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Surveillance des indicateurs
La surveillance basée sur les indicateurs (SBI), « indicator-based » en anglais, ou plus simplement « la surveillance des indicateurs » a été définie par l’OMS comme : « le recueil systématique (régulier), le suivi, l’analyse et l’interprétation de données structurées – d’indicateurs- produits par un nombre bien identifié de sources formelles constituées principalement de structures sanitaires »21.
Les données utilisées dans le cadre de la surveillance des indicateurs proviennent principalement des structures sanitaires (structures de soins, professionnels de santé, laboratoires, etc.) mais peuvent également être non-médicales par exemple dans le cas de données entomologiques, météorologiques, etc. La surveillance des indicateurs regroupe tous les mécanismes de recueil systématique de données, qu’il s’agisse de notifications obligatoires de cas, de surveillance syndromique, sentinelle, de données de laboratoire, de données des registres (cancers, maladies rares), de mortalité, etc. Le recueil des données s’effectue à partir de définitions de cas précises et l’analyse repose sur le suivi des tendances ou le franchissement de seuils préétablis.
La surveillance des indicateurs répond à deux objectifs :
· L’alerte précoce pour les pathologies sévères ou à potentiel épidémique.
· Le suivi à plus long terme (morbidité, suivi des programmes, planification) pour des pathologies infectieuses, les maladies non-transmissibles et/ou chroniques et les expositions à des toxiques. Surveillance.
La surveillance basée sur les évènements (SBE), « event-based surveillance » en anglais, ou plus simplement la « surveillance des évènements » est définie comme : « le recueil organisé, le suivi, l’évaluation et l’interprétation d’information ad hoc, principalement non structurées, et concernant des évènements ou des risques, qui peuvent représenter un menace aiguë pour la santé humaine ».21. Les informations recueillies sont de nature très diverse et proviennent de sources multiples officielles ou non-officielles et souvent non préétablies. Il peut s’agir de rumeurs provenant des médias, d’informations ad hoc provenant de réseaux informels. Le processus de recueil des informations est principalement actif et réalisé dans un cadre formalisé. 21
En recueillant des informations avant la survenue des premiers cas humains ou avant la détection, la confirmation ou la notification d’un évènement, la surveillance des évènements permet de contourner les contraintes de temps liées à la surveillance des indicateurs et ainsi d’augmenter la sensibilité des mécanismes de détection précoce et donc la mise en oeuvre plus rapide des mesures de contrôle.
De nombreuses sources d’information sont utilisées dans le cadre de la surveillance des évènements, elles peuvent être schématiquement classées en deux grandes catégories :
Les données provenant de la « surveillance électronique » basée sur les données disponibles sur Internet. Il s’agit des informations provenant des médias, des blogs, des réseaux sociaux, mais également de données officielles disponibles sur les sites web institutionnels nationaux et internationaux. C’est dans le traitement de ce type de donnée qu’interviennent les systèmes de biosurveillance.
Les sources provenant directement de la communauté. Il peut s’agir d’information provenant de la surveillance communautaire, d’information ad hoc recueillie en dehors de tout cadre formalisé, d’informations provenant par exemple des Organisation Non-Gouvernementales (ONG), de la société civile (enseignants, professionnels de santé notamment du secteur privé, etc.), de la médecine alternative, du monde associatif et religieux ou encore de l’analyse des données de certaines « hotlines ».
ELECTRONIQUE
Source informelle : source n’émanant pas d’un organisme public ou d’une source autorisée ou formelle. Les sources informelles incluent la presse et les autres médias (radio, télévision, etc.), les blogs, twitter®, les réseaux sociaux (type Facebook®).
Source officielle : source émanant d’une institution gouvernementale nationale ou internationale. Il s’agit principalement des États et des organismes qui en dépendent (ministères de la santé, de l’agriculture, des affaires étrangères, instituts nationaux de santé publique, laboratoires, etc.) et des organisations internationales et supranationales telles que l’OMS pour la santé humaine, l’Organisation mondiale santé animale (OIE) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pour les pathologies vétérinaires et les zoonoses, d’autres agences des Nations Unies, d’institutions supranationales comme le Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies (ECDC), de réseaux régionaux (comme le réseau EpiSouth22 pour la Méditerranée), de réseaux de surveillances spécifiques à des maladies (voir Tableau 1).
Source autorisée : ce sont les sources en contact direct avec l’évènement, mais qui ne dépendent pas d’un organisme gouvernemental. On retrouve dans cette catégorie les Organisations Non Gouvernementales (ONG) (ex : Médecins sans Frontières, Action contre la Faim, Save the Children, les Croix Rouges nationales et internationale, etc.), les sources hospitalières et médicales, les laboratoires, les coopérants, etc.
Source formelle : les sources formelles correspondent aux sources officielles plus les sources autorisées.
Sources officielles d’information
Les sources officielles d’information qui permettent une détection précoce de risques sanitaires sont relativement peu nombreuses23. Ces sources fournissent des informations généralement fiables. Issues des systèmes de surveillance, elles contiennent généralement tout ou partie des éléments indispensables à l’analyse du risque (description temps, lieu et personne, données biologiques, etc.).
Ces sources peuvent être publiques (disponibles sur les sites Internet des institutions) ou confidentielles notamment quand elles sont partagées dans des réseaux spécialisés. Les informations issues des sources officielles présentent néanmoins certaines limites. Les informations ne sont pas toujours fiables (exemple SRAS12) notamment en début d’épidémie et ou pour des raisons politiques. Les processus sont souvent longs et particulièrement concernant le partage des informations à l’échelle mondiale et leur accès est souvent difficile. Il s’agit souvent de « littérature grise » non publiée, d’information publiée uniquement dans les langues officielles des différents pays ou d’information communiquée confidentiellement.
EPIDEMIOLOGIQUE
Détection des signaux bruts
Les mécanismes de détection des événements inhabituels sont tributaires de la nature de la source de l’information. Ils diffèrent selon que l’acquisition des données provienne de la surveillance des indicateurs ou de la surveillance des évènements. Pour la surveillance des indicateurs, cette détection repose sur les mécanismes de la surveillance traditionnelle c.-à-d. sur l’élaboration du type et des modalités de recueil des données destinées à d’alerte précoce (format et périodicité du recueil, établissement de seuil, etc.) puis leur recueil et leur analyse. Pour la surveillance des évènements, le processus est plus complexe puisque les données proviennent de sources officielles et informelles. Les modes de détections sont donc dépendants du type de source. Il peut s’agir de :
· Signalement institutionnel par une autre institution d’un phénomène inhabituel qu’il s’agisse de communication directe dans le cadre de collaborations multilatérales ou de la consultation systématique de sites dédiés à l’alerte précoce tels que le RSI ou l’EWRS pour l’Europe.
· Recherche active des informations officielles comme la consultation systématique de sites Internet (ministères de la santé, instituts nationaux de santé publique, agences internationales) mais également la revue de la littérature scientifique.
· Signalement direct tel que le signalement « spontané » (hors cadre définit par la SBI) d’événements inhabituels ; par exemple de l’augmentation de la fréquence d’une souche bactérienne spécifique, l’apparition de signes cliniques/sévérité inhabituels, etc.
· La recherche active d’informations disponibles sur Internet. C’est principalement dans ce cadre qu’interviennent les systèmes de biosurveillance.
DES INFORMATIONS
Les informations brutes sont collectées à partir d’Internet à travers deux principales modalités : les
agrégateurs de média et des applications spécifiques à chaque système. Ces derniers peuvent utiliser différentes techniques de datamining comme l’indexation « web-crawling »a conçu pour collecter les informations afin de permettre à un moteur de recherche de les indexer ou le « web-scraping »b une technique d’extraction du contenu des sites web dont le but de le transformer pour permettre son utilisation dans un autre contexte. Les systèmes revisitent les sites sélectionnés à intervalles réguliers.
TRAITEMENT DES INFORMATIONS
Les informations collectées sont converties dans un format unique afin de permettre les traiter. Le traitement des informations varie en fonction des systèmes et de leurs objectifs. Néanmoins, les catégories suivantes représentent des étapes importantes dans le traitement des données de biosurveillance: traduction, classement par pertinence, le regroupement, extraction et déduplication.
Pour les systèmes qui intègrent un module de traduction, es stratégies de traitement linguistique sont multiples : traiter les langues prises en charge séparément, traduire chaque langue source vers une langue cible commune ou traiter les informations avant ou après traduction. Le classement par pertinence consiste à évaluer la pertinence du signal brut en fonction des objectifs. Il s’agit d’un processus complexe dont la première phase consiste à élaborer un révérenciel qui permettra d’évaluer les algorithmes. Elle est suivie de la mise en oeuvre de techniques d’intelligence artificielle telles que « l’apprentissage automatique supervisé »c, les « machines à vecteurs de support »d, des classifications naïves bayésiennes ou des recherches booléennes incluant des opérateurs logiques tels que « ET » et « OU ».
LE PROJET EAR
La « Global health security initiative » (GHSI)49, ou initiative mondiale pour la sécurité sanitaire a été fondée en novembre 2001 à la suite des attentats du 11 septembre par l’Allemagne, le Canada, la France, les États-Unis, l’Italie, le Japon, le Mexique, le Royaume-Uni et l’Union européenne, l’OMS est associée en tant qu’expert. La GHSI est un partenariat international informel visant à renforcer la préparation et la réponse aux menaces sanitaires liées à l’utilisation intentionnelle d’agents NRBC et aux risques liés à la grippe pandémique.50 C’est dans ce cadre, qu’en 2009, face au manque de collaboration internationale, le projet EAR a été lancé afin d’évaluer la faisabilité de développer un outil commun spécifiquement dédié à l’intelligence épidémiologique. EAR est une initiative qui rassemble, les utilisateurs (à savoir des instituts de santé publique en charge de l’intelligence épidémiologique), des institutions et centres de recherches à l’origine du développement des systèmes de biosurveillance et les ministères de la santé des pays concernés.
L’objectif de la première phase de EAR (2009-2010) était d’évaluer la faisabilité et la pertinence du développement d’une plateforme web unique qui, d’une part, permettrait d’optimiser la détection d’éventuelles menaces sanitaires à partir des informations produites par les systèmes de biosurveillance, et d’autre part, de mutualiser le processus d’évaluation des risques entre les différents pays participants. Le projet était constitué de 7 groupes de travail, dont un portant sur l’évaluation des systèmes de biosurveillance a été confié à l’InVS (Tableau 4). EAR est autofinancé par les pays et les institutions participantes.
INDICATEURS DE LA SURVEILLANCE DES MALADIES TRANSMISSIBLES
Dans son guide sur l’évaluation et le monitoring des systèmes de surveillance des maladies transmissibles et de réponse52, l’OMS classe les indicateurs utilisés pour l’évaluation des systèmes de surveillance en cinq catégories :
· Les indicateurs d’intrant (« inputs ») sont utilisés pour évaluer les ressources nécessaires pour mettre en oeuvre le système (ressources humaines, financières, matérielles, logistiques, etc.).
· Les indicateurs de processus (« process ») sont utilisés pour estimer et suivre la mise en oeuvre des activités essentielles à la surveillance (formation, supervision, procédures, outils, etc.).
· Les indicateurs de produit (output) sont les mesures des résultats immédiats des activités (rapports issus des données de surveillance, la rétro-information aux fournisseurs de données, proportion de personnel de santé formé, proportion des visites de supervision prévues et réalisées, etc.).
· Les indicateurs de résultat (« outcome ») sont des mesures de la qualité du système de surveillance. Ils peuvent inclure des indicateurs permettant d’évaluer l’utilité du système, l’exhaustivité de l’information, l’utilisation des données de surveillance dans le cadre des politiques de santé et la gestion des programmes ou la pertinence de la réponse aux épidémies.
· Les indicateurs d’impact (« impact ») mesurent la manière dont les objectifs globaux de la surveillance sont atteints (évolution de la morbidité et/ou de la mortalité de maladies à potentiel épidémique, changements dans les comportements liés à la santé de la population cible, etc.).
Les indicateurs d’intrant et de processus sont surtout utilisés lors de la mise en oeuvre des systèmes de surveillance, alors que l’importance des indicateurs de résultat et d’impact augmente dès lors que ces systèmes se stabilisent.
IMPACT DES STRATEGIES D’INTELLIGENCE EPIDEMIOLOGIQUE
Aux vues de la diversité des stratégies mise en place par les institutions pour répondre à leurs objectifs spécifiques, il était nécessaire de déterminer dans quelle mesure les objectifs et la stratégie affectent le type d’évènements détectés et rapportés, le type de support et la fréquence de publication.
L’évaluation et la comparaison de différents dispositifs d’intelligence épidémiologique sont des domaines de recherche à part entière qui dépassent largement le cadre de cette thèse. Néanmoins, afin d’estimer l’impact, les productions résultant des activités d’intelligence épidémiologique menées en 2012 par quatre institutions internationale (OMS), régionales (ECDC et EpiSouth*) et nationale (InVS) ont été comparées. Pour estimer dans quelle mesure les objectifs et la stratégie de ces institutions affectent le type d’évènements détectés et rapportés, le type de support et la fréquence de publication, les données concernant leurs productions ont été comparées. Pour permettre une comparaison des résultats, seuls les supports publics de communication (accessible en ligne) et dédiés à l’intelligence épidémiologique ont été pris en considération. Les évènements rapportés dans ces différents supports ont été classés en fonction de leur lieu de survenue (pays et/ou province), de la pathologie et du type d’information : nouvel évènement (nouvel évènement ou nouvel élément épidémiologique pour un évènement déjà communiqué), bilans systématiques (mis à jour systématiquement qu’il y ait ou non de nouveaux éléments épidémiologiques) par pathologie ou type d’évènement (ex : grands rassemblements). * Note sur EpiSouth. EpiSouth était un réseau cofinancé par la Commission Européenne et le ministère italien de la santé. Son objectif était de consolider la sécurité sanitaire autour du bassin méditerranéen par la création d’une plateforme de travail dans le domaine de l’épidémiologie afin de renforcer la surveillance des maladies transmissibles, la communication et la formation. 27 pays
méditerranéens (Europe du Sud, Balkans, Maghreb et Moyen-Orient) y participaient. Un programme de travail, intitulé « intelligence épidémiologique et alertes transfrontalières », avait été confié à l’InVS et était piloté par le département international (DI)54. Il avait pour objectif i) la détection et la caractérisation des alertes internationales pouvant avoir un impact de santé publique pour les pays EpiSouth ii) l’échange d’alertes nationales à potentiel transfrontalier. L’intelligence épidémiologique EpiSouth répondait à la même méthodologie que la veille internationale réalisée par le DI de l’InVS.
Cependant, les critères de sélection des évènements étaient différents et les activités étaient réalisées par du personnel dédié au projet EpiSouth. Les deux équipes VI France et EpiSouth travaillaient en étroite collaboration et synergie et sous une même coordination. Les informations de l’intelligence épidémiologique étaient diffusées (jusqu’à Avril 2013) en anglais sur un bulletin hebdomadaire d’alerte (eWEB: EpiSouth Weekly Epidemiological Bulletin) disponible sur les sites EpiSouth.55,56 Faute de financements adéquats EpiSouth a cessé d’être opérationnel en janvier 2014.
STRATEGIES D’INTELLIGENCE EPIDEMIOLOGIQUE ET IMPACTS
DIVERSITE DES STRATEGIES
Les données recueillies permettent de décrire la diversité des modalités de l’intelligence épidémiologique mise en oeuvre par les institutions participant au projet EAR. Ces différences, concernent à la fois le type d’évènements recherchés par les utilisateurs (Tableau 8), le processus de sélection et de validation des signaux bruts, les modes de communication (Tableau 9) et le mode d’utilisation des systèmes de biosurveillance (Tableau 10). Les résultats illustrent l’importance et l’hétérogénéité des critères de sélection. Les domaines couverts sont extrêmement vastes : pathologies humaines, animales mais également végétales (pour une institution). Si les risques infectieux sont prédominants, les risques chimiques radionucléaires et environnementaux sont couverts par la plupart des institutions participantes. En revanche, l’approche NRCB (bioterrorisme), n’était pas privilégiée par les participants. Les critères de sélection sont extrêmement variables, et n’étaient formalisés que pour 6 des 10 répondants.
Certains critères de gravité (comme la sévérité des signes cliniques, la létalité, le mode de transmission) étaient quasiment systématiquement considérés. L’utilisation d’autres critères était très hétérogène. Par exemple, la moitié des utilisateurs incluaient dans leurs critères les produits toxiques, les risques environnementaux, les pays de forte immigration ou émigration, 70% incluaient la grippe pandémique et plus de 80 % les risques globaux (SRAS, grippe aviaire) et les pathologies à risque d’importation. L’alerte (des autorités sanitaires compétentes) est l’objectif prioritaire de toutes les institutions participantes et la moitié des répondants étaient impliqués directement ou indirectement dans la mise en oeuvre des mesures de contrôle (Tableau 8)
Globalement, les utilisateurs utilisaient entre 4 et 7 systèmes en routine. ProMED était le système le plus utilisé (9/10 répondants), Argus et PULS les moins utilisés (5/10), cette faible utilisation peut être expliquée par l’accès très restreint d’Argus et le caractère encore expérimental de PULS. Les modalités d’utilisation des systèmes étaient très variables. Les e-mails générés automatiquement par les systèmes et les recherches manuelles définies par les utilisateurs étaient les plus utilisées (Tableau 9).
Types d’évènements rapportés
L’OMS ne rapporte que des informations officielles concernant de nouvelles crises sanitaires, ou de
nouveaux éléments les concernant. Les informations sont publiées au fur et à mesure de leur disponibilité (pas de périodicité définie) 67 mais seulement avec l’accord des pays concernés. En raison de cette contrainte, seule une petite partie des évènements ayant fait l’objet d’une évaluation de risque sont communiqués publiquement. De nombreuses autres données sanitaires, y compris concernant des épidémies, font l’objet d’une communication par l’OMS. Elles sont publiées sous d’autres supports dédiés à la surveillance épidémiologique (et pas spécifiquement à l’alerte précoce).
On peut citer le Relevé Epidémiologique Hebdomadaire (REB-WER) (www.who.int/wer/fr/) ou le site dédié à la surveillance des épidémies de méningite dans 19 pays d’Afrique subsaharienne68 qui réalise un bulletin hebdomadaire de retro-information durant toute la période épidémique. Ces supports de communication n’ont pas été intégrés dans l’étude.
Les modalités de communication des résultats de l’intelligence épidémiologique mise en oeuvre par
EpiSouth et l’InVS sont très proches : elles combinent un bulletin hebdomadaire ne contenant que des nouveaux évènements (ou les changements épidémiologiques majeurs) et des notes d’information complémentaires pour le suivi des crises complexes (pas de périodicité définie). Seuls les évènements vérifiés sont intégrés dans ces supports. Pour l’InVS, les évènements rapportés sont systématiquement vérifiés, leur inclusion dans le bulletin ne fait jamais l’objet d’une demande d’autorisation préalable auprès des autorités des pays concernés. Pour EpiSouth, tous les évènements sont systématiquement vérifiés, mais les informations concernant l’un des 27 pays méditerranéens participants au réseau font l’objet d’une demande d’autorisation auprès des pays participants.
Le bulletin de l’ECDC69, est le support le plus complexe. Il intègre à la fois des éléments d’intelligence épidémiologique et de surveillance épidémiologique. D’un point de vue intelligence épidémiologique, c’est le seul qui intègre à la fois des évènements vérifiés et des signaux bruts non-vérifiés (médias).
C’est également le seul qui comporte des bilans systématiques pour certaines crises sanitaires (qu’il y ait eu ou non des éléments nouveaux au cours de la semaine), un bilan systématique pour certaines pathologies (dengue, chikungunya, rougeole, rubéole, polio, grippe aviaire A/H5N1, grippe ) et des bilans systématiques pour certains grands rassemblements (ex : les Jeux Olympiques Londres 2012).
Sur l’année 2012, le nombre d’évènement définis par un même lieu et une même pathologie, rapportés par l’OMS, EpiSouth et l’InVS sont comparables : en moyenne 128 par an (Tableau 12). En revanche, le nombre d’évènements rapportés dans le bulletin de l’ECDC était 5 fois plus élevé (651), et ce chiffre n’inclut pas les évènements rapportés dans les suivis hebdomadaires: dengue, chikungunya, grippe saisonnière, rubéole et ni ceux inclus dans les sections spécialement consacrées aux Jeux Olympiques de Londres ni à la coupe d’Europe de football 2012. De plus, parmi les évènements rapportés plus d’un tiers (229) portaient sur des mises à jour d’événements précédemment rapportés (sans notion de changement épidémiologique majeur).
EVALUATION DES SYSTEMES DE BIOSURVEILLANCE (ARTICLE 1)
Les sources informelles accessibles par Internet ne sont pas conçues à des fins d’intelligence épidémiologique. L’intelligence épidémiologique et notamment l’indispensable vérification de l’authenticité des évènements détectés sont des processus très lourds, et qui requièrent beaucoup de temps et de ressources. L’évaluation de la pertinence des signaux détectés par les systèmes de
biosurveillance est essentielle pour pouvoir optimiser les activités. Comme indiqué précédemment,
cette évaluation de l’intelligence épidémiologique et des systèmes de biosurveillance fait face à des
défis majeurs en particulier l’absence de gold-standard et d’indicateurs standardisés.
Le projet EAR a fourni le cadre formel souhaité en permettant la mobilisation et la participation des
différents partenaires. Entreprendre d’emblée une évaluation exhaustive aurait nécessité des moyens non-disponibles dans le cadre du projet EAR. L’étude a été construite autour de deux composantes : une analyse qualitative et une évaluation quantitative. L’objectif n’était pas de réaliser une évaluation exhaustive des systèmes de biosurveillance et des dispositifs l’intelligence épidémiologique, mais plutôt de fournir des éléments rationnels pour évaluer la faisabilité d’une telle étude et de documenter les éventuelles complémentarités ou la redondance des systèmes. Cet article vise à présenter la méthodologie et les résultats utilisés pour évaluer la complémentarité des systèmes de biosurveillance et à fournir une base pour les recherches ultérieures qui doivent être menées pour évaluer et améliorer la structure des dispositifs d’intelligence épidémiologique. Les participants à l’étude qualitative ont noté la réactivité (« timeliness ») et la sensibilité avec des scores élevés, illustrant la valeur des systèmes dans l’intelligence épidémiologique. Les faiblesses identifiées portaient sur le manque de représentativité, d’exhaustivité et de flexibilité.
Ces résultats ont été corroborés par l’analyse quantitative effectuée sur des signaux potentiellement liés à des épisodes de grippe A/H5N1 survenus en mars 2010. Pour les six systèmes pour lesquels cette information est disponible, le taux de détection variait de 31% à 38%, et augmentait à 72% lorsque l’on considérait le système virtuel combiné (intégrant les meilleures performances des systèmes individuels). Les valeurs prédictives positives variaient de 3% à 24% et les F1-scores de 6% à 27%. La sensibilité des systèmes variait de 38% à 72%. Une différence moyenne de 23% a été observée entre les sensibilités calculées pour les cas humains et les épizooties, soulignant les difficultés à développer un algorithme efficace pour une seule pathologie. Cependant, l’augmentation de la sensibilité système virtuel combiné à 93%, illustre clairement les complémentarités entre les systèmes. Le délai moyen entre la détection des épisodes A/H5N1 par les systèmes et leur notification officielle par l’OMS et l’OIE était de 10,2 jours (IC 95%: 6,7 – 13,8) confirmant la valeur ajoutée de l’utilisation des sources informelles pour la détection précoce des alertes sanitaires et les performances des systèmes de biosurveillance dans ce domaine.
Cette étude a souligné la valeur ajoutée, et les synergies entre les systèmes, entre utilisateurs et entre systèmes et utilisateurs. La complexité et la diversité des approches de l’intelligence épidémiologique et l’expertise développée par les systèmes sont beaucoup plus larges que ce qui pourrait être décrit dans cet article. En dépit des résultats obtenus, les systèmes et les institutions font face à des défis majeurs, tels que l’augmentation exponentielle du volume d’information postée sur Internet, le changement de type de communication et de diffusion de l’information (réseaux sociaux et communications instantanées) et la gestion de grands volumes de données. Les niveaux d’information redondante et le bruit de fond sont très élevés et la collaboration internationale est encore limitée.
Aucun « supra-système » n’existe pour permettre la mise en commun de l’expertise des systèmes de biosurveillance et des initiatives doivent être développées dans ce sens. D’autres recherches doivent être réalisées, sur des périodes d’étude plus longues, avec différents types d’évènements et un goldstandard plus robuste. De même, des utilisateurs supplémentaires et l’expérience d’autres systèmes devraient être pris en considération. Cette étude constitue une première étape qui, ouvre la voie à l’exploration de cette composante difficile, mais essentielle pour la sécurité sanitaire.
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Table des matières
ACRONYMES
I. INTRODUCTION
I.1 Contexte
I.2 Limite de la surveillance épidémiologique conventionnelle
I.3 Sources alternatives d’information
I.4 Intelligence Epidémiologique
I.4.1 Terminologie
I.4.2 Principes
I.4.3 Concepts et définitions
I.4.4 Processus de l’intelligence épidémiologique
I.4.5 Sources d’information de la surveillance électronique
I.4.6 Les étapes du processus de l’intelligence épidémiologique
I.5 Hypothèse
I.6 Objectifs
I.6.1 Objectif Principal
I.6.2 Objectifs spécifiques
II. MATERIEL ET METHODE
II.1 Organisation
II.2 Fonctionnement des systèmes de biosurveillance (Article A)
II.2.1 Définition
II.2.2 Principes
II.2.3 Le recueil des informations
II.2.4 Traitement des informations
II.2.5 Ontologie
II.2.6 Extraction des évènements
II.2.7 Le Dé-doublonnage
II.2.8 Analyse
II.2.9 Dissémination de l’information
II.3 Choix des systèmes de biosurveillance
II.3.1 Le Projet EAR
II.3.2 Caractéristiques des systèmes de biosurveillance
II.4 Les indicateurs
II.4.1 Revue de la Littérature
Indicateurs de la surveillance des maladies transmissibles
II.4.3 Indicateurs de résultats
II.5 Stratégies d’intelligence épidémiologique
II.5.1 Diversité des stratégies
II.5.2 Impact des stratégies d’intelligence épidémiologique
II.6 Evaluation systèmes de biosurveillance (article 1)
II.7 facteurs détection évènements infectieux (article 2)
II.8 réactivité détection et sensibilité systèmes (non-publiées)
III. RESULTATS
III.1 Stratégies d’intelligence épidémiologique et impacts
III.1.1 Diversité des stratégies
III.1.2 Impact de la stratégies et des objectifs
III.2 Evaluation des systèmes de biosurveillance (article 1)
III.3 Facteurs de détection des évènements infectieux (Article 2)
III.4 réactivité détection et sensibilité systèmes (non-publiées)
IV. DISCUSSION
IV.1 Résultats
IV.1.1 Synthèse des résultats
IV.1.2 Sensibilités
IV.1.3 Valeurs prédictives positives
IV.1.4 Facteurs influençant la détection :
IV.1.5 Réactivité de détection
IV.1.6 Complémentarité des systèmes
IV.1.7 Rôle de l’intelligence épidémiologique
IV.1.8 Délais survenue de l’évènement et de la détection
IV.2 Avantages de la méthode : une démarche progressive
IV.3 Application pratique: Le projet EAR
IV.4 Limites de l’étude
IV.4.1 Gold-Standard
IV.4.2 Risques sanitaires et champ géographique
IV.5 Limites de l’utilisation des sources informelles
IV.5.1 Réseau sociaux et surveillance participative
IV.5.2 Accès à l’information brute
V. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
ANNEXE 1 – ARTICLE A
ANNEXE 2 – ARTICLE B
ANNEXE 3 – PRINCIPAUX SYSTEMES DE BIOSURVEILLANCE
ANNEXE 4 – LA VEILLE INTERNATIONALE A L’INVS
BIBLIOGRAPHIE
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