Stratégies et itinéraires de la marine et de la presse française

Deux événements maritimes tragiques

Ce chapitre préliminaire a pour but de clarifier les éléments factuels des deux drames maritimes traités. Ce chapitre s’attache à considérer conjointement l’attaque de Mers-el-Kébir, survenue le 3 juillet 1940, et le sabordage de la flotte française, basée à Toulon, le 27 novembre 1942, à travers trois actes pouvant être considérés peu ou prou comme les prémices, les déroulements et les résultats de ces événements. L’intérêt du chapitre réside dans sa qualité de « support » à l’étude, ce qui permet de rendre intelligibles les différents questionnements qui sont amenés, par la suite, tout au long du mémoire.
Cependant, il ne s’agit pas ici de se cantonner à une revue de presse, en faisant simplement état des sources. L’idée est aussi d’installer un dialogue entre sources et connaissances actuelles afin de rétablir, le plus objectivement possible les faits. Concernant le récit médiatique de ces deux journées, l’étude préliminaire privilégie le journal L’Écho d’Alger, et cela pour deux raisons. La première est liée à la proximité géographique du lieu de Mers-el-Kébir qui fit que le quotidien se sentit plus concerné par l’événement, donnant des articles plus précis que les autres journaux. La seconde raison concerne les événements de Toulon. En effet, seul quotidien du corpus ayant été libéré à cette période, il décrivit en détail le sabordage, tandis que les journaux métropolitains privilégièrent les conséquences de cet acte, tout en passant sur l’événement en lui-même. De plus, les divergences, ainsi que les similitudes, peuvent être interrogées à travers les « effets de déformation » découlant des articles de presse . Qui plus est, aux deux dates étudiées, la presse est sous contrôle étroit du régime de Vichy d’une part, et de l’occupant allemand d’autre part . Par conséquent, il s’agit d’interroger la déformation médiatique de ces deux événements, étudiés chronologiquement, par le double effet de la médiatisation et de la censure.

De funestes matinées

Afin d’éviter de faire, de prime abord, l’exégèse des causes qui menèrent aux deux drames, le parti pris est de faire débuter la narration des deux faits au moment de l’arrivée de ce qui peut être considéré comme « l’élément perturbateur », signe, dans la littérature, du début de l’histoire. À côté de ce choix, il s’agit aussi de la volonté de ne pas complexifier d’avantage le récit factuel, déjà riche en éléments, qui aurait un effet paradoxal sur un chapitre voulant clarifier les deux supports d’étude.
Dès lors, le récit du premier drame débuta à 5h58, le mercredi 3 juillet 1940 dans la rade de Mers-el-Kébir, près d’Oran, tandis que deux ans plus tard, les événements commencèrent aux alentours de 4h00, le vendredi 27 novembre 1942, au poste de sécurité d’Ollioules, non loin de Toulon.

Une visite inattendue

Les événements se sont succédé de manière frénétique. Le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne, survint alors ce que l’on a appelé la « Drôle de guerre », et puis le 10 mai 1940, ce fut la bataille de France. Ce matin du 3 juillet 1940, cela faisait déjà plus d’une dizaine de jours que la France, victime du sentiment défaitiste,avait signé l’impensable, l’armistice avec l’Allemagne, lui faisant naïvement croire que la guerre était finie pour elle. Les événements de Mers-el-Kébir lui prouvèrent le contraire.

Le sabordage : un statu quo qui se poursuit

Le 18 décembre 1942, le général Giraud, bras droit de l’amiral Darlan, déclara que « le sacrifice de notre flotte à Toulon nous a rendu notre place dans le cœur des nations » . Ce constat fut partagé par le quotidien anglais Times, qui indiqua que « les Alliés ne devront pas oublier le sublime sacrifice des vaisseaux français ».
Derrière cette satisfaction qui sembla, à travers ce qu’en dit L’Écho d’Alger, être de mise parmi les Alliés, quant à la posture de la France, les Mémoires de guerre du général de Gaulle livrèrent un tout autre message, bien plus pessimiste. En effet, il qualifia le sabordage de Toulon de « suicide le plus lamentable et le plus stérile qu’on puisse imaginer » . Ne dissimulant pas son ressentiment, il écrivit : « Quant à moi, submergé de colère et de chagrin, j’en suis réduit à voir sombrer au loin ce qui avait été une des chances majeures de la France, à saluer par les ondes les quelques épisodes courageux qui ont accompagné le désastre et à recevoir au téléphone les condoléances, noblement exprimées mais sourdement satisfaites, du Premier Ministre anglais ».
Cette citation est, au regard des événements de Toulon, très intéressante, car elle condamnait in fine l’action du sabordage, tout en relevant l’hypocrisie des Alliés, et en relativisant l’apport des deux sous-marins français, même si l’image de ces derniers fut abondamment récupérée par la propagande gaulliste par la suite.
En définitive, ce fut un sabordage qui entraîna plus de railleries côté allié que de franches félicitations. Cependant, cela ne fut pas sans fondement, car pour les Anglais, cela éliminait définitivement la menace d’une flotte française contrôlée par les Allemands.
De ce fait, s’il semble qu’il y ait eu un perdant dans ce sabordage, ce fut l’Allemagne. Pourtant, la rancœur allemande, suite au sabordage de Toulon, est à mettre sur le plan politique et non militaire. En effet, les ordres reçus par les deux divisions chargées d’envahir Toulon furent bien de « s’emparer de la flotte française de Toulon », et en soi, le sabordage de cette dernière fut bien une forme de neutralisation . Dans ce sens, le comte Ciano, ministre des Affaires étrangères de Mussolini, nota dans son journal que « pour l’Italie, c’est un avantage » et que le sabordage a « éliminé pour de longues années une puissance navale de la Méditerranée » . Néanmoins, l’ordre d’Hitler précisait que la flotte devait être « intacte », ce qui fut un échec . Aussi, les journaux métropolitains critiquèrent la désobéissance des chefs de la marine au plus haut niveau . Le Reich fit savoir, par la voix de Goebbels, le ministre allemand de la Propagande et de l’Information, que « le sabordage de la flotte française de Toulon élimine la France du continent européen » et « qu’il n’est plus possible de conclure un traité avec la France ».
Contrairement, à ce qu’affirme trop simplement la page Wikipédia concernant le sabordage de la flotte de Toulon comme étant une « victoire française », cet acte ne modifia en rien le rapport de force entre les Alliés et l’Axe. Pire, il semble que ce furent surtout les Alliés et Vichy qui eurent à pâtir de cet événement, les Alliés abandonnant le rêve de ralliement de la flotte française, et Vichy perdant son principal argument de légitimité.
L’attaque britannique de Mers-el-Kébir, ainsi que le sabordage de la flotte française de Toulon furent deux événements médiatiques, abondamment diffusés par la presse, qu’elle fut collaboratrice, censurée, ou libre. Ces deux drames, l’un d’un point de vue humain, l’autre d’un point de vue matériel, furent relativement bien connus par les lecteurs français, d’où la courte vague d’anglophobie en France, après les événements de Mers -elKébir.

La marine « de Darlan » (des années 1920 à 1942)

Le 30 novembre 1942, le quotidien Le Temps, avant de se saborder, intitula l’un de ses derniers articles « Les Épreuves de notre marine ». Cet intitulé avait pour but de souligner la situation précaire de la marine durant la Seconde Guerre mondiale. Cependant, le terme « épreuve » accorde à la flotte un héroïsme dont elle se targue depuis 1940. En effet, cela peut être mis en résonance avec les différentes épreuves que le héros doit surmonter afin d’accomplir sa quête scellant son destin. Dès lors, la marine serait-elle un Hercule ou un Achille contemporain, appelé à surmonter maints obstacles avant de ployer le genou face à l’adversité ? Il convient de creuser d’avantage.
Au-delà des mythes, il s’agit non pas de revenir aux origines de cette marine française, mais plus spécifiquement de distinguer plusieurs cycles ayant eu cours au sein de ce corps d’armée, tout au long des années 1920 et 1930. « L’histoire de France retient trois « belles » marines » note Pierre Grumberg . Dans celles énoncées, la marine dite « de Darlan » est mentionnée.
En somme, l’histoire pourrait être vite écrite, une « belle » marine qui se retrouva en difficulté durant la Seconde Guerre mondiale. Rien de notable si l’on considère les opérations de guerre comme des facteurs pouvant entraîner mort et destruction. Cependant, l’observation qui guide la recherche est que cette marine ne participa pas, sauf de manière périphérique, à la guerre.
Dès lors, quels sont les éléments qui permettaient de considérer cette marine comme puissante ? N’avait-elle aucune faiblesse, les malheurs n’arrivant qu’une fois la guerre arrivée ? Et donc, de ce fait, il est légitime de se demander quelles furent les stratégies et les itinéraires qui menèrent aux douloureuses journées de Mers-el-Kébir et de Toulon.

La marine française : héritages et images

La marine française de l’entre-deux-guerres fut certainement l’une des plus belles marines de France. Cependant, elle eut la particularité d’avoir peu combattu, même si la France lui doit une brillante victoire navale contre le Siam, victoire oubliée, du fait qu’il s’agissait de la marine de Vichy . Dès lors, commentant le marquis de Valdeiglecia, l’amiral Darlan, dans un article intitulé « La Marine française depuis l’armistice », affirma qu’ « il n’y a pas de tâche sur le pavillon français, mais du sang et des larmes causés par l’allié » . Mais, indépendamment des combats de Mers-el-Kébir et de Toulon, quelle fut la part de responsabilité de l’imaginaire et des représentations de la marine française dans son sort ?

La quatrième marine du monde

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la marine française fut, en terme de tonnage, la quatrième plus grande du monde (ex aequo avec la Regia Marina), avec 545000 tonnes d’acier.
En accord avec le Traité de contrôle naval de Washington signé en 1922, la flotte occupa 27% des dépenses militaires de la France, entre 1922 et 1934, contre 15 % par la suite . Avantagée par une longue stabilité politique, permise par la présence, presque continue, de Georges Leygues, puis de Piétri, et Campinchi au poste de Ministre de la Marine, la flotte, lorsque Darlan devint amiral, ne pouvait être « sa » marine comme il la qualifia souvent . En effet, c’était celle de la III e République qui l’avait fait renaître à partir de 1924, contribuant à lui redorer son blason après le premier conflit mondial . Ainsi, le 28 novembre 1942, dans L’Écho d’Alger, tandis que cette flotte était réduite à quelques vaisseaux disparates, le journal fit la composition posthume de la marine postée à Toulon. Selon l’article, elle était composée de trois bâtiments de ligne dont le Dunkerque, le Strasbourg et le Provence. De plus, il y avait huit croiseurs, ainsi qu’une vingtaine de contre-torpilleurs, torpilleurs, avisos et sous-marins. Flotte encore impressionnante fin 1942, elle l’était encore plus si les chiffres sont précisés et observés en 1939. Dès lors, il s’agissait de sept cuirassés, dix-neuf croiseurs, soixante-huit destroyers et quarante sous-marins.

Retour sur l’opération Catapult

En effet, ce qui se joua, en cette journée de juillet 1940 à Mers-el-Kébir, fut la question de l’indépendance de la flotte française et le crédit que les Anglais pouvaient accorder aux déclarations d’Hitler. Ainsi, la Convention d’armistice prévoyait, dans son article 8, le désarmement des bâtiments français dans leur port d’attache. Qui plus est, l’amiral Darlan, le maréchal Pétain, ainsi que le ministre des Affaires Étrangères Paul Baudouin, garantirent aux Britanniques que la flotte ne tomberait pas dans l’escarcelle de l’Axe. Dès lors, comme l’affirma L’Écho d’Alger dans son édition du 5 juillet 1940 « l’Angleterre n’avait aucune raison valable, la France ayant appliqué les conditions de l’armistice naval, de façon à donner le maximum de sécurité au gouvernement britannique ». Néanmoins, fallait-il accorder foi aux propos d’Hitler, surtout dans une France occupée, à la merci des Allemands qui disposeraient de la liberté d’action pour tenter ce qu’ils voudraient ? Churchill, malgré des promesses vagues et floues faites par la France, ne crut pas à l’indépendance de la flotte française, et encore moins à la parole d’Hitler . Désabusé par la position française, il se mit à planifier l’opération Catapult, « résolu à empêcher que la marine de guerre française ne passe entre les mains de l’ennemi » comme le déclara Londres au quotidien Le Temps, le 5 juillet 1940.
La planification de l’opération Catapult répondit à une logique militaire plus que politique. En choisissant de s’attaquer à la flotte plutôt qu’à l’empire, Churchill voulait frapper fort et vite. Il écrivit dans ses Mémoires : « Nous devions, à tout prix, d’une façon ou d’une autre et quels que fussent les risques, faire en sorte que la marine de la France ne tombât pas entre des mains criminelles, pour provoquer ensuite notre ruine et celle des autres nations » . Dès le 22 juin, s’étant assuré le consensus gouvernemental, il demanda au First Sea Lord Dudley Pound de mettre au point une attaque contre la flotte française.
Cette demande fut entérinée lorsqu’il apparut évident à Churchill que la flotte française n’était plus indépendante, le 25 juin . Le 27, le cabinet de guerre valida une attaque contre les cuirassés Dunkerque et Strasbourg, avant d’être élargie à toute la marine française. Dans sa version définitive et validée, présentée le 1 er juillet 1940, l’opération Catapult caractérisa « la saisie simultanée, la prise de contrôle, la mise hors de combat ou la destruction de tous les bâtiments français accessibles ».
Mers-el-Kébir ne fut que l’une des opérations, certes la plus importante ou, du moins, celle qui a dégénéré, du plan Catapult. Ainsi, dans le cadre de ce plan, ce fut avec fureur que les journaux français apprirent, le 4 juillet 1940, l’attaque sur Mers-el-Kébir (L’Action française), le 6, ils annoncèrent que la flotte réfugiée à Alexandrie était bloquée (L’Écho d’Alger), le 7, « un comble », comme l’annonça L’Oeuvre, puisqu’ils enregistrèrent une seconde attaque sur Mers-el-Kébir. Enfin, L’Action française (10-12 juillet 1940) se mit à parler « des agressions anglaises », puisqu’ils apprirent que les navires réfugiés dans les ports anglais étaient séquestrés, ainsi qu’une attaque aérienne contre le Richelieu à Dakar avait eu lieu, faisant dire à Paris-Soir (11 juillet 1940) que « L’Angleterre continue d’agir comme des pirates ». Brutale, agissant en plusieurs points, l’opération Catapult se révéla néanmoins « un demi-succès » voire même « un relatif échec militaire », puisque la marine française continua d’avoir un potentiel de nuisance pour la Royal Navy. Dès lors, Le Petit Journal pouvait annoncer triomphant que « cette flotte n’a pas été vaincue […] elle a su imposer sa volonté à Mers-el-Kébir » .

La presse française en guerre : la fin d’une ère (années 1930 – 1942)

Le 30 septembre 1944, le Gouvernement Provisoire de la République française a, par ordonnance, dissout tous les journaux français coupables de collaboration, ce qui représenta environ 90% de la presse française . Cette dernière, qui avait été, durant son âge d’or, un modèle pour sa liberté d’expression, regroupant de nombreux quotidiens tirant à plus d’un million d’exemplaires, n’existait plus. Dès lors, comme l’écrivit Jacques Godechot « la presse a subi le plus grand bouleversement qu’elle ait sans doute connu ».
En effet, si la presse s’était longtemps battue pour sa liberté, elle la tronqua pour une politique de collaboration et de complaisance envers les autorités. Partant de ce constat, quelle fut la situation initiale de la presse avant la guerre ? De même, les premiers mois de guerre furent-ils décisifs dans les choix postérieurs faits par les journaux ? Quelles furent les relations entre l’occupant allemand et la presse (idem pour le régime de Vichy) ? Enfin, quelles conclusions peuvent être tirées de la couverture médiatique des événements de Mers-el-Kébir et de Toulon ?

Une presse des années 1930 en crise

Les années 1930 furent la période de la grande presse d’information . Dès lors, les différents journaux, nationaux comme régionaux, français comme étrangers, d’opinion ou d’information, n’avaient plus qu’un objectif : la rapidité de la diffusion des informations . Certains pays arrivèrent à relever le défi imposé par une concurrence de plus en plus forte, à l’instar des États-Unis qui dépassèrent, de manière définitive, les tirages français, avec plus de 41,1 millions d’exemplaires vendus en un seul jour de 1940 . D’autres, comme ce fut le cas de la France, virent leur tirage stagner. Dès lors, quelles furent les caractéristiques de cette stagnation française ? De plus, quelles furent les solutions apportées, et quel en fut le résultat ?

La presse en Zone libre : un double-jeu funeste

En conflit constant avec les Allemands concernant la diffusion de la presse de la Zone libre vers la Zone occupée, Vichy fut néanmoins dépendant d’eux, pour ce qui fut de l’approvisionnement. Cependant, Vichy fit le choix du contrôle de la presse plutôt que de la propagande.
D’un point de vue pyramidal, l’information à Vichy provenait du secrétariat particulier du Maréchal, administré par le docteur Ménétrel, avant de passer par le ministère de l’Information et de la Propagande, longtemps administré par Paul Marion. De plus, au mois de novembre 1940, Vichy supprima l’agence Havas en la nationalisant, ce qui devint l’Office français d’Information. Les conditions de contrôle furent « assez flottantes » . En effet, il s’agissait d’une censure dans la continuité de celle exercée par la III e République dans laquelle l’État invitait les journaux à suivre plusieurs consignes et notes d’orientation . Ainsi, les articles ne devaient pas contrevenir aux Allemands, ni à leur politique, à l’État français, au commandement allemand, au maréchal Pétain, aux armées allemandes, ou encore, à la conclusion de l’armistice. De plus, il fut formellement interdit de faire référence à la BBC ou au général de Gaulle. Néanmoins, avec l’arrivée de Paul Marion au ministère, le 23 février 1941, la politique de censure devint plus dynamique. L’objectif était de briser la monotonie de l’information en étant « intransigeant sur le fond, mais plus indulgent sur la forme » . De plus, le ministère de l’Information se mit à subventionner les journaux, offrant trois millions de francs à trente-trois journaux, revues et agences, en juillet 1942 . De leur côté, les journalistes en Zone libre furent divisés entre les collaborateurs et les légalistes . Cependant, dès juin 1941, les journalistes exprimèrent leur volonté de ne plus se plier aux lois répressives jugées trop proches de celles de la III e République, et utilisèrent leur carte de presse afin de s’assurer d’une relative autonomie . Cesréprobations purent être formulées car Vichy voulait avoir les meilleures relations possibles avec les journalistes. Néanmoins, ces derniers furent peu fidèles à Vichy, et des noyaux de résistance se formèrent au sein des comités de journalistes comme ceux de La Croix . Vichy fut donc un échec dans le domaine de l’encadrement professionnel des journalistes. Ces derniers jouèrent double-jeu en restreignant leur liberté d’expression afin d’éviter de devenir une corporation bien plus contrôlable par le régime . Mais l’illusion, entretenue par Vichy, d’une apparente liberté ne devait pas résister à l’invasion de la Zonelibre, en novembre 1942. Déjà, le 31 mars 1942, L’Écho de Paris s’était sabordé.Cependant, en novembre, ce furent Le Figaro (11 novembre) et Le Temps (29 novembre) qui se sabordèrent à leur tour . Maintenant les lois répressives votées sous la III e République, Vichy voulut faire de la censure une « normalité ». Cependant, malgré des courants collaborateurs, Vichy n’arriva pas à encadrer la presse, ce que l’occupant allemand réussit en zone occupée.

La faute aux Anglais ?

L’armistice signé par les Français avait pour but de les faire sortir du conflit, et d’assurer leur neutralité face aux belligérants. Or, il fut, dès l’origine, porteur de paradoxes. En effet, après la bataille de France où les soldats français subirent de nombreuses pertes, ces derniers eurent tendance à oublier que l’allié anglais avait pris sa part de responsabilité dans le conflit. De ce fait, l’armistice fut signé quasi unilatéralement entre la France et l’Allemagne, sans que l’Angleterre ne puisse l’en empêcher, la France étant persuadée d’être dans son bon droit. Dès lors, une situation de neutralité aurait eu tendance à diminuer les relations avec l’ancien allié, afin de rétablir les relations avec l’adversaire, en l’occurrence l’Allemagne. Cependant, il s’agissait d’un armistice, ce qui signifie que la France était sous le joug allemand. Dès lors, comment assurer une neutralité parfaite lorsqu’un pays est à la merci d’un autre ? La réponse est qu’aucune neutralité ne peut être appliquée dans ce cas, a fortiori, lorsque le conflit s’inscrit dans le temps et dans l’espace.
Dans le présent mémoire, il est intéressant de constater que Mers-el-Kébir peut être considéré comme l’un des premiers effets de la signature de l’armistice, puisque l’attaque a lieu seulement onze jours plus tard. Ainsi, quels liens peuvent être établis entre l’armistice et Mers-el-Kébir ? De même que voulait signifier l’attaque décidée par les Anglais, suite aux clauses imposant à la France les diverses modalités d’occupation ? Enfin, si Mers-elKébir peut être considérée comme la réaction anglaise, quelle fut la réponse française à cette surenchère ? Pour ce faire, il convient d’analyser les particularités de l’article 8 de la convention d’armistice, avant de comprendre les griefs français envers l’Angleterre, et de les relativiser à travers les travaux de Pierre Laborie sur l’opinion publique sous le régime de Vichy.

Imbroglio autour de l’article 

« L’honneur, n’en déplaise à la radio anglaise, ne consiste pas à aller massacrer à Mers-el-Kébir des gens qui, huit jours auparavant, étaient encore vos compagnons d’armes » . Cet extrait, tiré d’une allocution du Maréchal Pétain, est un témoignage de l’illusion créée par la signature de l’armistice entre la France et l’Allemagne. En effet, l’extrait, se plaçant du point de vue français, interrogeait la pertinence de l’attaque de Mers-el-Kébir au regard de l’arrêt des hostilités décrété quelques jours plus tôt. Le problème étant que, pour Pétain, l’armistice garantissait l’indépendance et la neutralité de la France. Mais comment sortir d’une guerre sans dégâts collatéraux ? Au delà de l’illusion, certains des articles de la convention d’armistice furent à l’origine de frictions concrètes, trahissant l’impossible neutralité.
Dans le cas qui intéresse ce mémoire, l’article 8 en fut le parfait exemple. Dès lors, l’importance de cette clause au sein de la convention doit être soulignée et ses termes observés, ainsi que l’évolution de l’application a posteriori.

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Table des matières
CHAPITRE PRÉLIMINAIRE : DEUX ÉVÉNEMENTS MARITIMES TRAGIQUES 
De funestes matinées
Entre assassinat et suicide
Des résultats paradoxaux
PARTIE 1 – STRATÉGIES ET ITINÉRAIRES DE LA MARINE ET DE LA PRESSE FRANÇAISE 
CHAPITRE 1 – LA MARINE « DE DARLAN » (DES ANNÉES 1920 À 1942) 
La marine française : héritages et images
Une marine en sursis
CHAPITRE 2 – LA PRESSE FRANÇAISE EN GUERRE : LA FIN D’UNE ÈRE (ANNÉES 1930 – 1942)
Une presse des années 1930 en crise
La guerre : le début de la fin
Mers-el-Kébir et Toulon : diffusion, couverture et évolution médiatique
PARTIE 2 – DIALOGUES ENTRE MERS-EL-KÉBIR ET TOULON 
CHAPITRE 3 – LA FAUTE AUX ANGLAIS ? 
Imbroglio autour de l’article 8
La relance d’un discours anglophobe
Un lectorat indifférent
CHAPITRE 4 – DEUX ÉVÉNEMENTS MÉDIATIQUES À RELATIVISER 
L’Axe en mauvais communiquant
Des Alliés dépités
Un monde en guerre
CHAPITRE 5 – DEUX ÉVÉNEMENTS RÉVÉLATEURS DES FRACTURES IDÉOLOGIQUES 
Une divergence lexicale
La volonté d’oublier
Une France fracturée
CHAPITRE 6 – DES MÉMOIRES OBJETS D’ENJEUX POLITIQUES 
Mers-el-Kébir : le désir d’un lieu de mémoire sous Vichy
L’évolution des politiques mémorielles durant la période de la Libération
De nos jours, un manque de « sérénité mémorielle »

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