Stratégies des parents migrants liés à la scolarisation de l’enfant

La relation école-famille

Migration en Suisse

Notre société baigne dans la pluriculturalité. En effet, la cohabitation des quatre langues nationales ainsi que la présence de multiples cultures issues de populations d’origines diverses, ont amené la Constitution Suisse à adopter le principe de la diversité culturelle (OFC, 2012). Selon l’Office fédéral de la statistique (2016), la Suisse est un des pays européens qui accueille les plus fortes proportions d’étrangers : en 2015, 2,049 millions d’étrangers vivaient en Suisse, soit le 25% de la population résidente permanente. En Valais, en 2016, les statistiques démontrent que sur une population résidente de 337’590 habitants, plus de 78’000 sont étrangers (OFS, 2016). C’est à partir des années 80 que le flux migratoire a fortement augmenté. En effet, les migrations de travailleurs saisonniers ont laissé place aux migrations familiales (Haug, 2003). En 2015, les Portugais représentaient la principale communauté étrangère suivi des Allemands, puis des Italiens, des Kosovars, des Français ainsi que des Macédoniens (OFS, 2016). En ce qui concerne l’école en Suisse, sur 910’285 élèves de primaire et secondaire, ceux issus de la communauté étrangère représentaient le 25.6% (OFS, 2015). Ainsi, la Suisse se révèle être, depuis plusieurs années, une terre d’accueil pour les migrants. Par conséquent, ce phénomène de migration a modulé le système éducatif suisse et a engendré des besoins d’adaptation. En effet, les écoles et le système éducatif ont principalement été touchés par ce phénomène et ont dû gérer au mieux l’arrivée massive des élèves allophones tout en s’adaptant et prenant en compte la diversité culturelle et linguistique.

Etat des statistiques au sujet de la communauté albanaise en Suisse

Les Albanais, désignés comme tels en référence à la langue albanaise, proviennent de divers pays. Ils sont originaires non seulement d’Albanie mais également de pays de l’ex-Yougoslavie, soit le Kosovo, la Macédoine ainsi que la Serbie et le Monténégro (ODM, 2013). Il s’agit d’une communauté complexe se caractérisant par plusieurs provenances sociales et différentes appartenances religieuses : catholiques, musulmans, orthodoxes, etc. (Burri Sharani et al., 2010). En Suisse, les Albanais représentent une communauté de migrants parmi les plus importantes. Les personnes issues de cette communauté vivant en Suisse viennent principalement du Kosovo, de la Macédoine et de la Serbie et Monténégro. Ainsi, dans notre travail, pour des raisons de simplification, nous parlerons des Albanais, ou de la communauté albanaise, bien qu’elle ne soit pas une communauté monolithique. Il est essentiel de relever qu’il est ardu d’énoncer des données statistiques exactes quant à cette communauté car en plus du fait qu’il s’agisse d’une communauté dispersée dans plusieurs pays, un nombre considérable de migrants albanophones ont été recensés en tant que Yougoslaves jusqu’en 1998, puis en fonction de leur pays de résidence. De ce fait, cela ne nous donne aucune indication quant à leur appartenance à la communauté albanaise (ODM, 2013). De plus, Les Kosovars, eux, étaient recensés en tant que Serbes jusqu’en 2008, année d’indépendance du Kosovo (Burri Sharani et al., 2010). Ainsi, afin de nous rapprocher au mieux statistiquement de cette communauté, nous avons contacté l’Office Fédéral des Statistiques qui nous a transmis une étude réalisée en 2014 sur la communauté albanophone en Suisse. Comme nous l’indique le tableau ci-dessous, la population albanophone s’élevait à un total de 190’348 en 2014.

Les élèves migrants albanais et le système éducatif suisse

Même s’ils ont un meilleur accès à la formation que leurs parents, les enfants et adolescents issus de l’immigration kosovare ont des difficultés à s’adapter au système éducatif suisse, qu’ils soient nés sur le territoire helvétique ou non. Les causes de cette difficulté à trouver leurs repères dans le système scolaire sont diverses : le faible niveau de formation des parents, le contexte éducatif familial et leur vécu migratoire. Il est important de relever que pour beaucoup d’enfants nés au Kosovo, il était très difficile parfois même impossible d’être scolarisé en raison des mesures nationalistes mises en place par les Serbes, d’où un faible niveau de formation. Ainsi, arrivés en Suisse, leur intégration se présentait d’autant plus difficile. En effet, non seulement ils devaient s’accoutumer à un nouveau cadre de vie, un nouvel environnement scolaire, social et familial, mais ils devaient surtout rattraper le retard scolaire.

De plus, même si beaucoup de parents espéraient que leurs enfants réussissent en Suisse, leur faible niveau de formation, la maîtrise d’une langue nationale suisse restreinte, leur manque de disponibilité dû au travail, rendaient difficile l’accompagnement scolaire apporté à leurs enfants. Ainsi, mal outillés, et surtout par manque de connaissance du système éducatif suisse, ils n’avaient souvent pas conscience de l’importance de l’encadrement et du soutien parental dans les performances scolaires des enfants. Aujourd’hui, même si la jeune génération kosovare s’oriente davantage vers des filières supérieures, cela ne reste qu’une minorité (Burri Sharani et al., 2010). Selon Burri Sharani et al. (2010), au niveau primaire, les élèves d’origine étrangère sont plus souvent orientés vers des classes spéciales que les élèves suisses. Ceci est notamment perceptible chez les élèves ressortissants du Kosovo, de Serbie et du Monténégro dont 15% des garçons et 11% des filles sont placés dans un cursus spécial, soit trois fois plus que les élèves autochtones (figure 7).

Un sentiment de double appartenance Les secondos (immigrés issus de la deuxième génération) doivent faire face à la difficulté de concilier deux cultures si différentes : leur culture d’origine et celle rencontrée dans le pays d’accueil, ce qui est parfois la source de conflits avec les parents. En effet, la jeunesse issue de la migration albanaise est confrontée à de réels défis dans la vie quotidienne car elle doit trouver un juste milieu entre les valeurs et les coutumes de son pays d’origine et celles véhiculées en Suisse (Sharani et al., 2010) Ainsi, les parents albanophones, pour qui la transmission des valeurs est une chose primordiale chargent leurs enfants d’une double mission. D’une part, ils attendent d’eux qu’ils s’intègrent au mieux dans la société helvétique et qu’ils saisissent leurs chances d’ascension sociale. D’autre part, ils veulent garantir la transmission des valeurs et les coutumes de la culture d’origine. De ce fait, beaucoup de parents albanophones, perçoivent la société suisse comme menaçante pouvant être responsable de cette perte des valeurs et traditions albanaise (Hartmann Kunkel 2006, cité par Burri Sharani et al., 2010).

Les jeunes Albanais se doivent donc d’établir un équilibre entre les valeurs des deux cultures caractérisées comme différentes, sans quoi ils se retrouvent inévitablement devant un dilemme : s’ils s’identifient trop aux coutumes traditionnelles transmises par les parents, ils s’exposent à des tensions avec la société helvétique, alors que trop s’assimiler au type de vie suisse, aux valeurs et à la culture suisse peut se présenter comme une source de conflit avec leurs parents. Ainsi ces derniers veulent à tout prix lutter contre le processus d’assimilation qui est décrit par Bolzman (1996) de la manière suivante : « […] l’assimilation est un processus à travers lequel les membres d’un groupe social acquièrent progressivement les différents éléments de la culture du groupe social dominant c’est-à-dire les normes, les valeurs, les manières de penser, de sentir et d’agir. Ces différents sont finalement adoptés et les personnes s’identifient complètement au groupe social dominant au point que disparaissent les différences significatives entre membres des deux communautés. » (Bolzman, 1996, p.88). Cette dualité culturelle peut non seulement provoquer des disputes avec les parents mais également des conflits de loyauté pour les migrants d’origine albanaise qui doivent veiller à ne pas trop s’identifier dans l’une ou l’autre communauté au risque de se sentir exclus dans l’une de celles-ci. Ce type de situation peut affecter la réussite scolaire de l’enfant (Burri Sharani et al. 2010). Enfin, Moro (2002) cité par Perregaux et al. (2006) évoque une vulnérabilité de l’enfant migrant, principalement l’aîné, qui doit se structurer culturellement entre deux mondes.

Etat des recherches concernant la relation école-famille migrante Concernant la littérature explorée sur la thématique de la relation école-famille migrante, nous avons pu constater que plusieurs chercheurs se sont penchés sur ce phénomène. Bien que beaucoup se focalisent principalement sur la relation « parents-école » de manière globale, nous avons tout de même trouvé quelques ouvrages relatant de la relation des familles migrantes avec l’école. En effet, Changkakoti & Akkari (2008) relèvent que, pour une famille, l’accompagnement scolaire de l’enfant dépend de différents agents tels que l’origine socioculturelle (y compris ethnique) de la trajectoire scolaire des parents, de l’ancrage géographique de l’école et du domicile, de la culture scolaire familiale […] (Changkakoti & Akkari, 2008, p.427). Vellacott et Wollter (2005), se sont eux, penchés sur les causes des inégalités dans le système éducatif suisse, relatant la problématique de la situation familiale et de la réussite scolaire. Ces derniers soutiennent que le cadre familial est un facteur déterminant de la réussite scolaire. Les enfants étrangers vivent souvent dans des ménages où les conditions d’études sont moins favorables que celles des enfants suisses. Dans ces familles, le soutien scolaire est, la plupart du temps très faible. Ogay et Conus (2014) ont, pour leur part, étudié la relation école-famille migrante en pre-nant en compte la dimension des ethnothéories de l’éducation. Ces auteurs constatent qu’un écart de cet ordre est clairement perceptible entre les enseignants et les parents migrants.

Cet écart peut avoir des répercussions sur la réussite scolaire des enfants mais aussi sur la relation école-famille. Ces auteurs (2014) stipulent également que les diver-gences d’ethnothéories de l’éducation relèvent d’une culture scolaire souvent vue d’une manière différente par les répondants de son étude. Or, Ogay (2015) révèle que « plus les cadres de référence culturelle divergent, plus la communication devient imprévisible. » (p.8). Ogay (2015) estime également que l’approche interculturelle favorise une meilleure colla-boration entre les acteurs scolaires et les parents migrants. En effet, tout comme Abdallah-Pretceille (1997), elle stipule que les compétences interculturelles telles que la décentration par exemple, permettent d’éviter le piège de l’ethnocentrisme. Dans ce même ordre d’idées, Conus et Fahrni (2015) affirment que, dans la relation école-famille, les situations de malentendus et de divergences sont fréquentes. Ceux-ci, apparaitraient particulièrement dans les familles ayant un cadre de référence ainsi qu’une culture familiale éloignée du système scolaire.

Par ailleurs, une recherche de Hauser Cram, Sirin et Stipek (2003) , cités par Conus et Ogay (2014) relève que les enseignants qui constataient des divergences entre les valeurs éducatives des parents d’enfant et les leurs voyaient leurs élèves comme moins performants. Gremion & Hutter, (2008, chap.7), elles, ont remarqué que les parents migrants s’investissent de leur mieux afin de s’adapter dans le pays d’accueil, de garantir une meilleure intégration de leurs enfants, malgré le fait qu’ils aient souvent du mal à changer leurs représentations de l’école. Ils stipulent qu’ils font de leur mieux pour aider leur enfant et usent de stratégies intéressantes pour y parvenir. Dans ce même ordre d’idées, Perregaux et al. (2006) ont constaté que les familles migrantes font preuve d’une grande créativité afin d’accompagner leurs enfants dans le suivi scolaire et leur formation. Ces auteurs relèvent un dynamisme et un engagement des parents migrants qui les entraînent à trouver des solutions afin de répondre aux injonctions scolaires (p.10).

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Table des matières

1. Introduction
2. Problématique
2.1 Contexte de la recherche
2.1.1 Migration en Suisse
2.1.2 Etat des statistiques au sujet de la communauté albanaise en Suisse
2.1.3 Les causes de la migration albanaise en Suisse
2.1.4 L’intégration des Albanais en Suisse
2.1.5 Profil professionnel et socio-économique des familles albanaises
2.1.6 Les élèves migrants albanais et le système éducatif suisse
2.1.7 Importance de la culture et des traditions sur l’éducation
2.2 Etat des recherches concernant la relation école-famille
2.3 Etat des recherches concernant la relation école-famille migrante
2.4 Objectif de la recherche et orientation disciplinaire
3.Cadre conceptuel
3.1 La relation école-famille
3.1.1 Le niveau socio-économique
3.1.2 La participation parentale
3.1.3 Les diverses formes de collaboration
3.1.4 Le partenariat (ou coéducation)
3.2 La relation école-famille migrante
3.2.1 Les pratiques culturelles des parents
3.2.2 Les ethnothéories de l’éducation
3.2.3 L’acculturation
3.2.4 La communication interculturelle
3.2.5 Stratégies des parents migrants liés à la scolarisation de l’enfant
4.Question de recherche
5. Méthode de recherche
5.1 Méthode de recueil des données
5.2 Critères de sélection
5.3 Guide d’entretien
5.4 Echantillon
5.5 Recueil et traitement des données
6.Analyse et interprétation des données
6.1 Profil des familles
6.2 Caractéristiques de la migration
6.3 Pratiques éducatives
6.4 Sentiment de double appartenance
6.5 Participation aux tâches scolaires
6.6 Différences valeurs Suisse / pays d’origine
6.7 Différences école pays d’origine / Suisse
6.8 Relation avec l’école
6.9 Communication interculturelle
6.10 Mode de collaboration
7.Synthèse des résultats
8. Conclusion
8.1 Apports de la recherche
8.2 Prolongement
9. Distance critique
10.Bibliographie
11. Attestation d’authenticité
12. Liste des annexes

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