principaux obstacles pour le développement de produits nouveaux des entreprises. Ces entreprises sont alors obligées d’externaliser leurs activités en faisant appel à des partenaires (création de son réseau de partenaires) ; c’est ce que nous appelons «collaboration ». Cette collaboration nécessite une bonne coordination, une prise de décision commune, une utilisation des ressources communes pouvant aboutir à un accroissement de la valeur ajoutée du produit.
L’atteinte de ce dernier objectif n’est possible que si les partenaires répondent véritablement aux attentes et besoins de l’entreprise : « les partenaires doivent être choisis de la manière la plus juste ». Or, souvent, les entreprises, notamment les PME et PMI, procèdent à un choix intuitif. Ce choix ne prend pas toujours en compte les différents facteurs qui influencent le déroulement du projet tels que les types de partenaires ou les phases de collaboration. Ce type de choix non précis peut générer un mauvais partenariat, d’où une perte considérable en termes de temps, de qualité de produit, d’investissement et, par conséquent, de clients. Afin d’éviter ces situations, différents chercheurs se sont intéressés à la définition des critères de sélection de partenaires de plus en plus diversifiés, dès les années soixante. Citons entre autres : [Dickson, 1966], [Wind et Robinson, 1968], [Anthony et Buffa, 1977], [Gregory, 1986], [Weber et al., 1991], [Vonderembse et al., 1995], [Huang et Keskar, 2007]. C’est ainsi que de nombreuses bibliothèques de critères ont été créées. Nous trouvons également des méthodes de sélection de partenaires de plus en plus nombreuses, par exemple dans : [Saaty, 1980], [Timmerman, 1986], [Nydick et Hill, 1992], [Wei et al., 1997], [Saaty, 2005]. Une large étude bibliographique concernant les critères et les méthodes de sélection de partenaires sera présentée dans le chapitre 2. Aujourd’hui, une entreprise pour le choix de partenaires est confrontée à un problème complexe : « quels critères utiliser ? », « quelles méthodes de sélection employer ? » et enfin « quelles démarches entreprendre ? ». En se focalisant sur les critères, nous nous proposons d’apporter des éléments de réponse à la première question. L’utilisation d’un nombre élevé de critères nécessite des ressources (humaines et techniques) considérables. Par exemple si nous prenons les 101 critères de [Huang et Keskar, 2007], et que nous considérons qu’un critère nécessite en moyenne 1 homme-jour pour l’évaluer de manière précise nous pouvons facilement nous rendre compte du temps requis pour utiliser les 101 critères pour une étude donnée. Afin de minimiser ces efforts, il suffit de réduire le nombre de critères à utiliser « sans influencer le choix » ; une fois le nombre de critères optimisé, la quantité des ressources l’est aussi. Cette optimisation doit se faire sur une base scientifique afin de ne pas négliger des critères importants qui peuvent influencer le choix des partenaires.
Internaliser et externaliser les activités de l’entreprise
Dans cette section, nous allons étudier les cas d’internalisation et d’externalisation des activités de l’entreprise, ainsi que leurs avantages et leurs inconvénients. Rappelons tout d’abord que l’Entreprise Pivot, notée EP (Focal Company ou FC en anglais), représente l’entreprise où se déroulent les activités du projet de développement d’un produit [Zolghadri, 2010 b].
Dans un projet de développement, le point de départ représente souvent la réception d’un cahier des charges de la part du client. L’étude détaillée de ce dernier et l’élaboration des objectifs et des besoins, seront réalisées en collaboration avec toutes les personnes concernées de l’entreprise. A ce stade, et au regard de ses compétences et ses possibilités l’EP est amenée à choisir entre l’externalisation de certaines des ses activités de développement de produits ou de les maintenir en interne.
Internaliser les activités de l’EP
Dans le cas où l’entreprise pivot internalisera la totalité (ou quasi-totalité) de ses activités de conception, production, vente, etc., elle aura une forte propension à être orientée dans ses modes de gestion suivant les axes de technologie et acteur interne. Dans ce cas, il faut qu’elle vérifie que son positionnement sur ces axes soit justifié par rapport à ses objectifs. Il faut que l’entreprise juge de l’intérêt d’internaliser des activités au regard de ses capacités réelles en terme de ressources humaines et de savoirs [Robin, 2005]. L’internalisation des activités représente un moyen de réduction des coûts pour l’EP. En revanche, dans ce cas l’EP ne créera pas de relations avec d’autres entreprises. Par conséquent, elle n’aura pas un réseau de partenaires qui lui garantit une certaine immunité par rapport aux aléas de son environnement.
Externaliser les activités de l’EP
Dans le second cas où l’entreprise externalisera tout ou partie de ses activités, elle sera normalement orientée plutôt sur l’axe environnement externe au détriment des deux autres, puisque intrinsèquement elle ne possédera ni les ressources, ni les savoirs, pour mener à bien ses activités. Mais si elle possède des axes « acteur » et « savoir » développés et qu’elle externalise malgré tout ses activités, elle devra revoir sa façon de gérer son capital humain et son patrimoine de savoirs car cela signifie qu’elle sous-utilise (ou utilise à mauvais escient) ses acteurs et ses savoirs [Robin, 2005]. Dans ce deuxième cas, les documents élaborés seront envoyés aux partenaires potentiels qui se reposeront sur ces derniers pour établir leur offre. La difficulté commence par la création du réseau de collaboration entre l’EP et ses partenaires, avec l’objectif de garder une confiance réciproque.
Du projet ATLAS au choix de partenaires
Ce projet d’une durée de trois ans (2008-2011) a pour objectif global, de proposer un outil d’aide à la gestion des couplages « Projet – Conception de produit ».
Introduction au projet ATLAS
Nos recherches se déroulent dans le cadre du projet « ATLAS-ANR » et ont pour objectif d’élargir l’un des aspects peu évoqué par ce projet, à savoir, la prise en compte des partenaires. Ce projet se positionne dans le référentiel normatif [ANSI/EIA-632, 1998], selon les recommandations de l’ingénierie système. Ce point est très important, car il permet de rassembler les compétences, les savoir-faire et les pratiques industrielles pour proposer une approche intégrée multiprocessus cohérente. Le projet « ATLAS » s’appuie sur l’observation d’une très forte interdépendance entre le processus de conception d’un produit et le projet de conception et de réalisation de celui-ci. Or, ces deux processus sont souvent traités de manière indépendante, ce qui peut être source d’incohérences et de délais supplémentaires. Une analyse des pratiques courantes actuelles dans ces domaines, met en évidence le besoin de rapprocher ces deux processus tant sur un plan méthodologique que sur les outils d’aide ou d’assistance. Nous devons attendre de ce rapprochement plus de cohérence dans les décisions et donc plus d’efficacité. C’est pourquoi, nous abordons de manière prioritaire, dans le cadre du projet «ATLAS », le problème de l’interaction entre l’objet de la conception (le produit) et le processus de réalisation (le projet) ainsi que son optimisation.
Deux niveaux de définition de tâches ont été envisagés :
• niveau ‘ macro’. Ce sont les trois activités, Management de projet, Définir besoins et Cahier de Charges technique du « Projet Système », Développer Alternative(s) Projet, Ces tâches sont notées de la façon suivante :
– MP : Management du projet
– PS : Définir besoins et Cahier de Charges technique du Projet Système
– Dev-Alt : Développer Alternative(s) Projet .
• niveau ‘ micro’. Les tâches micro correspondent aux différentes tâches obtenues dans le modèle générique. et elles sont notées de la façon suivante :
– BET : Recueil des besoins et exigences
– V-BET : Vérification des besoins et exigences
– RC: Recherche des concepts
– CS : Conception système
– V-Int : Vérification Conception produit Intégré
– CI : Conception produit Intégré
– Val-Int : Validation Conception produit Intégré
– CM : Conception produit modulaire
– V-Mod : Vérification Conception produit modulaire
– CC : Conception composants
– IV : Intégration et vérification .
Dans le cadre du projet « ATLAS-ANR », la conception du produit, la gestion du projet ainsi que leur couplage sont étudiés en détail. Les ressources internes de l’entreprise sont prises en considération. En revanche, les ressources externes de l’entreprise, à savoir, entre autres, les différents types de partenaires de la Méthodologie CEPS (Co-Evolution Produitréseau de partenaireS) définie par Zolghadri et al., [Zolghadri et al., 2009] (les partenaires partageant les risques et les profits, les partenaires de conception et de réalisation, les partenaires de réalisation et enfin les fournisseurs (Vendeur) des composants sur catalogue) ne sont pas considérées.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Chapitre 1 : Problématiques et cadre global du travail
1. Introduction et contexte industriel
2. Internaliser et externaliser les activités de l’entreprise
2.1. Internaliser les activités de l’EP
2.2. Externaliser les activités de l’EP
3. Du projet ATLAS au choix de partenaires
3.1. Introduction au projet ATLAS
3.2. Modèle générique d’un projet selon le point de vue du projet ATLAS
Conclusion
Chapitre 2 : Etat de l’art
Introduction
1. Genèse du partenariat
1.1. Collaboration
1.2. Caractéristiques du problème de sélection de partenaires
2. Le déroulement des partenariats
2.1. La collaboration pendant les différentes phases d’un projet
2.2. Différents types de partenaires
2.3. Critères de sélection de partenaires
2.3.1 Bibliothèques des critères de sélection de partenaires
2.3.2 Classifications des critères de sélection de partenaires
2.4. Méthodes de sélection de partenaires
2.5. Bilan synthétique
3. Similarité, calcul de distance et processus de classification
3.1. Mesure de Similarité
3.1.1 Approche basée sur les arcs
3.1.2 Approche utilisant le contenu informationnel
3.2. Calcul des distances et notion de proximité
3.2.1 Notions mathématiques de distance
3.2.2 Méthodes de calcul des plus courts chemins
3.3. Processus et méthodes de classification
3.3.1 Approches de classification par hiérarchie
3.3.2 Approche de classification par partitionnement
3.3.3 Approche de classification conjointe (hiérarchie et partition)
3.3.4 Synthèse et choix de la méthode de classification
3.3.5 Propriétés de la CAH
Conclusion
Chapitre 3 : Contribution à la structuration des critères de sélection de partenaires
Introduction
1. Les défis du développement de nouveau produit
2. Différentes dépendances logiques
2.1. Produit et Projet
2.2. Produit et partenaires
2.3. Produit, projet et partenaires
2.4. Synthèse
3. Méthodologie incrémentale de sélection de partenaires
3.1. Etude du processus de sélection de partenaires
3.2. Identification d’un partenaire potentiel
3.3. Synthèse
3.4. Différentes étapes du processus de structuration des critères de sélection de
partenaires
4. Développement de la structuration des critères de sélection de partenaires
4.1. Création des graphes élémentaires
4.1.1 Détermination des attributs et conception des graphes élémentaires
4.1.2 Exemple détaillé d’un graphe élémentaire
4.1.3 Graphes élémentaires des 10 critères
4.2. Fusion des graphes élémentaires
4.2.1 Algorithme de création du graphe global
4.2.2 Exemple d’un graphe global
4.3. Construction du tableau de données
4.3.1 Pondération des arêtes du graphe
4.3.2 Report des valeurs numériques affectées aux arêtes du graphe global
4.3.3 Calcul des distances minimales entre deux nœuds quelconques du réseau
4.4. Filtrage du tableau de données
4.5. Classification des critères
4.5.1 Rappel du choix de la méthode de classification
4.5.2 Rappel du choix de l’algorithme de construction d’un arbre
4.5.3 Choix de l’algorithme d’agrégation
4.5.4 Choix du logiciel pour la Classification Ascendante Hiérarchique
4.5.5 Résultats de la classification sous « XLSTAT »
5. Interprétation de la structuration
5.1. Coupure du dendrogramme
5.2. Echelle de criticité des partenaires et nombre de critères retenu
5.2.1 Choix critique : nombre réduit de critères
5.2.2 Choix critique : nombre élevé de critères
5.3. Résultats des simulations et critère d’arrêt
CONCLUSION GENERALE
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