Stratégies touristiques régionales décalées dans le temps et leur intégration de la nature

Stratégies touristiques régionales décalées dans le temps et leur intégration de la nature

Stratégie touristique de la région Pays de la Loire, l’oubli de la nature

Pour comprendre la stratégie touristique de la métropole angevine, prenons une échelle beaucoup plus large en nous demandant comment les politiques de développement touristique et de protection de la nature interagissent, et, quelles sont les formes de tourisme encouragées par la région et son comité régional du tourisme (CRT) ? La région Pays de la Loire possède de nombreux atouts sur le plan touristique : une richesse paysagère, un patrimoine naturel et culturel important, ainsi que des ressources humaines et historiques. Le tourisme représente le deuxième secteur d’activité économique dans la région (après l’agro alimentaire), et génère un chiffre d’affaires annuel d’environ 7,6 milliards d’euros pour 48 400 emplois salariés directs. Mais pour autant, la région n’est pas considérée comme une grande région touristique car de nombreuses dynamiques existent sans s’additionner. La filière touristique connait de profondes mutations, en particulier l’adaptation au tourisme de masse à la fois globalisé et personnalisé, ainsi que l’individualisation des produits touristiques et la segmentation accrue des cibles. Ces deux contraintes au développement d’une image de la Région comme une destination touristique à part entière nécessite une intégration des dynamiques touristiques via de meilleurs relations entre les acteurs professionnels et institutionnels (SRDEII Pays de la Loire– 2017/2021).

Répartition géographique des zones de nature en région Pays de la Loire et des grands pôles touristiques

La région des Pays de la Loire est riche en éléments de nature différents, la Loire, le littoral et de nombreuses zones agricoles, ils permettent une diversité des paysages importantes, mais induisent aussi de nombreuses dynamiques touristiques différentes comme le montrent les trois photos suivantes (2, 3 et) avec l’agritourisme ou œnotourisme, le tourisme balnéaire ou encore le tourisme culturel des châteaux de la Loire.

Le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation des Pays de la Loire identifie le tourisme comme un axe majeur de développement économique, la région a donc développé pour plus de clarté son propre schéma de développement du tourisme et des loisirs (SRDTL Pays de la Loire). La notion d’internationalisation est essentielle et omniprésente dans les documents d’orientation de politique régionale. Elle semble d’autant plus importante depuis la loi relative à la délimitation des régions de janvier 2015. Ce nouveau découpage, n’a certes, pas modifié les contours de la région Pays de la Loire, ni ceux de la région Centre Val de Loire, mais est symptomatique d’un mouvement de concurrence internationale de plus en plus importante entre les différents territoires et en particulier à l’échelle des régions européennes (Jacques-François Thisse et Tanguy van Ypersele – 1999) et (François-Olivier Seys). Cette course à la performance internationale se décline aussi dans le schéma régional du tourisme et des loisirs. La région a développé une société publique régionale pour accompagner les acteurs économiques de la filière touristique depuis 2009 (L’agence régionale Pays de la Loire Territoires D’Innovation). Cet outil de développement régional, unique en France, se propose de l’aider à développer son attractivité à destination des touristes et des entreprises, ainsi qu’à accroitre le développement des entreprises et de l’innovation. Pour comprendre la stratégie régionale des Pays de la Loire nous avons observé le SRDTL, le site internet touristique de la région « enpaysdelaloire.com » ainsi que la stratégie pour la biodiversité. A première vue, la nature semble être la grande absente de la stratégie touristique et ne semble pas être considérée comme un atout au développement touristique, sauf peut-être dans les couleurs et les images utilisées dans les documents. Mais cette absence est palliée par la mise en place de la stratégie Biodiversité. L’analyse de la stratégie touristique régionale propose cependant des orientations de développement touristique pouvant améliorer la filière de « tourisme nature ».

Analyse du schéma régional de développement du tourisme et des loisirs 2016- 2020 : La nature n’existe pas

La région souhaite aller « vers un tourisme régional plus compétitif pour nos entreprises et nos emplois » à travers son schéma de développement du tourisme et des loisirs. Ce titre s’inclue dans le vocable d’un développement touristique conventionnel et dans « la stratégie pour un tourisme français leader mondial » engagée par le gouvernement depuis 2017. L’objectif affiché par la région est de développer les entreprises de la filière touristique, ainsi que d’améliorer leur compétitivité pour conquérir de nouveaux marchés dans un contexte de concurrence mondiale et de révolution numérique. A la lecture de cette stratégie, on remarque que la prise en compte de l’environnement et de la nature n’y figure, ni dans les grandes orientations, ni dans leurs déclinaisons. Les quatre parties du document stratégique s’intéressent à l’attractivité du territoire, à l’équilibre de celui-ci, à la compétitivité et à la connexion entre le CRT et les acteurs du tourisme. On peut cependant trouver des orientations « tourisme nature » compatibles, dans le sens où elles proposent des axes de développement favorables à l’activité touristique dans les zones rurales ou les zones affichant des qualités environnementales importantes (Loire, vignoble…), ainsi qu’au vélo, moyen de transport respectueux de la nature. Le but étant de permettre le développement des zones littorales ou « rurales » en renforçant l’image « bleue-verte-urbain[e] » de la région avec trois axes principaux :
• En développant l’attractivité de l’image du littoral et un renforcement du positionnement « vélo » de la région, en finalisant le schéma régional des vélo routes et voies vertes (SR3V), avec la création et/ou le recensement de boucles régionales et locales avec les territoires. Ce développement des axes cyclables s’effectue d’ailleurs en grande partie en partenariat avec le développement de l’axe régional structurant de La Loire à Vélo.
• En développant les marques : La Loire à Vélo, La Loire en Bateau, la Loire à pied, Les Routes des Vins… (cf. action n°7), pour accroître l’attractivité de cette destination internationale. Ici aussi, aucune mention de la nature. Pourtant, les marques concernées proposent et développent de nombreuses activités de tourisme de nature en partenariat avec la région Centre-Val-de-Loire (carte ci-dessus).
• En aidant le développement de l’agritourisme et un renforcement du plan pour l’œnotourisme. On se demande dans quelles mesures ces deux pratiques participent au tourisme de nature. Le document stratégique évoque plus la notion de slow tourisme, des rencontres authentiques sans jamais évoquer la composante « nature».

Pour compléter, nous avons analysé le lexique utilisé dans le document. Les premiers mots de l’introduction sont « Littoral, Loire, rivières, événements, petits villages, grandes villes et entreprises touristiques sont les moteurs de la croissance touristique de notre région. », nous nous sommes donc demandé, dans quelles proportions les éléments de nature sont utilisés.

L’analyse textuelle du document confirme bien que la nature n’est que très peu prise en compte. Les mots les plus utilisés sont « tourisme » (171 occurrences), « Loire » (118), mais surtout « acteurs » (70), « développement » (55), « action » (50), « entreprises » (46) ou encore « professionnels » (38). Ce schéma de développement est à destination des acteurs politiques départementaux et territoriaux ainsi qu’à des prestataires touristiques. Les grandes orientations stratégiques peuvent permettre à la majorité des prestataires touristiques de se développer, sans pour autant engager une quelconque transition vers un tourisme plus vert ou plus respectueux directement. Les mesures de recherche d’attractivité et de compétitivité peuvent cependant être vu comme les catalyseurs d’un développement touristique durable et de nature en région Pays de la Loire. Il est cependant étonnant de ne voir aucune action ou incitation de la région au développement du tourisme durable ou de nature. Cette pratique est fortement liée à la biodiversité et aux paysages de la région. Dès lors, nous nous sommes aussi intéressés aux orientations stratégiques de la Région en termes de biodiversité, de valorisation et de protection de son patrimoine naturel. Nous avons donc étudié la Stratégie Biodiversité.

Analyse de la Stratégie biodiversité 2018-2023 : Le tourisme vert n’est pas invisible

Le schéma de développement du tourisme ne faisant presque jamais mention du tourisme durable et encore moins de la nature, nous sommes allés chercher du côté de la stratégie biodiversité de la région. La stratégie biodiversité éditée en 2018, soit deux ans après le schéma de développement touristique, a intégré la modification du comportement des touristes et l’intérêt de développer cette pratique touristique. Alors que l’urbanisation entraîne un besoin de retour aux sources (Urbain, 2004), « l’amour de la nature, moteur du tourisme paysager ou animalier, peut l’exposer à de trop fortes pressions, et la tuer. Mais le tourisme, quand il se conforme à des règles tirées des grands principes du développement durable, est aussi un levier pour sensibiliser les populations à leurs propres richesses naturelles, et une opportunité pour financer leur protection. » (Gérard Ruiz – 2014). A l’heure de l’accord de Paris sur le climat signé en 2016 après la COP 21 de 2015 et à la suite de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM). Une large concertation a été engagée en 2017 pour mettre en place une stratégie biodiversité, avec la participation d’acteurs institutionnels, associatifs et privés. Cette stratégie vient après la mise en place du Schéma Régional de Cohérence Ecologique en 2015, elle a comme objectif prioritaire de préserver et valoriser la biodiversité comme un capital de développement territorial et économique . La présence des outils de contrats nature ou encore des politiques sectorielles comme les parcs naturels régionaux, en particulier le PNR Loire Anjou Touraine (pour notre étude), sont une force pour mettre en place cette stratégie biodiversité qui a pour but de protéger l’environnement tout en proposant une valorisation économique du territoire. Si on étudie la feuille de route de la stratégie régionale biodiversité, sept grands enjeux stratégiques ont été définis en région Pays de la Loire, l’un d’entre eux (le 5ème) est de « Promouvoir davantage le patrimoine naturel ligérien comme un atout touristique» avec comme objectif principal de développer et structurer les activités de « tourisme vert de nature » (formulation utilisée dans la stratégie désignant le tourisme lié aux éléments naturels, tourisme en nature et tourisme de nature) en cohérence avec les enjeux de préservation du patrimoine naturel.

Table des matières

Introduction
Matériel et Méthodes
1 – Stratégies touristiques régionales décalées dans le temps et leur intégration de la nature
1.1 – Stratégie touristique de la région Pays de la Loire, l’oubli de la nature
1.1.1 – Répartition géographique des zones de nature en région Pays de la Loire et des grands pôles touristiques
1.1.2 – Analyse du schéma régional de développement du tourisme et des loisirs 2016 – 2020 : La nature n’existe pas
1.1.3 – Analyse de la Stratégie biodiversité 2018-2023 : Le tourisme vert n’est pas invisible
1.1.4 – Une communication touristique intégrant les orientations de la stratégie biodiversité
1.2 – Stratégie touristique de la région Centre-Val de Loire, la nature tournée vers la Loire
1.2.1 – Les atouts majeurs de la région, au regard de la Stratégie régionale du tourisme et des loisirs 2016- 2021
1.2.2 – Le tourisme et la nature en région Centre-Val de Loire
1.3 – Analyse interrégionale des éléments de tourisme de nature
1.3.1 – Des régions liées depuis de nombreuses années grâce au patrimoine de la Loire
1.3.2 – Points communs et différences touristiques
2 – Des départements aux placements stratégiques différents
2.1 – Stratégie départementale du Maine et Loire : Un fort potentiel pour le tourisme de nature
2.1.1 – Une stratégie régionale déclinée avec plus de teintes vertes
2.1.2 – Une stratégie départementale synthèse des stratégies régionales et fortement influencée par la métropole angevine
2.1.3 – Une richesse paysagère et naturelle encore peu mise en tourisme
2.1.4 – Une ambivalence entre tourisme de nature et tourisme en nature ou d’aventures
2.2 – Stratégie départementale de l’Indre et Loire
2.2.1 – Des liens forts avec la région et la métropole
2.2.2 – Un département tout de même essentiel
2.2.3 – Les atouts « naturels » de l’Indre et Loire
2.3 – Analyse interdépartementale du tourisme
2.3.1 – Le Maine et Loire développeur, L’Indre et Loire coordinateur
2.3.2 – Des départements en décalage
3 – Stratégies métropolitaines entre diversité et singularité
3.1 – Angers Loire Métropole, une ville fleurie mais qui peine à développer son offre nature
3.1.1 – Une stratégie favorable au développement du tourisme vert
3.1.2 – Une offre de nature importante et diversifiée à proximité de la ville : un fort potentiel pour le développement du tourisme de nature
3.2 – Stratégie touristique de la métropole Tours-Val de Loire
3.2.1 – Présentation
3.2.2 – Le développement touristique de la métropole
3.2.3 – Le tourisme de nature dans la métropole
3.3 – Des villes jumelles qui ne portent pas le tourisme de nature de la même manière
Conclusion

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