Street View : un système d’information
L’intérêt que porte ce travail à la production d’images au contact d’une interface d’information géographique grand public, suppose de situer cet outil au regard du contexte qui l’a produit, et par suite de faire état de ses caractéristiques. Aussi nous faut-il l’aborder par ce qui le constitue, depuis son rôle dans l’accès à l’information géographique tel que Google l’ambitionne, jusqu’à l’évocation des productions qui ont pu le précéder, en passant par une description de la technique embarquée et de l’interface côté utilisateur.
Street View est par nature un outil à activer, son fonctionnement est dépendant des requêtes que l’utilisateur lui soumet. En conséquence, la caractérisation de cet outil doit aussi en passer par une observation de ce qu’il produit. Il s’agira donc de mesurer l’incidence du déploiement de ce dispositif depuis trois situations : la recherche universitaire, l’espace public, la production de contenus culturels.
État du système
Le présent travail se donne pour objet de poser des repères au cœur d’une pratique artistique dont la caractéristique première est de se constituer à partir d’un système d’information géographique grand public. Son trait particulier est d’avoir été conçu, développé et maintenu non par une puissance publique dans le but d’organiser et de distribuer la connaissance d’un territoire, mais par une entreprise privée spécialisée dans la recherche d’informations sur Internet : Google.
Bien qu’il ne s’agisse pas ici de faire état en détail des caractéristiques de cette vaste entreprise multinationale située dans le secteur de l’économie de la connaissance, il convient néanmoins de situer l’application Street View au regard notamment des objectifs de cette entreprise.
Une ambition motivée
Fondée en 1997 par Larry Page et Sergey Brin, la société Google émerge au milieu d’une période de montée en puissance de l’Internet grand public. Son secteur d’activité concerne alors essentiellement celui de la recherche d’information et c’est par la mise en place du service de moteur de recherche que Google est lancé. Avec l’accroissement permanent des ressources électroniques au cours des années 1990, la pertinence des résultats de recherche devient un enjeu majeur dont se saisit Google pour asseoir son activité.
Dès son origine il y a quinze ans [en 2010], dans la tête bien faite de deux étudiants de Stanford, Sergey Brin et Larry Page, s’est imposée en effet la nécessité d’indexer l’intégralité des sites du world wide web pour les faire passer sous le rouleau scanneur de leurs algorithmes. (Kyrou, 2010, p. 14)
Pour atteindre cet objectif Larry Page est assez clair sur le périmètre d’action que s’est fixé son entreprise : « Notre ambition est d’organiser toute l’information du monde, pas juste une partie » (Kauffmann, 2010).
Pour parvenir à son objectif, l’entreprise Google a mis en place, outre son moteur de recherche, un ensemble de produits qu’elle classe en sept catégories : Web , Google mobile, Activités commerciales, Médias, Géo, Recherche spécialisée, Loisirs et travail, Réseaux sociaux . À la seule lecture de cette liste, il apparaît clairement que l’entreprise Google poursuit son l’objectif initial en diversifiant son offre pour se positionner en passage obligé de toute activité qui concerne de près ou de loin Internet, qu’elle s’adresse à des particuliers, à des structures publiques ou à des entreprises.
Description du système
Prémices
En l’état actuel de la recherche, les documents consultés permettant d’établir une brève généalogie de Street View sont le fait d’auteurs impliqués dans le projet. Malgré le peu de distance qu’ils permettent de prendre avec les faits relatés, ils constituent néanmoins une des rares matières disponibles.
Selon Luc Vincent, ingénieur responsable du programme Street View chez Google, le projet serait né d’une initiative de Larry Page, co-fondateur de Google (cf. supra). Dans un entretien vidéo réalisé à l’occasion d’une exposition au Computer History Museum en 2011 , ce même Luc Vincent donne quelque informations complémentaires relatives à la suite de l’initiative de L. Page : Il [Lary Page] avait collecté sept heures de capture vidéo via une caméra embarquée en conduisant dans le secteur de la Baie de Stanford et donna le tout à Marc Levoy à Standord [incompréhensible] en lui demandant de faire quelque-chose d’intéressant avec. Lorsque j’entrais chez Google, dès le premier jour, le projet de mon 20 % fut de travailler avec cette équipe de Stanford pour que ça marche. (transcription libre à partir de la vidéo 00:00:46 à 00:01:07).
Vincent établit ici le lien entre la captation vidéo réalisée par L. Page et l’équipe du chercheur et enseignant Marc Levoy à l’université de Stanford . L’équipe en question est réunie autour du projet CtiyBlock et hébergée au sein du Computer Graphics Laboratory du M.I.T. . Le court texte de présentation du projet confirme les propos de Luc Vincent et précise quelque éléments :
Ce projet débuta vers mars 2001, lorsque Larry Page, co-fondateur de Google, nous confia une bande vidéo qu’il avait réalisé en conduisant dans le secteur de la Baie, il nous mit au défi d’inventer un moyen de réduire la vidéo en quelques images. […] La méthode que nous avons élaborée pour résoudre le problème a été appelée « panoramas multi-perspectives » […] Nous avons proposé un projet de recherche sponsorisé par Google pour développer l’idée, financé en novembre 2002. […] Le projet a pris fin en juin 2006 et sa technologie a été utilisée dans Google StreetView. (The Stanford CityBlock Project, 2013, trad. libre).
La demande que Page adresse à l’équipe, rapportée ici, tient dans l’idée de compacter ou réduire la vidéo à quelques images (« a way to summarize the video with a few images »). Bien que ce ne soit pas indiqué, il est fort probable que cette demande de passage d’une séquence vidéo à une série d’images photographiques soit liée à la nécessité d’alléger le poids des éléments visuels à télécharger, et ainsi d’adapter le projet au faible débit de l’Internet à l’époque. Les travaux initiés dans le cadre du projet CityBlockaboutiront à la mise au point d’une technique d’images à perspectives multiples en milieu urbain notamment. Suite à cette période de recherche entre l’équipe de Levoy et l’équipe de Vincent, Google déploie le service en ligne à compter de mai 2007.
En l’état actuel et selon les chiffres avancés par Google, Street View couvre sept continents, plus de soixante-cinq pays, pour plus de onze millions de km parcourus.
Éléments techniques
Concernant les moyens techniques mise en œuvre dans le déploiement de ce projet, nous nous appuierons sur l’article « Google Street View: capturing the world at street level » (Anguelov et al., 2010)évoqué précédemment. Nous retenons de cet article les points nécessaires à une compréhension globale du dispositif. Le niveau de détail retenu est fonction des attentes de ce présent travail, à savoir saisir les effets de la vue immersive sur un corpus de travaux artistiques. Nous proposons une traduction libre de quelques extraits de cet article, afin de rendre plus accessible la compréhension des termes techniques notamment.
L’équipement du véhicule nécessaire à la captation des données image et de position a fait l’objet de plusieurs versions.
Description de l’interface
Les éléments de description suivants tiennent compte de l’état actuel de l’interface au moment de la rédaction de ce mémoire. L’équipement informatique employé est un ordinateur de bureau standard connecté à Internet. Le navigateur utilisé est Firefox version 46.0.1. L’interface a été utilisée avec un autre navigateur (Chrome), aucune différence apparente n’a été relevée.
Le service Street View est distribué via le service de cartographie Google Maps, et c’est par son intermédiaire que se fait l’accès. La fenêtre de Google Maps occupe l’intégralité du navigateur. En bas à droite, l’activation d’un cartel permet de générer un ensemble d’imagettes montrant des vues photographiques relatives au positionnement géographique du système. Un pictogramme, sous la forme d’une figure humaine stylisée jaune, est également affiché sur ce cartel. Au survol de la souris sur ce pictogramme, une information est délivrée : « Parcourir les images Street View ». Pour ce faire, il convient de glisser et de déposer le pictogramme sur la carte. Cette action génère sur la carte un tracé bleu indiquant les zones couvertes par Street View, à la suite de quoi l’affichage de la carte disparaît et apparaît la fenêtre Street View proprement dite.
La fenêtre du navigateur en version Street View est composée de plusieurs zones. La zone principale A (cf. schéma page suivante) affiche l’image panoramique assemblée. À l’aide du pointeur de la souris, il est proposé d’effectuer différents mouvements de balayage de l’image permettant ainsi de faire défiler la vue panoramique à 360° ; on notera que le panorama n’est jamais visible dans son intégralité, et sa vue est parcellisée. Certaines zones sensibles au passage du pointeur permettent de passer d’une position géolocalisée à une autre. Une seconde zone B, plus ramassée et occupant une bande horizontale située au bas de l’écran, est composée de plusieurs éléments visuels contextuels. Un cartouche « Retour à la carte » permet de réactiver la carte ; il permet aussi de déplacer le pictogramme jaune symbolisant un personnage sur la carte et d’explorer ainsi différentes zones géographiques en affichant simultanément la vue sur la zone principale. Un cartouche « Earth » permet de basculer vers la vue aérienne. Une suite d’une dizaine d’imagettes affiche des images Street View figées de lieux situés à proximité ; au clic sur ces pavés d’images, la zone principale affiche la zone correspondante. La seconde zone est escamotable à tout moment. Juste au dessus de cette zone sont situés deux outils nécessaires à la navigation : le + et le – du zoom et un pictogramme en forme de boussole dont l’activation permet d’effectuer un balayage rapide du panorama. Enfin, une troisième zone C située en haut à gauche de l’écran. Sous la forme d’un petit pavé, elle affiche l’adresse du positionnement, un pictogramme sous la forme d’un plot qui permet de revenir à l’affichage de la carte, et la date de la prise de vue affichée dans la zone principale ; à noter à ce sujet, qu’en fonction de la disponibilité, des vues antérieures sont accessibles, la vue la plus récente est affichée par défaut.
Les antécédents
Selon les propos de l’équipe Google en charge du développement de Street View, l’initiative du projet est due à Larry Page et remonte au début des années 2000. Sans chercher à situer ce projet au regard d’autres systèmes de collecte et de restitution d’informations géographiques par l’image pour en établir de possibles liens causaux, il convient néanmoins de mentionner ici deux opérations voisines qui le précédèrent. L’une concerne un objet multimédia réalisé aux États-Unis au tournant des années 1980. L’autre, plus ancienne, pris forme à la fin du XVIIIe siècle en Europe, pour se développer jusqu’à la fin du XIXe siècle. Pour l’un comme pour l’autre cas, il s’agit de faire état, via ce rapprochement, de la convergence de la simulation du déplacement par des artifices techniques et de la mobilisation du registre visuel pour ce faire.
Movie Map
Àla fin des années 1970 et aux débuts des années 1980, le M.I.T (Massachusetts Institute of Technology) se voit être le lieu d’expérimentations qui font converger simulation informatique, image et information géographique.
En 1978, Peter Clay soutient un mémoire de recherche dans le cadre de ses études au Département d’Urbanisme et d’Aménagement du M..I..T. Intitulé Surrogate travel via optical videosic (Clay, 1978), ce mémoire est réalisé sous la direction de Nicholas Negroponte, professeur en infographie. Le résumé le présente ainsi :
Cet article décrit un système qui renseigne un utilisateur sur l’itinéraire à suivre dans une zone inconnue. L’utilisateur perçoit le tracé de l’itinéraire via un affichage séquentiel d’images prises le long du chemin qu’il a lui-même définit. Le système, couplé à la mémoire tampon d’un carte graphique et à un mini-ordinateur dédié, s’appuie sur les capacités du vidéodisc et en explore les possibilités. Le but du système est double : 1) démontrer le potentiel informatique de l’assistance par commande graphique, 2) augmenter la connaissance du champ de la cartographie cognitive. (Clay, trad. libre)
Ce mémoire traite des capacités du support vidéodisque optique comme capacité de stockage de données images vidéo et de données d’informations, le tout interfacé sur un fond de plan. Il décrit le principe d’un projet d’orientation spatiale qui réunit sur un écran un plan du MIT couplé à des séries d’images continues. Le système est doté de fonctions interactives qui permettent à l’utilisateur de déterminer son chemin au préalable et ainsi de faire paraître à l’écran des séries d’images relatives à la position occupée sur le plan. Les relations entre le plan et l’image d’une part, et les fonctionnalités d’interaction dont est doté le système d’autre part, conduisent à établir un lien significatif entre ce projet et les principes de base de Street View. Le mémoire se conclut sur l’idée d’un voyage au travers de la carte :
Ce système tente d’assister l’utilisateur dans la compréhension de son environnement. Il invite à l’exploration. Celui qui l’utilise effectue une sorte de voyage dans l’espace cartographié. Cette visite permet de connaître la zone géographique. Si bien que se rendre dans cette région, c’est comme revenir dans un endroit connu. (Clay, trad.libre)
On notera par ailleurs que le titre du mémoire renseigne sur la valeur de substitution dont relève ce voyage via vidéodisque.
Les actes de la septième conférence annuelle du SIGGRAPH , qui s’est déroulée en 1980, font paraître un article d’Andrew Lippman, chercheur au laboratoire Architecture Machine Group du M.I.T., titré « Movie-maps: An application of the optical videodisc to computer graphic » (Lippman, 1980). On y retrouve le principe décrit sommairement par Peter Clay, mis à l’épreuve d’une expérimentation sans que le lieu de tournage soit explicitement nommé. En voici le résumé :
Une carte interactive et dynamique a été élaborée à l’aide de la technologie du vidéodisque, et permet à l’utilisateur de se déplacer par simulation dans un endroit inconnu.
L’utilisateur, à la fois pilote et lecteur de la carte, est en présence de séquences d’images réalisées image par image, faiblement échantillonnées, qui recomposent l’imagerie réelle d’un lieu, ou encore d’images de synthèses générées par ordinateur de ces images. Le lecteur peut contrôler la vitesse, le parcours, l’angle de vue et le mode de présentation de ces informations, et ainsi parcourir la zone. De plus, il peut accéder à des données auxiliaires spatialisées et mémorisées dans les bâtiments ou dans les lieux dans l’environnement. Cette carte de base est améliorée dans le but de fournir non seulement des vues topographiques, mais aussi une représentation plus sensible et visuellement plus achevée d’un environnement par le traitement d’images optiques et électroniques. (Lippman, trad.libre).
Le faux comme milieu
Le déploiement de la simulation de l’immersion par l’illusion d’un changement de milieu est au cœur de dispositifs comme le panorama ; Street View reconduit cette distribution. La technicité propre à chacun des deux dispositifs – l’architecture et la peinture pour l’un, la puissance de calcul associée à l’image photographique géolocalisée pour l’autre – conditionne l’expérience qui s’y produit, notamment en affectant à l’observateur un point de vue paramétré.
Pour se produire, l’illusion impose d’en passer par l’application d’un positionnement agencé.
Comme pour toute expérience programmée, que se passe-t-il quand l’illusion vient à être altérée, ne serait-ce qu’en y conduisant à son terme sa logique de possession/dépossession du point de vue ? Que se passe-t-il quand cette altération du point de vue en passe par une production d’images au sein d’un dispositif lui-même construit sur l’image ? Au point où la perception est le jeu des fausses apparences (Souriau, 1999), il s’agit de considérer le faux comme un milieu où mener de véritables expériences.
S’illusionner : en images ?
Le panorama, lieu d’une pratique d’images
Ethnologiquement, le terme panorama renvoie au sens d’une totalité visible : pan- tout, et -ramavue. Cet état d’un visible saisissable en totalité est le propos du panorama, dispositif conçu par Robert Barker en 1787 (Robichon, 1985, p. 65), qui donne à observer, dans un bâtiment dédié, une toile peinte circulaire, représentant une vue urbaine ou une scène historique : « Le panorama n’est autre chose que la manière d’exposer un vaste tableau, en sorte que l’œil du spectateur, embrassant successivement tout son horizon et ne rencontrant partout que ce tableau, éprouve l’illusion la plus complète. » (Moniteur Universel, 23 septembre 1800, cité par Robichon, p. 65) Le panorama, en tant que système construit, relève de l’illusion optique. Robichon, précise : « La grande illusion panoramique attira les foules. Àses heures de gloire, le spectacle connut des chiffres d’affluence étourdissants. Et c’est bien sur ce désir “historique”de s’illusionner qu’il faut s’interroger. » (Robichon, p. 78) Il analyse la réception du panorama : « Le public “populaire”aime l’illusion du spectacle, son saisissement, alors que les “gens de goût” s’en écartent résolument pour admirer les qualités artistiques du tableau. » (Robichon, p. 79) L’appréciation du panorama n’est pas uniforme, et quand il s’agit de sa qualification par le registre artistique, une certaine mise à distance opère, et rompt l’illusion visée par le dispositif.
Pour autant, ce type de réception n’annule pas l’attrait que peut exercer le panorama, qui va jusqu’à être considéré comme un lieu d’exercice pour les artistes ; un article de l’architecte Hittorff, daté de 1842 signale: […] on a droit d’être étonné du grand effet que produisirent ces panoramas, exécutés par M. Prévost, et qui firent dire à David, le régénérateur de l’École française, lorsqu’il eut passé quelques heures à les admirer avec ses élèves : “Vraiment, Messieurs, c’est ici qu’il faut venir pour étudier la nature” (Hittorff, 1842)
Àpeine un siècle plus tard, Walter Benjamin se fait l’écho de cette mention :
De même que l’architecture commence à échapper à l’art grâce à la construction en fer, la peinture, de son côté, s’émancipe grâce aux panoramas. […] On s’évertuait infatigablement à transformer les panoramas, par des artifices techniques, en théâtres d’une parfaite imitation de la nature. On s’efforçait de reproduire les changements de la lumière du jour dans le paysages, le lever de la lune, le bruissement des cascades. David conseille à ses élèves de dessiner sur le motif dans les panoramas. (Benjamin, 2002, 3e édition, p. 37) « Étudier la nature » dans un cas, « dessiner sur le motif » dans l’autre, le panorama est tenu pour un substitut du réel visible d’une valeur équivalente au réel même, une pratique d’image semble pouvoir prendre racine dans cet espace construit pour provoquer, à dessein, l’illusion par l’outre-passement de la vue. Avec le panorama, c’est sous l’aspect d’une totalité qu’une situation s’offre à la perception visuelle, quand bien même cette totalité n’est que le produit d’un artifice. La « fausse apparence » (Souriau) de l’illusion n’en constitue pas moins un mode de parution, à la cohérence propre qui peut, dès lors, être le lieu de pratiques d’images.
Images et consentement à l’illusion
Jacques Aumont , dans son livre L’image(Aumont, 2003), structure son analyse du sujet sur une partition entre différents acteurs de l’image. Parmi ceux-ci le spectateur occupe une part significative. On s’accordera le droit de ne pas rappeler ici en détail les liens indéfectibles qui s’exercent entre un spectateur et une image, et inversement. Selon Aumont l’illusion occupe une place importante dans les relations du spectateur à l’image, et notamment dans le cas de l’image représentative. L’illusion représentative se distribue en fonction de certaines conditions, parmi lesquelles une condition psychologique. « L’illusion ne se produira que si elle produit un effet vraisemblable : autrement dit, si elle offre une interprétation plausible (plus plausible que d’autres) à la scène vue. » (Aumont, p. 71) Cela implique « qu’il s’agit bien d’un jugement, et par conséquent, que l’illusion dépend largement des conditions psychologiques du spectateur, en particulier de ses attentes » (Aumont, p. 72). Et Aumont de rappeler l’anecdote fondatrice de la tromperie dont fut victime le peintre grec Zeuxis, joué d’une illusion que le peintre Parrhasios mit en œuvre, et dont l’artifice tenait essentiellement dans la mise en scène de son atelier, qui lui fit confondre un objet avec sa représentation.
Sa victoire illustre surtout, pour nous, l’importance de la disposition à être trompés, car, si Zeuxis avait vu ce trompe-l’œil de but en blanc, qui sait si celui-ci eût été aussi efficace ? Au contraire, la véritable mise en scène dont il fut victime le prédisposait à accepter pour plausible une fausse perception. (Aumont, p. 72)
Ainsi considérée, la propension à l’effet compte tout autant que son agencement. Cette anecdote, et la lecture qu’en propose Aumont, rappelle certes que le degré d’attente dicte la portée de l’illusion mais aussi qu’en matière d’illusion par l’image, celle-ci n’est pas seule agissante, elle suppose une mise en scène.
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Table des matières
Introduction
Street View : un système d’information
État du système
Un système à l’œuvre
Terrain et faux terrain
Simulation et illusion
Le faux comme milieu
Éléments pour une conduite
Corpus artistique
Cadre théorique
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Table des matières
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