STRESS ET ANXIETE
Le concept du stress offre plusieurs définitions, selon les domaines scientifiques qui l’étudient. Comme le dit Dantzer (2002), le terme stress « est déjà tout un programme puisqu’il désigne à la fois l’agent responsable, la réaction à cet agent et l’état dans lequel se trouve celui qui réagit ». Le terme de stress fut introduit en 1936 par le physiologiste canadien Hans Selye, selon un concept majeur. Il décrit une série de réactions biologiques et physiologiques, survenant sous l’effet de divers facteurs de stress. Cette approche est fondée sur un modèle biologique de la réponse au stress, sans tenir compte du type de stress, de l’environnement, ni des ressources personnelles. Par la suite, des auteurs comme Lazarus & Folkman ont suivi une approche multifactorielle du stress, incluant dans leurs travaux les composantes cognitives et émotionnelles. Emerge alors la notion de stress perçu comme « transaction particulière entre un individu et une situation dans laquelle celle-ci est évaluée comme débordant ses ressources et pouvant mettre en danger son bien être » (Lazarus & Folkman, 1984).
Cette définition du stress inclut comme dit précédemment, les dimensions personnelles complexes, cognitives et émotionnelles. Il ne s’agit plus seulement de le considérer selon une approche biologique. On peut distinguer le stress aigu, impliquant une réponse de courte durée, amenant la résolution de la menace ; et le stress chronique, agissant sur le long terme et ne permettant pas toujours le retour à l’équilibre initial. De manière résumée, selon le Larousse médical en ligne, Stress signifie : « état réactionnel de l’organisme soumis à une agression brusque – de l’anglais stress, effort intense ». L’agression déclenche au niveau cérébral (hypophyse) une « réaction d’alarme », médiée par le système nerveux autonome (SNA), stimulant la sécrétion de corticotrophine (ACTH) et donc d’hormones surrénaliennes (cortisol) qui modifient l’équilibre psycho-physiologique du sujet et entraînent notamment une tachycardie, une hyperventilation et une vasoconstriction artérielle. Lorsque le stress reste mineur, il joue un rôle positif en améliorant les capacités d’adaptation à l’agression. Il n’en va pas de même lorsque l’agression est trop intense ou qu’elle se prolonge.
La CIM 101 définit la réaction aigüe à un facteur de stress de la manière suivante (F43 : Réactions à un facteur de stress important, et troubles de l’adaptation) : Trouble transitoire, survenant chez un individu ne présentant aucun autre trouble mental manifeste, à la suite d’un facteur de stress physique et psychique exceptionnel et disparaissant habituellement en quelques heures ou en quelques jours. La survenue et la gravité d’une réaction aiguë à un facteur de stress sont influencées par des facteurs de vulnérabilité individuels et par la capacité du sujet à faire face à un traumatisme. La symptomatologie est typiquement mixte et variable et comporte initialement un état « d’hébétude » caractérisé par un certain rétrécissement du champ de la conscience et de l’attention, une impossibilité à intégrer des stimuli et une désorientation. Cet état peut être suivi d’un retrait croissant vis-à-vis de l’environnement (pouvant aller jusqu’à une stupeur dissociative – voir F44.2), ou d’une agitation avec hyperactivité (réaction de fuite ou fugue). Le trouble s’accompagne fréquemment des symptômes neuro-végétatifs d’une anxiété panique (tachycardie, transpiration, bouffées de chaleur).
Les symptômes se manifestent habituellement dans les minutes suivant la survenue du stimulus ou de l’événement stressant et disparaissent en l’espace de deux à trois jours (souvent en quelques heures). Il peut y avoir une amnésie partielle ou complète (F44.0) de l’épisode. Quand les symptômes persistent, il convient d’envisager un changement de diagnostic. En parallèle de ces définitions du stress, il convient de souligner qu’il y a souvent confusion entre stress et anxiété. Dans le langage courant les deux termes peuvent être employés indifféremment pour parler du même objet. L’anxiété est souvent décrite comme une inquiétude d’anticipation, accompagnée de sueur, tachycardie, pâleur et tremblements (Graignic-Philippe, Dayan, Chokron, Jacquet, Tordjman, 2014). Le Larousse Médical (2014) la définit comme « un trouble émotionnel, se traduisant par un sentiment indéfinissable d’insécurité », il ajoute que, » s’il existe une anxiété « normale » qui améliore l’apprentissage et les performances, l’anxiété peut aussi devenir pathologique ». On parlera alors de troubles anxieux, qui ne font pas l’objet de ce travail. L’anxiété généralisée est définie par la CIM 10 (F.41 Autres troubles anxieux) : Anxiété généralisée et persistante qui ne survient pas exclusivement, ni même de façon préférentielle, dans une situation déterminée (l’anxiété est « flottante »).
Les symptômes essentiels sont variables, mais le patient se plaint de nervosité permanente, de tremblements, de tension musculaire, de transpiration, d’un sentiment de « tête vide », de palpitations, d’étourdissements et d’une gêne épigastrique. Par ailleurs, le sujet a souvent peur que lui-même ou l’un de ses proches tombe malade ou ait un accident.
Prévalence du stress prénatal
Le niveau de stress et d’anxiété est globalement plus élevé chez les femmes enceintes que dans la population générale (Newham et al., 2012) car l’arrivée d’un enfant est vécue comme une succession d’événements comme une crise maturative (Stern, 1995) la « constellation maternelle » amène des peurs spécifiques, représentant un stress, associée à un état de « transparence psychique » (Bydlowski, 1991) ravivant des conflits anciens, et rendant la femme souvent plus vulnérable. Il apparaît que 33 à 59% des mères seraient sujettes à l’anxiété (Razurel & al., 2013), plus d’une femme sur cinq présente des taux cliniquement élevés d’anxiété (Ross & Mc Lean, 2006), et d’après M. Epiney (Molénat & Roegiers, 2012, p 83) 20 % des femmes présenteraient un trouble anxieux pendant la grossesse. Cette augmentation du stress s’explique, entre autres, par les inquiétudes des mères pour leur propre santé ou celle du foetus – examens de dépistage, problèmes obstétricaux, échographies – puis de l’enfant, des changements psycho-sociaux – changement d’humeur, relation au partenaire, changement de l’image corporelle ; et des peurs liées à l’accouchement (Razurel & al., 2014).
Ainsi, la période qui entoure la naissance et le « devenir mère » est apparentée à une crise identitaire. A la fois naissance d’un enfant et d’une mère, cela nécessite un réaménagement des rôles, des tâches et de la place dans la société, autant de facteurs de stress potentiels. La littérature documente aujourd’hui largement l’impact du stress périnatal sur les issues de santé materno-foetales et sur le devenir de l’enfant. Il paraît, selon Lobel & al. (2008), important de préciser que le stress spécifiquement lié à la grossesse influence de manière plus significative les issues de la naissance que le stress général ou l’anxiété liés aux événements de la vie. Dans la globalité, de nombreux effets délétères du stress ont été mis en évidence (Latendresse, 2009 ; Glover, 2011), tant sur la mère, sur le déroulement de la grossesse, que sur le foetus et l’enfant, dont nous retiendrons les suivants.
Stress prénatal : impact sur la mère Selon Okun & al. (2013), 28 à 38 % des femmes enceintes rapportent des problèmes de sommeil ou d’insomnies, dont la majorité est corrélée au stress. En outre, les difficultés liées au sommeil augmentent le risque de dépression. Dans l’étude de Plana-Ripol & al. (2015), l’exposition pré-conceptionnelle à un niveau de stress élevé s’est avérée a posteriori un facteur de risque augmenté d’infertilité. De surcroît, à la génération suivante, les filles exposées au stress prénatal maternel important ont un délai sensiblement rallongé pour obtenir leur première grossesse. Le stress et l’anxiété augmentent les symptômes de grossesse, l’hyperémèse gravidique et les congés maladies (Faure, Legras, Chocard & Duverger, 2008). Un niveau de stress élevé augmente le tabagisme des femmes enceintes (Bullock, Mears, Woodcock & Record, 2001), avec tous les effets délétères qui en découlent.
L’anxiété et le stress durant la grossesse sont également des facteurs de risque pour la dépression postnatale (Robertson, Grace, Wallington & Stewart, 2004 ; Leuner, Fredericks, Nealer & Albin-Brooks, 2014). Slavich & Irwin (2014) ajoutent que les stress majeurs de la vie représentent le facteur de risque le plus important pour le développement d’une dépression. La revue de littérature de Razurel & al. (2013) met en effet en évidence un lien de causalité entre stress perçu pendant la grossesse et apparition de symptômes dépressifs en post-partum. Il s’avère que le stress vécu par la mère, en déclenchant la cascade hormonale de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et en induisant une élévation des taux de noradrénaline et/ou de cortisol, bloque les récepteurs de la sérotonine, favorisant la survenue de dépression. La dépression post-natale toucherait 7 à 12 % de jeunes mères (Gavin & al., 2005), et jusqu’à près de 20% dans le canton de Genève – 19.3 % en prénatal, à 19.6% en postaccouchement et à 18.6 % à 6 semaines post-partum – selon l’échelle de dépistage internationale EPDS (Razurel, 2013).
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Table des matières
DECLARATION SUR L’HONNEUR
ABSTRACT
REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIERES
GLOSSAIRE
1. QUESTIONNEMENT PROFESSIONNEL
2. CADRE THEORIQUE DE REFERENCE
2.1. STRESS ET ANXIETE
2.1.1. DEFINITIONS
2.1.2. EVALUATION DU STRESS ET DE L’ANXIETE
2.1.3. LE STRESS : UN PROBLEME DE SANTE PUBLIQUE
2.1.4. PHYSIOPATHOLOGIE
2.1.4.1. Le système nerveux
2.1.4.2. Le stress
2.2. IMPACT DU STRESS EN PERIODE PERINATALE
2.2.1. PREVALENCE DU STRESS PRENATAL
2.2.2. STRESS PRENATAL : IMPACT SUR LA MERE
2.2.3. STRESS PRENATAL : IMPACT SUR LA GROSSESSE ET LES ISSUES OBSTETRICALES
2.2.4. STRESS PRENATAL : IMPACT SUR L’ENFANT
2.3. MODERATION DU STRESS ET MOYENS THERAPEUTIQUES
2.3.1. MODERATEURS DU STRESS : STRATEGIES DE COPING ET SOUTIEN SOCIAL
2.3.2. MOYENS THERAPEUTIQUES NON MEDICAMENTEUX
2.3.3. MOYENS THERAPEUTIQUES PHARMACEUTIQUES
2.4. LA COHERENCE CARDIAQUE
2.4.1. CONCEPTS IMPLIQUES
2.4.1.1. Variabilité de la fréquence cardiaque (VFC ou HRV)
2.4.1.2. Arythmie Sinusale Respiratoire (ASR ou RSA)
2.4.1.3. Le biofeedback (BF)
2.4.1.4. Le phénomène physiologique de cohérence cardiaque
2.4.2. LA TECHNIQUE RESPIRATOIRE DITE DE « COHERENCE CARDIAQUE »
2.4.3. CONCLUSION A PROPOS DE LA « COHERENCE CARDIAQUE »
2.5. PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE
3. QUESTIONNEMENT ETHIQUE
4. METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE DE LITTERATURE
4.1. MOTS-CLES ET CRITERES D’INCLUSION/EXCLUSION
4.2.1. MOTS-CLES
4.2.2. CRITERES D’INCLUSION/EXCLUSION
4.2. RECHERCHE DE LA LITTERATURE
4.2.1. PUBMED
4.2.2. RECHERCHE COCHRANE
4.3. LES 5 ARTICLES SELECTIONNES POUR LA REVUE DE LITTERATURE
5. RESULTATS DE LA REVUE DE LITTERATURE
5.1. TABLEAUX RESUMES DES 5 ARTICLES
5.1.1. ARTICLE « MUSICIENS »
5.1.2. ARTICLE « MEDECINS »
5.1.3. ARTICLE « ETUDIANTS INFIRMIERS »
5.1.4. ARTICLE « FEMME ENCEINTE, MAP ET STRESS »
5.1.5. ARTICLE «FEMME ENCEINTE, HTA GRAVIDIQUE ET STRESS »
5.2. ANALYSE DESCRIPTIVE DES ARTICLES
5.2.1. PUBLICATION
5.2.2. LES AUTEURS
5.2.3. ETHIQUE
5.2.4. DESIGN DES ETUDES ET ARTICLES
5.2.5. POPULATION CIBLE
5.2.6. MATERIEL
5.2.6.1. Les modules de BF
5.2.7. MESURES
5.2.8. PROTOCOLES
5.2.9. RESULTATS
5.2.9.1. Stress et/ou anxiété
5.2.9.2. HRV
5.2.9.3. Mesures biologiques : TA, FC, Cortisol
5.2.9.4. Issues obstétricales : âge gestationnel à l’accouchement, prématurité, poids de naissance, APGAR, mode d’accouchement.
5.2.9.5. Adhésion à la technique de respiration contrôlée.
5.3. ANALYSE CRITIQUE DES ARTICLES
5.3.1. LES POPULATIONS-CIBLES
5.3.2. LE MATERIEL ET LES MESURES
5.3.3. L’ETHIQUE
5.3.4. LES INTERVENTIONS
5.3.5. LES RESULTATS
6. DISCUSSION
6.1. ACTION DU CONTROLE RESPIRATOIRE SUR LE STRESS ET L’ANXIETE
6.2. APPORT DU HRV-BF
6.3. APPORT DES EMOTIONS POSITIVES AUTOSUGGEREES
6.4. ACTION DU CONTROLE RESPIRATOIRE SUR LES PARAMETRES BIOLOGIQUES (TA, FC, CORTISOL SALIVAIRE ET HRV)
6.5. ACTION DE LA RESPIRATION CONTROLEE SUR LES ISSUES OBSTETRICALES
6.6. SUCCES DE LA RESPIRATION CONTROLEE DANS D’AUTRES DOMAINES
7. RETOUR DANS LA PRATIQUE
7.1 PERIODE PERINATALE, STRESS, ANXIETE ET « COHERENCE CARDIAQUE » : ETAT DES LIEUX A L’ISSUE DE CETTE
REVUE DE LITTERATURE
7.2. APPLICATIONS POSSIBLES DE LA « COHERENCE CARDIAQUE » EN PERINATALITE
7.2.1. PROMOUVOIR LA « COHERENCE CARDIAQUE »
7.2.2. DANS LE CADRE DES GROSSESSES EUTOCIQUES
7.3.3. DANS LE CADRE DES GROSSESSES PATHOLOGIQUES: MAP, HTA ET DPN
7.3.4. PRATIQUE DANS LE POST-PARTUM
7.3.5. COLLABORATION INTERDISCIPLINAIRE
7.4. PROPOSITION DE PRATIQUE POUR LES PROFESSIONNELS DE SANTE
7.4.1. SAGE-FEMME, PRATIQUER POUR SOI
7.4.2. PROPOSITION DE FORMATION POST-GRADE
7.5. PROPOSITION D’ETUDE
8. FORCES ET LIMITES DU TRAVAIL
8.1. FORCES
8.2. LIMITES
9. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
ANNEXE I : SCHEMA DE FONCTIONNEMENT DU SNA
ANNEXE II : SCHEMA DU STRESS AIGÜ ET DU STRESS CHRONIQUE
ANNEXE III : SCHEMA DES IMPACTS DU STRESS SUR L’INDIVIDU (BIOLOGIQUES ET PSYCHOLOGIQUES)
ANNEXE IV : GRILLE ANAES/HAS DE NIVEAU DE PREUVE DE LA LITTERATURE SCIENTIFIQUE
ANNEXE V : GRILLE DE STRUCTURE IMRAD D’UN ARTICLE SCIENTIFIQUE
ANNEXE VI : ARTICLE 1 « MUSICIENS »
ANNEXE VII : ARTICLE 2 « MEDECINS »
ANNEXE VIII : ARTICLE 3 « ETUDIANTS INFIRMIERS »
ANNEXE IX : ARTICLE 4 « FEMMES ENCEINTES, MAP ET STRESS »
ANNEXE X : ARTICLE 5 « FEMMES ENCEINTES, HTA GRAVIDIQUE ET STRESS »
ANNEXE XI : STAI-T
ANNEXE XII : STAI-S
ANNEXE XIII : PSS
ANNEXE XIV : BDI
ANNEXE XV : APSI
ANNEXE XVI : PDPSI
ANNEXE XVII : PNPSI
ANNEXE XVIII : ECHELLE DE STRESS UTILISEE PAR LEMAIRE & AL (2011) DANS L’ARTICLE « MEDECINS »
ANNEXE XIX : TICS
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