Depuis 2001, la demande de matiรจres premiรจres pour la fabrication de phytomรฉdicaments a connu une forte augmentation sur le marchรฉ international. Dโaprรจs lโOMS, le chiffre dโaffaire du secteur sโest รฉlevรฉ ร 60 milliards USD en 2006. Cette forte progression a entraรฎnรฉ un commerce soutenu principalement par des produits ร base de plantes qui sont souvent rรฉcoltรฉes dans les pays moins avancรฉs de maniรจre informelle et parfois de faรงon abusive. Madagascar exporte quelques plantes destinรฉes ร la fabrication de mรฉdicaments dont les principales sont : Cantharantus roseus (Vonenina), Centella asiatica (Talapetraka), Prunus africana (Kotofihy), Drosera madagascariensis (Mahatanando), Aphloรฏa theaeformis (Ravimboafotsy), et Syzygium cumini (Rotra). Le Talapetraka est la deuxiรจme plante mรฉdicinale exportรฉe de Madagascar sous forme brute aprรจs Catharantus roseus mais, elle reste la pionniรจre car sa premiรจre exportation remonte en 1974. Le prix ร lโexportation est de lโordre de 4000 euros/tonne dans le cas de feuilles sรฉchรฉes. A titre dโexemple, Madagascar a exportรฉ officiellement 100 tonnes de feuilles sรจches en 2006 (DVRN). Au dรฉbut, la collecte concernait toutes les rรฉgions de lโรฎle mais le dosage systรฉmatique des diffรฉrentes accessions en triterpรจnes actifs privilรฉgiait la rรฉgion Alaotra – Mangoro. Dans cette rรฉgion, la feuille de Talapetraka est intensivement rรฉcoltรฉe dans son milieu naturel, depuis une quarantaine dโannรฉes. Cependant, la rรฉcolte intensive pourrait avoir des effets sur lโรฉcologie, la structure, la diversitรฉ ainsi que la reproduction de la population (Van der Voort et al., 2003; CruseSanders et al., 2005). Le Talapetraka est une plante qui se multiplie ร la fois par voie vรฉgรฉtative et sexuรฉe. En gรฉnรฉral, lโintรฉgration clonale permettrait une colonisation plus rapide de lโespace alors que la reproduction sexuรฉe permettrait ร la population dโรฉtablir une base gรฉnรฉtique plus large.
Distribution gรฉographique de Centella asiatica
Centella asiatica est originaire du continent asiatique. Cependant, elle prรฉsente une large distribution car elle est rencontrรฉe dans tous les autres continents. Elle dรฉmontre ainsi une grande facultรฉ dโenvahissement car elle est prรฉsente sous des climats trรจs contrastรฉs et ร diffรฉrentes altitudes. Lโespรจce peut survivre sous un climat froid mais ne tolรจre pas le gel. Le sol favorable ร son dรฉveloppement est du type sableux, mais elle pousse aussi sur un sol lourd argileux (Fernando et al., 2005). A Madagascar, Centella asiatica est rencontrรฉe dans toutes les rรฉgions sauf dans la partie Sud-Ouest de lโรฎle. Elle est particuliรจrement abondante sur les hauts plateaux surtout dans la rรฉgion Alaotra โ Mangoro. Il existe deux variรฉtรฉs de Centella asiatica dans lโรฎle: var. abyssinica et var. typica. La variรฉtรฉ abyssinica se rencontre surtout dans la partie Ouest notamment ร Antsohihy, Bongolava, Maevatanร na, Maintirano et Morondava tandis que la variรฉtรฉ typica est frรฉquente dans la partie Est, plus particuliรจrement ร Ampasimadinika, FortDauphin, Sambava, Soanierร na – Ivongo et Vangaindrano (Rakotondralambo, 2006).
Adaptation morphologiqueย
La plasticitรฉ est dรฉfinie comme la capacitรฉ de lโorganisme ร ajuster sa morphologie et/ou sa physiologie aux variations des conditions environnementales (Sultan, 1995). Plusieurs auteurs suggรฉraient que la plasticitรฉ morphologique des plantes est un facteur dโadaptation importante lors du changement spatio-temporel de lโenvironnement (Bradshaw, 1965 ; Schlichting, 1986 ; Sultan, 1987). Sur le plan physiologique, la plasticitรฉ phรฉnotypique est la capacitรฉ dโun seul gรฉnotype ร sโexprimer en diffรฉrents phรฉnotypes dans des environnements variรฉs. Ceci pourrait รชtre considรฉrรฉ comme un mรฉcanisme dโadaptation de lโindividu ร lโhรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ environnementale (Scheiner, 1993; Sultan, 1995). Cette plasticitรฉ morphologique est gรฉnรฉralement plus รฉtendue chez les espรจces clonales que chez les espรจces sexuรฉes (Silander, 1985). Chez une plante clonale qui pousse dans un vaste habitat, la plasticitรฉ architecturale peut รชtre qualifiรฉe comme un trait dโadaptation (Slade et Hutchings, 1987 ; de Kroon et Knops, 1990; Dong, 1996; Hutchings et de Kroon, 1994; Schmid, 1992). Sultan (1993) stipulait que lโadaptation morphologique est exprimรฉe comme un trait de forme qui pourrait รฉvoluer sous la sรฉlection naturelle pour atteindre une performance optimale dans des conditions environnementales particuliรจres. Cette adaptation se manifeste au niveau des diffรฉrentes parties de la plante comme la variation de la taille des organes (feuille, racine, stolon) qui ont des importances majeures dans la recherche et lโacquisition des ressources disponibles comme la lumiรจre et les รฉlรฉments nutritifs dans le sol (Bazzaz et al., 1977 ; Crick et al., 1987). A titre dโexemples, les plantes clonales peuvent modifier des รฉlรฉments architecturaux au niveau de leur morphologie (allongement ou raccourcissement des entrenลuds), et persister dans des sites riches en รฉlรฉments nutritifs ou รฉmigrer pour explorer les lieux adjacents dans le cas contraire (Slade et Hutchings, 1987 ; de Kroon et Knops, 1990; Dong, 1996; Hutchings et Wijesinghe, 1997). Dans le cas dโune densitรฉ รฉlevรฉe, la plante pourrait produire de longs entre-nลuds permettant aux nouveaux rameaux dโoccuper un espace plus รฉloignรฉ de la plante mรจre. Par contre, dans une faible densitรฉ, la plante produirait de courts entre-nลuds rรฉsultant en la consolidation des rameaux autour de la plante mรจre (Makihiko, 2001). Plus souvent, de longues feuilles et des stolons allongรฉs sont des caractรฉristiques dโadaptation sous une densitรฉ รฉlevรฉe lorsque la compรฉtition pour la lumiรจre est intense (Coelho et al., 2005). Par consรฉquent, la plasticitรฉ des architectures clonales peut รชtre bรฉnรฉfique car la plante pourrait sโadapter suivant le contexte environnemental.
C. asiatica est une plante qui peut sโadapter ร des conditions environnementales contrastรฉes. Dans de lโeau peu profonde, C. asiatica produit de longues feuilles qui flottent ร la surface de lโeau pour assurer la photosynthรจse et la respiration; et la racine reste sous lโeau. Par contre dans des conditions plus sรจches, la plante produit de nombreuses petites racines et des feuilles minces (Fernando et al., 2005). En tant que plante native des tropiques, lโรฉcotype de C. asiatica prรฉfรจre un endroit ensoleillรฉ pour accomplir son dรฉveloppement. Cependant, plusieurs รฉcotypes prรฉsentent une croissance optimale sous un endroit ombragรฉ (Fernando et al., 2005).
Reproduction
Cette large distribution de lโespรจce suggรจre un mode de multiplication rapide et efficace. En effet, C. asiatica se multiplie par voie vรฉgรฉtative et produit รฉgalement des graines concourant pour une meilleure dispersion. Ces deux modes de reproduction contribuent diffรฉremment dans lโaccomplissement du cycle de vie de lโespรจce .
Multiplication vรฉgรฉtative et reproduction sexuรฉeย
Dรฉfinitions
La multiplication vรฉgรฉtative ou reproduction asexuรฉe est la formation dโune nouvelle plante ร partir de lโappareil vรฉgรฉtatif de la plante mรจre sans passer par la fusion des gamรจtes mรขle et femelle. Lโensemble des descendants de la plante mรจre qui, thรฉoriquement, ont le mรชme gรฉnotype est appelรฉ ยซ clones ยป. La reproduction sexuรฉe fait intervenir la sexualitรฉ cโest-ร -dire la fรฉcondation du gamรจte femelle et le gamรจte male. La nouvelle plante se dรฉveloppe ร partir dโun ลuf ou zygote rรฉsultant de la fรฉcondation. La plantule issue de cette reproduction sโappelle ยซ semis ยป et est gรฉnรฉtiquement diffรฉrent de ses parents.
Facteurs affectant la reproduction
Lโรฉnergie allouรฉe aux reproductions sexuรฉe (inflorescence, fructification) et vรฉgรฉtative (nลud) est souvent รฉvaluรฉe par la biomasse des appareils reproducteurs. La variation de lโallocation dโรฉnergie entre ces deux modes de reproduction pourrait avoir une origine gรฉnรฉtique (Hartnett, 1990) ou รชtre influencรฉe par des facteurs comme la taille des plantes (Hartnett, 1990; Schmid et al., 1995), lโรขge des plantes (Lรณpez et al., 2001), lโรขge et la densitรฉ de la population et les conditions environnementales (Van Kleunen et al., 2001). Il a รฉtรฉ montrรฉ que la production de rameaux est nรฉgativement corrรฉlรฉe avec la densitรฉ (Hartnett et Bazzaz, 1985; Lapham et Drennan, 1987 ; Briske et Butler, 1989). Abrahamason (1980) suggรฉrait quโร faible densitรฉ, la propagation vรฉgรฉtative pourrait รชtre favorisรฉe car elle permettrait plus facilement une occupation de lโespace. Nรฉanmoins, la formation de graines et la diffรฉrenciation de stolons seraient รฉtroitement liรฉes, et lโรฉquilibre entre ces deux stratรฉgies de rรฉgรฉnรฉration dรฉpend des nutriments disponibles et de la densitรฉ (Davy et Bishop, 1994). Dโautre auteurs ont affirmรฉ que lโintรฉgration clonale facilite le transport des nutriments, de lโeau, du nitrate, des hormones et des produits de la photosynthรจse ร travers le stolon (Slade et Hutchings, 1987; Shmid, 1994). Lโรฉquilibre entre la production de graines et la multiplication vรฉgรฉtative est affectรฉ par la compรฉtition inter et intraspรฉcifique (Abrahamason, 1980). Certains auteurs ont rapportรฉ que la production de graines est positivement corrรฉlรฉe avec la densitรฉ des plantes (Abrahamson, 1975; Abrahamson, 1980; Giroux et Bedard, 1995), alors que dโautres ont montrรฉ le contraire (Winn et Pitelka, 1981). Sous une densitรฉ รฉlevรฉe, la reproduction sexuรฉe semble รชtre favorisรฉe comme chez Tussilago farfara (Ogden, 1974), Rubus hispidus (Abrahamson, 1975), Fragaria virginiana (Holler et Abrahamson, 1977) et Scirpus pungens (Giroux et Bedard, 1995). Cependant, certains rรฉsultats rapportรฉs dans la littรฉrature indiquent que le rendement en graines diminue quand la densitรฉ de plantes augmente (Douglas, 1981). Law et al. (1979) ont montrรฉ sur le gazon de prairie une relation nรฉgative entre la densitรฉ et le rendement en graines. Cyperus rotundus (purple nutsedge) prรฉsente รฉgalement une baisse de la reproduction par voie sexuรฉe lorsque la densitรฉ est รฉlevรฉe (Williams et al., 1977). Dans une รฉtude de deux formes dโElymus lanceolatus, Humphery et Pyke (1998) confirment que le nombre de fleurs, pour les deux formes, diminuent si la densitรฉ est รฉlevรฉe.
Avantages et limites de chaque mode de reproduction
Une augmentation importante de la multiplication vรฉgรฉtative pourrait diminuer ou mรชme รฉliminer la reproduction sexuรฉe (Abrahamson et Caswell, 1982 ; Mรฉndez et Obeso, 1993). Cependant, la reproduction sexuรฉe introduit un nouvel individu gรฉnรฉtiquement diffรฉrent dans la population alors que la propagation vรฉgรฉtative produit des individus gรฉnรฉtiquement identiques, mais elle contribue ร la survie et ร la succession des parents (Harper, 1977). Or, les populations gรฉnรฉtiquement uniformes sont plus sensibles aux attaques des pathogรจnes. Tandis que la population qui prรฉsente une plus grande variabilitรฉ gรฉnรฉtique dispose dโune rรฉsistance potentielle face aux stress (Alexander, 1991; Schmid, 1994). Toutefois, lโuniformitรฉ gรฉnรฉtique de la population pourrait รชtre souhaitรฉe dans le cas de plantes mรฉdicinales sรฉlectionnรฉes prรฉsentant des teneurs en principes actifs รฉlevรฉes (Singh et Singh, 2002). La reproduction sexuรฉe et la propagation vรฉgรฉtative contribuent diffรฉremment dans lโaccomplissement du cycle de la vie de la plante. Cette diffรฉrence se manifeste au niveau de la phรฉnologie, de la durรฉe de vie et des conditions dโexistence (Winkler et Fischer, 2001).
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
GENERALITES
I. Distribution gรฉographique de Centella asiatica
II. Adaptation morphologique
III. Reproduction
III.1 Multiplication vรฉgรฉtative et reproduction sexuรฉe
III.1.1 Dรฉfinitions
III.1.2 Facteurs affectant la reproduction
III.1.3 Avantages et limites de chaque mode de reproduction
IV. Diversitรฉ gรฉnรฉtique
V. Utilisations traditionnelles et propriรฉtรฉs pharmacologiques
VI. La filiรจre Centella asiatica
MILIEU DโETUDE
I. Choix des sites dโรฉtudes
I.1 Andandemy
I.1.1 Localisation
I.1.2 Milieu physique
I.1.3 Milieu biotique
I.2 Mangoro
I.2.1 Localisation
I.2.2 Milieu physique
I.2.3 Milieu biotique
MATERIELS ET METHODES
I. Matรฉriel vรฉgรฉtal
I.1 Position systรฉmatique
I.2 Description morphologique
I.2.1 Appareil vรฉgรฉtatif
I.2.2 Appareil reproducteur
II. Connaissances ethnoรฉcologiques des paysans sur Talapetraka
III. Etude de la reproduction de Talapetraka
III.1 Surfaces de relevรฉs
III.2 Croissance et dรฉveloppement de Talapetraka
III.3 Reproduction de Talapetraka
III.4 Caractรฉrisation de la communautรฉ vรฉgรฉtale
III.4.1 Mรฉthode de relevรฉs
III.4.2 Richesse floristique
III.4.3 Diversitรฉ spรฉcifique
IV. Analyses statistiques
RESULTATS
I. Connaissances ethnoรฉcologiques des paysans sur Talapetraka
I.1 Biologie de lโespรจce
I.2 Rรฉcolte et Conservation
II. Cycle phรฉnologique de Talapetraka
III. Stratรฉgies de reproduction de Talapetraka
III.1 Energie allouรฉe ร la reproduction
III.2 Rรฉgรฉnรฉration naturelle
III.3 Plasticitรฉ phรฉnotypique des rameaux feuillรฉs
III.3.1 Nombre de feuilles et longueur du pรฉtiole
III.3.2 Surface foliaire
III.3.3 Nombre de rameaux
III.3.4 Longueur de lโentre-nลud
III.3.5 Conclusion partielle
IV. Caractรฉrisation de la communautรฉ vรฉgรฉtale
IV.1 Richesse floristique globale
IV.2 Indice de diversitรฉ
IV.3 Mode de reproduction des espรจces associรฉes
DISCUSSIONS
I. Connaissances ethnoรฉcologiques des paysans sur le Talapetraka
II. Phรฉnologie
III. Energie allouรฉe ร la reproduction
IV. Rรฉgรฉnรฉration naturelle
V. Plasticitรฉ phรฉnotypique
VI. Richesse floristique globale
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE